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cution littéraire à fouffrir ; on faccùfà de décrier 1
Lucilius par envie ; on ne manqua pas dè dire contre
lui tout ce que nous avons tant entendu dire contre
M. de Voltaire , quand it eut fait h Temple du Goût
& ft»n commentaire fur Corneille, que ce fujet rebelle
vtè détrônoit ainfi fes maîtres- que pour ufurper leur
place. Horace fut obligé de faire fon apologie ; c’eft
l ’objet de la dixiéme fatyre du premier livre d’Horace, .
Lucilius n’y gagne rien ; Horace ne lui accorde toujours
que ce qüUl lui avoit accordé, une plaifanterie-
vive & piquante, tout le fel de la fatyre ; mais il lui
dénie toujours ce qu’il lui avoit dénié, le mérite des
vers :
Nempè incompofito dixi vede burrere verfus
Lucïli. iQuis tam Lucili fautor ineptè ejl .
U t non hoc fateatur ?■ at Idem quod fale multo
L/rbem defricuit chartâ laudatur eâdeni !
Nec tarnen hoc tribuens dederim quoque caetera....
. . . Non falls efi rißt diducere rïElum
Auditoris'. <S* eß quaedam tarnen hic quoque virtus.
C ’eft cette apologie d’Horace au fujet de Lucilius ,
que Boileau parôît avoir voulu imiter dans la. fatyre
à £?n efprit.
Pirfe a dit dans le même fens qu Horace 4
Secuit Lucilius urbem.
Juvènal, en parlant de Lucilius, femble fe peindre
lui-même :
Enfe velut friElo quolies Lucilius ariens
lnfremiàt s rubet auditor cuïfrigida mens eß
Crimimbus , tacha fudant prcecordia culpâ.
QuintiKen loue Lucilius de beaucoup d’érudition ,
& Cicéron lui reproche formellement d’en manquer ;
mais Cicéron fur ce point, eft tombé en contradiction
avec lui-même. Pour lu i, il défiroit, difoit-il, des lecteurs
qui ne fuffent ni tout-à-fait ignorants, ni trop
lavants. Il paroît que ce Lucilius étoit un homme dé
très-bonne compagnie. C ’étoit l’ami de Scipion & de
Loelius j qui venoient fe délaffer __ avec lui dans un
repas frugal, de leurs grandes & importantes occupations
:
Quin ubi fe à vulgo & fcend in fecreta rembranu
Virtus Scipiadæ & mitis fapientia Ledi
Nugari cum illo & difcincli ludere, do nec
Decoqueretur olus , Jbiïti.
Il étoit né à SuefTa , au pays des Auronces - en
Italie l’an de Rome ; 605. Velieïus Paterculus dit
qu’il porta les armes fous le fécond Scipion. l’Africain ,
à la guerre de Nuraance; felon la chronique d’Eufébe,
il n’auroit eu alors que quinze, ans, ce qui forme une
difficulté, parce qu’il n’auroit point eu encore la robe
virile. Quintilien nous apprend que de fon temps,
Lucilius avoit encore des zélateurs qui le préféroient
non feulement à tous les fatyriqués, mais à tous les
©êtes. On dit qu’il en avoit eu d’affez fous pour J
1; u g
cacher des fouets fous leur robe afin de châtier ceux
qui partaient mal des vers de Lucilius. Il ne nous refte
que quelques fragments de fes fatyres. Il avoit fait
la vie .de Scipion l’Africain^ & c’eft à quoi Horace
fait allüfion da&s ces vers :
Attamen & jufium poteràs & fcribere foxtem
Scipiadem utffapiens Lucilius.
Lucilius étoit grand -oncle -de Pompée du côtfé
maternel de ce dernier.
LUCILLE, ( H iß Rom. ) fille indigne de Marc*
Aurèle., mais digne de Fauftine fa mère ; ( Voye%
l’article Faustine. ) auffi déréglée qu’elle dans fes
moeurs, époufa d’abord l’empereur Verus, affociéà
- l’empire par Marc-Aurèle , enfuite le fénateur Claude
Pompeïen , en conîervant les honneurs attachés à \ß.
dignité impériale. Elle eut un commercé inceftueux
avec l’empereur Commode fon frère, puis dédaignée
de.lui dans la fuite , & fon orgueil fouffrant impatiemment
la néceffité de céder le pas à l’impératrice
fa belle-feeur., elle prit le parti de confpirer contre
fon frère., & entraîna fes amants dans cette confpira-
tion, qui fut découverte, •& qui la fit d’abord reléguer
dans l’ifle de Caprée , où peu après elle fut
mife à mort l’an de J. C. .183.
L U C R È C E , ( Lucretia) [H iß. Rom.') dame
romaine, dont le nom eft devenu pour les femmes '
le fymbole de la vertu. Elle étoit fille de Spuriùs
Lucretius, & femme de Tarquin Collatin. [Voyez
T arquin. )
Lucrèce, ( Titus Lucretius Carusl) ( Hiß. Litt, de
Rom. ) poète & philofophe, dont tout le monde rejette
le fyflême, &. fait les vers par coeur:
Pieridum f i forte lepos äußern canentes
Deficit, eloquio v iîli, re vincimus ipsâ.
a dit l’auteur de l’Anti-Lucrece, excellent poème dé
raifonnement & de difeuffion, où Ton réfute un excellent
poème de raifonnement & de difeuffion. C ’eft
une chofe qu’on ne peut trop admireri, que la manière
heureufe dont l’un & l’autre poète a fit appliquer la
poëfle à la logique , à,la phyfique , à la mêtaphyfiqu® ,
à l’expofition & à l’examen de divers fyftêmes. Les
éditions du poème de Lucrèce, de rerum Naturâ, font
innombrables , & les deux Poètes rivaux ont eu l’un
& l’autre l’avantage de trouver un fort bon traduâeur.
M. de la G; ange a enfin traduit Lucrèce comme il
méritoit de l’être ; & long-temps auparavant, M. de
Bougainville avoit fort bien traduit Y Ami - Lucrèce.
Lucrèce mourut à quarante - deux ans, & cinquante-
deux ans avant la naiffançe de J. C.
LUCULLUS, ( H iß. Rom. ) Lucius Licinius, fils-
d’un .père condamné comme concüfifionnaire, amaffa
d’immenfes richeffes , & les dépenfa magnifiquement,
fens donner lieu même à un foupçon de concuffion. II
put dire , comme dît dans la fuite un grand général ;
je ri ai jamais rien gagné que fur les ennemis de l'état.
J On cite Lucullus comme un exemple de ce que
peuvent;
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aeiTvent la leéhire & l’étude de l’hiftoire. Cicéron dît
qu’étant parti de Rome encore novice dans l’art militaire
, il arriva en Afîe général tout formé , parce
qu’il employa tout le temps du voyage à lire, à méditer
l’hiftoire & à interroger les gens au métier. C’étoit
pour la guerre contre Mithridate qu’ il partoit. C ’eft
dans cette guerre qui devoit occuper & illuftrer les
jolus grands généraux Romains, que Lucullus acquit
& fa gloire & fa fortune ; il eft un de ceux que
Xipharès défigne, lorfqu’il loue fon père d’avoir feul
durant quarante ans :
Latte tout ce que Rome eut de chefs jmportàns.’
Lucullus eut . contre lui les plus grands fuccès. Cotta,
collègue de Lucullus, & qui avoit toujours voulu
lui enlever l’honneur de la viétaire , s’étoit fait battre
deux fois en un jour ôc fur terre & fur mer , par
Mithridate , enfermé dans Chalcédoine ; il n’a voit
plus d’efoérance que dans ce même Lucullus, objet de
fon envie ; Lucullus accourt & le dégage ; faime mieux,
dit-il, fauver du péril un feul citoyen romain , que de
conquérir tous les états de Mithridate : il n’en conquit
pas moins les états de Mithridate, après lui avoir
fait lever le fiège de Cyzique, l’avoir battu plufieurs
fois fur terre & fur mer, l’ avoir chatte de la Bithynh,
l ’avoir pourfuivi de . retraite en retraite. Mithridate
•défait, fe fauve chez Tigrane fon gendre , roi d’Ar-
'ménie ; Lucullus redemande feu vaincu pour le traîner
en triomphe à Rome ; Tigrane réfifte , Lucullus paffe
l’Euphrate & le Tigre , bat Tigrane, prend Tigra-
nocerte, & paflant de cette prudente lenteur avec
laquelle.il avoit confumé devant Cyzique lès forces
de Mithridate, à l’a&ivité.la plus rapide & la plus
effrayante, il paffe le Mont-Taurus , bat encore T igrane
& Mithridate, & un troifième roi qui s’étoit
joint à eux , pouffe jufqu’à l’Araxe, affiège Artaxate ;
ce fut le terme de fes conquêtes. Lucullus , parmi
tant de talents, avoit négligé le plus néceffàire de tous,
eglui de plaire; il n’étçit point aimé des foldats, & il avoit
a Rome des ennemis &. des envieux ; le fa&reux
• Clodiüs fon beau-frère , étoit dans fon armée ; Lucullus
le méprifoit, & le lui témoignoit ; Clodius, pour s’en
venger , fouleva les foldats , qui refusèrent de fuivre
Lucullus dans les pays lointains, où l’emportoient fon
ardeur & le bonheur de fes armes ; les complices de
Clodius agirent auffi à Rome contre Lucullus ; on
fit ceffer fon commandement, qui duroit depuis plufieurs
années ; on lui donna Pompée pour fucceflëur.
Au milieu de ces difeordes, Mithridate & Tigrane ref-
pirèrent ; ils eurent le temps de fe reconnoître , temps
quel activité de Lucullus ne leur laiffoit jamais auparavant
; ils remirent des armées fur pied, rentrèrent
dans une partie de leurs états , & T ouvrage de Lucullus
fut bientôt réduit à peu de chofe ; Pompée fut obligé
de lç recommencer.
. Lucullus avoit mérité les honneurs du triomphe ;
m m <lue put faire la jaloufie de fes ennemis, fut de
le différer pendant trois ans ; mais ils ne purent enlever
à ce triomphe tout l’éclat .qu’il tiroit de tant de
Hiftoire, Tome III,
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trophées érigés en Arménie, des conquêtes de Tigra*
nocerte & de Nifibe, des richeffes immenfes apportées
de ces pays à Rome, du diadème de Tigrane , porté
en pompe dans estte cérémonie. Ce fut, comme l’ob-
ferve Plutarque, cette gloire de Lucullus , qui caufe
dans la-fuite les malheurs de Craffus. Il s’imagina que
les richeffes de l’Orient étoient une proie toute prête
pour quiconque voudroit feulement aller l’enlever-
« Mais bientôt, ajoute-t-il, les flèches des Parthes lui
» prouvèrent le contraire; & fe défaite déplorable
» fait voir que Lucullus devoit fes viâoires, non pas
» à l’imprudence & à la mollette des ennemis, mais
» à fon propre courage & à fon habileté ».
Le jour du triomphe de Lucullus, dit M. Rollin
d’après Plutarque, fut le dernier de fes beaux jours ;
le refte de fon hiftoire n’eft plus que celle de fon luxe,
de fa mollette , de fes palais , de fes jardins , de fes
canaux, de fes viviers, de fes feftins au felon d’Apollon,
de fes foupers, où rien ne devoit jamais être négligé
, parce que , felon fon expreffion , Lucullus
loupoit toujours chez Lucullus, &c. II dépofe tout
foin de la république , tout fouvenir de fes exploits ;
ce fut alors qu’on put dire de lui ce que dit Catilina
dans Rome famée :
Cet heureux Lucullus, brigand voluptueux,
Fatigué de fa gloire, énervé de mollette.
Il parut avoir pris pour modèle ce foldat qui avoir
fervi fous lui, & qui, devenu riche par fes exploits ,
ne vouloit plus entendre parler d’exploits, de hazards
brillants, d’expéditions glorieufes ; envoyez-y, difoit-
il , quelqu’un qui ait perdu fe bourfe
Luculli miles collecta, vïatiça multis
OErumnis , lajfus diim noElu jlertit , ad ajfem
Perdiderat ; pofi hoc vehemens lupus, & Jibi & hofii
Iratus pariter , jejunis dentibus acer,
Praefidium regale loco dejecit, ut aiunt ,
Summè muhito & multarum divite rerum.
Clams ob id faElurn donis ornatur honejlu ,
Accipit & bis denafuper feflertia nummûm.
Fon'e fub hoc tempus , cajlellum evertere Prottor
N e f cio quod cupiens, hortari ccepit eundem
' Verbis quot tirnido quoque pojfent addere mentem :
1 , bone , quo virtus tua Le vocat, i , pede faujlo ;
Gnandia laturus meritorum preemiaquid fias?
Pofi h<zc ille catus quantumvis m ficus , ibit ,
lbu , eo qub vis , çonam qui perdidit, inqiàt.
On le prie un jour de prêter cent habits de théâtre ;
où voulez-vous , dit-il, que je trouve cent habits
de théâtre ?, il fit chercher , il en avoit cinq mille :
Chlamydes Lucullus, ut aiunt ,
Si pofiet Centura fcence pratbere rogàtus
Quîpojfum toi ? ail , tamen & queeram 6» quot habe'f
Mittam ; pofi paulo feribit fib i milita quinque
EJfe domi chlamydurn ; partern vel tollerat omnes.
Horace ajoute qu’il , n’y a que des maifons pauvre*
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