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fes armes ; nuis,les faveurs trop éclatantes de la for-
nme 1 éblouirent, & dès-lors il fe crut tout permis,
ec u ne fe condtiifit que d’après les confeiîs dé Ion
ambition. Defpote dans fa famille, comme il l’étoit à
1 egard des Maures , il régla là fiicceffion , & partageant
fes états, il affiira à don Alphonfe, qu’il avoit
en de fou premier mariage avec Eléonore de Caftille ,
ie royaume d’Aragon, & à l’infant donPedre, né de
doua Yolande , la principauté de Catalogne. Don
Alphonfe, encore plus ambitieux que -Ton père, fe
crut léze par cette difpofition , & furieux de voir
«emembter des états qu’il croyoit devoir lui appartenir
en entier, il prit les armes , il voulut foutenir fes
droits par la force, & s’empara de quelques places :
Jayme prit les armes auffi, obligea fon fils de fe fou-
mettre, le .traita avec févérité, & acheva de conquérir
le royaume de Valence. On rapporte que pendant
cette concpête, il donna un exemple de févérité qui, a la vérité , donne une grande idée de fon autorité,
mais qui n’eût pas dû, à mon avis, foulever contre-
lui plufieurs hifloriens auffi rigoureufement qu’il l’a
fait. Berenger , évêque de Girone & confefîeur de
Jayme , révéla au pape quelques fecrets importants,
que ce prince lui avoit déclarés eii confeffion; le '
prince informe de la criminelle indilcrétion-de Berenger;
le fit faifir, lui fit couper la langue & le bannit de
les états. Le pape furieux de cet aâe de vengeance,
excommunia le roi, & ce ne fut que long-temps après
que deux légats vinrent l’abfoudre publiquèmenî, après
lut avoir impofé une-rude pénitence. L’évêque Berenger
eut a louffrir fans doute un châtiment fort douloureux
; mais enfin fa coupable révélation ne mérii oit-
elle pas une punition exemplaire ? Et fi les fecrets
que Berenger^rëvéla importoient à l’état, quand même
évêque eût été puni de mort, ne l’eût-il pas mérité
? Dans le temps que le pape fe plaignoit fi amèrement
de Tinjullice de Jayme , ce fouverain fàifoit
recueillir toutes lès loix du royaume en un code qui ne
formoit qu’un volume, & fàifoit ordonner parles états
qu’on s’y conformerolt par-tout dans le jugement des
procès. Pendant qu’excommunié , il s’occupoit ainfi
de 1 admimfîration de la juflice, fon fils, don Alphonfe ,
quoique fournis en apparence, ne ceffoit point de murmurer
& d’envier la Catalogne à don Pedre. Jayme,
fatigue de fes plaintes , & voyant fa famille accrue de
deux fils, crut devoir fàire un nouveau partage de fes
domaines entre fes quatre fils : nul d’eux ne fut content
quelque foin qu’il eût pris de les fàtisfàire tous ; ilsfe
plaignirent, menacèrent ; maïs afin de leur ôter l’efpoir
trouver de 1 appui chez 1 etranger, il commença
pm marier fa fiHe dona Yolande ., à don Alphonfe,
jnfànt de Caflille ; enfuite , fuiyant fa coutume , il
remit leurs plaintes à la décifion des arbitres que les
états nommeraient : c;tte modération fût très-applaudie :
les arbitres prononcèrent conformément aux volontés du
fouverain, & fes fils furent contraints de les refseéfer.
l a fentence des arbitres n’étoit point encore rendue, ’
Jorique la reifie Yolande mourut ; le roi qui ne la
médiocrement, époufa enfecret, dona
^ffiérefe Bidauie, fon ancienne miûtrefTe, de laqtisjle
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j1 îwpit eu déjà quelques enfants. Après avoir terminé
tous les différends qu’il avoit, ou qu’il prevoyoft pou.
voir s élever entre lui & fes voifim ; après avoir auffi
termine les anciens différends entre les couronnes de
t rance & d Aragon , & en fe défiftant de fes prétend’A
lhi*1 1 de,C arcafIbnne . 1 Béziers,
dA lb i, de Rhodez , de'Foix, de Narbonne,
N,fines, obtenu que de fon côté St. Louis renonce-
r it a fes droits fur les comtés de Barcelone , de
f e ’ d W . d’Ampurios , de Cerdagne & de
I S “ ’ Aytnc crut avoir tout pacifié ; mais il fe
i j rF- 1 ,on ^phonfe fon fils, toujours mécontent
lut fufetta de nouveaux embarras , & fe difpofoit à
h f e f f e 5 troubles. dan? l’état; mais la mort vint,
heureufement peur l’Aragon, mettre fin à la vie- de
" T ieî & entreprenant. Jayme fit auffi-tôt
connoitre don Pedre pour l’héritier de fa couronne ;
Alexandre" TV & Ies “ enaces du pape
de -V ’ 1 k maria à dona Cbnfflar.ee, fille
de Mainfroi, prince de Tarente. La gloire du roi
Aragon & fa qelebrité s’étoient étendLs fi loin ,
^ilrep,tunemagnffiquêambaffade du fultan d’Egypte,
Sn^mitié; & il eft vrai I g i!
de fes B 9 3 “ de prince qui, par l’éclat
f f it lir Pf e S ie fuccès d‘ & expéditions I fe
clfM e t ' f e 1 ü i nom‘ Ligué avec le rai de
S Ê m 1 ten« “ eonquete du royaume de Murrie,
MDitale / eCOnd%Campagne U fe rendit maître delà
armé?" 1 /^eraineté ; rien ne réfiftoit à fe
dans ïpe ?reu? ? H §uerre j & plus heureux encore
fâ M Ê M Ê M fuccédoit 1 l ü fe
affez * 1 »-i0m de COIlcluarir ne l’occupoit point
ments à T r £IUI ' f ‘rOUTât pas encore Maides mo-
tmkoienf° ' 3 rT SoutPour H pîaifirs, qui l’en-
terne d e T T eUoment M V ^ f o i s i-delà des
ramme d 3 f e feance- La mine, dona Yolande,
comme nous lavons dit, étoit à peine expirée
qu .1 avoit epoufé dona Thérèfe Bid J e ; & il quitta
A ln h o n lT H t Bérens ere I patente , fille de don
Aphonfe de Molina - oncle du roi de Caflille; il en
& & “ tT BÉÉr d° n Pedre Fernandez de Hijar:
K la pafijon ne fàifoit que s’accroître. Il fit prier le
ï f e f e lm ’ w S fo? mariaF avec dona Thér&,fous
informé ' ?v?1.t une ^Pre «mtagieufe. Le pape
informe dès véritables motifc de Jayme , & de fon
S &ced 7 V Ï3VT / abord de a & É ife defe PePater de fa maîtreffe; H le menaça
enimte de 1 excommunier : cette menace fit vraifem-
blablement impreffion fur le roi d’Aragon ; on ionore
sd quitta dona Berengere , mais on fait qtSe°Pour
¥?trSaintePap&fu c l r i f e 3 ’ * " b« P Ï V |
Fête, de revenir d a n X S
trouva au concile de Lyon , & qu’ayant pril Grégoire
IX de le couronner folemnellement, te pontifè
exigea cpiavant cette cérémonie, le roi d’Aragon fe
fonnat a payer au faim Siè^e le tribut auquel fonpère ,
don Pedre , setoit engagé; condition humiliante,que
A w r e p a avec indignation. Il foitit de Lyon , &
Wmdte^ par la focqe des armes,
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«ne rébellion fîifcitée par quelques ffîécorttéfits ] qu’il
réduiht & qu’il punit. II ne fut pas auffi heureux avec
les Mahometans de Valence, qui, fécondés par fe roi
de Grenade , prirent les armes & fe révoltèrent ouvertement.
Jayme envoya contr’eux un détachement fous
les ordres de don Pedre Fernandez de Hijar , & un
autre corps commandé par deux de fes généraux ;
don Pedre eut du fuccès , mais les deux généraux
Firent complètement battus. Le roi d’Aragon accoutumé
à vaincre-,- fut plus fenfible à la défaite de fes
deux généraux, que flatté de la vi&oire de don Pedre
Fernandez, & ce revers lui caufa tant de chagrin,
qu’il en tomba malade; il avoit encore d’autres fujets
^inquiétude : il y avoit quelque temps qu’ayant enlevé
■ fie force une femme mariée , il s’étoit attiré des. censures
amères de la part du pape. Jayme , irrité de
foppofition perpétuelle que le fouverain pontife met-
toit à fes plaifirs, avoit pris le parti de n’avoir aucun
égard à ces menaces, de s’abandonner fans retenue
à -fes penchants, & il s y étoit livré; avec fi peu de
ménagement, que fa conduite étoit devenue fort, odieufe
4 fes fujets. Là connoiffance qu’il avoit de ce mécontentement
général I & peut-être les remords aggravèrent
fa maladie ; il changea d’air, fe fit tranfporter a Aleira ;
mais au lieu de trouver quelque fbulagement, il fentit
qu’il touchoit .à fes. derniers moments. Alors il témoigna
un vif regret du fcandaleux exemple qu’il avoit donné
à fes enfants & à fes peuples , il fe fit vêtir du froc
de l’ordre de Gteaux, & mourut avec toutes les marg
e s extérieures d’un homme repentant, le 2.5 juillet
12 76, âgé de 69 ans, & dans la foixante-troifième
année de fon règne. Il fut grand conquérant, illuflre
fouverain, mais injufte dans fès conquêtes, & fort
corrompu dans fes moeurs. ( L. C. )
. Jayme ou Jacques II , roi d’Aragon, {Hîjl.
(HErfpagne. ). Ce n’efl pas toujours l’obéiflance des
teuples , l’apparente tranquillité des nations, la fournit
on des citoyens, la prompte exécution des ordres fùpé-
rieurs, qui font l’éloge des vertus & de la fageffe des rois ;
ç!efl: fou vent par contrainte que les peuples obéiffent ; &
le calme qui femble régner dans un état, eft fouvent
auffi le figne de la confternation publique, & non la
preuve & l’expreffion de la fidélité ; enchaîné par la terreur
, un peuple qui n’ofe ni fe plaindre, ni remuer^
n’obéit, ni par zèle, ni par amour pour le defpote qui
l’opprime ; il fe tait feulement, fait des voeux en fecret,
& .attend avec impatience le moment de la révolution
qui , tôt ou tard, viendra brifer fes fers. Le maître de
ce peuple fe croit aimé peut-être ; quelques lâches
adulateurs le lui répètent même, mais d fe trompe
& on le trompe ; on le plaint tout au plus d’ignorer
combien l’avide ambition de quelques mauvais citoyens
abufe de fon nom & de fa confiance ; mais , très-cer-
tainemeqt il n’eft point .chéri ; peut-il l’être ? à quels
fignes connoît-on doue qu’un toi eft véritablement
aime ? à ces expreffions non équivoques de douleur,
à ce faififfement fubît & général qui s’empare de . la
nation entière , au plus léger accident qui arrive à fon
■ Çüyerain, à ces voeux empreffés que lui diéfe la
f P Ç ' f - P ^ d f e ? auffi-tôt |u’ellç .apprend qu’une
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indiipofitiori pafïagère altère fa faute, &. fur-tout à ces
pleurs, à ces fânglots, à ces torrens de larmes qui
raccompagnent au tombeau : ce fut auffi par ces expreffions
que les Aragonnois témoignèrent l’étendue
& la force de leur tendreffe , de leur attachement, 6c
de leur reconnoiflance pour leur roi Jayme ou Jacques
II. Ce n’étoit point l’ufage alors de prendre des vête-
mens lugubres à la mort desfouverains ; mais les nations
étoient dans l’ufage plus raifonnable , de gémir ; de fe
livrer à leur profonde triftdïe, lorsqu'elles perdoient
en eux, les proteûeurs, les pères, les bienfaiteurs de
leurs fujets. Les hifloriens conterupora-ns de Jacques U
affiirent que par leurs larmes & leur douleur les Aragonnois
confirmèrent, aprèsfâ mort,.le beau furnom
de Jufte qu’ils lui avoient donné pendant fa v ie , &•
qu’il avoit mérité même avant que de régner fur eux ,
& il eft vrai que toutes les aérions de ce prince marquent
en lui l’équité la plus pure & la plus inaltérable.
Avant que de mourir , don Pedre III, fon père, rot
d’Aragon, lui laifla la couronne de Sicile, qui lui
appartenoit du chef de fon époufe dona Confiance,
fille de Maînfroi, prince de Tarente, & qui lui appartenoit
bien plus inconteftablement encore par la
conquête qu’il, en avoit faite, de l’aveu même des
Siciliens, oc malgré tous les efforts du pape, qui vou?
loit qu’il y renonçât. A peine les Siciliens eurent reçu
la nouvelle de la mort de don Pedre, qu’ils fe hâtèrent
de proclamer Jayme, fon fils, qui gouverna avec
autant de bonheur que de fageffe' ces bifilaires fi
difficiles à gouverner, jufqu’à la mort d’Alphonfe IV ,
fon frère. Alphonfe, après cinq années de régné, mourut
fans poftérité, ôc tranlmit au roi de Sicile le feeptre-
d’Aragon. Jayme I I fe hâta de venir en Efpagne, &
fut couronné à Sarragoffe, le 6 feptembre 1291 ; il
fe ligua avec Sanche , roi de Caftille, dont Alphonfe ,
fon frère, avoit abandonné les intérêts pour foutenir*
les prétentions de l’infant de la Cerda, & confentit à
l’accepter pour médiateur dans les différends qu’il ayoifi _
avec les rois de France & de Naples. Afin même, de
prouver a Sanche combien il défiroit que cette nouvelle
alliance fut folide ôc durable, il demanda en mariage
dona Ifabelle, fille de ce monarque, 1ôc s’engagea
par fon confeil à renoncer au trône de Sicile , fur lequel
Charles de Valois ne ceffoit de faire valoir fes prétentions
; ceffion , au refte, d’autant plus inutile, que
la reine dona Confiance, mère du roi d’Aragon , ni
Frédéric, fon frère, auquel il avoit remis le gouvernement
de la Sicile, n’étoient rien moins que difpofés-
a abdiquer cette couroime. Chez la plupart* des hommes
les liens de l’amitié font faciles à rompre ; ces liens pour
les rois font encore plus fragiles; & malgré les pro-
teftations mutuelles des fouyerains de Caftille & d’Àra-
, gon, leur union fut de très-courte durée. Jayme ne
prévoyant que des désavantages dans -l’alliance qu’il
avoit contraétée avec ce roi foible & timide, y ,renonça,
fe déclara le défenfeur des droits de l’infant don A l phonfe
de la Cerda, le reconnut pour roi de Caftille ,
emporta d’affaut Alicante, ôc fe rendit maître d’unç
partie du royaume de Murcie. Jacques I I eût biea
voulu fe délivrer des importpqité§ du pape Bomfaçe.#
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