
n’eût pas été en fàrete après cette fécondé fuite J s’il
fût tombé entre les mains de fes ennemis. Les femmes
de la reine jettèrent vite la corde au feu, pour qu’elle
ne pût fervir à convaincre leur maîtreffe; mais la
corde en s'enflammant, mit le feu à la cheminée. Les
gardes appercevant des flammes au-deffus de l’appartement
de Marguerite, frappèrent rudement à fa porte,
en criant qu’on ouvrît.
Marguerite crut d’abord que fon frère étoit pris,
& qu’on venoit l’arrêter elle-même ; voyant que la
corde n’étoit encore qu’à demi brûlée , elle défendit
à lès femmes d’ouvrir. Celles-ci s’approchèrent de la
porte, & parlant bas , comme 11 elles euffent craint
d’éveiller la reine , elles affinèrent les gardes qu’elles
alloient éteindre le feu ; qu’il n’y avoit aucun danger ,
6c leur recommandèrent fur-tout de ne point faire de
bruit, de peur de réveiller & d’effrayer la reine. Ils
fe retirèrent ; mais deux heures après on fut dans le
Louvre l’évafion de Monfleur. Coffé vint chez la
reine de Navarre pour la conduire devant lé roi &
la reine-mère , qui vouloient l’interroger fur cette
évafion ; une dès femmes de la reine fe jette toute
eplorée à tes pieds, s’efforçant de la retenir, & lui
criant : Vois rien reviendrez jamais. Coffé rèpouffa
cette femme, & dit à la reine : Voilà, Madame ,
une iniijcrétion qui vous perdroit , f i tout autre aile
moi en eût été le témoin. Elle trouva , en arrivant , le
roi afïîs auprès du lit de fa mère , & dans une fi
grande fureur, qu’il l’auroit maltraitée, fans la préfènce
de Catherine ; ils lui reprochèrent l’un & l’autre les
difcours qu’elle avoit tenus la veille ; Marguerite affûra
que fon frère Pavoit trompée , ainfi que toute la cour ;
au refte elle répondit de nouveau for fa Vie des
bo -nés intentions de Mo. fleur , qui n’avoit, difoit-elle,
aucun deffein de troubler la tranquillité du royaume,
& qui n’étoit occupé que de. l’expédition des Pays-
Bas.
La reine de Navarre alla rejoindre fon; mari. On
a dit que le fameux Pibrac , chancelier de Navarre ,
avoit été amoureux d’ -lie ; il crut même devoir s’ën
d'fculper , & nous' avons fon apologie. Une’ apologie
en pareil cas prouve le fait dont on prétend fe dif-
culpër.
Les Mémoires de la réine de Navarre finiffent en
1582 , & les autres hiftoriens lui font moins'favorables.
En 1583 , Henri III, qui avoit fait revenir fa foeur
à la cour de France , parce qu'il efpéroit tirer parti,
pour fes intérêts , de la préfence de cette princeffe, là
chaffa ignominieufement ; l’ordre portoit en propres
termes , qu’elle eût-à délivrer la cour de fia pr'fience
contagieufie-; elle part en s'écriant qu’ il n’y avoit jamais
e u deux princeffes plus malheureufès que Marie Stuart
& elle. Pendant qu’elle dinoit aii Bourg-la-Reine, le
roi pàffa dans fa voiture fermée , fans daigner la faluer.
Arrivée entre Saint-Clair & Palaifeau ,: des gardes
'arrêtent fa litière , font la vifite par-tout, l’obligent j
d’ôter fon mafque, ne lui épargnent pas même les
propos injurieux , & fe faTiffint de fon écuyer, de
fou médècin 5i de fon chirurgien. -D’autres arrcroient
dans le même temps, les dames de Béthune & d«
Duras, confidentes dé la reine, auxquelles ils don•
nèrent plufieurs coups & des fioujftets , difent l’Etoile,
d’Aubigné & du Pleffis-Mornay. Le roi de Navarre
fit faire à Henri III*, de fortes remontrances for.Paffront
qu'il avoit fait à Marguerite : fi elle l’a mérité , difoit-il,
je ne dois plus la recevoir ; fi elle ne l’a pas mérité,
je demande réparation pour elle. Henri III , fort
embarraffé par un argument fi preffant , cherchoit
à fe rejetter for la découverte qu’on avoit faite, difoit-
il , de la vie fcandaleufe que menoient les dames de
Béthune 6c de Duras , qu’il appelloit vermine très-
pernicieufie , b non fiupportable auprès de princeffe de
tel lieu. Henri IV reçut Marguerite , mais il ne lui
témoigna plus ni amitié ni eftime. Il eut cependant à
fè louer d’elle dans l’affaire du divorce.’ Lé duc de
Sully, dans fes Mémoires , rend témoignage à la docilité
que cette reine fit paroître en cette occafion,
pour les volontés de Henri IV. Elle rendit même à
ce prince & à l’état un fervice important, en révélant
la confpiration du comte d’Auvergne & de lademoi-
felle d’Entragues fa fceur. L’homme qui conduifbtt
toute cette intrigue étoit un capucin , nommé le père
Ange ou Archange , & ce capucin étoit fils de Fa
reine Marguerite, qui l’avoit eu de Chanvallon. Un fi
puiffant intérêt ne put empéchèr cette princeffe de
remplir le dévoir d’une fidelle fojette.
Le trait fuivant peint des moeurs bien étranges.
Marguerite aimoit un provençal, nommé Date. Ce
favori l’avoit détachée d’un nommé Vermond, dont
le père & là mère avoient été de la maifon de Mar-
guerite. Vermond-j foit qu’il vît dans le favori, un
rival"'ou feulement un ennemi, lui caffa la "tête d’un
coup de piftolet, fous les yeux & à la portière même
de la reine fa maîtreffe : il voulut s’enfuir ; mais il fut
•pris & ramené à l’hôtèl de Sens , où demeuroit la
reine Marguerite. On dit dans le ' Divorce fiatytique ,
que la reine, qu» peut-être n’aüroit dû voir dans cét
événement-que l’effet naturel 6c le jufte châtiment
de fes incontinences & des défordres de fa conduite’*,
crioit, en:voyant entre les mains des archers ', ce
Vermond qu’elle avoit peut-être aimé : qu’on tue ce
•méchant ; tenez , tenez ’ V01^ ™es jarretières, quon
l’étrangle. Vermond n’étoit pas moins animé contre
fon ennemi. Le cadavre de Date lui ayant été repré-
fenté : toürnez-le , dit-il, que je voie s’il' efl mort, &
s’ il ne'l’ efl pas 3 que je fachève. ^La. fureur de Marguerite
étoit au comble , en fe voyant' ainfi bravée,
elle jura qu’elle refteroit fans boire *' 6c fans manger
jufqu’à ce quelle fut vengée de l’àffafîin. Deux jours
après Vermond eut la tête tranchée devant l’hôtel de
Sens ; il étoit condamné à faire amende honorable &
à demander pardon à la reine ; il jetta loin de lui la
torche , & refufà de demander pardon à la reine ,
qui eut la cruauté d’aflifter à fon fopplice.
Ce fut pour éloigner de fon efprit l’image d’un
.amant affamné à fes yeux , que Marguerite quitta
l’hôtel de Sens , & vint s’établir au Pré aux Clercs \
où elle fit commencer de grands travaux. Un nouvel
amant de Marguerite, nommé Bajeaumont, ëtaV.t tombé
malade, le roi dit aux filles delà reine : « Priez Dieu
» pour la convalefcence de Bajeaumont , & je vous
«"donnerai votre foire ; car , s’il venoit à mourir , la
»""reine prendroit cet -hôtel en horreur , & je ferois
?> obligé de lui en acheter un autre ».
Le comte de Çhoify , qui avoit placé là fille dans
la maifon de M a rgu er ite , & que les intrigues de
Bajeaumont avoient forcé à l’en retirer, répondit à
cette princeffe, qui fe plaignoit de la conduite de la
demoilèlle de Choify : « Si la vôtre,. Madame, eût été
» aulîi bonne , vous porteriez encore la couronne ».
Une autre femme à laquelle Marguerite faifoit le
même reproche, quelle n’avoit droit fans doute de
faire à perfonne , lui dit ; oui, Madame, nous avons
fait l’une & l’autre bien des fautes ; fi vous vous
étiez mieux, gouvernée, votre maifon ne feroit pas
ici ; elle fieroit delà ieau , ( c’eft-à-dire , au Louvre. ),
Le 9 mars 16 10 , le P. Suffren, jéfuite, prêçhant
à Notre-Dame contre les moeurs de fon fiècle , dit :
qu’il n’y avoit à Paris fi petite coquette qui ne montrât
fon fein , prenant exemble fur la reine Marguerite...
Ayant fait enfoite une paüfe, il ajouta, que plufieurs
chofes étoient permifes aux: reines , quoique défendues'
aux autres- femmes.
. Marguerite allifra au facre de’Marie de Médicis;
.Henri IV l'exigea fans doute--, à la follicitation de
Marie, mais on auroit dû épargner à Marguerite un
tel défagrément. i
• Les recherches qu'elle fit pour conr.oître les auteurs
de l’affaffinat d’Henri IV , femblent prouver combien
elle fut fenfible à cet évènement. La demoilèlle Comans-;
ou Defcomans, dont les dépolirions qui çhargeoient
for-tout le duc d’Epernon & la marquife de Verneuil,
parurent d’abord mériter quelque attention , & ne
font pas encore’aujourd’hui méprifées de tout le monde,
étoit au fervice de Marguerite , 6c cette princeffe
fe donna tous les mouvements; poffibles pour la faire
entendre.
• Marguerite mourut le 27 mars 16 15 , âgée de
foixante & trois ans. L’avocat général Servin lui fit
.çette épitaphe : . s v . -
Margiiris aima fioror3 i cqnfors & filia regum,
Omnibus his jnpriçns ( proh dolor ! j orbafiuit.
Pars fietro occubuit , pars altéra coefia.veneno 3
Tutior efl folio p a ry u lq ,f ie lla gravi.
Pmvifis obiit mater y exata proçellis $
Par natce mceror prxflitit infierias. .
• C ’eft faire trop d’honneur à Catherine ^e Médicis ,
que de la faire mourir dodouleur pour les orages qu’elle;
prévoyoitelle qui ^ybit toujours vécu parmi les.
orages , & qui avoit tant aimé à les exciter. C ’eft
faire trop d’honneur aufïi à Marguerite de Valois,
que de la faire mourir de douleur pour la mort d’Henri
IV , for-tout cinq-ans après cette, mort. Elle aima
les lettres comme François, Ier..fon ayeul, &, comme.j
Marguerite de Valois ,, reine, de Navarre-,; fa grande^
tante. Voilà peut-être le plus grand éJoge qu’onpuifiV
foi donner,
Marguerite-Marie A lacoque \ plus connue
fous le^nom de Marie Alacoque. ( Voyez À lacoque.)
M a r i a g e des T u r c s ( Hifl. moderne.)
Le mariage chez les Turcs , dit M. de Tournefort, qui
étoit fort bien iofrruit, n’eft autre chofe qu’un contrat
civil que les parties peuvent rompre; rien ne paroît
plus commode : néanmoins , comme on s’ennuyeroit
bientôt parmi eux du mariage, auffi b'en qu’ail'e.irs ,
& que les fréquentes réparations ne laifferoient pas d’être
à charge à la famille, on y a pourvu fagement. Une
femme peut demander d’être féparée d’avec fon mari,
s’il eft impuiffant, adonné aux plaifirs contre nature ,
ou s’il ne lui paye pas le. tribut, la nuit du jeudi au
vendredi , laquelle eft’confacrée aux devoirs du mariage
Si le mari fe conduit honnêtement, & qu’il luifour-
niffe du pain, du beurre , du r iz , du bois, du café,
du coton, 6c de la foie pour filer des habits, elle ne
peut fe dégager d’avec lui. Un mari qui refufe de l’as-
gént à là femme pour aller au bain deux fois la femaine,'
eft expofé à la réparation ; lorfque la femme irritée ren-
verfe.fà pantoufle en préfence du-juge, cette aéliort
: défigne qu’elle accufe fon mari d’avoir voulu la contraindre
à lui: açcorder des chofes'défendues. Le juge
: envoie chercher pour lors le mari, le fait bâtonner,,
s’il trouve que la femme difej la vérité , & caffe le
mariage. Un mari qui veut fe féparer de là femme, ne
manque pas de prétextes à fon tour ; cependant la
çhofe n’eft pas. fi ailée que l’on s’imagine.
Non-feulement il eft obligé d’aflùrer le douaire â
fâ femme pour le refte de fes, jours ; mais foppolé que
; par .un retour de tendreffe il veuille la reprendre, il
■ eft condamné à la laiffer. cpucher. pendant 24 heures,
avec tel homme qu’il juge à propos il choifit ordinairement
celui de fes amis qu’il connoît le plus diferet ;
mais on affure qu’il arrive, quelquefois que certaines
femmes qui fe trouvent bien de ce changement, ne
veulent plus revenir à leur premier mari. Cela ne fe pra->
tique qu’à legard des femmes qu'on a époufées. Il eft,
permis au^ Turcs d’en entretenir de deux autres fortes ;
lavoir , celles qite. fon prend à.pçnfion,. & desefclaves ,
; on loue les prémfores, & on achète les dernières«
I .Quand ; on veut époufer une fille dans les formes
Qnlî&’aflrdTe aux parens‘j ;6c^on figne les articles après
; êtaré’ convenu de. tout en préfence du cadi & de deux
témoins. .Ce ne-'-font.pas les père 6l mère de.la. fille qui
i dotent la fille, c’eft le mari : ainfi, quand on a réglé le '
: douaire, 44e- 'C|di- d^Uv-rje - ftux parties; la, copie rie leur
qontrat;deJ,y;<î/ïi2EC' .' ,1a fille,; de fon côté, n’appoVte que v
' fopçtcouffeau., ;Én;att€pdapt le jour des noces, lepoux.
faijybénir fon, rmriàge par le prêtre;' & posr s’attirer,
1 leSjgpèes -du-cieL, il diftribue des aumônes r§ç donne
; la. liberté à. quelque efclave,
Le jour des noces , la fille monte à cheval couverte
d’un, grand jvoile , % fe promène par les rues fous un
> dais, accompagnée de plufieurs femmes, & de quelques .
| efçlaves; fpiyan^ la qualité du • mari. ; .les joueurs & les- ;
joueufes .d’icftrumens font de ja céréçnonie : on fait por-..
! ter enfuite- le^ nippes, qui ne fpijitpas le moindre orne-
j raent;«fje- la.îparçbe* Çpçr^rn^ ç’efo.tout le profit qui