
lî les évêques'refufoient de l’approuver ; en Vain Pafcal
entreprit de les perluader, en vain il les exhorta par
cette maxime, qu’il faut rencjre à Céfar ce qui appar- ,
tient à, Céfàr, ils 'lui répondirent par le même argument
, & l’invitèrent à donner l’exemple, & à remettre
tous les biens qu’il tenoit de la libéralité des empereurs.
Cette conteftation éclata dans l’églife de St. Pierre ;
comme on procédoitaux cérémonies du facre , l’empereur
prenant le parti des évêques, caffe le traité, déclare
qu’il retient les inveftitures; & fur le refus que
fait le pape de le facrer , il ordonne aulïi-tôt de le
conduire en prifon. L’empereur avoit une armée de
quatre-vingt mille hommes ; ceux qui voulurent s’op-
pofer à fes ordres furent maffacrcs ou chargés de chaînes,
fuivant la barbare coutume d’alors de traiter ainfi les
prifonniers de guerre. Pafcal fut traité d’abord avec
a fiez de déférence ; mais Henri voyant qu’il s’obftinoit
à vouloir retenir le droit d’inveftiture , fit conduire
devant lui les prifonniers, du nombre defquels étoient
plufieurs cardinaux , avec ordre de leur trancher la tête
en fa préfence ; Pafcal, pour empêcher cette éxecution
fanglante , confentit atout ce qu’on voulut exiger de
fon miniftere. L’empereur le reconduifit à la tête de fes
troupes , & reçut de lui là couronne impériale avec la
bulle qui lui confirmoit le droit des inveftitures par
la crofie & par l’anneau. Les papes, pour juftifier leurs
prétentions , tâchoient de faire regarder cette crofie
comme un objet fàcré mais ce n’eft qu’une marque
de difiinéfion purement humaine, qui n’eft rien aux
yeux c’e la religion. Le pape, én confirmant cette bulle ,
-jura for l’évangile avec feize cardinaux , de ne jamais
excommunier l’empereur /qui, de fon coté, confirma
toutes les donations & les prefents que fes prédécefe
fours avoient faits au St. Siège ; il en ajouta même de
nouveaux, moins par politique que par générofité.
Henri V fut admis à la communion ; que celui, ( dit
le pape, en rompant une partie de l’hoftie avant de la
confacrer ) qui rompra là paix, foit féparé du royaume
de Jefos-Chrift, ainfi que cette partie de l’hoflie eft
fëparée -dé l’autre. Si des ferments eufient pu lier ce
pontife , cette fameufe querelle concernant les invefti-
tures étoit terminée; mais Henri ne fut pas plutôt rentré
dans fes états , que les légats de Pafcal déclamèrent
dans tous les royaumes , contre cet accord; le pape
même tient un concile , oii il s’acciife d’avoir trahi,
par condefcendance & par foiblefie, les intérêts du
St. Siège, & confent à fe démettre de fa dignité : c eft
ainfi. que ce traité, fait, il eft vrai, dans un état de
crainte, mais ratifié dansun.e entière liberté, fut rompu.
Une circonftance embarraftoit le pape : il avoit juré
fur l’hoftie de ne jamais excommunier l’empereur : il
eut recours à un expédient qui montre combien il étoit
peu délicat en fait de ferment ; il dit qu’il n’avoit pas
renoncé au droit de le faire excommunier, L’empereur
choqué des procédés du pape, l’attaqua d’une manière
ouverte; iipafie d’abora en Italie, oîi il s’empare de
la fucceflion de la çomtefie Mathilde , fa confine,
fondé fur ce quelle n’avoit pu en difpofër fans fon
agrément, étant fa vafialle ; il envoie enfuite des am-
bafiadeurs à Rcme, prier Pafcat U de l^bloudre des
excommunications lancées par les légats ; le pape , pour
réponfe , les ratifie , & s’enfuit dans la Calabre avec les
cardinaux de fon parti ; ils jugeoient par la conduite de
Henri , dans fon premier voyage , de ce qu’ils avoient
à craindre de fes vengeances, Henri s’avance aufii-tôt vers
Rome ; des préfents fait à propos .applanifient tous les
obftad.es ; il gagna les comtefies de Tofcanelle, dont les
brigues engagèrent les Romains à lui décerner une efpèce
de triomphe. L’empereur fut reçu avec la plus grande
pompe ; Bourdin , archevêque de Brague , en Portugal,
le facra & le couronna une fécondé fois; Henri
exigea cette cérémonie , proteftant de nullité contre
tout ce qui avoit été fait par un rebelle & un parjure '.
Les chaleurs excefîives l’ayant déterminé à foire un
voyage dans la Tofcané, le pape profita de fon éloignement
& revint à Rome, ou il mourut deux jours
après fon arrivée. L’empereur fit procéder à l’éledion
d’un nouveau pontife ; & l’archevêque de Brague,
après avoir été préfenté au peuple, J k confirme par
l’empereur, fut inftallé fous le nom, de Grégoire V IÏI
mais la faéfion çontraire l’avoit déjà prévenu , & avoit
nommé Gelafe II : ces deux papes oppofés l’un à l’autre,
fe chargèrent réciproquement du poids de leurs anathèmes.
Gelafe II eut d’abord à craindre pour fa vie ;
Cenfio Frangipani, emporté par un excès de zèle pour
l’empereur, etoit entré l’épée nue à la main dans le
conclave , & l’avoit frappé de plufieurs coups ; mais
cette brutale férocité nuifit au parti de l’empereur :
l’outrage fait à Gelafe fouleva tous les Romains. La
France intéreflée à entretenir des troubles en Germanie,
prit le parti’ de ce pape contre Grégoire : ces
défordres fcandaleux ne finirent qu’en 1122; & Ca-
lifte I I , fuccefieur de Gelafe II ; eut la gloire de terminer
à l’avantage du St.,Siège , ce différend qui, depuis
fi long-temps agitoit le trône & l’autel. Henri V renonça
au droit cnnveftiture par la crofie k par l’anneau;
le fceptre fut fubftitué à ces fymboles. La nomination
des bénéfices fut remife aux églifes. Lepapelui accorda
feulement le droit de mettre la paix entre deux compé-i
fîteurs , & de les forcer de s?en remettre à la décifion
des métropolitàins & des provinciaux. On font quel
coup un femblable traité portoit à l’autorité impé-4
riale ; & l’on peut bien dire que le fceptre alors paffa
des empereurs aux pontifes. Califte I I , dans ce traité ,
parle vraiment en maître : « Je vous donnerai de?
j » leçons , dit-ilfuivant les devoirs de mon miniftère ,
j » lorfque vous m’aurez porté vos plaintes j je vou?
» donne la véritable paix ». On croit entendre un Céfàr
plutôt qu’un fuccefieur de Pierre ; cet accommodement
qui privoit le trône de fes droits les plus précieux,
etoit -fans doute une tache au règne de Henri V ; mais
les troubles de Germanie le rendoient exçufable, même
néceffaire. L’empereur connoiffoit les intrigues de la
cour dç Rome , qui l’avoit porté for le trône & en
avoit précipité fon père. Les ducs Conrad ÔC Frédéric,
fes neveux, s’étoient déclarés contre lui ; & s’étant
unis avec les légats & les Savons , ils avoient placé for
lefiège de Wuizsbourg, Rugger, fon ennemi ; il voyoit
dans ces princes faâieux des inftruments prêts à mettre
tout en oeuvre par Califte, pour le réduire aux mêmes
infortunes que Henri IV avoit éprouvées, L'empereur
cédoità la néceffité : d’ailleurs , le défaut d héritiers
rendoit fon ambition moins aéiiye : fort intérêt etoit
d'achever paifiblement un régné trop agite, & de
iaiffer à une nouvelle famille le foin de profiter des
conjonélures qui pouvoient s’offrir pour remettre les
papes fous le joug qu’ils venoient de fecouer. Califte
fui écrivit une lettre remplie de compliments qui ne
dévoient nullement flatter fon ambition : à en juger par
ce qui venoit de fe paffer, on la prendrait plutôt pour
une fanglante ironie que pour une lettre de -félicitation.
« Nous louons , difoit ce pontife , le Seigneur tout-
» puiffant, de ce qu’il a éclairé votre coeur du fouffle
» de fon efprît , nous vous chérirons d autant plus a
» l’avenir , que vous nous obéiflez avec plus de devoue-
» ment que vos prédéceffeurs ».Grégoire VIII paya
bien cher l’honneur de s’être afîis for le trône pontifical ;
après avoir été pris dans Sutri, il parut dans Rome,
précédant l’entrée folemnelle qu’y fit Califte, qui mon-
toit un cheval blanc, fuivant Mage des fouverains ;
il étoit for un chameau, dont la queue lui fervoit de
bride , on Tavoif couvert de peaux de bêtes „ après
l’avoir dépouillé de la pourpre : cette pompe indécente
&. barbare aceufe l’orgueil de Califte, elle etoit,
'dit un moderne , plus digne d’un triomphateur de l’an-
ciei ne Rome , que d’un évêque de la nouvelle.. Grégoire
fut enfoite traîné de prifon en prifon,; il y mourut
plufieurs années après , dans une grande , vieilleffe $
toujeurs attaché à fes maximes qui lui faifoient recon-
noître l’autorité .des empereurs. Tel fut le fort dune
prélat , qui eût été univerfellement reconnu pour
pape, fi le parti de Henri V , qui fans contredit etoit
le plus légitime, .eut prévalu.
Cés outrages accumulés reîomboient for l’empereur
; réduit à diflîmuler avec la cour de Rome, il
méditoit. un éclat avec celle de France. Philippe I lui
avçit donné de juftes motifs de plaintes pendant la
querelle des inveftitures ; ce prince avoit même fourni
des fecours aux papes : Henri fut retenu par la révolte
de la Hollande &. de quelques villes d’Alface, & par
fà mort, arrivée en 1125. Il avoit époufé en 1 1 14 ,
Mathilde , fille de Henri 1 , roi vd’Angleterre : cette
princeffe lui donna deux filles ; l’une appellée Chrifline,
fût mariée à Ladiflas , roi de Pologne l’autre , nommée
Berthe-, fut mariée à Ptolomée, fils d’un confol de
Rome de çe nom ; on doute de la légitimité de cette
dernière.
Outre cette ambition effrénée qui porta Henri V à
détrôner fon père, on lui reproche une avarice fordide ;
fon repos fut facrifié à cette aviliffante paflion : on a
dit de ce prince qu’il avoit vécu pauvre pour mourir
riche. Il avoit plus de fineffe dans l’efprit que d’élévation
dans l’ame ; plus de talent pour gouverner, que
de génie &) de vertus pour fe faire admirer & eftyjier ;
au refte , les plus éminentes qualités n’auraient jamais
effacé les taches qu’impriment for fon nom les malheurs
de fon père, qui furent fon ouvrage. Son corps fut
transféré d’Utrecht à Spire , &. enterré dans le tombeau
de fes ancêtres. ( M, Y. j
Henri le féyère, (Hijl.-d’ Allemagne.) XV* roi
ou empereur de Germanie depuis Conrad I , XVIIIe
empereur d’Occident depuis Charlemagne, né en 1165 »
de Frédéric I , & de Béatrice , élu roi des Romains »
fuccède à fon père en 1190, meurt en 1197 ou 1198 >
en feptembre.
La conftitution Germanique manqua de changer entièrement
fous ce prince ; & s’il avoit eu un fuccefieur
qui lui eût reffemblé, la nation la plus libre feroit
tombée fous le joug le plus despotique. Nommé vicaire
général de l’empire , depuis le départ de Frédéric I
pour la Paleftine, il n’avoit rien négligé pour s’affermir
for le trône : aufli la mort de cet empereur ne caufa
aucan mouvement : Henri ne daigna pas même afiem-
bler les états pour faire ratifier ion élection , fuivant
Mage confiant de ceux de fes prédéceffeurs qui avoient
été reconnus rois pendant la vie de leurs pères. La
violation de. cette coutume, la plus chère pour une
nation qui vouloit que la couronne fut éleéîive , n’excita
aucun murmure ; fans doute que l’on craignoit déjà ce
caraéière féroce & fanguinaire. qu’il déploya vers le
milieu de fon règne; né avec toutes les difpofitions
qui pouvoient faire un grand ro i, Henri VI ne s’occupa
qu’à fe rendre terrible : ce n’eft qu’en frémiffànt d’horreur
, que l’on, fe repréfente les cruautés qui deshono-
; rent fon règne ; on n’a cependant rien à lui reprocher
fur fa conduite envers Henri-le-lion, qui, toujours
’ proferit & toujours armé , réclamoit l’héritage de fes
pères, dont les empereurs précédents- lavaient privé ,
autant pour abaiffer fà maifon que pour le punir de
fon indocilité; Après l’aVoir vaincu & privé de toute
reffource , il lui laiffa Brunfwick , qu’il fit démanteler ,
’& lui permit de partager la feisneurie de Lubec avec
l’évêque de ce diocèfe. Si Henri-ie-lion eût fçulire dans
l’avenir , il eût regardé ce traitement comme le bienfait
le plus fignale de la part d’un prince que l’orv-
n’ofienfa jamais fans s’expofér aux plus cruelles vengeances
; cependant Henri V I faifoit fes préparatifs
pour entrer en Italie ; il y allok revendiquer les droits
de Confiance fà femme, fille de Roger I I , & fon
héritière aux royaumesdej(Naples & de Sicile. Tancrède 7*
le-bâtard, fils naturel du prince Roger , prenoit des
mefores pour le lui difputer l’empereur fe rendit à
Rome , oh Céleftin III fit les cérémonies de fon facre
& de fon couronnement. Si l’on, en croit un anglois ,
le feul qui rapporte ce trait, le pape fit. tomber d’un
coup de pied la couronne , à l’inftant qu’il venoit de
laluipofer for la tête ; mais ce fait, qui décéleroiturt
orgueil aufîibrutal que ridicule , eft. fans vraifemblance :
Henri neût pas manqué de s’en venger ; ce prince
étoit capable de le faire périr for l'heure : mais au
lieu de punir le pontife d’un outrage qu’il n’eût pu
• diflîmuler , il lui donna l’ancien Tufculuni, aujourd’hui
Frefcati, ville qui s’étoit diftinguée par fon attachement
. à la domination Allemande , & dont les Romains'fe
. vengèrent d’une manière vraiment barbare , s’il eft
| vrai qui’après avoir pris & rafé la ville , ils coupèrenç
| les pieds & les mains à tous ceux des habitants qui
; forvéeurent à la ruine de leur patrie : une pefte qui
:■ détruifit l’armée impériale , l’empêcha d’exécuter dans
[ ce voyage, fes projets for la Sicile & fur Naples : il