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orgueilleux ancêtres avoit aliéné. Toutes les tentatives
lurent infruélueufes : les états affembîés dans Zurik s’écrièrent
tout d’une voix, qu’il ne falloit point avoir de
confiance dans Maximilien.' La guerre devint inévitable
,& les Autrichiens ayant .été vaincus dans trois
batailles, l’empereur fut .obligé de rechercher la paix,
& de reconnoître l’indépendance des cantons qui furent
depuis au nombre de treize par la réunion des villes de
Balle , de Schaffhoufe & d’Appenzel, qui fe fit l’année
fuivante ( i cop ). Cette guerre contre la Suiffe l’erja-
pêcha de s’oppofer aux progrès de Louis XII en Italie ;
piais la perfidie des princes de cette contrée Je fervit
fnieux que n'auroîent fo.it les Allemands, s’il eut pu les
employer. Cependant, pour jouir en quelque forte des
vi&cires de Louis qui lui demandoit Pinveftiture de
Milan , conquis fur Louis Sforce , fon onçle,. il mit
une condition à fon agrément, lavoir, que Louis con-
fentiroit au mariage de Claude , fa fille , avec Charles*
fon petit-fils ; c’étoit s’y prendre de bonne heure ,
Charles étoit à peine dans (à deuxieme année. On prétend
que le deffein de Maximilien, dans ce projet de
piariage, étoit de foire paffer un jour le Miîanois &
la Bretagne à ce petit-fils, Prince qui d’ailleurs eut
pne deftinée fi brillante. Cet empereur qui travailloit
avec tant d’affiduicé à élever famaifon, n’avoit que des
titres pour luirmême ; il n’avoit aucune autorité en
Italie , 6L n’avoit que la préféance en Allemagne. Ce
n’étoit qu’à force de politique qu’il pouvoit exécuter les
moindres deffeins. L’Allemagne étoit d’autant plus
.difficile à gouverner, que les princes inftruits par ce qui
fe paffoit en France, craignoient que l’on n’abolît les
Grands fiefs. Les électeurs firent une ligue ; & réfo-
îurent de s’affembler tous le? deux ans pour le maintien
de leurs privilèges. Cette rivalité entre le chef & les
membres de l’empire flatoit fenfrbîement le pape &
les principautés d’Italie qui confervoient encore le fou-
venir de leur ancienne fervitude. Frédéric, fon père,
{avoir foit ériger l’Autriche en archiduché , il voulut
le foire déclarer éleéforat, .& il ne put réuffir. Malgré
les. contradiétions que Maxijnïlien eprouvoit dans fon
pays, fa réputation s’étendoit dans le Nord ; le roi
Jean, chancelait for le trône de Danemarck, de Suede
de Norvège, eut recours à fon autorité : Maximilien
ne manqua pas .de foire valoir les droits que ce prince
lui attribupit : il manda aux états de Suede qu’ils euffent
à obéir , qu’autrement il procéderoit contre eux félon
jes droits de l’empire ? il ne paroît cependant pas que
jamais ils en euffent .été fujets; mais^omme le remarque
M. de Voltaire, ces déférences dont on voit de teras en
feins des exemples , marquent le refpeél que l’on avoit
toujours pour l’empire. On s’adreffoit à lui quand on
froyoit ep avoir befoin , comme on s’adreffa fouvent
faint^ fiége pour fortifier des droits incertains. La
minorité de Philippe avoit fufcité bien des guerres à
Maximilien', la mort prématurée de ce prince en excita
cîe nouvelles. 11 laiffoit un fils enfant, c’étoit Charles de
Luxembourg dont nous avons déjà parlé, & qui eft
mieux connu fous le nom de Charles-Quint. Les Pavs^
Bas refufoient de reconnoître l’empereur pour régent ;
fef |t|ts ailéguoient pour prétexte que Charles étoit
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françois, comme étant né à Gand, capitale de laTlan-
dre , dont Philippe , fon père, avoit foit hommage au
roi de France. Maximilien multiplia en vain tous fes
efforts pour engager les provinces à fè foumettre ,
elles refuferent avec opiniâtreté pendant dix-huit mois ;
mais enfin elles reçurent pour gouvernante la prrnceffe
Marguerite, fille chérie de Maximilien : cep*‘îidan*
l’empereur foifoit toujours“ des voeux pour reprendre-
quelqu autorité en Italie, oh dominoient deux grandes
puiffances, fovoir , la France & Venife , & une:
infinité-de petites qui fe partageoient entre l’une ÔC
l’autre , fuivant que leurs intérêts fexigeoient. Ce
fut pour fotisfoire cet ardent defir qu’il entra dans
la fameufe ligue de Çambrai , formée par Jule I I ,
contre la république de Venife allez fière pour braver
tous les princes de l’Europe qui avoient conjuré fa ruine,
Louis X I I , qui devoit là protéger , ne put réfifter à
l’envie de l’humilier, & de fe venger .de quelques fecours
qu’elle avoit fournis à fes ennemis : il entra dans la
ligue,ainfi que le roi d’Efpagnequi vouloit reprendre
plqfieurs villesqu’elle lui avoit enlevées , & auxquelles
il avoit renoncé par un traité. Il feroit trop long d’entrer
dans le détail de cette guerre,; il îious.luffit'de faire
connoître quelle étoit la politique qui faifo.it agir ces
princes, & de montrer quelle en fut l’iffue, Jule qui en
avoit été le premier moteur, &. qui raffembloit tant
d’ennemis autour de Venife, ne vouloit qu’abaiffer cette
république , mais non pas la détruire. Elle perdit dans
une feule campagne les riches provinces que lui avoient à
peine acquifes deux fiècles de la politique la plus profonde
&Ja mieux fuivie. Réduite au plus déplorable état*'
elle s’humilia devant le pontife qui confpira dès-lors avec
Ferdinand p/for la relever &. la délivrer des François,
fes ennemis les plus redoutables. Louis XII , généreux
Si plein de yaleur, ne connoiffoit pas çette iàge défiance
fi utile à çeux qui font nés pour gouverner : il futfoc-*
ceffivement joué par le papè &. par l’empereur. £es états
d’Italie furent frappés des mèmès coups qu’il venoit de
porter a la république. Maximilien qui le gouvernoit
uniquement par des vues d’intérêt, oc. qui cédoit toujours
aux conjonctures, fe déclara contre lui, dès qu’il
celfa de le redouter ou d’en efpérer, & .donna g Max‘“
milien Sforce , fils de Louis le Maure , J’inveftiture du
duché de Milan pour lequel Louis JflI lui avoit payé,
trois ans auparavant, cent foixante mille écus ; mais ce
dont Maximilien ne fe doutoit pas, c’eft que Jule 11 travailloit
lourdement pour le perdre lui-même. Ce prince
abufé parde feintes négociations,comptoit tellement fon
l'amitié du pape , qu’il lui propofoit de bonne foide le
prendre pour collègue au pontificat ; on a foit dès railleries
for cette propofition, mais fi M a x ijn ilie n avoit
réuffi, c?étoit l’unique tnoyép de relever l’empire d’Oc-
cident, en réunifiant les deux pouvoirs. Devenu légat
de Jule I I , comme fon collègue , il l’eyt facilement enchaîné
comme empereur ; mais c’étoit s’abufer étrangement
que de s’imaginer pouvoir tromper à ce point Jule ^
le plus fier & le plus délié des pontifes après Léon X ,
fon foccefïeur ; d’ailleurs les princes chrétiens étoient
trop éclairés for leurs vrais intérêts , pour qu’on puifTe
foupçonner qu’ils i’egffept foufjfert, eux qui tant de foisayoieni
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avoient rampé d’avant les papes,lors même qu’ils étoient
dépourvus de toute puiffance temporelle. Maximilien
n’eft donc blâmable que pour avoir propofé un projet
qui lui eût attiré fur les bras toute l’Europe. Malgré le
refus de Jule, il prenoit fouvent le titre de fouverain
pontife que les Céfars avoient toujours porté avec celui
d’empereur. Ces deux titres reunis fembloient rendre .
éternelle la domination de ces hommes fameux , lorf-
que le s Barbares du nord vinrent brifer cette puiffance
formidable , qui tenoit l’univers à la chaîne. Le faint
fiègé ayant vaqué par la mort de Jule II, Maximilien
voulut y monter, après avoir effayéde-le partager. Il
acheta la voix de plufieurs cardinaux; mais le plus grand
nombre lui préfera le cardinal Julien, qui, né dufang des
Médicis, déploya, fous le nom dé Léon X , tout le génie
des Côme & des Laurent qui avoient iliuftré cette mai-
fon ,àlaquelle l’Europe, doit fes plus belles connoiffances.
Animé du même amour de la gloire, mais avec plus de
fineiîe dans les vues, & plus d’aménité dans le caractère
que Jule dont il avoit été le confeil, il fuivitle même
plan ; & voyant Venife presque abàttue, il fe ligua contre
Louis X I I , avec Henri VIII, roi d’Angleterre,
Ferdinand le Catholique & l’empereur dont il devoit
conibrnHier la perte, après qu’il auroit réduit le roi de
Fra; ce. Cette ligue fut ccnclueà Malines ( 5 avril 1.513),
en partie par les foins de Marguerite, gouvernante des
jRays-Bas ; cette princeffe avoit eu beaucoup de part
àyceile de Cambrai; L’empereur devoit fe faifir de la
Bourgogne, le roi d’Angleterre , de la Normandie,
& le roi d’Efpagne qui avoit récemment uforpé la
Navarre fur Jeand’Albret, devoit envahir la Guienne.:
fonfi Louis , qui, peu de temps auparavant , bat-
toit les murs de Venife , & parcouroit l’Italie dans
'l’appareil d’un triomphateur , fe vit réduit à fe défendre
dans fes états contre les mêmes puiffances qui
.avoient facilité fes focçès ; f i , au lieu d’entrer dans la
ligue de Cambrai, il fe fût réuni avec les Vénitiens,
il partagéoit avec eux le domaine de l’Italie , 8t probablement
fon augûfte mai fon régneroit encore au-
d-là dis Alpes. Cependant cette puiffante ligue fe
d fiipa d’elle-même , dès qu’on eut ravi à la France,
fans -crainte île retour , ce qu’elle poffédoit en Italie.
Maximilien joua dans cette guerre un rôle bien humiliant
pour le premier prince.de la chrétienté ; il
knibloit moins l’allié de Henri VIII , que.le fujet de
ce prince , il. en reeevoit chaque jour une folde de
cent écus , elle eût été de cent mille , qu’il n’eût pas
été plus exçufable de la recevoir : un empereur devoit
fe montrer avec plus de dignité. Il accompagna
Henri à la fameufe journée de Guinegafle , appellée
la .journée des éperons ; & dans un âge mûr il parut en
fobalterne dans ces mêmes lieux où il avoit commandé
oi vaincu dans , fa jeunclTe. Lès grands événemens
qui s’accomplirent en Europe for la fin de fon régné,
^’appartiennent point à fon hifkfre ; il ne fut que les
préparer. Maximilien mourut à Urelz , dans la haute
Autriche; il étoit dans la foixantième année de fon âge,
&. la vingt-cinquième de fon règne. IL fut vanté dans le
commencement de fon règne comme un prince qui I
réunifiait dans le plus éminent degré les .qualités l
Hijlaire, Toùîe III.
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brillantes du héros & toutes les vertus du fege.
C’eft ,1e fort de tous les fouverains qui fuccèdent„ à
des princes foibles ‘r ce n’eft pas qu’on veuille obf-
curcir fon mérite. On avoue qu’il n’étoit pas fans
-capacité , & qu’il en falloit avoir pour fe foutenir
dans ces tems orageux. A le confidérer comme hoirn
me privé , l’hiftoire a peu de défauts à lui reprocher
il étoit doux, humain, bienfaifant, il connut les charmes
de l’amitié. , il honora les favans , parce qu’il
avoit éprouvé par lui - même ce qu’il en coûtoit
pour l’être. A le confidérer comme prince , il n’avoit
pas cette majefté qui imprime un air de grandeur aux
moindres actions ; fes manières fimples dégénéroient
quelquefois en bafteffo ; il n e. favoit ni ufer de fa
fortune , ni fopporter les revers ; léger &. impétueux ,
un caprice lui foifoit abandonner des entreprifes
commencées avec une extrême chaleur. Son imagination
enfantoit les; plus grands projets , & font
inconftan.ee ne lui pennettoit d’en foivre aucun.
Allié peu fur, il fut ennemi peu redoutable ; aimant
prod gieufement l’argent , il le déperfoit avec prodigalité
, il fut rarement l’employer à propos, & l’on
blâme , for - tout, les moyens dont il uià pour s’en
procurer. Il effaça Frédéric, fon pere , de fon vivant-,
& il fut effacé lui - même par Charles - Quint, fon .
petit -fils : il faut cependant convenir que fon règne
oftriroit moins de taches, s’il tût été, le maître d’un
• état plus fournis. Quand il jettoit un coup d’oeil fur.
la France obéiffante & amoüreufe de fes rois, il avoit
coutume -de dire que , s’il avoit deux fils , il voudroit
que le premier fut dieu , & le fécond roi de France.
Marie de Bourgogne, fo première femme , lui donna
trois enfons, favoir : Philippe , Marguerite & Fran^.
çois : il n’en eut point de Blanche - Marie Sforce,
mais il en eut un très-grand nombre de fes maîtreffes.
On diftingue George qui remplit focceffivement les
évêchés de Brixin, de Valence & de Liège.
Quant à ce qui pouvoit influer for le gouvernement
, on remarque une promeffe faite aux états de ne
faire aucune alliance au nom de l’empire fans leur'
confentement : c’tft la première loi qui borna l’autorité
des empereurs à cet égard : il proferivit les daels=
& tous les défis, particuliers ; la peine du ban impérial
fut prononcée contre les infraéleurs de • cette fo-
Iu aire ordonnance, qui ne fut pas toujours fuivie ;
& l’on érigea un tribunal foprême qui devoit connoître
des différends qui avoient coutume d’arriver,
entre les états.
Tant que les fouverains d’Allemagne n’ayoient
point été à Rome , ils ne prenoient que le titre <Je
roi des Romains ; Maximilien changea cet ufage , &
fe fit donner le titré d’empereur élu , que prirent tous5
fes focccffeurs. Des auteurs Lui attribuent l’abolition
du jugement fecret ; mais cet honneur appartient in-,
conteftablement à Frédéric-le-Pacifique , fon père.
Son règne eft fameux par la découverte du nouveau
monde , découverte fi fatale à fes habitans. ( T*-n . )
-MAXIMILIEN II , focceffeur de Ferdinand I ,
(.Hijloire d’Allemagne. ) X X X Ie empereur depuis-
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