
ni tableaux # ni lambris, pour que rien ne détournât
lbn attention des fojets qu’il devoit traiter. Tous les
habitants de la Laconie aflîftoient aux affemblées générales
, Ôc lés feuls citoyens de Sparte compofoient
les affemblées ' particulières. Le droit de publier lés.
affemblées Ôc d’y propofer les matières , n’appartenoit
qu’aux rois & aux gérontes ; les éphores lufurpèrent
enfoite. ‘
On y délibérait de la paix., de la guerre, des
alliances, des grandes affaires de l’état, Ôc de l’éleétion
des magiftrats. Après les propositions faites, ceux de
l’affemblée qui tenoient une opinion, fe rangeoient
dun côté, 6c ceux de l’opinton contraire fe rangeoient
de l’autre ; ainfi, le grand nombre étant connu, déçi-
doit la çonteftation.
Le peuple fè dîvifoit en tribus ou lignées ; les principales
étoient celles des Héraçlides & des Pitanates,
dent fbrtit Ménélas, ÔC celle des Egides , différente
de la tribu de çe nom à Athènes.
Les rois des Lacédémoniens s’àppelloient archagçtes, -
d’un nom différent de celui que prenoient les autres
rois de la Grèce , comme pour montrer qu’ils n’étoient
que les premiers magiftrats à vie de la république.
Semblables aux deux cpnfuls de Rome, ils étoient les
généraux des armées pendant la guerre ; préfidoient
aux affemblées, aux focrifices publies pendant la paix ;
pouvoient propofer tout çe qu’ils çroyoient avantageux
à l’é ta t, Ôc avoienj: la liberté de diffoudre les
affemblées qu’ils avoient convoquées, mais non pas
de rien conclure fans le confentement de la nation ;
enfin il ne leur étoit pas permis d’époufèr une femme
étrangère, Xénophon vous inftruira de leurs autres
prérogatives ; Hérodote 6c Paufanias vous donneront
la lifte de leur foccefîion ; c’eft affez pour moi d’ob-
fërver, que dans la forme?* du gouvernement, Lyçur»
gue fe propofa de fondre les trois pouvoirs çn un feu!,
pour qu’ils le fèrviffent l’ua à l’autre de balance Ôc de
contrepoids, & .l’évènement juftifia la foblimité de çette
idée,
C e grand homme ne procéda point aux autres changements
qu’il méditoit, par une marche infenfible 6c
fente. Echauffé de la paffion de la vertu , 6c voulant
faire de fa patrie une république de héros, il profita
du premier inftant de ferveur de fes concitoyens à s’y
prêter , pour leur infpirer ? par deç o ra le s 6£ par fon
génie , les mêmes vues dont il étoit enflammé. Il
fentit (c que les paflîpns font fejnblâbles aux volcans ,
» dont l'éruption change tout - à - coup le lit d’un
9) fleuve, que Part ne pourroit détourner qu’en lui
» «reufont un nouveau lit. Il mit donc en ufage des
9) pallions fortes pour produire une révolution fobite,
9) 6>c porter dans le coeur du peuple l’enthoufiafme, & ,
» ^ ^°,n Peut | i $ re 9 ffèvre de la vertu », C e ff ainli
qu’il réunit dans fon plan de légiffation, le plus hardi
le plu? beau 6c le mieux lié qui ait jamais été conçu par
giiGun mortel.
Après avqir fondu enfemble les trois pouvoirs du
gouvernement, afin que l’un ne pût pas empiéter fur
i aptre, i l brifo tous les liens de îa parenté, en déclarant
fois? les citoyens d$ Igçétfimonf e«%n$s nçs ds
i l’état. C ’eft, dit un beau génie de ce fiè c îe , Punique
I moyen d’étouffer les vices , qu’autorife une apparence
de vertu, $C d’empêcher la fubdivilion d’un peuple
en une infinité de familles ou de petites fociétés,
dont lés intérêts, prefque toujours oppolës à l’intérêt
public , éteindraient à la fin dans les âmes toute elpèce
d’amour de la patrie.
Pour détourner encore çe malheur, 6c créer une
vraie république, Lycurgue mit en commun toutes les
terres du pays, Ôc les divifo en 39 mille portions égales,
qu’il diftribua comme 3 des frères républicains qui fe-;
raient leur partage.
Il voulut que Tes deux fexes euffent leurs facrifiees
réunis, & joigniffent enfemble leurs voeux 6c leurs
offrandes à chaque folemnité religieufe. Il fe perfuada quç
par çet inftitut les premiers noeuds de l’amitié Ô£
de l’union çlçs efprits feraient les heureux augures de
la fidélité des mariages.
If bannit des funerajlles toutes luperftitions ; ordon*
nant qu’on ne mît rien dans la bière avec le cadavre ,
6c qu’on n’ornât les ceroueils que de Amples feuilles
d’olivier. Mass comme les prétentions de la vanité
font fans bornes, il défendit d’éçrire le nom du défunt
for fon tombeau, à moins qu’il n’eût été tué Jes armes
à la main , ou que çe ne fût une prçtrçffe de fo
religion.
Il permit d’enterrer les morts autour des temples, §C
dans les temples mêmes, pour accoutumer les jeunes
gens à voir fouyent çe fpeélacle , Ôc leur apprendre
qu’on n’étoit point impur ni fouillé en paffantpar-deffus
des offemems 6c des fépulçhres.
Il abrégea la durée fies deuils, 6c la régla à onze
jours, ne voulant laiffer dans les allions de'la yie rien
d’inutile & d’oifeux.
Se propofont encore d’abolir les foperfluités reli-
gieufes , il fixa dans tous les rits de la religion les
loix d’épargne 6c d?économie. Nous préfentons aujç
dieux des choies communes, difbit un lâcédémonien ,
afin que nous ayons tous les jours les moyens de les
honorer.
Il renferma dans un même code politique les loix
les moeurs 6c les manières, parce que les loix & les
manières reprçfenjient les moeurs ; mais en formant les
manières il n’eut en vye que la fubordination à la mai
giftrature , 6c l’efprit belliqueux qu’il vouloit donner
à fon peuple, ©es gens toujours çorrigeants 6c tou»
jours corrigés, qui imftruifoient toujours 6c étoient
inftruits , egalement fimples 6c rigides , exerçoient
plutôt des vertus qu’ils n’avoient de manières : ainfi
les moeurs donnèrent le t®n dans cette république.
L ’ignominie y devint le plus grand des maux, £c la
foifeleffe le plus grand des crimes.
Comme î’ufage de l’or 6c de l’argent n?eft qu’un
wfàge funefte , Lyçurge le proforivit fous peine de
la vie. Il ordonna, que toute la monnoie ne ferait que
de fer 6c de cuivre ? encore Sénéque eft-dl le feul qui
parle de celle de cuivre ; tous les autres auteurs ne
nomment que celle de fe r , ôc même de fer a ig re ,
felpn Plutarque, Les deniers publics de Lacédémone
furent m is e* féqueftae çhez des yoifins, 6c on le?
foi foie
fa.folt garder en Arcadie. Bientôt on' ne vit p’us à
Sparte ni fophifte, ni charlatan , ni devin ,, ni difour
de bonne aventure ; tous ceS gens qui vendent leurs
fciences Ôc leürs fecrets pour de l ’argent, délogèrent
du pa ys , 6c furent fuivis de ceux qui ne travaillent
que pour-le luxe.
Les procès s’éteignirent avec l’argent : comment
auroient-ils pu fobfifter dans une république oh il n’ y
avoit ni pauvreté ni richeffe , l’égalité chaffant la di-
fette, 6c l’abondance étant toujours également entretenue
par la frugalité ? Plutus fut enfermé dans
Sparte comme une ftatue fans arne 6c fans vie ; 6c
c ’eft la Ikiie ville du monde oh ce que l’on dit communément
de ce dieu , qu’il eft aveugle , fe trouva
vérifié : ainfi le légiflateur de Lacédémone s’affura ,
qu’après avoir éteint i’amour des richeffes , il tournerait
infailliblement toutes les penfées des Spartiates
vers la gloire 6c la probité. Il ne crut pas même
devoir affujettir à aucunes formulés les petits contrats
entre particuliers. Il laiffa la liberté, d’y ajouter ou
retrancher tout ce qui paraîtrait convenable à un peuple
fi vertueux ôc fi iage. ....
Mais pour préferver ce peuple de la corruption du
dehors , il fit deux chofes importantes.
Premièrement, fin e permit pas à tous les citoyens
d’aller voyager de côté 6c d’autre félon leur fantaifie,
de peur qu’ils 11’introduififfent à leur retour dans la
patrie , des idées, des goûts , des ufages qui ruinaffent
l’harmonie du gouvernement établi, -comme lès dif-
fonnances ôc les faux tons détruifènt l’harmonie dans la
mufique.
Secondement, pour empêcher encore avec plus
d ’efficace que le mélange des coutumes oppofees à
celles de fes loix , n’altérât la difeipline ÔC les moeurs
des Lacédémoniens , il ordonna que les étrangers ne
fuffent reçus à Sparte que pendant la folemnité des
•fêtes, des jeux publics Ôc autres fpeélacles. On les
■ accueilloit alors honorablement, 6c on les plaçoit for
des fiéges à couvert, tandis que les habitantsfemet-
toient oh ils pouvoient. Les proxènes n’étoient établis
a Lacédémone que pour l’obfervation de cet ufage. On
ne fit que rarement des exceptions à la lo i, 6c feulement
en faveur de certaines perfonnes dont le féjçmr
ne pouvoir qu’honorer l’état. C ’eft à ce fojet que
Xénophon Ôç Plutarque _vantent l’hofoitalité du fpar-
tîate Lychas.
Il ne s’agiffoit plus que de prévenir dans l’intérieur
des maifons , les diffolutions Ôc lès débauches particulières,
nuifibles à la fanté, Ôc qui demandent enfuite
pour cure palliative , le'long fommeil , du repos,
de la diète, des bains 6c dès remèdes de la médecine,
qui ne font eux - mêmes que de nouveaux maux.
Lycurgue coupa toutes les fources de l’intempérance
‘domeftique, en établiffant des phidities, c’eft-à-dire ,
une communauté de repas publics, dans -des folles ëx-
preffes , oh tous les .citoyens feraient obligés de manger
enfemble des mêmes .mets réglés par la loi.
Les tables étoient, de quinze perfonnes, plus ou
moins. Chacun apportoit par mois uti boiiieau de
farine , huit-mefures' de v in , cinq.livres de fromage,
Hifloire. Tome I I I •
doiix' livres & demie de figues, 6c'quelque p:u de
mennoie der fer pour acheter de la viande. Çelui
qui faifoit chez lui un focrifice , ou qui avoit tué d 1
gibier à la chaffe, envoyoit d’ordinaire une p èce d e là
viélimé ou de fa venaifon à la table dont il étoit
membre.
Il n’y avoit que deux occafions, fans maladie
oh il fut permis de manger chez foi ; favoir , quand
on étoit revenu-fort tard de la chaffe , ou qu’on avoit
achevé fort tard fon focrifice, autrement il falloit fe
■ trouver aux repas publics ■, & cet ufage s’obfèrva tres-
, long - temps avec la dernière exaéhtude ; ju(que s-là ,
que le rai A g is , qui revenoit de l’a rm é e a p r è s avoir
vaincu les 'Athéniens , ÔC qui fe faifoit une fête de
fouper chez lui avec fo femme , envoya demander
fes .deux portions dans la folle , mais les ptftémarques
• lès lui refusèrent.
Lès rois lèuls, pour le remarquer en paffant, avoient
deux portions; non pa s, dit Xénophon, afin qu’ils
mangeafl'ent le double des autres , mais afin qu’ils
puffent donner une de ces portions à celui qu’ils jugeraient
digne de cet honneur. Les ' enfants d’un certain
; âge affiftoient à ces repas, Ôc ôn les y menoit comme
à une école de tempérance 6c d’inftruélion.
Lycurgue fit orner toutes lés ’folles à manger des
images 6c des ftatues du R is , - pour montrer que la joie
devoit être un des affaifonnements des tables , Sc
qu’elle fè marioit avec l’ordre 6c le fmga’ité.
Le plus exquis de tous les mets que l’on fèrvoit dans
les repas de Lacédémone , étoit Te brouet noir , du
moins les vieillards le préféroient à toute autre chofe.'
Il y èut un roi de Pont qui entendant faire l’éloge de
' ce brouet , acheta exprès un cuifinier de Lacédémone
pour lui en préparer à fa table. Cependant il n’en eut
pas plutôt goûté , qu’il le trouva déteftable ; mais le
- cuifinier lui dit : « Seigneur , je n’en fuis pas furpris, le
n meilleur manque à mon b rouet, Ôc je ne peux vous le
» procurer; c’eft qu’avant que d’en manger, il faut fe
n baigner dans i’Eurâtas
Les Lacédémoniens, après le repas du fo ir , s’en
retournoient chacun chez eux fans flambeaux & . fans
lumière. Lycurge le preferivit ainfi , afin d’accoutumer
les .citoyens à marcher hardiment de nuit 6c au
fort des ténèbres.
Mais voici d’autres faits merveilleux de la légifla-
tion de Lycurgue , c’eft qu’elle fe porta fur le beau
fexe avec des vues toutes nouvelles 6c toutes utiles.
Ce grand homme fe convainquit « que les femmes ,
» qui par-tout ailleurs fembloient , comme les fleurs
» d’un beau jardin , n’être faites que pour l’ orne-
» ment de la terre Ôc le plaifir des yeux , pouvoient
» être employées, à un plus noble ufage, 6c que ce
v fexe ., avili ÔC dégradé chez prefque tous les peu-
, » pies du monde , pouvoît entrer en communauté
v de gloire avec les hommes , partager avec eux
Y> les lauriers qu’il leur faifoit cueillir , 8c devenir
ï; enfin un des puiffants refferis de la légiflation. ».
Nous -n’ayoris aucun intérêt à exagérer les. attraits
■. des Lacédémoniennes des fièclespaffés ; mais la voix
! d’un'oracle rapporté par Eufebe , prononce qu’elle^
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