
C ’étoit dit M. do Fontenelle, un homme d'un travail
continu ; il ne cor.noifibit que la chambre de fes malades
, ion cabinet, fon laboratoire , l’Académie. ,11
«toit d’abord proteftant ; il fut perfécuté, ruiné, expatrié
pour fa religion ; après avoir tant fouftèrt pour
elle, il la quitta en 1680 , & ramena là fortune qui
s’étoit éloignée. Il étoit à la fois médecin, chirurgien ,
apothicaire comme les médecins de l’antiquité ; mais ce
qu’il étoit prefqu’exclufivement, c’étoit chimifte. Son
nom fut long - temps le plus grand nom & à-peu-
près- le feul grand nom qu’il y eût en chimie. Un
espagnol, fondateur & préfident de la Société Royale
de Médecine établie à Séville , difoit quV/z matière
ce chimie , F autorité du grand Lémery étoit plutôt unique
que recommandable. Les çhofes font bien changées à
egard ; cette fcience a fait, for-tout de nos jours, les
plus grands progrès. Nicolas Lémery entra en 1697,
dans l’Académie des Sciences, il vit entrer deux de
fes fils dans cette compagnie , & fa penfion, dont il
fe démit, fut donnée à l’aîné. Il mourut d’apoplexie
le. 19 juin 1715. U avoit donné en 1675 , un Cours
'de Chimie ; en 1697 , une Pharmacopée univerfelle,
oc un Tra\ti univerfel des Drogues. En 1609\ un
Traité de F Antimoine.
Louis Lémery, fils du précédent, digne de lui par
fes connoiffances en chimie & en médecine, fut médecin
du ro i, il fut au fit membre de l’Académie des
Sciences, comme fon père & fon frère. Il écrivit
contre M. Andry , fur la génération des vers dans le
corps humain. On a de lui un Traité des Aliments,
fcfi.mé , & un grand nombre de Mémoires dans le
recueil de l’Académie. Il a eu de Catherine Çhapotot,
qu’il avoit époufée en 1706 , une fille aimable &
célèbre par les agréments de fa fcciété, morte de nos.
jours.
LEMOS ( Thomas, ) ( Hift. Eccléjîaft. ) dominicain
efpagnol, redoutablè aux Jéfoites & aux Moliniftes
quai éçrafa, dit-on, dans les fameufes congrégations
ce auxûïis, Le P. Valentin jéfuite, qui difputcit contre
lui , cita par ignorance ou par fraude piéufe, un
paflage de St. Auguftin, qui n’étoit pas de St. Auguftin;
Lemos qui favoit par coeur tous les écrits de ce père
de l’égiiiè , s’apperçut de l’erreur ou de l’artifice &
confondît le jéfuite , qui ayant été réprimandé par le
pape pour cette faufle citation, en mourut de honte &
de douleur. Les autres jéfoites qui entrèrent en lice
contre Lemos n’eurent pas plus d’avantage ; ils difent
que Lemos i’emportoit par la force de fa poitrine de
fer. Les dominicains loutiennent que c’étoit par l’éloquence
, la fcience & la raifon, Un d’entr’eux, le père
Chouquet, y ajoute un autre avantage qui n’étoit pas
médiocre, c’efl que le père Lemos étoit environné d’une
gloire en manière de couronne 3 qui éhlouiffoïtfes adver-
faires & les cardinaux memes. Le titre du livre où il
rapporte ce fait curieux n’eft pas moins curieux que
le fait Voici ce titre : Les entrailles maternelles de la
Vierge pour l’ordre des frères prêcheurs. Il femble
que les frères prêcheurs failant profefiion de çontefter
l’immaculée conception de la Vierge, ne méritofent
guère de fa Part ces emiaijlçs matçrpe]Jes? §l [es frères
mineurs étoiént sûrement de cet avis, aufii bien que
les jéfoites. Les gens fans partialité fur les grandes
questions qui s’agitoient entre les dominicains" & lès
jéfoites dans les congrégations de auxilïis, difent. que
Lemos combattit mieux le mo.linîfine qu’il ne dé-for.dit
le thomifme , & qu’en général tous ces fyftêmes font
plus aifés à renverfèr qu’à établir folidement. Quoi
qu’il enfoit, Lemos chanta lui-même fa viQoire dans
un journal de la congrégation de auxiliis. On a encore
de lui un ouvrage fur les mêmes qüeftions, intitulé :
panoplia gratioe & d’autres écrits fur la grâce. A cette
occafion les auteurs du nouveau dictionnaire hiftorique
remarquent feulement, en parlant de la grâce, qu’on
en chfpute trop & qu’on ne Ja demande pas afiez,
La latiété du public a enfin rendu ces difputes plus rares.
On dit que. Lemos refùfà un évêché, & le contenta d’une
penfion. Il mourut en 1629 à quatre-vingt-quatre ans,
LEN CLOS ( Anne , dite Ninon, ) {Hift. mod. )
Au nom de la célébré Ninon de Lenclos on fe rappelle
d’abord les Laïs, les Phrinés, les Léontium , les Al-
pafies-, &c. toutes ces courtifanes fi faîne:ufes par la
beauté, par lefprit, par'les talens, par ce grand af-
cendant qu’elles eurent for les. hommes. Ce fer oit
cependant faire tort à Mademoifelle de Lenclos que
de la mettre au nombre des courtifanes} elle profana ,
il eft vrai, l’amour en deux manières ; i°. en prodiguant
à faveurs ; i°. en le îéduifent au plaifir des fens : elle
prodigua fes faveurs, mais elle ne les proftitua point,
du moins elle ne les vendit pas ; il fallut lui plaire pour
être bien traité d’elle, Au défaut de Famour, elle
refpeéfa du moins allez le plaifir pour ne pas croirej
quil put être un objet de trafic ; en effet parmi tous
les moyens d’anéantir le plaifir, il n’en eft pas de plus -
sur que de l’acheter & de le vendre, Ninon fit à bon
efeient le facrifiçe de la cpnfidération qui naît de la
vertu dès femmes, elle fe contenta- de celle; que pro- .
curent lefprit, la probité, les qualités fociales, un
cara&ere sûr & aimable, Mais avec la vertu du fexe,
de combien d’autres vertus accefîbires on fe dépouille î .
Cette confiance qu’elle avoit dans l’amitié n’étoit plus,
pour elle en amour que la matière d’une piaifanteriq
indécente. Cette fidélité à remplir tous fes èngagemens ,
qui la faifoit aller au delà ( de peur de refter en deçà„
cette vérité, cette {implicite que fes amis trouvoient;
toujours dans fon cçeur, dans fon efprit, da s fon ton,
dans fes maniérés , dans tous les details de. fon commerce,
difparoiffoient pour fes amans ; on connaît fon.
mot dans un moment d’infidélité. Ah ! le bón billet qu a
la Châtre ! mais pourquoi des billets ? elle avoit donç
voulu tremper. Elle qui fyftématifoit fa conduite &
qui mettoit en principe la licence de fes moeurs, de voit
avoir peur premier principe qye le plaifir n’àdmet ifi
engagement ni renonciation, qu’on le. prend par tout
où il fe prçfente, qu’on le quitte par tout pù- il s evà*
nouit. Ce billet portant engagement de n’en point aimer
d’autre étoit donc une petite iaufteté, une fandet q
peu philofophique, peu digne de Ninon. La licence
des moeurs entraîne aufii la perte de la modeftie, première
parure des femmes honnêtes, fard néceffaire
à celles qui ne le font pas; on dit que les gal^ntçr
de Ninon ayant engagé la reine Anne cFAutriche à lui
ordonner l’afyle d’un couvent dont elle lui laifla le
choix, Ninon répondit qu’elle choififfoit le couvent
des grands Cordeliers de Paris ; ce n’eft qu’une plai-
fànterie, ma s elle eft trop forte pour une femme &
elle choque même comme plaifenterie. St.. Evrémont
a peint avec beaucoup de précifion dans les vers foi-
vans, ces mélanges > Ces contraftes qui fe trouvent
dans le caraélcr : de Ninon :
L ’indulgente & fage nature
A fermé l’ame de Ninon
De la volupté d’Epicure,
Et de la vertu de Caton.
Tous fes amans forent des hommes aimables, tous
fes amis furent des gens de mérite, elle eut for-tout
une vieillefte aimée & refpeélée. Sa maifon devint le
rendez-vous de la meilleure compagnie tant de la cour
ue de Paris -, même en femmes ; Ta dévote Madame
e Sévigné, qui l’avoit long-temps traitée avec le
mépris qu’on a pour une courtifane, & la haine qu’elle
croyoit devoir à celle qx’élle regardoit comme la fé-
duarice de fon fils, fût enfin forcée de changer de ton
for fon compte & d’avoir pour elle des égards. La
prude Maintenon qui avoit été fon amie dans la jeu-
nefle, voulut dans fa vieillefte l’attirer à la cour pour
qu’elle l’aidât à en fopporter l’ennui : Ninon, pour
toute réponfe, lui propofa, dit-on, à elle-même de
quitter cet ennui lùperbe pour venir goûter avec elle
les douceurs de l’amitié dans la condition privée.
C ’eft le fùjet d’un dialogue entre Madame de Main-
tenon & Mademoifelle de Lendos dans M. de Voltaire.
Il parôît cependant que Ninon ne s’eftimoit pas
plus heureufe à Paris au milieu de fes amis, que
Madame de Maintenon à Verfaiiles au milieu de fes
ennemis, puifqu’elle écrivoit à St. Evrémont ; « Tout
» le monde më dit que j’ai moins à me plaindre due
» temps qu’un autre. De quelque façon que cela (bit,
ti fi l’on m’avoit propofé une telle vie, je me ferois
» pendue. »
Elle ne fut point dévote, mais les dévots briguèrent
fa conquête avec autant d’ardeur que fes amans
•l’avoient long-temps briguée. Vous fevez , dit-elle un
jour à M. de Fontenelle, quel parti j’aurois pu tirer
de l’amour pour ma fortune, il ne tiendroit qu’à moi
d’en tirer un plus grand encore de 1a relig’on ; les janfé-
niftes & les moliniftes fe difputent mon ame, la marchandent
, & me font tous les jours à l’envi les pro-
pofitions; les plus honnêtes. Un de fes amis, dans une
maladie grave , refufant de voir fon curé, elle l’ïn-
troduifit elle-même en difant : Monjieur, faites votre
devoir, il fera un peu le raifonneur, mais je vous afsûre
qu il tien fait pas plus que vous & moi. On dit qu’au
mueu des plus grands défordres de' fa vie , elle ne
manquoit point à les prières du matin & du loir ÿ.que
tous les foirs elle remercioit Dieu de Pe-prit qu’il lui
avoit donné, que toas les matins, elfe le prioit de la
preferver des foui fes de fon coeur.- EUe eut un fils qui devint
amoureux d’elle., &. fe tua de défeipoir en apprenant
qu'elle étoit fa mère. Le Sage a Fait cfage de
cette aventure dans fon roman de G il B! as. Elle étoit née
en 1615, elle eft morte en 1706 âgée de quatre-v/ngt
dix à quatre-vingt onze ans * ayant confervé jufou à
cet âge, tout fon efprit & tout ce que la vieillefte
peut Iaifler d’amabilité ; elle aveit connu M. de Voltaire
enfant, avoit preftenti ce qu’il devoit être un
jour, & lui aveit fait un petit legs pour acheter des
livres. Elle étoit née de parens nobles, étoit reftée
orpheline à l’âge de quinze ans, & s’éto t formée elle-
même par la leéhire. Jeune encore &déjà fort aimée, elle
eut une maladie dans laquelle on défelpéra de fe vie.
Ses amis la plaignoient de mourir fi jeune & d’être
enlevée à tant de coeurs qui l’aimoient, Hélas ! dit-elle,
je ne laiffe que des mourans. M. Bret & M. Damours
avocat au confeil, ont écrit fe vie ; ce dernier a donné
d s lettres qu’il a foppofées écrites par Ninon au marquis
de Sévigné. Ces lettres ne font pas fans mérite ,
mais elles n’ont pas celui d’être de Ninon.
LENET (Pierre,) {Hift. mod.') confeiller d’état,
dont nous avons des mémoires afl’ez curieux for les
troubles de la fronde, principalement dans la Guyenne,
Il étoit fils & petit fils de préfidents du parlement de
Dijon , il avoit été lui-même confeiller , puis procureur
général de ce parlement. Mort en 1671.
LENFANT (Jacques,) {Hift. Litt. mod. ) fran-
çois réfùg;é d’abord à Heidelberg, enfoite à Berlin ,
auteur des hiftoires des conciles de Confiance, de Pife,
de Bâle, de l’hiftoire de la papefle Jeanne, d’un pog~
giana , ou vie & bons mots du Pogge, de fermons oC
d’autres ouvrages. Il étoit prédicateur de la reine de
Prufle , & chapelain du roi fon fils ,. père du roi
dernier mort. 11 étoit aufii de l’académie de Berlin :
né à Bazoche en Beauce en 1661 , il mourut en
1728.
.Un-autre Lenfant (David) dominicain de Paris ,
mort en 1688, a fait quelques compilations théologiques
& une mauvaife hiftoire générale.
LENGLET , ( Hift. Litt. mod. ) c’eft le nom i s.
d’un profefteur royal d’éloquence & reéleur de l’uni-
verfité, poëte latin moderne, grâce aux anciens.
20. Du fameux abbé Lengletdu Frefooy (Nicolas )
M. Michault a publié en 1761 des mémoires for fe
vie, & il avoit préparé un Lengletiana. Lenglet du
Frefooy naquit à Beauvais le 5 oétobre 1674. En 1696
il publia une lettre tHéologique for la vie de la Ste. Vierge
par Marie d’Agréda : cette lettre fut cenforée en for-
bonne , & par l’éclat même de cette cenfore , fit une
forte de réputation à l’auteur : indépendamment de la cenfore
il eflùya des critiques, par conféquent il s’enflamma
pour fon opinion, & au lieu d’une fimple lettre for
lés apparitions, les vifions & les révé'ations particulières
, il fit for cette matière qu’il approfondit &
qu’il réduifit à des principes généraux , un grand
traité hiftorique & dogmatique J mais il renchérit bieq
fur le confeil d’Horace
Nonumquc prematur in atinum.