
ttiai cl î l’année 987 • une mort aufli prompte ^ ci un
prince qui n’avoit que vingt ans , frappa^ tous les
efprits d’étonnement, & l’on ne tarda point a connaître
qu’il avoit été empoifonné : la chronique de Ma l-
lezais le dit expreffément ; mais elle ne nous a point
révélé par qui ni comment. Les uns ont rejetté ce
•crime fur la reine Emme , fa mèredé jà loupçonnee
de cet attentat envers Lotaire fon mari ; d autres en ont
qccülé la reine Blanche, avec laquelle il avoit toujours
vécu avec allez d’indifférence. Louis ne laiffoit
point d’enfants ; le prince Charles Ion oncle, frere de
Lotaire , fe préfenta pour recueillir fa fucceffion ;
mais les grands valfaux lui refusèrent leur funrage,
& le donnèrent à Hugues Capet , dont 1 hifloire
exalte la fagelfe & les talents. Ainfi finit la race des
Carlovingiens en France , elle avoit occupe lé trône
environ 236 ans. Quelques écrivains ont prétendu
•que Louis , ava it que de mourir , avo t nomme
Hugues pour lui fuccéder , au préjudice des princes
.de fon fang ; d’autres-, dont le fentiment n’eft pas
plus ^probable , qu’il avoit la fié fon royaume a la
reine Blanche , à condition qu’elle epouleroit Hugues
après fa mort ; ils ont même ajouté qu’il l'époufa
- effectivement : ces deux opinions pèchent contre
-toute vraifemblânee ; Louis mourut d’une mort trop
prompte & trop inopinée , pour qu’il ait pu fonger a
faire Ion teftament ; &. quel îeftament , qui aUro:t'
donné fon royaume, ou à fon ennemi , ou a une
•femme qui lui avoit caufé les “chagrins les plus amers 1
Quant au mariage de Blanche avec Hugues, il eft,
démontré. impômble, puilque la femme de Hugues
vivoit encore lors de fon couronnement , & qu’il
m’étoit pas plus permis d’avoir deux femmes alors
qu’aujourd’hui. Le plus beau droit de Hugues Capet
au trône de France , fut fans contredit le fuffrage.
•des grands ; -ce titre avoit été reconnu par Pépin ,•
dont Hugues dégradoit la poftérité : ce titre n’en
•étoit point un ; & fuivant l’efprit de la nation, qu i
fè croit toujours invinciblement liée à la tige royale
-tant qu’il en relie un rejetton, Pepin-le-bref ne fut
qu’un uliirpateür qui n’avot aucun droit a la couronne
, tant qu’il .refia quelque rejetton de la tige
de Clovis. Hugues Capet doit être regardé comme
le vengeur de i’ôpprelfron injufte des Mérovingiens,
& des principes de la nation, que les Carlovii.giens
n’avoient pas dû méconnohre. Le lùffràge de la nation
ne devient un titre légitime-que quand la famille
royale elt entièrement éteinte, & elle l’etoit
torique Hugues Capet vint au trône -, puifque les
Carlovingiens n étoient que* des ufurpateurs, & qu’il
n’exiftoit plus de princes Mérovingiens qui etoient
les feuls rois. Le laps de temps pouvoit peut - erre
changer une ulùrpation en une Sommation légitime ;
mais on n’eut point d’égard au mérite .de la p rifelfion.
Le lacre auonel Pépin eut recours, ne lùffifoit pas
pour remédier au vice de Ion titre t cette cérémonie
qu’il emprunta des rois de Juda, rendoit là perfonne
plus refpeâable, fans rien ajouter à fon droit. C ’efi
de leur fang, &. non pas d’ur.e cérémonie reîigieufë,
que les rois de France tiennent la couronne. Ils font
rots dans - le fein de leur mère , leur couronne eft
indépendante de la religion qu’ils profeffent, puiiqu’ils
ré^noient avant même qu’ils fulfent éclairés des lumières
de la foi. -
Une fociété favante a demandé pourquoi les rois
dé là fécondé race , princes qui aimoient la guerre
& qui la favoient faire , eurent un règne plus court
que ceux de la première, qui, depuis Dagobert 11,
s’endormirent dans le fein de la volupté. Cette quet-
. tion propofée depuis plufieurs années, clt reliée fans
réponfe : elle mérite bien d’être approfondie. Je crois
appercevoir plufieurs caufes ., indépendamment de
celles que l’on peut tirer de cette main fuperieure
qui règle à fon gré le cours des.é'.énements ; je me
bornerai à expofer la principale : fuivant m oi, ôn doit
attribuer la chûte précipitée des Carlovingiens aux
principes qu’ils introduifirent dans la monarch e : avant
eux la couronne avoit dépendu du fang ; &. les
François ne pouvoient s’imaginer qu’ils pufient le dit-
penfer de recevoir un fils de roi pour maître , ni quil
leur fut perm's de renônder à fon obéiffance, quel-
qu’inepte qu’ il pût être. On regardoit dansde prince,
non la capacité , mais le droit ; c’eft pourquoi l’on
vit les Mérovingiens fur le trône, long-temps apres
que les mairès du palais les eurent dépouilles de leur
puifiance. L’extrême-foibleffe de Clovis II &• de lès
fucceffeurs , jufqu a Childeric I I I , qui tous n’offrirent
qu’un fantôme de royauté , ne les empêcha pas de
conlèrver la couronne; & lorfqu’on cefià.d’en craindre
ou d’en efpérer, on refpeéla en eux le; fang qui cou-
loit dans leurs veines ; le peuple demanda toujours à
les voir, & les révéra comme autrefois il avoit révéré
fes idoles. Les Carlovingiens, pour fe frayer
une route au trône , furent obligés de changer les
principes : ils accréditèrent cette maxime dangereulè ,
que le trône appartient à celui qui eji le plus digne dy
monter. Les grands , que cette maxime alloit rendre
les difpenfateurs de la royauté , &. auxquels même
elle ouvroit une voie pour y parvenir, l’adoptèrent
aifément. Pépin parvint à s’afîèoir à la place de Childeric
III, mais il ne tarda pas à s’appercevoir qu’il
s’étoit fervi d’une verge qui devoit être funefte à la
poftérité ; c’eft en vain qu’il fit parler le pontife de
Rome , un autre pouvoit le faire parler comme lui 2
c’eft en vain qu’il fe fit facrer, il luffifoir au premier
intrigant"d’avoir un évêque dans fes intérêts pour prétendre
aux honneurs de cette cérémonie. Sous la première
race , la couronne dépendoit de EX eu feul qui
ma ifeftoit fa volonté, en faifant naître un fils de roi:;
elle dépendit fous la fécondé race, des grands & des.
miniftres de la religion, que m ile' efpeces d’intérêts,
pouvoi :nt corrompre. Sous la fécondé, on avoit l’exemple
d’un roi détr-né, & fous la troifième ott ne l’avoit
pas : en- étoit perfuadé fous celle-ci, que la couronne,
appartenoit àja poftérité de Clovis, exdùfivem ?nt à
toute autre ; &. fous l’autre., à celui qui avoit allez
d’audace & de talents pour la ravir & la conferver î
delà cette attention qu’eurent les Carlovingiens de
prélenter leurs enfants aux états, & de les faire reconnaître
de leur vivant. Si Louis eût prévu fa mort,
& qu’il eût eu cette attention pour Charles fon oncle ,
I eft à croire que Hugues n’auroit pas monté fitôt
fur le trône. Comme les, Carlovingiens avoient fait
dépendre la royauté du fuffrage des grands, ils le
idjcnaodoient pour leurs enfants, dans le temps qu’ils
étoient en état de l’obtenir , foit par les grâces qu’ils
pouvoient répandre, foit par la terreur qu’ils pouvoient
infpirer. Dans un état où la royauté eft héréditaire
, & 011 un prince n’en làuroit être dépouille,
quels que foiept fes défauts §£ fes vices , le trône eft
toujours bien affermi, parce que fi un prince foible
néglige lès droits, il eft d’ordinaire remplacé par un
a.utre qui, né avec plus de sève & plus de vigueur,
ne manque pas. de les reprendre; c’eft le contraire
dans un état où le droit de fuffrage eft en ufage, le
trône eft néceffairement foible , parce que les grands
en qui réfide ce droit, n’appellent que ceux auxquels
ils connoiftènt des difpofitions favorables à leur ambition
; ils ne donnent la couronne qu’aux princes qui
leur en font p.affer les prérogatives, ou au moins qui
les afîb.cienf pour eu jouir .avec eux.
Des écrivains qui fe font attachés à recueillir jes
fingularités qu’offre notre hiftoire ., ont oblèrvé que
les trois empires qui fe font formés des .débris de celui
de Charlemagne , en Allemagne, en France & en
Italie , ont été détruits fous trois princes du meme
nom ; en Allemagne, fous Louis IV , dit l’enfant ; en
Italie, fous Louis 11 ; & en France , fous Louis V ,
dont je viens de .crayonner les principaux traits, &
que fa vie .aftive laborieufe fembloit deyoir pré-
ferver du furnom ignominieux de fainéant , fous lequel
la poftérité s’eft accoutumée à le voir figurer. ( M - Y . )
Louis V I 9 dit le gros , fut . couronné roi de France,
du vivant de Philippe Ier Ion père , & monta fur le
trône après la mort de ce prince, arrivée en 1108 ;
il avoit difftpé les cabales que l ’on avoir formées contre
fon père, & ne put étouffer celles qu’on forma contre
lui-même. Les comtes de Mante & ,de Çorbeil, &
quelques autres valfaux , trop foibles pour attaquer le
roi avec leurs lèules forces , engagèrent dans lejurs
intérêts le roi d’Angleterre., due de Normandie. La
ville de .Gifors fut le flambeau de la difeorde, on en
vint aux mains près de Brenneville , en 1116 : l’indocilité
des François leur fit commettre des fautes que
leur bravoure ne put réparer, ils furent vaincus. Dans
la déroute , un anglois arrête le eheyal de Louis
par la bride , & s’écrie ; le roi eft pris, jjffe fuis-tu pas,
répond le monarque en ,1e renverfant d’un coup de
fàbre, qu’au jeu d’échecs oji ne prentj. jamais Le roi ?
II courut vers Chartres , rélolu de ^châtier les
habitants révoltés ; mais dès qu’il les -vit à fes pieds ,
il pardonna, VJn traité termina , ou du moins afloppit
la guerre en 1120; Louis reçut l’hommage de Henri,
mais bientôt il fut forçé de tourner fes armes contre
l’empereur Henri V , qui, à la tête d’une armée formidable
, menaçoit la Çhampagne ; on fe fépara fans
combattre. Le roi , en 1 1 2 7 , çourut en Flandre ,
punit les affaflins du comte Charlçs-le-Bon , & donna
ce comte a -Guillaume Cliton., neveu de Henri I , qu’il
fi avoit pu rétablir dans le duché de KpruVUldie. Louis
fijfloir&i Jom
mourut le premier août 1137 : ce prince étoit Tuperf-
titieux & crédule ; il permit aux moines de Suint-
Maur d’ordonner le duel entre leurs valfaux ; du relie ,
brave, foldat, a(Tez bon général, mais mauvais politique
, il fut. le jouet des rufes du roi d’Angleterre »
dompta l’orgueil des grands valfaux de la couronne ,
& fe fit craindre .de l’étranger comme de fes lûjets ;
on citera toujours comme une grande leçon , le çonfeil
qu’il donnoit en mourant à Louis-le-jeune ; Souventp*
vous, mon fils 3 que la royauté rte f l qu’une charge
publique, dont vous rejidrer un compte, rigoureux an
roi des rois. ( M. d e S a CY. )
Louis V I I , dit le jeune , roi de France , né en
m a , fut couronné en 1137 , après la mort de
Louis-le-gros ; il punit Thibaut., comte de Champagne
, qui s’étoit révolté ; mais il fit périr une foule
d’innocents pour châtier un coupable ; & la ville de
Vitry fut réduite en cendres ; le remords qui devoft
lui infpirer le delfein de rendre fon peuple heureux,
ne lui infoira que .celui d’aller maflàcrer des Sarrafins ,1
La manie des croifades avoit commencé fous Philippe
I ; cette fureur n’avoit fait que s’accroître. Louis
alla effacer par des meurtres en Paleftine , ceux qu’ij
avoit commis en France ; vainqueur d’abord, vaincu
enûiite, prêt à tomber entre les mains des infidèles t
il fè défendit long-temps feul contre une foule d’alfail-
lants, fe fit jour à travers l’armée ennemie, &. revint
en France avec les débris de la ftenne ; il appailà le*
troubles qui agitoient la Normandie .; mais l’éleélion
d’un arçhevêque de Bourges ayant excité un différend
entre la cour de France &. celle fte Rome, le pape
Innocent I I , qui étoit redevable de la tiare à Louis VII9
jetta un interdit lùr lès domaines. Çe prince répudia
en 1150 , la reine Eléonore, qui époufa depuis 1$
comte d’Anjou, due de Normandie, enfin roi d'Angleterre
pour lui, il époulà Confiance, fille d’Ah
phonfe , roi d,e Caftille. La guerre fe ralluma bientôt
,entre la France & l’Angleterre, au fiijet du comté
de Touloufe; on fe livra beaucoup de combats, on
ligna beaucoup de trêves, & rien ne fut terminé. Le
mariage de Marguerite de France avec Henri, fils du
roi d’Angleterre , réconcilia les deux cours ; la guerre
le renouyella encore, & l’on vit dès-lors éclater ces
haines nationales qui fe font perpétuées. Louis V i l
mourut à Paris , le .1.8 feptetnbre 1 1S0 ; il avoit fait
un pèlerinage pour obtenir la gyériCon de fon fils 9
& dans ce voyage pieux il tomba malade lui-même >9
ce fût lu! .qui attribua au fiège de Rheims le droit de
làcrer les rois de France. ( M. d e Sa .cy. )
Louis V I I I , fumommé C@ur-de-lion, avoit 36
ans lorfqu’il fuccé.da a Fhüippe - Augulle , en 1223 f
Hçnri I I I , roi d’Angleterre, lui demanda la reftitu-
tion de la Normandie, & de tous les domaines dç
Jean , que la cour des pairs dç France .avoit confié
qués ; il fit appuyer fa demande par cinquante mille
loldats •; Louis y répondit de même » rentra dans
toutes les conquêtes de fon père , j&. fournit lÿ
Guyenne que celui-ci avoit négligée > il difiipa un^
faôlipn excitée en Flandre par un impofteur qui avojÿ
pris le nom du copte Baudouin: bientôt il reprit
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