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pourtant proclamée à Londres, après la mort d’Edouard.
. Quand ion beau-père ôc fon mari lui annoncèrent qu’il
faîloit qu’elle fût reine, l’infortunée verfa un torrent
de larmes ; elle fentit que le trône n’étoit pour elle qu’un
degré vers l’échafaud, & qu’elle aUoit mourir victime
de l’ambition d’autrui : en effet, Marie régna ; elle
fit trancher la tête au duc de Northumberland , & ne
pardonna pas à Jean/je Gray , qu’on avoit rendue
coupable malgré elle. Il efl: vrai qu’une confpiration
nouvelle^, dans laquelle trempa le père de Jeanne Gray,
dont l’objet étoit de dépofer Marie, ôc de,couronner
Jeanne, peut excufer cette févérité, d’autant plus que
..cette confpiratîon , mieux concertée que la première,
ôc plus conflammertt fuivie, caufa plus d’embarras,
coûta plus de fang , êç mit la reine en danger ; mais
. Jeanne Gray en étoit encore moins coupable que jâe la
première , puifqu’elle étoit alors en prifon.
Lorfque le doyen de St. Paul vint lui annoncer de
,fè préparer-à la mort, ainfi que-fon-mari, elle parut
recevoir cette nouvelle, non feulement fans peine,
mais avec la fàtisfaéHon d’un voyageur arrivé au terme
de fa courfè : le doyen lui propofa d’embraffer la religion
catholique : « il me refie lui dit-elle, trop peu
de moments pour les donner à la- controyèrfe. » Le
doyen prenant mal fa penfëe, Ou voulant avoir le tèmps
de la convertir, crut où “feignit dé croire qu’elle défi-
Toit un délai , & H en obtint un de trois jours, qu’elle
trouva fort long .ôc fort désagréable ., fon fàcrifice
étant fait. On obtint aufli pour fon mari, la permiflion
de lui dire un demiér 'adieu, v Cette entrevue , dit-
« elle , ne ferviroit qu a nous ôter le peu de courage
*}> qui nous refie , ôc dont nous avons befoin. » Eue
la refiifk , mais elle ne put-fe fefufer cfaller à la fenêtre î
jetter un tri fie regard fur ce malheureux , loriqu’ôn
- le tira de la prjfon pour leconduire deux heures
avant elle , au -lieu de 'l’exécution ; elle vit même
enfoite fon'corps décapité, qu’on portoit for un chariot
pour l’enterrer. Elle marcha au fopplice en faluant les
Xpeélateurs d’un air affable ôc tranquille ; & tenant le
doyen .de, St. Paul par la main, elle le remerçia de
l’humanité qu’il.lui avoit témoignée; le lieutenant de
Ja Tour lui ayant montré le defir de.cbnfefver quelque
choie d’elle, elle lui donna des tablettes, où die avoit
écrit des fentences grecques ôc latines , relatives à fon
.malheur .ôc à-fon innocence. Elle parla au peuple ;
elle dit que'cette innocence n’étoit pas une exculè
foffifante dans des évènements qui, comme ceux dont
il s’agiffoil, intéreffoient -l’ordre public ; que l’intérêt
de la nation demandoit fa mort, & qu’elle l’acçeptoit
;fàns regret x -enfoite ayant les yeux bandés & la tête
pofée for le billot, .elle crut s’appercevoir que l’exécuteur
balançoit elle prit elle-rmême la peine de l’en- ;
icourager. Le peuple fondoit en larmes , ôc tous les
•coeurs s’éloignèrent defylârie. La mort de Jeanne Gray
«ff de 1554.
Jeanne Gray avoit deux foeurs,: i°. Catherine Gray, "
qu’Elifabeth , qui remplit le trône après Marie, fe
contenta d’abord dè condamner au célibaf, mais qu’ellè 1
fit enfermer dans la fuite, pour avoir contracté un
mariage focret avec le coime d’Herford , ôc en avoir
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eu des enfants ; Catherine Gray mourut dans fa prifon^
en 1562.
2°. Marie Gray , de qui l’hiftoire ne dit rien, finoa
qu’elle étoit boffue , ôc qu’elle époufa Martin Kejes.,
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GREATERICK ou GREATERACK, (Valentin)
( Hifi. d’Anglet.) irlandois , impôfleur célèbre., du
genre des Abaris ÔC des Jacques Aymar ( Voyez ces
.articles. ) Celui - ci guériffoit toutes les maladies ,
par le feul attouchement, for-tout chez les femmes;
il féduifit prefque toute l’Angleterre du temps du Roi
Charles IL II y fit fchifme du moins. Saint Evremont
a confàêré cet .évènement par fa pièce intitulée : le
Prophète Irlandois ; ÔC des Maizeaux , dans là vie de
St. Evremont a détaillé le feit. Ses grands foccès étoieat
en 1664 & 1665.
GREAVES, GRAVIUS, ( Jean ) (Hifi. Litt, mod.)
fçavant anglois, dont nous avons une Defcription des
Pyramides d’Egypte, traduite en françois par Thevenot ;
un Traité de la manière de faire éclorre les poulets dans
les fours, félon la méthode des Egyptiens. Elementct
linguot Perficà., ôc divers ouvrages fçavans furl’AffrcH
nomie ôc la Chronologie des Arabes & des Perfans.
Mort, en 16-52 , à 50 ans.
GREBAN , ( Arnoul ôc Simon ) ( Hïfl, Litt. mod.)
poètes François du quinzième fiècle , ont compofé, vers
l’an 1450 , les Myfières des A&e*des. Apôtres à per*
fonnages. Ils étoient. de Çompiegne.
GRECOURT, ( Jean - Baptifte - Jofeph Villart de )
(Hiß. Litt. mod. ) çhanoine de Kéglife de St. Martin
de Tours , auteur du Philotaniis, fi connu , de-divers
contes licencieux ôc de poëfies légères qu’on ne lit ,plus
guères. Né l’an 1683. Mort en 1743.
GREGOIRE , (Hifi. Eccl.) Il y a eu quinze papes
du nom de Grégoire ; les plus célèbres font St. Grégoire
dit le grand, le premier des quinze , qui fiégea depuis l’an
590 jufqu’en l’an 604. Ce fut lui qui, »par fes: million*
naires , convertit à la foi les,.anglo»faxons. Nous, ayons
de lui des lettres curieufes pour l’hifloire du-temps.
2° Grégoire vu . ( Hildebrand ) fils d’un charpentier
ou d’un menuifier, celui de tous les papes , qui
avant Boniface V III, avoit porté le plus haut les présentions
pontificales î élu en 107-3 , il mourut le 25
mai 1085. Il excommunia & dépofa l’empereur Henri
I V , au concile de Rome en 1080^ Dans le Diâatus
Papa., qu’on lui attribue , il établit (jue le pape a le
droit de dépofer l’empereur, & de delier les fojets du
ferment de fidélité, Quelques auteurs croyent , à là
vérité, que çet ouvrage n’eft pas de lui ; mais c’eft
une queflion très-indifferente ; car ia même doélrine effc
.enfeignée dans /es lettres , & elle fut confiamment la
règle de fa conduite. Ses lia:*fons avec la çomteflè de
Tofcane Mathilde, & les libéralités de cette princeffe
envers le Saint r Siège , ont donné: lieu à des bruits
injurieux .pour lui oé pour elle mais il paroît que
l’orgueilleux & inflexible Hildebrand avoit cette purêté
ÔC cette, auftérité de moeurs qui fèmble diflinguer les
çaraélères difputeurs ôi les eiprks turbulents. Environ,
fojxaùtf
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• foixante & dix ans après la mort du pape Anaftafo IV , -
le fit peindre avec l’auréole & le titre de faint ; le
pape Grégoire X I I I , en 1584, fit inférer le nom de
Grégoire VII dans le martyrologe romain : c’étoitune
infolte faite à tous les fouverains ; une légende de
Grégoire VII ^ où il étoit loué aux dépens de l’empereur
Henri I V , & où la, dépofition de ce prince
étoit approuvée, excita beaucoup de trouble en France,
parmi, lès évêques & dans les divers parlements pendant
les années 1729 , 1730, 1731.
30. Ce même Grégoire X I I I , ( Buoncompagno )
élu le 13 mai 1572 , mort le 10 avril 1585 , efl
/auteur de la Réjorme du Calendrier, qui depuis cette
époque ( 1 5 8 2 ) , s’appelle le Calendrier Grégorien. Le
peuple romain lui fit élever une ftatue de marbre.
Parmi les autres perfonnages illuflres du nom de
Grégoire., nous diftinguerons : - ,
i°. Les deux Grégoire de Nazianze, père & fils,
lumières & ornements de l’églifè grecque au quatrième
fiècle, for-tout le fils , qui eftau rang des pères grecs
les plus éloquents. Le père étoit évêque de Nazianze ,
&. mourut centenaire , vers l’an 374. Le fils fut fon
coadjuteur à Nazianze. Dans la fuite il fut évêque ou
patriarche de Conflantinople ; il fe démit de cet évêché ,
pour vivre dans la retraite &. dans l’étude ; il mourut
|e 9 mai 389. Saint Gézaire étoit fon frère , fkinte
Gorgonne fa foeur , faint Bafile fon ami. ( Voyez ce
-dernier article
. 20. Saint Grégoire de .Nyffe, autre père de l’églife -,
(du même fiècle, &c qu’on nommoit même , à caufe
de fon grand âge, le Père'des Pères. Il étoit évêque
de Nyfië en Cappadoce, vers-l’an 330, & naourut
en 396. Il étoit frère de faint Bafile , de faint Pierre ,
éveque de Sébafte en Arménie, & de fainte Marine,
yierge & abbeffe. Il combattit les Ariens.
3°. Saint Grégoire de Tours, nommé plus communément
Grégoire de Tours , père de notre hifloire ; né
en Auvergne -le ,30 novembre 544 , mort a Tours le
17 novembre .595. La meilleure édition de fes oeuvres
efi celle qu’en a donnée dom Thierry Ruinart, béné>-
diétion de la congrégation de faint Maur , en 1699.
Son hifloire finit Vers l’an .591. La rivalité de Fré-
dégonde & de Brunçhaut , & l’aêtivité impétueùfe de
ces deux- fer«<ies .divifoient toute la France en deux
partis-; elles ne laiffoient à perfonne la liberté de refier
neutre. La Touraine avoit été du partage de .Sigebert ;
ce prince & Brunehaut fa femme ayoient contribué
à mettre Grégoire for le fiège de Tours ; il leur étoit
attaché par la reconnotffance ; il étoit vifiblemenf dans
les intérêts de Brunéhaùt ; il paroît même avoir été
confulté pour le mariage de cette reine . avec le jeune
Mérouée , fon neveu , fils de Chilpéric ; vraifembla-
blement il n’appr.ouya pas Te projet de ce mariage ;
mais dans la perieeution que Prétextât fouffrit pour
cette affaire, Grégoire lut le .foui évêque qui ofa- prendre
fa .défenfe ;: il donna des éloges au jèune Mérouée ,
qu’il trouva caché dans St, Martin de Tours, .& fuyant
là colère de fon père ; ce qui, dans les ci-rconfiances,
.annonçoit de la part de Grégoire, une indulgence marquée
pour ce mariage inceftueux, qui avoit attiré fur Mérouée
Hifloire. . Tome III,
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la colère de Chilpéric. Il fut perfécuté lui-même par
Chilpéric 8ç par Ffédégonde ; il fut obligé de fe jufli-
fier dans l’afï'emblée de, Braine for quelques difeours
injurieux à Frédégonde qu’on l’accufoit d’avoir tenus,
& il fe juftifia en difant qu’il ne l;s avoit pas tenus,
mais qu’il les avoit entendu tenir ; enfin , fon hifloire
prouve affez qu’il étoit ennemi perfonnel de Chilpéric
& de Frédégonde , & .il ne tint peut-être pas la ba1 ar.ee
affez droite entr’eux de Brunehaut, dont il ne diilimule
pourtant pas les torts , mais qui n’avoit pas encore
commis tous fes crimes dans le temps où Grégoire de
Tours écrivpit,
GRENADE , ( Louis de ) ( Hifi. Litt. mod. ) domi*
nicain efpagnol, écrivain afcétique , très-connu, autei r
de la Guide des Pécheurs, du Mémorial de la Vie
Chrétienne , d’un Cathèchifme , d’un Traité de
1 0 rai fon, &ç. Né en 1504, mort en. 1588,
GRENAN , ( Bénigne ) ( Hifi. Litt. mod.) profeffeur
de rhétorique au collège d’Harcourt , poète
latin. Son • ode a la louange du vin de Bourgogne, à
laquelle M. Coffin répondit par une fort belle ode à la
louange du. vin de Champagne , efl connue & eflimée,
Voyeç à l’article Coffin , les flrophes de l’ode de M.
Grenan, qui firent naître ce combat de poëfie. En général
,nHorace a été le modèle des deux poètes-pour les
tours quelquefois pour les exprefîïons. M. Grenan eft
mort à Paris en 1723.
GRESHAM, ( Thomas ) ( Hifi, dé Anglet. ) citoyen
bienfaifant & magnifique, fit bâtir , à fes dépens , la
bourfe de Londres en 1565. Brûlée au bout d’un fiècle,
elle a été rebâtie aux dépens du public. Gresham fonda
aufli un, collège, qui porte fon nom, & cinq hôpitaux.
GRESSET, ( Jean-Baptifle-Louis ) (Hifi. Litt, mod.)
Voÿeç for ce qui le concerne, les articles Chapelain
& D anchet,. Il étoit np en 1709 , à Amiens ; il aima
toujours fa patrie , fentiment naturel à l’homme de bien,
11 la regrette flans une, ode -, à laquelle il manque du
mouvement ÔC de la poëfie , mais où quiconque s’eff
vu féparé pour long-temps d’une patrie qu’il aimoit,
reconnoîtra fes. vrais fentiments dans la douce mélan?
ç.olie du poëte:
L’amour de ma chère patrie
Rappelle mon ame- attendrie
.Sur dès bords plus beaux à‘mes yeux»
Loin dù‘ féjour que je regrette ,
J’ai déjà vu quatre printemps ,
Une inquiétude fecrette
En a marqué tous les inflants.. ; . ; ;
Souvent la fortune, un .caprice, ,
Ou l’amour de la nouveauté
Entraîne au loin notre .avarice
Ou notre curiofité ;
Mais fous quelque beau ciel qufoaerrëj
Il efl toujours une autre terre
D ’où le ciel nous paroît plus beau.
S’il fuccombe au dernier foiqmeil
Sans revoir la douce contrée
Où brilla fon premier foleil ,
L à , fon dernier foupir s’adrtffe »
B