
. 245 J U L L’autre efi le célèbre empereur Julien , dont nous
avons les ouvrages, 6c dont M. l’Abbé de la Bletterie
a écrit la vie. Le vulgaire l’appelle Julien FApoflat.
' M. de Voltaire l’appelle Julien Le Philofophe ; il ne fut
pas allez philofophe , puifqu’il perfécuta les Chrétiens
• il ne fut pas affez philofophe, puifqu’il rétablit
le Paganifine 6c le Polythéifme.
Flavius-Claudius-Julianus , ou l’empereur Julkn,
ïiaquità Conftantinople le 6 novembre 3 3 1 , de Jule-
Conflance, frère de Constantin , 6c de Éafiline-, fille
du préfet Julien ( Anicius - Jidianus ) qui fut conful
l ’an 322. L’empereur Confiance, fi!s de Çonflantin ,
auquel Julien fuçcéda , étoit donc fon coufin-
germain, 6c de plus , il étoit fon beau frère, Confiance
ayant époufé une fceur de Julien. Confiance fit
périr les oncles, nommément fon beau-frère 6c fes
coufrns ; Julien n’échappa qu’avec peine à ce maflacre.
$1 paroît qu’on le pacha dans une' églifè. Saint Bafile,
«évêque d’Ancire, qui fouffrit le martyre fous la persécution
de Julien, dit que ce prince ingrat a voit
publié l’autel qui lui avoit fervi d’afyle. Non efi re-
çordatus quomodq eruerit eum Deus per fanEtos fuos
facerdotes, abfcondens eum fub fanElo & adriùrabilï altari
pccUfiot fuçe, Ç ’eft ;ainfi que Joas ayoit été
Scüs l’aîle du feigneur dans fon temple élevé.,«;
Nourri dans ta maifon , en l’amour-de ta loi,
11 ne.connoît encor d’autre père que tpi !
Il faut que fur lé trône un roi foit élevé ,
Qui le Souvienne un jour qu’au rang de fes ancêtres
Dieu l’a fait remonter par la main de fes prêtres -,
L’a tiré par leur main de l'oubli du tombeau ^
Et de David éteint rallumé le flambeau.
Julien ne s’en fouvint pas mieux que Joas, & retourna
comme lui , à l’idolâtra?. Il paroît qu’on lui
donna une éducation- non feulement chrétienne , mais
moitié dçvote , moitié pédantefque, qui ne fut pas
dans la fuite un de fes moindres griefs contre le
Chriflianifme. Il fut long-temps perfécuté fous l'empire
de Confiance, dévot arien , qui^ par fon zèle théo-
Jogique & cruel contre les-Orthodoxes , contribua
encore à le dégoûter d’une religion oh il voyoit ces
fçéfes & ces difputes.-, comme u le paganifine n’avoit
pas eu les Bennes. Cependant en 355 , Confiance le
sipnima Çéiàr, & l'envoya à la guerre dans les Gaules
contre les Allemands ; il' y refta plufieurs années. Il
vint en 358 , à Paris ; ou croit qu’il y bâtit le palais
<fes Thermesdont on montre encore les refies, fous
lé nom de Bains de Julien, dans la rue de la Harpe ,
à, la Croix de Fer, Il fe fit bientôt un nom par fa
valeur, fà frugalité , fon application 6c aux affaires
&.. à l’çtude , fon équité mêlée d'indulgence. Un
prince ? dHpit-il ? efi uiie loi vivante , qui doit tempérer
par fa clémence, ce que les loix mortes ont de trop
rigoureux. Ayant vaincu les Çhamaves , &leur accordant
la paix , il demanda pour otage le fils de leur
j-qî. -H 41 -tpmfcé fous vos çoups, mi dit-on en pieu-
r^ntV il'a 'pén dans cette guerre ; le roi lui-mêm^
confirma P? malh-ur par la manière dont il parut If
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fentir. Julien fut touché, & parut très - fenfible au
plaifir de difliper la douleur de ce père affligé, en.
lui montrant fon fils, quhl faifoit traiter avec honneur,
6c qui parut fatisfait d’être pris par lui pour otage.
Julien fut élevé à l’empire par fes foldats , en 360,
Confiance apprenant cette nouvelle, éclata en. reproches
contre lui. Julien fit lire fa lettre à haute voix 9
en préfence de l’armée ; vous étiez orphelin, lui difoiç
Confiance ; je vous ai fervi de père. « Si j’étois
n orphelin , s’écrioit Julien, comment l’étois - je de-
» venu ? ed-ce au bourreau de mon père & de toute
» ma maifon, à m’en faire le reproche ? » Bientôt il
apprit la mort de Confiance, arrivée le 3 novembre
361, tandis qu’il marchoit contre Julien. Le règne
très-court de celui-ci, efi rempli par les efforts qu’il
fit pour rétablir le Paganifine. Ses injuftices à l’égard
des Chrétiens aüoient rarement jufqu’à la cruauté ,
mais elles étoient mêlées d’ironie 6c de fàrcafmes : de
quoi vous plaignez-vous ? difoit-il , à ceux qui lut
faifoient des repréfentations , le plaifir d’un chrétien
» n’efl-il pas de fpuffrir ? je vous fers g fbuhait ; j’attenr.
» tendois des remerçiments au lieu de plaintes. Le trait
fuivant pourroit faire croire que fà tolérance ne
l’abandonnoit pas , même à l’égard des Chrétiens, 6c
que fes prétendues perfécutions ont été fort exagérées.
Etant à Bérée , il fut que le chef du fçnat de cette ville ?
chrétien zélé , ainfi que prefque tout fon eprps, venoit
de chaffer de fà maifon & de déshériter fon fils, pouf
avoir embraffé la religion du Souverain ; Julien voulut
le remettre en grâce auprès de fon père. Il donna un
grand repas , pii il plaça, le père 6c le fils à fes deux
côtés fur le même lit. I l me paroît injufie, dit-il au
père, de vouloir gêner 1er confidences. Pourquoi cpn-g
traindre votre fils à fuivre votre religion ? je ne vous
contrains point à fuivre la m ien n e ' Quoi ! feigneur ,
répondit le père , vous me parlez en faveur de ce
Jcelerat , de cet ennemi de Dieu , qui' a préféré le
menfohge à la vérité ! L’empereur voyant qu'il s’echauf?
foit 6c qu’il manquoit de refpefl, fe contenta de lui
dire avec douceur ; mon cher ami, laijfons les invec-
tives ; ôl fe penchant du côté de fon fils : vous voyc% ,
lui ditril, que je rîy peux rien ; vous riave^ plus de
père , mais je vous en tiendrai lieu. Julien mourut peu
de temps après, dans fon expédition contre les Perfes ,
d’un coup de dard, qui lui ayant effleuré le bras ,
& ayant paffé entre les côtes, lui perça le foie. Il
mourut avec un .courage tranquille , la nuit du 26
au 27 juin 363. L’abbe de la Bletterie ne croit point
qu'il ait jette fon fang contre le pie! , en s’écriant : tu
as vaincu, Qqliléen ! comme Athalie 9 dans Ilacine ^
s’éprie;
pieu de$ Juifs, tu l'emportes!
Parmi tous les mots qu'on a retenus de lui, & qui
confirment fa réputation de philofophe , celui-ci nous
paroît fur-tout digne de remarque. Il difoit à des orateurs
qui le flattpient : que j ’aimerois vos éloges , f i je
ypus. croyais ajfe% hardis pour pie blâmer quanti je le
mérite !
ll nous »efle^dp l'empereur Julien , la fetyrë des
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Céfa's & le Mifopogon, des difeours ou harangues ,
des lettres , &c. Le P. Petau en a donné une*édition
<en 1630 , & le favant Spanheim , en 1696.M. l’abbé
de la Bletterie en a traduit une partie dans fà vie de
Jovieiv
« Que penfer de Julien , demande M. Thomas?
» qu’i .'fut beaucoup pins philofophe dans fon gou-
j> vernement 6c fa conduite , que dans fes idées ; que
n fon imagination fut extrême , & que cette imagina-
» tien égara fouvent fes lumières ; qu’ayant renoncé à
» croire une révélation générale & unique ,. il cher-
» choit à chaque inflant une foule de petites révélais
tions de détail ; que fixé fur la morale par fes prin-
n cipes , il, avoit fur tout le refie l’inquiétude d’un
» homme qui manque d’un point d’appui ; qu’ il porta,
» fans y penfer 9. dans le paganifine même, une teinte
de fauflérité chrétienne ou il avoit été élevé ; qu’il fi t
» chrétien par les moeurs, platonicien par les idées ,
» foperflitieux par l’imagination , payen par le culte,
» grand fur le trône 6c à la tête des armées , foible
-■ » -& petit dans fes temples 6c fes myflères ; qu’il eut
y» en un mot le courage d’agir , de penfer, de gouv
e rn e r 6c de combattre , mais qu’il lui manqua le
si courage d’ignorer ; que , malgré fes défauts, ( car
» il en- eut plufieurs ) les Payens durent l’admirer ,
» les Chrétiens durent le plaindre ».
Il nous femble que Prudence qui étoit contemporain
de J u l ie n lui rend une exaéle juflice dans
ces vers,
DuElor fortijjimus armis
Conditor & legum celeberrimus, ore manuque
Confültor patries : Jed non confultor habendtz
Religionis ; amans■ tercentum millia diyum
Perfidus itte' Deo, fed non 6* perfidus orbi.
L’empereur Julien ^voit un oncle maternel, nommé
Julien comme-lui, 6c apoflat comme lui. Il avoit été
préfet d’Egypte , 6c fon neveu ' l’avoit fait comte
d’Orient. L’apoflafie étoit devenue en lui une fureur;
il détefloit les Chrétiens ; il étoit altéré de leur fàng,
« On eût dit qu’il fe hâtoit d’étouffer fes remords fous
» les ruines de la religion qu’ il avoit abandonnée. » C ’efl
le fentiment que Racine donne à Mathan ;
Toutefois , je l’ avoue , en ce comble de gloire
Du Dieu que j’ai quitté , l’importune mémoire
Jette encore en mon ame un refie de terreur ;
Et c’efl ce qui redouble 6c nourrit ma fureur.
Heureux, fi fiir fon temple, achevant ma vengeance ,
Je puis convaincre enfin fa haine d’impuiffance ÿ
Et parmi les débris, le ravage 6c les morts ,.
A force d’attentats perdre tous mes remords ï
Le comte Julien avoit reçu l’ordre de fermer la
grande églife arienne d’Antioche, il ferma toutes les
autres ; il fit trancher la tête au prêtre Théodoret,
économe d’une églife catholique. Il enleva d’une de
ces églifes , les vafes précieux que Çonflantin 6c
Confiance avoient donnés : voye^ , s’écria Félix, fur-
jutend^nt des finances ^ autre apoffatqui l’acçompagnoît
, "Voye\ avec quelle magnificence efi firvi h fils
de Merle ! Le comte profana 6c fouilla fes vafes 6c
l’autel, 6c donna un foufflet à Euzoius , évêque arien ?
qui vouloit fen empêcher. Qu on croye maintenant ,
dit-il , que le ciel fe mêle des affaires des Chrétiens !
Lorfque l’empereur Julien apprit que le prêtre Théodoret
avoit été exécuté comme chrétien : « eft-ce ainfi,
dit-il au comte avec chaleur, qiie vous entre% dans
» mes vues ? tandis que je" travaill <à ramener les G ali-1
n léens par la douceur & par la raifon , vous faites
» des martyrs fous mon règne «S* fous mes yeux ! ils
» vont me flétrir dans leurs écrits , comme ils ont flétri
n leurs plus odieux perfécuteurs. Je vous défends d’ôter
» la vie à perfonne pour caufe de religion , & vous
» charge de faire favoir aux autres ma volonté ».
Voilà qui prouve encore combien l’empereur Julien
étoit éloigné de l’intolérance. Le cômte , foudroyé par
cet ordre, fut d’ailleurs frappé d’une maladie incurable
6c horrible dans les entrailles. Alors troublé par
la crainte 6c les remords , pour appaifer fa confcience
tour-à-tour payenne 6c chrétienne, tantôt il immoloit
des chrétiens, malgré la défenfe de l’empereur , tantôt
il envoyoit prier l’empereur de r’ouvrir les églifes, lux
repréfentant que c’étoit fa complaifance pour ce prince ÿ
qui Tayoit mis dans cet état déplorable. L ’empereur
lui répondit : uje n'ai point fermé les églifes , je ne les
u rouvrirai pas non plus. Ce nefi point votre complal-
» plaifance pour moi , défi votre infidélité envers les
» Dieux, qui vous attire ce malheur, n C’efl ainfi qu’en
matière de fùperflition , chacun a fpn point de vue.
Le comte Julien mourut 611363 , quelque temps avant
l’empereun Félix, fon complice, mourut aufîi vers
le même temps ; 6c le peuple voyant dans les inferip-
tions publiques, ces mots ;■ Jidianus Félix, Auguflus ,
Julien Heureux , Augufi'e , difoit : Julien 6c Félix
ont précédé, Augufle fuivra bientôt
Julien efi auffi le nom d’un gouverneur de lar
Vénétie , qui prit le titre , d’empereur en 284., après
la mort de Numérien, 6c qui, vaincu par Carin,
dans les plaines de Vérone périt dans la bataille ou.
fe tua lui-même , n*ayant porté la pourpre impériale;
que cinq ou fix mois.
^ Julien efi encore le nom d’un évêque pél'agien ^
du cinquième fiècle, qui avoit été fort ami de Saint—
Auguflin, 6c contre lequel ce père écrivit pour la-
défenfe de la foi.
Ce fut un Ncomte Julien y qui, au commencement
du huitième fiècle , appella 6t introduifit les Sarrafins»
en Efpagne , pour fe venger de Roderic , dernier roi
des Vifigoths, qui ayoit déshonoré fa fille..
JUNCKER , (Chriftian) {Hifi. Lits. mod. ) favant
allemand , célèbre fur - tout par la connoiffance des
médailles, 6c de qui nous avons entr’autres ouvrées ?
Vita Lutheri ex nummis. On lui doit de£ traduélions
allemandes, 6c diverfes éditions- des anciens auteurs-
çlaffiques. Il fut hifloriographe de la maifon de Saxe-:
Ernefl, 6c membre de la Société royale de Berlin;
Il étoit né à Drefde en 1668. U mourut en 1 7 1 ^
à Altenbonrg;