
went des feris rie lui permirent plus les grands ©üVfàgi£s
4k. lçs profondes recherches, il voulut au moins revivre
par le fouvenir dans fes travaux pâlies : il compofa lès
mémoires dont l’éîégarite (implicite , la grâce attachante
& l’intérêt naturel fumroient à la réputation
«àun autre écrivain.
Demandez-vous s’il fut heureûx/ ? 11 vous répondra
«n-même qu’il n’a jamais connü l’ennui que de nom i
reconnoifTez dans ce feul mot quatre-vingt-dix ans de fa-
gelTe & de bonheur. De plus ; il n’a point fait de mal ,
o£ il a fait du bien. Quelle fource de bonheur encore !
Je vois le lien à peine interrompu par quelques procès,
qui embarrafsèrént un moment fa fortune * & qui pa-
1 pillent avoir agité fon ame, mais le calme y. rentrait
ailement. Les lettres, l’amitié, la gloire j la vertu ,
a fortune même concouraient à l’y fixer.
Cette fortune, ces bienfaits d’un roi reconnoifïant,
«es titres académiques, ces décorations littéraires pafFent
a des fucceiTeurs dignes ou indignes, & ne font qu’un
bien particulier ; mais une bibliothèque peut être un
bienfait eternel & public. L’illuftre de Thou avoit
youlu afsurer la fienne à fa famille ; fès voéux avoient
«te trompés. M. Huet avoit vu avec douleur dilTiper
ce^grand monument de goût 8c de magnificence, quoi-
Quil en eût recueilli les débris. La bibliothèque de
M. Huet avoit été formée avec un goût non moins
magnifique , non moins éclairé ; c’étoit fon unique
objet de dépenfe j chaque année, chaque jour l’avoit vu
s accroître. O prévoyancè' humaine ! M. Huet crut
que le feul moyen d’en empêcher la difïipation, étoit !
de charger de ce dépôt une focïêtè fiable ; ce font fes
termes, & cette fociété, c’étpient les Jéfuites. Elevé
chez_ eux , ils les avoit toujours aimés , quoiqu’il
•jugeât d’eux fans partialité , comme il jugeoit tout &
*5U plaignît de plafieurs d’entr’eux. Ce fut à la
maifon profeflè de Paris qu’il confia, ce tréfbr , &
Menace ion ami, fui vit fon exemple. A peine cette
dîipofition étoit faite, qu’un accident fimefte en accéléra
J execution ; la bibliothèque de M. Huet étoit refiée
«ans la maifon qu’il louoit à Pans ; cette maifon tomba
î^u-ïi61116?1 1 ^ entra*na dans là ruine une partie de
«bibliothèque; de prompts fecours en fauvèrent les
jeites , qui firent à l’inftant tranfportés chez les Jéfuites.
y fSvit un bien dont il ne pouvoit fè féparer.
Ceft dans ce dernier alÿle qu’il raffembla long-temps
cette foule damis fçavants & illuftres qui formoient
autour de lui une académie perpétuelle, nombreufe &
cnoifie ; c’eft là qu’il eft mort, âgé de 91 ans, en 17 2 1, .
content d’eux & de lui-même, plein d’efpérance dans
*a bonté d’un Dieu qui l’avoit toujours, difoit-il, vifi-
blement protégé, laiflant à la pofiérité fes vertus pour
exemple & fes écrits pour înftruêtion.
Ouvrages de M. Hueu
L art de rendre 1 érudition utile paraît confifter en
«eux points : aire tout ce qu’il faut & ne dire que ce
qu il faut. De ces deux peints, c’eft toujours le dernier
qui eft le plus difficile à un fçavant ; il lui en coûte
autant pour contenir fà fcience, qu’à un homme ordinaire
pour réprimer fes paffions ; c’eft que fa paillon eft ,
l’ambiüoiî fi’enfeigner & de régner fur les efprits. M,
Huet j toujours maître de lu i, fçut régler fa plume
comme fon âme ; il fèntit qifil d-voit y avoir une
proportion entre le befoin qu’un auteur a d’inftruire ôc.
le befoin que le leéhur a d’être inftruit ; que tout ce '
qui excède cette mefure, fatigue, rebute, fait taire le
befoin 8c cefïer le defir d’apprendte : aufli ne le voit-
on jamais s’abandonner à ce luxé d’érudition qui a tant
décrié la fei ence ; jamais fes livres n’épouvantent l’igno- I
rance par cet amas de citations dont s’énorgiieillit un
fçavant vulgaire, & dans lequel on peut toujours
foupçonner quelque exagération. Se peut - i l , difoit
Henri I V , à Dupleflis Mornay que vous ayez lu
tous les livres que vous citez ? & M. Huet prétendoit
s’etre affiné que Mornay n’en avoit lu aucun. Pour
lui, quand il cite des auteurs, il prouvé qu’il les a lus
en les faifant connoître , en les faifarit aimer , en les
jugeant finement & juftement-, en tirant un mief
doux de leurs moindres fleurs , & fouvent l’or pur de
leur fumier ; il remplit tout fon objet ; s’il ne donne
rien à l’étalage, il ne refufe rien à l’inflruêfion, 8c
- certainement Colbert , après avoir lu le traité du
commerce & de la navigation des anciens , fçavoit
tout ce qu’un grand miniftre doit fçavoir for cet objet
important. Quelle mine de connoiflances utiles que cet
ouvrage ! quels regards jettes fur l’univers ! que de
peuples connus & jugés! comme on voit les Empires
fè- former , s’élever , décliner & tomber ! comme
toutes ces révolutions font le, plus fouvent la fuite du
commerce ou cultivé,ou négligé! Mais quel exemple
8l du. parti qu’un homme d’état fçait tirer, des lumières
des fçavants , & des fervices que les gens de’ lettres
peuvent rendre à l’état qui fçait les employer ! Demandera
t-on à quoi fervent la fcience 8l les monuments
des travaux antiques, s’i f eft vrai, comme le prétend
M. Huet, que le Cap de Bonne-Efpérance ait été
doublé par les plus anciens, peuples , & que les Portugais
aient été guidés dans îa découverte qu’ils en
firent, par les veftiges qu’ils en avoient trouvés dans
l’hiftoire ? Rien n’échàppe à la pénétration de M. Huet,
il a faifi tous les traits de reffemblance entre les Egyptiens
& les Chinois ; il eft le premier auteur de cette
grande idée, fi développée depuis , 8c qui pourrait
etre la clef générale des moeurs de l’Afie, que les Chinois
& d’autres peuples orientaux ne font que des colonies
de l’Egypte. Sa pénétration alla jufqu a prédire en
quelque forte & annoncer au monde le czar Pierre I ,
avant qu’il fût for le trône.
Les termes de M. Huet font remarquables. « Les
n Mofcovites tireraient des profits immenfès d’une
» fituation ( qui leur donne lê commmerce de la Mer
Baltique , de là Mer Blanche , de la Mer du Nord, de
la Mer Noire, de la Mer Cafpienne ) , n s’ils ne fe man-
» quoientà eux-mêmes par leur négligence &par leur
» groffièreté , qui les empêche de cultiver les ans,
» & par l’efprit défiant & foupçonneux de leurs
n princes , qui ne leur permettent pas de fortir de leur
w pays , & qui leur font éviter le commerce des
n etrangers. Que s’il s’élevoit parmi eux quelque jour ,
» «n prince.ayife qui reconnoifïant ksdéfewts de cette
fe baffe &. barbare politique de fon état > prît foin d’y
w remédier, en façonnant l’efprit féroce & les moeurs
» âpres 8c infociables des Mofcovitês , & qu’il fe
a fervît aufli utilement qu’il pourroit le faire , de la
» multitude infinie de fojets qui font dans la vafte
v étendue de cette domination, qui approche des fron-
to tières de la Chine, &. dont il pourroit former des
» armées nombreufes, & des richefles qu’il pourrait
n amafler p-r le commerce, cette nation deviendrait
» formidable,-à tous'fès voifins,«.
Le traité des navigations de Salomon doit être
cpnfidéré comme la -fuite & l’extenfion de celui-ci.
Peut - être n’eft - il pas certain. qu’Ophir foit le Zan-
guebar & Sofala , que la terre de Thàrfis foit la côte
occidentale de l’Afrique & de- l’Efpagne. Peut - être
importe-t-il peu aujourd’hui de fçavoir bien précifé-
ment quelles étoieijtrces régions 8c la fituation du
Paradis. *terreftre , fi foigneufement recherchée par
M. Huet, ainfi que par Bochart ; mais fi nous.voulons
ô.ter aux fçavants ces recherches de curiofité qui les
amufent, craignons de les refroidir biehtôt fur les recherches
d’utilité.
Quand M. Huet entreprenoit un ouVirage, il en
faififl'oit tous les entours, il remontoit aux principes
de chacun des genres qu’il vouloir traiter. Le feul
projet de traduire Origène lui fit aifoutèr les principes
de l’art de traduire , 8c le mérite de tous les traduâeurs
connus ou même inconnus , de quelque langue & dans
quelque langue qu’ils euflent traduit. Cet ouvrage d’un
jeune homme , étonna les fçavants confommés. Segrais
ne pouvoit fè laffer d’y admirer la profondeur du rai-
fonnement, l’immenfité des connoiflances &. l’agrément
du ftyle: M. Huet examiné cette queftion fi rebattue ;
depuis, fi l’tifage des traduâions eft utile ou pernicieux
, il décide en faveur de cet ufage : en effet, un
mot fimble décider la queftion. Peut-on • comparer le
petit nombre de ceux qui, fans les traduêfions , euflent
étudié les originaux, & que les traduirions feules en
ont empêché, avec le très-grand nombre de ceux qui,
fans ces traductions, n’euffent jamais connu ces mêmes
originaux ?
L’écueil oh fe font brifés la plupart de ceux qui ont
écrit for Origène, c’eft la partialité. On a , pour ainfi
dire, moins écrit fur Origène que pour ou contre lui.
Condamnation ou apologie, on n’eft guère fbrti de
cette alternative. M. Huet apporte à l’examen de cet
auteur des difpofitions plus pures ; il ne veut être ni
fëvère ni indulgent , il né veut être que jufte ; il
»examine en lui-même,indépendamment de tout examen
précédent, le foin qu’il prend d’en écrire la vie , d’en
traduire & d’en juger les ouvrages, annonce au moins
«e fa part une eftime qu’il ferait difficile de refofer. à
Origène ; mais s’il Pabfout quelquefois où d’autres l’ont
condamné, il le condamne aufli quelquefois oh les
cenleurs les plus auftères l’ont abfous, du moins par
teur filencè.
Quand à côté de cet ouvrage, nous placerons le
traité de l’origine des romaris, çompofé à-peu-près
«ans le même temps , nous ne ferons que fuivre en
^eiqué forte l’efprit de M. Huet, &. donner une
preuve de Cette eftime philofophique qu'il eut poi;r-
tous les genres de littérature. Ce traité fage &fcavam
mis à la tête de la Zaïde de M” t- de la Fayette ’
coudent toutxe qu’on peut dire de raifonnable pour ou
contre les romans.
t e plus grand titre de gloire de M. H ua , c’eft
fa Démonjlratïon évange tique. L’étude profonde quil
avoit faite de la religion , lui avoit- perfuadé que la
vérité de cette religion fainte, & l’authenticité des livres
facrés, étoient fulceptibles de démonftrations géométriques.
Il procède en effet, à la manière des.géomè-
tres, par définitions , par demandes, par axiomes
par théorèmes. M. Hua nte voit dans les Dieux àdorés
par les divers peuples, que Moïfe déguifé fous différents
noms , il ne voit dans la Mythologie de toutes
les nations que le Penfateuque défiguré. Cette idée qui
eut pu paftér comme conjecture, fut attaquée comme
démonftrâtion; M. Huet eut dés cenfeurs, & il leur,
jrépo’ndir'; maïs ceux qui fe montrèrent les moins
favorables à l’auteur , à l’ouvrage & au fujet, dirent
; qu’il n’y avoit de démontré que lé' grand fçavoir dé
l’auteur.
Aü refte'cette méthode mathématique, outre qu’elle ’
dévenoif piquante & nouvellepar l’application, avoir
: encore un-autre avantage bien conforme à la modération
naturelle‘dë JM. Huet. Ce’ fang-froid de la géométrie, ce •
calme dé là vérité’ exclüoit lacrété (héologique & ce
qtorrent d’injures dont'tant d’indignes défenfeurs de ia
religion ont' déshonoré fe caufé & fouillé leurs écrits.
Eh ! pourquoi injurier l’incrédule ? il s’agit de le con-
yaricrë, Nos emportements rendrontéils fon efprit plus
éclairé ou fon coeur plus docile } Le médecin commence-
t-il par outrager le malade qu’il veut,guérir f Périffe
ce zèle amer & aveugle qui croit feryir la foi, en
violant la 'Charité;' Nous ' voudrions n’avoir fur cet
article aucun reproché à faire à M. Hùet. B faut avouer
qu’irrité parles contradiffitiris de Xoland, M. Huei‘ (e
; permet des tranfports oh nous ne réconnoiffons plus fa
douceur refpeéfablè; après avbir, chargé d’opprobres
•fon adverfairè : je taiffe, dit-il, à Dieu U foin de fit
vengeance ,& • je remets ma caufe entre fes mains ; c’eft
à ce mot qu’il eût fallu s’arrêter , mais il vient trop tard.
J’aitne bien mieux M. l?ner, lorfque donnant à fâ
démonftrâtion évangélique un coniplément peut-être
néceffaire, il ménage eniphilofophe chrétien, l’açcord
de Urailon & de la foi. C’eft dans fa retraite d’Aunay
qu’il compofpit ces Tufculànes faefées , dont le début
. feul fuffit pour foire voir combien il avoit l’efprit philofophique,
l’imagination douce Sériante , combien il
aimoit la campagne & les lettres . combien il étoit
noum de la bonn^ latinité.. C ’éft par cette latinité,
cicéronienne ,..par ce ftyle.pléih d'harmonie &: dé fens -
plein d’idées Si d’images , ’ qui ;ffattè; l’oreille & qui
H ramp; c’eft par f’atticijme Sté par l’urbaràté
1 “ Huet fe .diftingue. des favants, comme il fe
diitingue des beaux-efprits par une variété de connoif-
fances inouïe parmi les favants même. Jettez les yeux
fur fes diflertations recueillies par l’abbé de Tilladet
Si fur cette foule de matières de tout genre , apprcK
fosojf s, pour aifjfi dire», d’un feultrait ckyis le Hustuna,