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Non, n’imitons perfonne, 8t fervons tous d’exemple^
En effet , il faîloit être foi-même & ne pas imiter
meme Bourdaloue. Les parallèles entre ces deux grands
prédicateurs, ne nous ont pas plus, manqué que les
parallèles de Corneille & de Racine ; mais fi l’un des
deux eut imite l’autre , on n’auroit fait aucun parallèle
entr’eux : tout imitateur reconnoît fon infériorité..
A préfent Majjillon gagne tous les jours quelque
choie fur Bourdaloue , comme Racine fur Corneille ;
on préféré cette profonde connoifTance du coeur
humain, cette élégance harmonieuse , cette langue
ii belle & fj riche de Majjillon, à la logique quelquefois
preffante ôc entraînante , mais fouvent sèche , de
Bourdaloue. On s’étonnoit de cette connoifTance du
coeur humain, de. ces peintures vraies des pallions,
de ces beaux développements de l’amour-propre dans
un homme voué par état, à la retraite, & qui vivoit
éloigne des hommes. C’e ft, en me fondant moi-même,
difbit-il, que j’ai appris à connoître tes autres ; en
effet , en etudiant attentivement fon. .propre coeur ;
on peut y voir Thiftoire de tous les coeurs , & de-
yiner tout ce que l’expérience ne fait enfuite que
confirmer & qu’appliquer aux cas particuliers.
Majjillon et oit né à Ht ères en Provence en
^663 j dune famille obfoure , il dut tout à fon génie ;
il entra dans l’Oratoire à dix -fèpt ans. Dès qu’il
eut prêche , fon humilité chrétienne s’effraya de là
réputation naiffante ; il craignoit, difoit-il, le démon
de rorgueil, & , pour lui échapper , il alla fe cacher
dans la fblitude rigoureufe & effrayante de Sept-
Fons. Ce démon l’y pourfuivit. . Le cardinal de
Noailles ayant envoyé à Tabbé de Sept-Fons , un
mandement quil venoit de publier , l’abbé chargea
Majjillon de faire en fon nom , une réponfè qui pût
plaire a ce prélat. Cette réponfe fut un ouvrage &
un ouvrage fi bien écrit , & qu’on attendoit n peu
de la fblitude de Sept-Fons , que le cardinal voulut
éclaircir ce myftère & favoir quel étoit le véritable
auteur de la lettre ; il le tira de fon défert, le fit venir
a Paris & rentrer a l’Oratoire, ôc fe chargea de, fa
réputation & de fa fortune ; Majjillon vit croître alors à
chaque pas , le danger qu’il avoit redouté ; un de
iès confrères lui dilànt ce qu’il entendoit dire à tout
le monde dé fes fuccès : le diable , répondit - i l , me
ta déjà dit plus éloquemment que vous.
Quel cours d’éducation pour un jeune prince,
que le petit Carême de Majjillon ! avec quelle éloquence,
quel intérêt, quelle perfevéranee il y plaide
la caufe de l’humanité contre la ligue toujours ennemie
& toujours fiibfiftante de ces courtifans :
Divifés d’intérêt & pour le crime unis.
La meme aimee où ces difoours furent prononcés,
A l Majjillon fut reçu à l’Académie Françoife le 23
février 17 19 , a la place de Tabbé de Louvois. M.
Majjillon , que les Jéfuites avoient écarté de Tépifcopat
fous le régné de Louis.XIV , par des raifons dont
la. meilleure etoit que Maillon étoit. oratorien ,
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venoit d'être nommé à Tévêché de Clermont e$
Auvergne. Cétoit Tabbé Fleuri, auteur de THiftoire
Eccléfiaftique , qui le recevoit à l’Académie Fran-
çoile ; il étoit impofîible de trouver deux plus rigides
obfcrvateurs des canons que le direéleur & le récipiendaire
, & M. de Fleuri favoit. bien qu’il ne dé-
iobligeoit point un évêque tel que Majjillon:, en lui
difant ; a Nous prévoyons avec douleur, que nous
» plions vous perdre pour jamais , & que la loi
» indijpenfable de la -réfidence , va vous enlever fans
» retour à nos afïemblées ; nous ne pouvons plus
n efpérer de vous voir que dans les moments où quel-
». que affaire fâcheufe .vous arrachera malgré vous, à
» votre églife ». .
M. Majjillon exécuta de point en point ce qu’avoit
dit M. Tabbé Fleury ; il paffa le refte de fa vie dans
fon diocèfe : mais coiifîdérons ici combien tout
change félon les circonftances des temps & des per-
fonnes. Vingt-cinq ans après, M. Greffet, qui n’étoit
pas encore dévot, &. dont le dernier titre étoit la
comédie du Méchant, recevant à l’Académie Françoife
M. d’Alembert , & faifànt l’eloge de fon prédé-
ceffeur M. de Surian, évêque de Vence , dit un mot
fur la néceflité de la réfidence , & ce mot le fit
regarder avec horreur à la cour comme le détraéleur
des évêques & l’ennemi de la religion , parce que
ce mot avoit été remarqué dans l’afTemblée, & avoit
été fort applaudi.
Les conférences que M. Majjillon faifoit à fos curés
dans fon diocèfo, font au nombre de fes meilleurs formons
, & le bien que M. Majjillon a fait en tout genre
à fon diocèfe , le met au nombre dès meilleurs & des
plus utiles évêques : une lettre qu’il écrivit au cardinal
de Fleury , pour lui repréfenter la misère de fon
peuple, fu ffiroif pour faire bénir fà mémoire ; & nous
ne concevons pas comment ceux à qui la religion
fournit des motifs fi puiffants & des droits fi impo-,
fants pour mettre ainfi aux pieds du trône la misère
du peuple , s’acquittent., fi rarement de ce devoir
facré. C’eft peut-être l’effet du défaut de réfidence,
qui, en les éloignant du fpeâacle de cette misère,
prive leur troupeau de ce fruit de leur fenfibilité.
C’étoit peu d’être charitable avec profùfion , M.
Majjillon favoit l’être avec une délicateffe qui lui
etoit propre. Un couvent de religieufés étoit fans pain
depuis plufieurs jours ; ces infortunées alloient mourir
plutôt que d’avouer leur misère , dans la crainte qu’on
ne fiipprimât leur maifon , à laquelle elles étoient fort
attachées. L’évêque de Clermont apprît &j leur indigence
& le motif de leur filence ; il commença par
leur faire tenir par une voie fécrette, une fomnae
confidérable, il pourvut enfuite à leur fobfiftance par
des reflburces plus folides ; & ce ne fut qu’après la
mort de M. Majjillon , qu’elles connurent leur bienfaiteur.
Plein de refpeéf pour la religion & plein de mépris
pour la fuperftition , il abolit des procédions
très-anciennes & très-indécentes , auxquelles le peuple
couroit en foule par différents motifs. Les curés de la
ville craignant la fureur du peuple „ nofoient pu-
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blier le mandement qui défendoit ces procédions.
M ajillon monta en chaire, publia fon mandement
lui-même , & fe fit écouter d’un auditoire tumultueux
j qui auroit infùlté tout autre prédicateur.
Il mourut , dit M. d’Alembert , comme étoit
mort Fénelon , & comme tout évêque doit mourir , .
fans argent & fans dettes. Ce fut le 28 feptembre
1742. Le même M. d’Alembert rapporte que, près
de trente ans peut-être après fa mort, un voyageur
fe trouvant à Clermont , voulut voir la maifon de.
campagne où Majjillon paffoit la plus grande partie
de Tannée. Un ancien grand-vicaire qui , depuis la
mort de Majjillon , n’avoit pas eu la force de retourner
à cette maifon de campagne , confentit cependant
à y mener le voyageur. « Ils partirent enr
» femble, & le grand-vicaire montra tout à l’étranger.
» Voilà, lui difoit-il, les larmes aux yeux, Vallée ou ce
» digne prélat fe promenoit avec nous..... voilà le berceau
» ou il fe. repo foit en faifant quelques -leéiures.... voilà le
» jardin quil culùvoit de fes propres mains. . . . Quand
» ils furent arrivés à la chambre où Majjillon avoit
» rendu les derniers foupirs : Voilà 3 dit le grand-vicaire,
» 1‘ endroit oit nous tavons perdu , & il s’évanouit en
» prononçant ces mots. La cendre de Titus &. de
» Marc-Aurèle, ajoute M. d’Alembert, eût envié un
y* pareil hommage ».
Majjillon étoit pour M. de Voltaire ,. le modèle
des profiteurs, comme Racine étoit celui des poètes ;
il avoit toujours fur la même table, le petit Carême à
côté d'Âthalie.
Majjillon eft auteur de quelques Oraifons funèbres,
mais elles font jugées inférieures à fes Sermons.
Il lui étoit arrivé une feule fois de manquer de
mémoire en chaire ; le démon de l’orgueil lui exagéra
fans doute ce léger dégoût ; en conféquence , il penfoit
qu’il y auroit plus d’avantage à lire les fermons qu’à
les reciter. On lui demandoit un jour quel étoit celui
de fes fermons^ qu’il préféroit aux autres ; il répondit : ~
celui que je fais le mieux ; & en effet, celui de fes
ouvrages qu’un auteur, homme de goût, fait le mieux,
pourroit bien être prefaue toujours le meilleur.
MASSIN, (Hijl. mod. Jurifprudà) c’eft le nom que
Ton donne dans l’île de Madagafcar aux loix auxquelles
tout le monde eft obligé de fe conformer : elles ne font
point écrites ; mais étant fondées fur la loi naturelle ,
elles font paffées en ufage / & il n’eft permis à perfonne
dé s’en écarter. Ces loix font de trois fortes;
celles que Ton nomme majfn-dilï ou loix de commandement
, font celles qui font faites par le fouverain ; c’eft
fa volonté fondée fur la droite raifon, par laquelle il eft
obligé de rendre la juftice, d’accommoder les différends
, de diftribuer des peines & dés récompenfes.
Suivant ces loix , un voleur eft obligé de rendre le
quadruple de ce qu’il a pris ; fans cela il eft mis à mort,
ou bien il devient l’efclave de celui qu’il a volé.
Majfin-poch , font les loix & ufages que chacun eft
obligé de fuivre dans la vie domeftique , dans fon
commerce , dans fa famille.
MaJJin-tane, font les ufages , les coutumes ou les
loix civiles , & les réglements pour Tagriculture, la
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guerre, les fêtes, &c. Il ne dépend point du fouverain
de changer les loix anciennes , & dans ce cas,
il rencontreroit la plus grande oppofition de la part
de fos fiijets, qui tiennent plus qu’aucun autre peuple
aux coutumes de leurs ancêtres. Cependant il règne
parmi eux une coutume fujette à de grands incon-
véniens , c’eft qu’il eft permis à chaque particulier
de fe faire juftice à lui-même , & de tuer celui qui
lui a fait tort. ( A . R. )
MASSINISSA, ( Hiß. anc. ) fils de Gela, roi des
Mafliliens , parvint au trône qu’avoit uiùrpé le meurtrier
de prefque toute fa famille. Les Numides fe
rangèrent en foule fous fes drapeaux , & il remporta
une viâoire qui le rendit paifible pofleffeur de Thé-
.ritage de fes ancêtres. Il ufa avec modération de fa
proTpérité, & pouvant punir Tulùrpateur Lacumaces,
il eut la générofité de lui pardonner , & de lui
rendre tous fes biens. Syphax, roi des Maflyliens
& allié des Romains, prévoyant fa grandeur future ,
le dépouilla de fes états. MaJJinijfa vaincu, fe retira
fur le mont B albus , d’où il ne defeendoit .que pour
faire des courfes fur les terres de fon ennemi. Siphax
lui oppofa un de fes meilleurs généraux qui le contraignit
de fe retirer fur le fommet de la montagne, où
il fut afliégé. Maffinijfa , après une vigoureufe réfif-
tance , fe fauva avec quatre foldats qui avoient
furvécu à leurs compagnons. Il fe retira dans une
caverne où il ne fubfifta que de brigandages ; mais
ennuyé de fa retraite, il eut l’audace de reparoître
fur les frontières de fon royaume , où raflemblant
une armée de fix mille hommes de pied & de deux
mille chevaux , il rentra en pofTc-flion de fes états,
Syphax, avec des troupes fùpérieures, marcha contre
lui ; Taéîion fut fànglante , & la valeur fut obligée
de céde^ à la fùpériorité du nombre. Majjinifpx
vaincu fe retira avec fbixante & dix cavaliers, entre
les frontières des Carthaginois & des Garamantes r
où l’arrivée de la .flotte Romaine le rétablit dans
fon royaume. Ce prince étoit devenu l’ennemi des
Carthaginois qni lui avoient enlevé fa chère Bérénice.
Cette princeffe qui uniffoit tous les talens aux charmes
les plus touchans, lui avoit été piomife ; mais lé
fénat de Carthage contraignit fon père Afdrubal de
la donner à Syphax. MaJJinijfa indigné de cet outrage,
fe jetta dans les bras des Romains. Ce fut par leur
fecours cu’il fe rendit maître du royaume de Syphax ,
& qu’après la. Bataille de Zama, il diéla des ct>. ditions
humiliantes aux Carthaginois, qu’il obligea de lui payer
cinq mille talens. Après une autre viâoire qu’il
remporta fur eux , il fit paffer fous le joug leurs
foldats , & les força de rappeller leurs bannis qui
s’étoient réfugiés dans fes états. Il étoit âgé de quatre-
vingt-dix ans , lorfqu’il termina cette guerre. Avant
de mourir , il donna fon anneau à l’aîné des
cinquante-quatre fils qui lui fùrvécurent , & dont il
n’y avoit que trois nés d’un mariage légitime. Le
commencement de fa vie ne fut qu’un tiffu d’infortunes ;
mais fur la fin de fon règne , chaque jour fut marqué
par des profperités. Son royaume s’étendoit depuis
lü Mauritanie jufqu’aux bornes occidentales de la