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müle ; mais plus habile & plus heureux que les émpe*-
reurs allemands ne l’ont été à Rome , il établit fa puif-
iance , ne laifia au calife que le foin de commencer le
v endredi les prières à la Mofquée, 8c l’honneur d’in.—
veftir de leurs .états tous les tyrans mahométans qui
fe ferôient fouverajns. '
Il faut fe fou venir que , comme ces- Turcomans
Imitoient les Francs, les Normands & les Goths , dans
leurs irruptions , ils les imitèrent aufîi en le Soumettant
aux loix, aux.moeurs & à la religion des vaincus ; c’efl
ainfi que d’autres tartares en ont ufç avec les Chinois,
& c’tft l’avantage que tout peuple policé, quoique lé
plus foible, doit avoir fur le barbare, quoique le plus fort.
Au milieu des croifàdes entreprîtes fi follement par
les chrétiens s’éleva le grand Saladin, qu’il faut mettre
au rang des capitaines qui s’emparèrent des terres des
califes, & aucun ne fut auflj puiffant que lui. 11 conquit
ea peu de temps l’Egypte , la Syrie , T Arabie , la
Perfe , la Méfopotamie 8c Jérufalem, où après avoir
établi des écoles mufolmanes 9 il mourut à Damas en
1103, admiré des chrétiens même.
il eft yr?ù que., dans la fuite des temps, 'Çamerlan
conquit fur les Turcs, la Syrie 8c l’Afie mineure ; mais
les focçefTeurs de Bajazet rétablirent bientôt leur empire,
rtprirent l’Afie mineure.^ 8c.confervèrent tout ce qu’ils
^voient en Europe feus Amurat. Mahomet IL fon fils,
p rit Conflan'.inopie , Trébizonde, Caffa , Scutari, Cé-
phalonie , 8ç pour le dire en un mot, marcha pendant
fente-un ans de règne., de conquêtes en conquêtes , fe
flattant de prendre Rome comme Confiant! nople. Une
■ çpiîqüe en délivra le monde en 148 1, à Tfge de cin-
quante-ùn ans ; mais les Ottomans n’ont pas moins ç®n-
lervé eri Europe, un pays plus beau 8ç plus grand que
fltalte.
Jufqu’à préfent leur empire n’a pas redouté d’inva-
ïioris étrangères. Les Perlans ont rarement entamé les
frontières des Turcs, on a vu au contraire le fultan
Amurat ÎV. prendre Bagdat d’affaut fur les Perfans , en
1,63-S | demeurer toujours le maître. de la Méfopotamie,
envoyer d’un côté des troupès au grand Mogol contre
la Perfe, & de l’autre menacer Venife. Les Allemands
ne fé font jamais préfentés aux portes de Conflantinople,
comme les Turcs à celles de Vienne. Les Rmfes ne font
devenus redoutables à la Turquie,. que depuis Pierre
le grand. Enfin , la force a établi l’empire Ottoman ,
i8c les divifjons des..chrétiens' l’orit maintenu. Cet empire,
en augmentant la puifiance, s’efl coulervç longtemps
dans fe? ufages. féroces, qui commencent à
s’adoucir.
Voilà l’hiftoire de Mahomet ., du mahométifme ; des
Maures d’Occident, & finalement des Arabes, vaincus
par les Turcs, qui, devenus mufulmans dès l’an 1955 ,
.ont perfévérç dans la même religion jufqu’à ce jour.
C ’èft en cinq pages fur cet objet, l’hiftoire de onze
fiècles. '( Le ç/ievplier pE J4UQÙVRT. )
(On trouve dans le 32e volume des mémoires de l’académie
des inferiptjons 8c belles-lettres, pa^es 404. 8c
foivantes, un favant. mémoire de M. de Brequigny fur
çle la religion & de l’empire de Ma-
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komet ou Mohammed 9 car tel eft Ton vrai nom qùf
nous prononçons par corruption : Mahomet. M. de
Paftoret, aufli de l’académie des inferiptions & belles-
lettres , a remporté le prix propefé par cette académie
avant qu’il en fut membre, prix dont le fujet étoit :
Zoroaßre, Confucius & Mafiomet, comparés comité fe o
taires , légiflateurs & moralïfes , avec le tableau de leurs
dogmes, de leurs loix & de leur morale. Mi de Paftoret
montre comment chacun de ces trois grands'hommes,
inférieur aux deux autres fur certains objets , reprend
là fqpérioriié fur d’autres objets ; il les fuit dans tous
leurs rapports perfonnels, en forte qu’il ne manque
rien au parallèle, 8c que chacun de cés perfonnageg
contribue tour-à-tour à faire mieux çonnoître les deux
autres par je? avantages qu’il a fur eux ou qu’ils ont
fur lui. La Mecque , comme on l’a y u , fut le berceau
'de Mahomet. Sa famille y étoit illuftre 8ç riche; la
tribu dans laquelle il naquit , tenoit le premier rang dans
la patrie. Il y a donc quelque choie à rabattre dù portrait
que Zopireifak de Mahomet dans la tragédie deM<
de Voltaire. _
Tu verras de chameaux un groflier condufleur ^
Chez fa première époufe infolent impofteur,
Q u i, fous le vain appas d’un longe ridicule
Dçs plus vils des. humains tente la foi crédule^
Comme un féditieux à mes pieds amené,....... V
De caverne en caverne il fuit avec Fatime,
Ses. difçiples er r ans de cités en dé fe rts,
Profcrits, perfécutés , bannis, chargés de fers *
PromènentTeur fureur qu’fis appellent divine ;
" De leurs venins bientôt ils infeélent Médine.
Mahomet, à la vérité , rie jouit jamais des richeflès
qu’avoient peffédées fes ancêtres : le commerce fut la
reffource ; il y mérita par fa bonne foi le furnom
honorable d’Elamin , .c’eft-à-dire, homme sûr 8c fidèle«
Sa retraite.myftérieüfe dans une grotte du mont Hara,
reflemble beaucoup à ce que les perlans appellent le
voyage de Zoroaßre vers le trône et Ormufd. Mahomet
fut- un impofteur -fans doute ; mais M? de Paftoret juge
qu’il a été calomnié lùr divers points, 8c il prend Ta
peine de le jpftifier ; il prétend par exemple, que Ma-r
homet ne s’arrogea point le don des miracles , comme
l’ont dit plufieürs auteurs ; il cite de lui .des traits de
générofité eftimables ; en un mot, il le réhabilite autant
qu’on peut'réhabiliter un impofteur., qui difle fes
volontçsSc exerce Tes vengeances au noip de Dieu*
Eh quoi ! tout faélieux qui penfe aveç courage l
Doit donner aux mortels un nouvel esclavage ?
Il a droit de tromper s’il trompe aveç grandeur B
Mahomet mourut, -âgé de foixante-trois, ans dans là
onzième année de l’hégire ,8c ja vingt^troifième de fon
prétendu apoftolat, On fait que l’hégire eft l’époque de
fa fuite ^ Médine., lorfou’il fut condamné à mort par.
les Meçquois, & que, cette epoqpe fe • rapporte ^ l’an
62.2. .de de Paftoret
fai; de. Mahomet, d’apres ^.bulfedà.
@ MahojneJh
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M Mahomet avoit reçu de la nature une intelligence 1
% fopérieure, une raifbn exquife,une mémoire prodi-
v giei^fe, il parloit peu & le plaifoit dans le filence ;
» fon front étoit toujours ferein, fa convention étoit
w agréable & fon caratlère égal. Jufte envers tous... .. .
ft Un parent, un étranger, l’homme puiffantou le foible
» ne faifoient jamais pencher la balance dans fes mains.
»? Il ne méprifoit point le pauvre à caufe de fa pauvreté,
» 8c ne révéroit point le riche à caufe de fes richeffes... .
v II écoutoit avec patience celui qui lui parloit, & ne fe
w levoit jamais le premier.......Conquérant de l’Arabie,
v il s’afteyoit feuvent à terre, allumoit fon feu, & prépa-
v roit de fes propres mains à manger à fes hôtes. Maître
n de tant de tréfors, il les répandoit généreufement 8t ne
» gardoit pour fa maifon que hfimple néce(Taire. On dit
»? <ie lui qu’il furpafîa les hommes en quatre chofes, en
» valeur, en libéralité, à la lutte 8c en vigueur dans
n le mariage. Il difoit fouvent que Dieu avo;t créé deux
v chofes pour le bonheur des humains, les fe mmes Ô£
» les parfums. » , _ ' .
Ses dogmes ont du moins le mérite de profcrire l’idolâtrie
8c d’établir l’unité-de Dieu. Mahomet a e:e fort
attaqué fur la morale principalement; M. de Paftoret
le juftifie encore fur ce point, 8c fait voir que Mahomet
a recommandé prefque toutes les vertus fociales,
prefqüe toutes les vertus utiles.
En comparant ces trois fameux légiflateurs par leurs
qualités pérfonnelles, 8c indépendamment de leurs
écrits, on trouve que Confucius eft plus eftimable què fes
deux rivaux, il infpire plus d’intérêt 8c de vénération.
Si on les compare comme fondateurs de religions ,
Ta fupériorité eft toute entière du côté de Mahomet.
Le fils de Zoroaftre alla prêcher au loin lès erreurs
de fon père ; Omar, Ali & quelques autres étendirent
celles de Mahomet ; & Confucius fonda une école
nombreufe 8c floriftante. Mais il s’en faut bien que
définitivement leur deftinée ait été la même. De ces
trois feéles, Tune ( celle de Confucius ) remplit, il eft
vrai , un empire puiffant, ( la Chine ; ) mais elle eft
bornée à cet empire. L’autre (celle de Zoroaftre)
livrée à l’humiliation 8c à l’opprobre, eft à peine connue
dans quelques coins de TAfie ; tandis que la troifième
(celle fe'Mahomei) répandue'dans toutes les parties de la
terre, domine fur les contrées les plus fertiles, 8c voit fes
difçiples oppreffeurs de la Grèce efclave , s’afleoir for
le trône des Céfars dans Tune des capitales du monde.
Si on les compare comme légiflateurs, c eft Zoroaftre
qui a la fopériorité.
Si on les compare enfin comme moralifles, c’eft
Confucius qui l’emporte ; il étend fa morale jufqu’au
pardon des injures; il ne permet d’autre vengeance
que de nouveaux bienfaits ; les deux autres permettent
la vengeance proprement dite, 8c tous deux, for-tout
Mahomet, fe la font trop permife.
Indépendamment du prophète, il y a cinq empereurs
des Turcs du nom de Mahomet.
i°. Mahomet I. fils de Bajazet I. fit périr Moÿfe fon
frère 8c monta for le trône des Turcs en 1413. Il
raffermit l’empire Ottoman, ébranlé par les viéloires
dg Tamerlan ; il vainquit 8c fit pnfonnier un prime« de
Hiftoire. Tome III,
M A H « j
Caramanîe, qui fouvent vaincu 8c jamais fournis, s’attend
doit que le lupplice alloît expier fes fréquentes infidélités
, 8c par cette crainte même fembloit diéler fou
arrêt. Mahomet épargna fa vie , en l’accablant de mépris.
« Je te permets de vivre , lui dit-il; te punir,
»; ce foroit me venger , 8c j’avilirois ma vengeance en
u l’exerçant fur toi. Tu croirois d’ailleurs en mourant
?» que Mahomet a pu te craindre. » Mahomet étendit fes
conquêtes for une multitude de provinces 8c d états, ôc
fut d’ailleurs aufîi jufte que peut l’être un conquérant
8c un ufurpateur. Il établit le liège deTon empire à An-
drinople. 11 mourut en 1421.
20. Mahomet I I , dit Tautcur du nouveau diefion-
naire hiflorique, fut un monftre 8c un grand homme,
ÔC fon caraélère for l’un 8c lùr l’autre point, eft établi
for des fa:ts ; M. de Voltaire qui prenoit quelquefois le
parti de nier lés faits, quand ils Tembarrafloient, a nie
le fait d’Irène, décapitée par fon amant, (voyez l’article
Irène ; ) 8c celui des quatorze efclaves ou pages ,
qu’il fit éventrer peur (avoir lequel avoit mangé un
melon qu’on lui avoit dérobé. La. radon qu’allègue M.
de Voltaire pour nier ces faits, eft que Mahomet 11. étoit
un grand homme. Auroit-on bien prouvé que le Czai:
Pierre I. ne s’amufoït pas à couper des têtes pour
montrer fon adreft’e , en obfervant qu’il réforma fa nation
, qu’il introduifit lès arts 8c les lumières en Ruflie ,
8c qu’il étoit un grand prince ? au refte on n’a pas
befoin des deux faits que nie M. de Voltaire , il en refte
un grand nombre de femblables qui montrent dans
Mahomet 11. beaucoup de férocité. Ce fut fans doute t;a
des conquérans les plus redoutables, les plus rapides 8c
les plus habiles. On Tappella l’Alexandre Mahometan.
Il prit Conflantinople, exploit exécuté à force de talens,
8c qui forme à tous égards une grande époque dans Thii-
i toire; il renverfa deux empires, conquit douze royaume?)
- prit plus de deux cent villes for les chrétiens ; ma s il
fut battu par Scanderberg ,par Huniade , par le grand-
maître Pierre d’Aubuffon 8c les chevaliers de St. ?ea*
de Jérufalem, il échoua devant Rhodes,
Rhodes, des Ottoman? ce, redoutable écueil.
Il connut 8c aima les lettres 8cles arts, qui pourtant
s’enfuirent épouvantés devant lui , 8c cherchèrent un
afyle en Italie 8c en France. Il arrêta le pillage 8c le
maffacre à Conflantinople; mais à Calcis daris;|^è.
d’Eubée ou Négrepont il fit feier par le milieu du
contre foutes lesloix de l’honneur 8c même de la guerre,
le gouverneur Arezzo dont tout le crime étoit de s’ê;re
défendu vaillament; à Otrante dans la Calabre,'il fit
périr d’une mort cruelle;*8c le gouverneur 8c l’évêque ;
il fitpafler au fil de l’épée douze mille habitàus ; après
la prife de T rébizonde fit mafTaci-er;Drtvnd^.Cc-innène
8c fes trois enfans contre la foi donnée. Il en ufa dè
même envers les princes de Bofnie 8c envers ceux de
Metelin. Il fit péçir toute une famille honnête 8c vertu
eufe, parce qu’un père de famille avoit rcfùfé délivrer
fa fille à la brutalité; de ce tyran. Que mécontent de
Venife 8c du Doge, 8c entendant parler de la cérémoaie
du mariage du Doge avec la mer Adriatique, il ait,dit