
entreprit une fécondé campagne, oh tout réuffit au
gré de fes défirs ; aidé des Pilans & des Génois , &
de l’or qu’il avoit exigé du roi d’Angleterre Richard,
qu’il avoit., contre tous les droits divins & humains,
fait languir dans une longue captivité, il alla mettre le
fiège devant Naples * cette ville fut forcée de le recevoir.
Tancrède étoit mort avant ce fiège, qu’il eût
rendu plus difficile ; la veuve de ce prince , alarmée
des progrès des Allemands, demande à capituler, &
le contente de la principauté de Tarente, pour elle ,
& pour fon fils Guillaume , que les Siciliens avoient
nommé pour fuccéder à Tancrède. L’empereur devoit
fe contenter d’un trait : qui mettoit dans fa famille deux
royaumes puiffants ; mais ce prince barbare & fans
fo i, n’eut pas plutôt en fon pouvoir le jeune roi, qu’il
le fit mutiler , & l’envoya à Coire, où on lui brûla la
vue. La reine mère de Guillaume &. les princeffes fes
foeurs , furent réléguées dans des monaflères en Alface.
La rage du tyran cherchant de nouveaux. aliments,
il fit exhumer Tancrède, & ordonna qu’on tranchât
la tête à ce cadavre infeéfé. Les Siciliens voulurent
en vain venger ces cruautés accumulées ; leur fidélité
pour leurs anciens rois né fervit qu’à leur attirer de
nouveaux malheurs ; Henri paffa dans leur île, & fe
furpaffa dans la recherche des fupplices. Un nommé
Jourdain , qu’ils avoient choifi pour roi, périt fur un
trône de fer ardent, ayant fur la tête une couronne \
également ardente : la plûpart des principaux du pays
périrent dans des tourments non moins affreux ; & tous
les otages que lui avoit donnés la veuve de Tancrède ,
eurent les yeux crevés. Ce fut au milieu de ces exécutions
que Henri fit voeu de fe croifer pour la Terre-
Sainte ; ce moiïftre de cruauté voùîoit palier pour un
prodige de dévotion : il n’accomplit cependant pas ce
voeu, il fe contenta d’envoyer dans la Paleftine une
armée , dont il ne put voir le retour ; fon inhumanité
fouleva tous les efprits : Confiance ne pouvant foute-
nir lapréfence d’un mari femblable, confpira contre
lui, & le fit empoifonner : crime, dit un • moderne ,
excufable peut-être dans une femme , qui vengeoit fa
famille & fa patrie, fi l’empoifonnement, & fur-tout
l’empoifonnement d’un mari, pouvoit être juftifié. Des
auteurs prétendent qu’il mourut d’une dyffenterie ou
d’une fièvre qu’il eut , pour s’être endormi la nuit,
fatigué d’une longue chaffe, dans un lieu marécageux
; fon corps fut porté à Panorme, oh l’impératrice
fe fit mettre dans un tombeau de porphyre. L’hiftoire,
en accufant fa cruauté , rend juffee à fes talents
relévés par les grâces extérieures : Henri V I étoit
d’une taillé médiocre, mais parfaitement proportionnée
; il avoit le vifage beau , quoiqu’un peu maigre ,
la peau fort blanche , & la tête un peu petite-: fon
agilité , l’extrême foupleffe de fes membres le rendoient
propre à tous les exercices de pied & de cheval ; il
étoit économe , fans cependant rien épargner dans les
cérémonies d edat : fon efprit étoit orné, des plus
belles connoiffances, il avoit une éloquence naturelle
& beaucoup d’élévation dans l’ame : &. Ton peut dire
qu’il eût pu être compté parmi les grands princes, fi
au talent qui maintient les empires, il eût feu joindre
les vertus qui font régner fur les coeurs : il n'eut de fon
mariage avec Confiance, qu’un fils, qui régna dans la
fuite , fous le nom de Frédéric IL {M. T.)
Henri de Luxembourg, VIIe du nom, ( Hijloire
J Allemagne. ) XXIIe roi ou empereur depuis Conrad I ,
né vers l’an 13 13 , de Htnri, comte de Luxembourg ,
& de Beatrix de Hainaùt, élu empereur en 1308 ,
en novembre, mort en 1313 , le 24 août.
Dès que la mort d’Albert fiit divulguée, Frédéric-
le-Bel fe préfentaaux états pour lui . fuccéder ; fa qualité
de fils de cet empereur étoit un titre auprès du
peuple, mais non pas auprès des électeurs : Charles-
de-Valois , frère de Philippe-le-Bel, prince, fi connu
par fon extrême paillon de régner , fe mit for les
rangs ; on prétend que Philippe - le - Bel s’y mit lui-
même ; mais les Allemands avoient de puiffants motifs
pour rejetter ce monarque, ainfi que fa race : il eft
probable que fi la couronne d’Allemagne eût été une
fois for la tête d’un roi de France , & for - tout d’un
Philippe - le - Bel, il n’eût pas manqué de reprendre les
privilèges qui y étoient attachés fous Charlemagne.
Philippe fçavoit qu’il ne parviendrait jamais à faire
illufion aux éleéfeurs : auffi fit-il jouer tous les reflorts
poflibles auprès de Clément V ; mais fi d’un côté ce
pape devoit être flatté de pouvoir forcer l’Allemagne
à recevoir de fa main un empereur , il devoit être
retenu de l’autre parla crainte de fe donner un maître
; il en avoit trop coûté de foins & de fang à fes
prédéceffeurs pour divifer la monarchie , pour que
Clément pût confentir à la réunir. Dans une entrevue
que ce pontife eut avec le roi, il lui promit
d’employer tout fon crédit à faire réuffir fes deffeins ,
foit qu’il voulût la couronne pour lui ou pour Charles
fon fils : il lui donna une bulle auffi favorable qu’il
pût la défirer ; mais dans le même temps qu’il la lui
remettait entre les mains, il en expédioit une autre ,
oh il faifoit voir aux éleÔeurs les dangers auxquels
l’Allemagne s’expofoit ; & comme il connoiffoit leur
peu d’inclination pour Frédéric-le-Bel, illeurrecom-
mandoit Henri de Luxembourg, prince qui avoit des
vertus & des talents , & connu par fon zèle pour la
conftitution Germanique. Six mois s’étoient paffés
dans diverfes intrigues, & Ton commençoit à murmurer
de cette efpece d’anarchie ; cette confidération
preffa la nomination de Henri : il fut couronné à
Aix-la-Chapelle ; Marguerite de Brabant, fe femme,
fut admife au même Honneur. Son premier foin,
lorfqu’il fut for le trône ,_ futTde pôurfoivre les affaf-
fins d’Albert ; tous les complices du duc Jean & lui-
même furent mis au ban impérial ; Rodolphe de Vaart •;
feigneur qui jouifloit d’une haute réputation , fut puni
par la roue ; ce fupplice jufqu’alofs inufité en Allemagne
, affûra, dit-on, la vie des empereurs, & rendit
les afifaffins moins fréquents. Cependant Henri médite
it un projet bien grand ,. & dont l’exécution eût
pu illuftrer fon régne fans le rendre plus heureux ;
c’étoit de relever l’empire d’Occident , au moins de
le mettre dans l’état oh il étoit fous Frédéric I I , en
qui Ton peut dire qu’il finit. Plufieurs villescomme
Florence , Gênes, Luques & Bologne, avoient acheté
leur liberté de l’empereur Rodolphe les autres
avoient cru pouvoir s’en dilpenfer , efpérant que lé
temps effaceront les traces de la dom.natton des empe-
reurs ; elles étoient dans la plus grande fecunte, Oc
ne foupçonnoient pas qu’un empereur put jamais
s’expofer à renouveller les fanglantes tragédies des
Henri I V , des Frédéric I I , & des Conrad IV , fit fermeté
lui fit méprifer ces exemples : il afiura la paix
en Allemagne, en donnant le vicariat de 1 empire a
Jean fon fils, qu’il avoit placé fur le trône de Bohême,
& partit pour l ’Italie ; .c.tte contrée , étoit toujours
divifée par lés Guelphes & les Gibelins : ces derniers
. étoient toujours favorables aux empereurs, , cç com-
battoient pour la domination Allemande ; mais outre
que les Guelphes attaquaient ouvertement Henri P I ,
ce prince avoit pour ennemi cache Glement V , ce
pontife qui avoit fevorifé fon eleflion , & lavoit
appuyée de tout fem pouvoir , le traverfott par tous les
moyens poflibles, depuis qu’il le voyoit marcher fur
les traces des Charlemagne & des Othon L Clement
députe vers Robert, roi de Naples, & lui donne le gouvernement
de Rome ; il fait en même temps une ligue,
mais toujours fecrètement, avec les villes de Florence,
de Bologne , de Sienne , de Luques, de Brixéne, de
plufieurs autres moins confidérables. L empereur eut
à chaque pas de nouveaux combats a foutenir ; il
affligea la plûpart des villes que nous venons de
nommer , & en reçut quelques-unes a composition ;
la terreur de fes armes réduifit les Milanois a difli-
jnuler leurs anciens projets de domination for la Lombardie
, ils lui appportèrent les anciens tributs , & le
couronnèrent roi des Lombards. Padoue reçut un
gouverneur Allemand, & paya mille ecus par forme
ae tribut ou d’amende ; la modicité de cette fomme
attefte l’indigence des habitants de cette ville : les
Vénitiens plus riches & plus magnifiques, fe. diftingue-
rent par des préfents confidérables : Henri reçut de
leurs ambafladeurs une fomme prodigieufe, avec une,
couronne toute d’or , ornée de diamants, & dune
chaîne de vermeil d’un travail exquis : ces républicains
foivirent leur politique ordinaire , d’ecarter par
des préfents , les empereurs allez puiffants pour les
affervir ; telle fut la fageffe de Venife pendant les révolutions
qui foivirent Textinélion desCefers, que Ion a
douté long-temps , fi depuis cette époque elle n’avoit
pas toujours- été libre : Gênes montra le plus vif
empreflement à le recevoir ; elle déploya -tout le luxe
d’une nation induftrieufe &. commerçante ; & comme
Venife , elle lui témoigna tant d’affeélion , que Henri
put regarder comme fuperflu d’examiner fes droits fur
cette ville : Verone, Parme & Mantoue reçurent des
gouverneurs impériaux. Le monarque étoit a Pife.,
torique des couriers de la fa&ion des Colonnes l’exhor-
* itèrent à ufer de célérité pour fe rendre à Rome : il
«?y fit couronner dans le palais de Latran par trois
cardinaux, & revint à Pife , oh il tint une affemblée
.d’états ; il ordonna la levée des anciens tributs , &.
cita le roi de Naples , pour qu’il eût à fe juftifier fur
les motifs qui avoient porté ce prince à lui défobéir ;
& for. fon. refus de comparaître , il coijfifqua fou
Hiflmrp. T'ont p J J J.
royaume, & en"donna l’inveftiture à Frédéric , roi de
Sicile. Robert étoit perdu , & toute l’Italie alloit palier
une fécondé fois fous le joug des empereurs, fans un
dominicain de Montepulciano , qui , ^dit-on , n’eut
point horreur de mêler du poifon à l’hoftie dont il
communia Henri ; des écrivains prétendent juftifier ce
moine de cette atrocité- fecrilége , for des lettres de
Jeart de Bohême , qui déclarent les dominicains
innocents de cet attentat : ces lettres ne furent expédiées
que trente ans après; & comme le remarque un
moderne, il eût mieux valu qu elles euffent été accordées
dès qu’ils en furent accufés. On reproche aux fuccef-
feurs de .Henri V I I , d’avoir négligé la pompe funèbre,
& d’avoir laiffé fon corps à Pife , au lieu de l’avoir
fait transférer à Spire dans le tombeau des empereurs.
Outre Jean, roi de Bohême , dont nous avons parlé
dans cet article, ce prince eut quatre filles-: la première
fut mariée à Charles , roi d’Hongrie ; Marie ,
la feconde, à Charles-le-Bel, roi de France ; Agnès,
la troifième, à Rodolphe , éle&eur palatin ; Catherine
, la quatrième époula Léopold d’Autriche ,
(A f .- r .)
Henri, dit le roi des prêtres, {Hifl. J Allemagne!)
landgrave de Thûringe & de Heffe , fils d’Herman ,
comte de Rafpenberg, & de Sophie de Bavière, fut
élu empereur en 1245 , pendant les troubles excités
par l’excommunication de Frédéric II, par Innocent IV ;
Henri gagna la bataille de Francfort for Conrad IV ,
qui pour lors étoit roi des,Romains, il périt au fiège
d’Ulm, Tan 1246 , ,-6c fut inhumé dans Téglife de
Sainte-Catherine d’ifenac : On prétend qu’il étoit du fang
de Charlemagne ; on ne le met point au nombre des
empereurs, n’ayant été reconnu que par les eccléfiafti-,
ques, qui furent caufe qu’on lappella par dérifion, le
roi des prêtresi ( M.-Y. )
Henri I , {Hifl. J Angleterre.') duc de Normandie,
couronné roi d’Angleterre en 1100, au préjudice
de Robert Courte-cuiffe, fon frère aîné, & tous
deux frères de Guillaume le Roux & fils de Guillaume
le Conquérant. L’avénement de Henri I au trône,
eft une époque mémorable. Il n’obtint la préférence
for fon frère qu’en accordant aux Anglois des privilèges
qui puffent les mettre à jamais à l’abri des vexations
de la puiffance arbitraire : privilèges qu’aucun roi n’a
violés depuis impunément , & qui.font encore aujourd’hui
la bafe de la liberté britannique. Il jura pour lui &
pour fes focceffeurs, qui n'ont pu annuller fon ferment,
de ne jamais lever de taxes ou de. fobfides fans le confen-
tement exprès de la nation : il jura qu’aucun citoyen
i ne pourrait, en aucun cas , être condamné par le
roi ou par fes officiers, foit en matière civile, foit en
matière criminelle, que i’accufetion n’eût, été vérifiée
devant douze de les pairs ou concitoyens qu’on
ferait obligé d’affembler pour cet effet. Henn m°nté
fur le trône, foutint cette démarche pendant un règne
de vingt-cinq ans, & mérita les titres de guerrier
courageux, de politique habile & de roi jufte. Il
mourut en 1135. (A . R. )
Henri II, fils de Geoffroi, comte d’Anjou, & de.
Mathilde, i. fils de Henri I , dont on vientT de parler*