Henri marcha contre ce fouverain, le joignit, lui
livra bataille, temporta la viâoire, & fit Hecha &
Ton époufe prifonriiers. Les deux captifs embrafsèrent
le chriftianiüne, & Henri leur rendit Lamego ; mais
les Maures irrités de la converfion de leur r o i, fe
révoltèrent, & furent punis par Henri , qui s’empara
de Lamego & rétablit Hecha ; mais celui-ci craignant
une nouvelle révolte, garda auprès de lui quelques
Portugais. Quelques années après , (car on n’a pas
une mite fort exaâe des faits quife font pâlies dans
ces fiècles en Portugal ) Alphonfe V I mourut , &
Aben - Jofeph, roi de Maroc , ayant fait quelques
tentatives inutiles fur Tolède & fur Madrid, fit une
incurfion en Portugal , battit les troupes Portugaifes
qui gardoient'les frontières, s’empara de Santaren & ■
de quelques autres places. Henri ne put alors aller
défendre fes états : il étoit en Galice , occupé à mettre
fin aux divifions qui étoient furvenues au fujet de la
tutelle du prince Alphonfe-Raymond, proclamé roi
par les Galiciens ; & d^ailleurs, il combattoit comme
allié dans la guerre qui s’étoit élevée entre dona Ur raque,
reine de Léon & de Cafrille , & don Alphonfe, roi
d’Aragon & de Navarre : il fervit fi puiffamment &
avec tant de zèle la reine dona Urraque ,-que fbn
époux vouloit dépouiller de tous fes états , que ce
monarque fut contraint d’abandonner le fiège d’Aftorga,
prête à tomber entre fes mains , lorfqu’elle fut fecourue
& délivrée par le comte Henri : il entra dans cette
place au bruit des acclamations du peuple; mais il
ne jouit pas long temps de fon triomphe , il y tomba
malade & y mourut, auffi regretté de fes alliés, qü’il
avoit fi vaillamment fecourus, qu’il le fut de fes fojets,
qui voyoient moins en lui leur maître que leur bienfaiteur:
il mourut en 1 1 1 2,, âgé d’environ cinquante ans , apres
avoir gardé la fouveraineté pendant 1.8 ans. (X. C.) '
Henri, roi de Portugal, (Hiß. de Portug.') Lapiete,
le zèle, la régularité des moeurs, la pureté des intentions^
la charité , les connoiflances theologiques fomfent
à un archevêque ; ma: s les vertus , les talents, les qualités
néceffaires à un prélat ne font rien moins que les talents,
les qualités & les vertus qui forment les bons rois. Le
meilleur & le plus refpeâable des archevêques pour-
roit n’être , & ne feroit très-vraifemblablement qu’un
fouverain fort médiocre, ou même un affez méchant
prince. Il y a fort loin de la pourpre Romaine à la
pourpre royale ; & le gouvernement fpirituel d’un
diocèlè ne reffemble point du tout au gouvernement
civil & fuprême des peuples; c’eft ce que les Portugais
éprouvèrent fous le foible & malheureux regne de
Henri, cinquième fils d’Emmanuel & de Marie de
Caftille. Ce prince, né le 31 janvier 15i z , fut dès
fa plus tendre enfance , deftiné à l’Eglife : il reçut une
.éducation analogue à i’éiat qu’il devoit embraffer ,
devint l’un des meilleurs théologiens de fon temps, fit
quelques progrès même dans les mathématiques, &
fut fucceffivement archevêque de Brague, de Lisbonne,
d’Evora, & créé cardinal , en 1-546.; par le pape
Paul DI. Le roi don Sébaftien , fon petit-neveu ,• ayant
eu la folle & téméraire ambition de paffer en Afrique,
pour y combattre les Maures, & l’imprudence encore
plus téméraire de livrer bataille, contre l’avis de totis
les officiers, à une armée infiniment fupérieure à la
fienne , fut battu complettement ; fes troupes furent
maffacrées, il périt , ou plutôt, car on ignore le
genre de fa mort, il le perdit dans le feu du combat
ou après la v iâ o ire , & laiffa le trône vacant. Sébaftien
n’ayant point de poflérité, fa couronne appartenoit do
droit à fon plus proche parent ; & par malheur, ce
parent le plus proche étoit le cardinal Henri, fon
grand-oncle , qui ne s’étant jamais préparé à régner,
ne s’étoit jufqu’aiors occupé que des devoirs de fon état,
à édifier le peuple par une conduite exemplaire, à nourrir
& faire élever les enfants des pauvres, à procurer
des foulagements aux infirmes, aux malades & aux vieillards
; à fonder & faire conftruire des hôpitaux, à doter
les jeunes filles quife marioient, & à s’intéreffer pour
les gens de lettres qu’il protégeoit & qu’il encourageoit
de toute fa puiffance. Il étoit dans fon abbaye d’Alco-
baça, lorfqu’il reçut la trifte nouvelle de la défaite des
j Portugais en Afrique, & de la mort du ro i, fon petit-
neveu : cet évènement imprévu opéra un changement
fobit dans la manière de penfer du cardinal , q u i,
détaché, avant cette révolution, des grandeurs &. des
pompes humaines, ne fongea plus qu’aux droits de fa
naiffance, & fe rendit fort rapidement à Lisbonne,
oh il prit le titre de proteâeur du royaume ; mais il
falloit un roi , ÔC non un proteâeur. Huit jours après,
la. nouvelle de la mort de Sébaftien s’étant confirmée ,
le cardinal alla célébrer la Meffe dans l’églife de l’hôpital
de "tous les Saints , &. monta for le trône , fans penfer
qu’il n’avoit jamais régné, qu’il étoit dans fa foixante-
' feptième année , & qu’à cet âge il eft bien difficile de
s’inftruire dans l’art de gouverner les hommes : auffi
gouverna t - il fort mal : on s’apperçut pourtant du
changement que la fortune opéroit dans fa conduite ;
modefte , modéré jufqu’aiors, pacifique , & toujours
prêt à pardonner les torts qu’on avoit- avec lu i, le
fceptre le rendit fort différent de lui-même. On raconte
qu’un roi de France, ’ ayant cherché, n’étant
encore que duc d’Orléans, à fe venger de quelque
injure, ne fut pas plutôt monté for le trône , qu’oubliant
fes démêlés particuliers , il dit que *ce n’étoit
point au roi de France à f e fouvenir des torts qu’avoit
reçus le duc d’Orléans. Henri. penfa tout autrement :
à peine il eut reçu le fceptre , qu’il fit fentir le poids
de fon reffentiment à tous ceux dont il croyoit avoir
eu à fe plaindre pendant qu’il n’étoit qu’archevêque ou
cardinal : il dépouilla les uns de leurs charges, les priva
de leurs dignités, & exila les autres, non qu’ils euffent,
ou mal fervi l’état, ou prévàriqué dans leurs fonâions,
mais par cela feul qu’ils n’en avoient pas bien ufé avec
lui fous le règne de Sébaftien ; du refte, à cette vengeance
près, le nouveau fouverain ne fe montra ni
du r, ni injufte; il eft vrai que tous les Portugais lui
avoient témoigné la plus haute confidération pendant fa
vie eccléfiaftique.u Philippe , roi d’Efpagnè, qui avoit
de grandes prétentions au trône Portugais , envoya
des ambaffadeurs à Henri, chargés de le complimenter ,
& connoîtr.e fes intentions au fojet de la foccefïion à
j la couronne ; le roi parut porté pour la ducheffe de
Rrag^nce ;
Bragârtcê ; Philippe n’infifta point, & fe céhtenfk dé
concilier à Henri de paffer auffi agréablement qu’il le
pourroit, le refte de fes jours ; mais ce confeil, tres-facile
a donner, étoit fort difficile à foivre ; & le bon cardinal
ne trouva for ,1e trône que des chagrins de
l’amertume. Don Antoine, prieur de Crato , fils, à la
vérité naturel, de l’infant don Louis, duc de Bejar ,
fils du roi Emmanuel, arriva en Afrique , oh il avoit
foivi Sébaftien, & vint cabaler à Lisbonne contre le
r b i, dont il ambitionnoit la couronne , à laquelle il
cherchoit à perfoader qu’il avoit les plus légitimés
droits. Les intrigues de don Antoine n étoient pas le
feùl embarras du fouverain , qui ne fçavoit comment
répondre aux voe u x , ou pour mieux dire, aux cris
des Portugais, qui vouloient abfolument qu’il fe mariât,
Si qu’il fe donnât un héritier : il l’eût bien voulu auffi;
mais vieux prêtre , vieux cardinal, il y avoit de grands
obftacles à " formonter : pour tâcher d’applanir celui
qu’il ne regardoit pas peut-être comme le plus infur-
montable, il chargea fecrètement fes agents à Rome ,
de folli citer du pape une difpenfe qui lui permît de fe
marier. Philippe de fon cô té, inftruit de cette tentative,
envoya ordre à fon ambaffadeur d’empêcher , par tous
lés moyens poffibles, le pape d’accorder cette difpenfe
; cependant Grégoire XIII , vivement preffé
par les agents Portugais , établit une congrégation de
cardinaux pour examiner cette grande affaire ; &. la
•décifion des cardinaux fut' tout-à-fait contraire aux defirs
de leur confrère, qui ne fe rebuta, point, & fit demander
avec tant de vivacité cette difpenfe, que bien des
perfonnes pensèrent qu’il avoit quelque bâtard', dont fa
■ confcience l e . preffoit d’époufer la mère : ce n’étoit
cependant point-là le motif de Henri, il ne cherchoit
■ qu’à fe mettre à l’abri de l’importune & odieufe queftion
qu’on ne ceffoit de lui répéter depuis le premier moment
de fon règne-, fçavoir , quel feroit fon focceffeur ?
il étoit tout, auffi fatigué de cette demande perpétuellement
réitérée , qu’il l’étoit des follicitations & des
intrigu# des prétendants à la foccefïion. Le nombre
de ces prétendants étoit fort çonfidérable , mais il y en
avoit' cinq q ui, plus que tous les autres, tracaffoient
le foible Henri ; Ranuçe, prince de Parme, fils de la
prînceffe dona Marie , morte il y avoit deux ans , &.
fille aînée de l’infant Edouard; la ducheffe de Bragance,
fécondé fille du même infant ; Philippe I I , roi d’Ef-
-pagne , fils de l’Infante dona lib e lle , & foeur de
‘ l’infant Edouard ; le duc de Savoie 8 fils de l’infante
Béatrix, fqeur cadette d’Ifabelle; enfin don Antoine,
fils de l’infant don Louis, duc de Bejar , fils du roi
Emmanuel , & qui eût eu fans contredit au trône , le
droit le plus inconteftabie, f i fa naiffance eût été légitime
, & s’il eût pu prouver , comme il le tenta vainemen
t,'qu e l’infant'don Louis avoit époufé fecrètement
fa mère. Parmi les autres prétendants , fe diftinguèrent
fur-tout Catherine de Médicis, qui fe prétendoit iftue
de Robert., fils d’Alphonfe I I I , & de Mathilde, fa
première femme ; .& le pape, qui prétendoit avoir des
droits {acres à la meme couronné : en premier lieu ,
parce que le St. Siège avoit confirmé le titre de roi
!a don Alphonfe Henriquez ; en fécond lieu , parce
Hijloire, Tp;,ie IIL
qûe Henri venant à mourir, fon trône devoit être
regardé ccinme la dépouille d’un cardinal, qui de droit
appartient au fouverain pontife : ces raifons étoient
ablurdes, elles étoient très-ridicules, mais c’étoit par
cela même que le pape s’obftinoit à les faire valoir :
avec la même obffination, fes prédéceffeurs avoient
bien fait valoir des prétentions encore plus mal fondées.
Au milieu des tracafferies de tou$ ces prétendants, le
bon Henri ne fçavoit auquel d’entr’eux( donner ht
préférence, & d’ailleurs tout ce qu’il faifoit fe fentoic
de fa foibleffe : il s’étoit choifi les miniftres les plus
pufillanimes ,; il vouloit le bien, mais il n’avoit pas
la force de le faire , & fbn miniftère étoit tout auffi
irréfolu que lui : il eût bien défiré de nommer la
ducheffe de Bragance, mais il n’en eut point la fermeté ;
d’ailleurs , il craignôit trop le prieur de Crato , qui
avoit pour lui le peuple dont il etoit aimé, & le boa
roi ne prévoyoit que malheurs & guerres civiles.
Accablé de fa proprè irréfolution , le roi affembla les
états, leur demanda avis, & foivant le ridicule plan
qu’il avoit formé , il fut décidé que tous les prétendants
feroient cités, qu'il entendroit leurs raifons, qu’il
décideroit, mais que fa décifion ne feroit rendue publique
qu’après fa mort ; mais comme ce procès paroife
foit devoir être fort long, &- que le roi étoit fort vieux ,
il fut ftatué que s’il venoit à mourir avant que d’avoir
décidé, cette affaire feroit jugée par onze perfonnes
choifies par le roi., for vingt-quatre que les états lui
propoferoient ; & que pendant l’interrègne , le royaume
feroit gouverné p.ar cinq régents, nommés par le roi,
for quinze qui lui feroient.propofés auffi par les états.
D ’après cette délibération , Henri fe mit à citer les
prétendants, à écouter leurs raifons, & il ne put rien
décider ; la difpute s’échauffa entré ces prétendants,
il ofk moins encore donner la préférence à l’un d’en-
tr’eux ; il n?eut que la fermeté d’ordonner au duc de
Bragance , qui foutenoit avec trop de chaleur les droits
de ion époule, de fe retirer dans fon duché , à don
Antoine de s’en aller dans fon prieuré ; le duc de Bra-
. gance laiffa en s’en allant, des gens tout auffi animés
que lui ; & don Antoine , au lieu de prendre le chemin
de fon prieuré, parcourut le royaume , oh il ne ceffa
d’intriguer pour lui-même & . contre le roi. Henri.,
livré a la plus vive crainte & aux confeils de Léon
Henriquez, jéfoite espagnol , fon çonfeffeur , traita
fecrètement avec Philippe I I , & affembla les états,
qui, rejettant tout„accommodement avec les Caftillans,
prièrent le roi de nommer pour fon focceffeur un portugais,
quel qu’il fût, lui déclarant fans détour que, s’il
ne faifoit pas-ce choix lui-même, ils fe croyoient feuls
en droft d’élire un roi auffitèt que le trône feroit vacant
; il ne tarda point à l’être, car au milieu des
difputes qui s’élevèrent à ce fojet, Henri mourut, le
31 janvier 1580, dans le dix-huitième mois de fon
règne; âgé de foixante-huit ans, peu eftimé, moins
regretté encore , & à la vérité ne méritant point de
l’être. Il avoit été bon archevêque , cardinal très-
pieux; il fut le plus foible des rois. ( L. C. )
Henri I , . ( Hiß, de France. ) avoit 27 ans lorfqu’ij
monta fur le trône de France, en 1031 , après la mort,
a