
» a caufe de la confpiration de Clialais ", dans la-
»» quelle il étoit convaincu que cette princeffe étoit
» entrée, lui fît part de l’un & de l’autre ; 8c
” ce &t par cette chaîné d’événements qu’Anne
» d’Autriche devint groffe de Louis XIV , qui naquit
» dans les neuf mois précis, à compter de çette nuit »,
Un roi au lit de la mort eft peut-être l’homme
le plus malheureux de fon royaume, Louis X I I I en
rt la- trifté expérience ; prefque abandonné de lès
courtifans & de fès domeftiques qui fe rangeoient
du cote de la faveur naiffante, il manqua quelquefois
des chofes néceffaires à l’état oy il fe trouvoit,
De grâce , dit-il un jour à quelques courtifans qui Tenir
peenoient dé jouir de la vue du fojeil qui don-
noit dans les fenêtres de fon appartement , rangez-
vous , ^ Uijjeç-moi la liberté de voir le folcil, & quil
rue fait permis de profiter dé un bien que la nature
accorde à tous les hommes. ( G, ) (*)
Louis X IV , roi de France & de Navarre , fur-
nommé le grand , étoit fils de Louis XIH & d’Anne
d Autriçhe. Il naquit a Saint-Germain-en-Laie „ Je <
feptembr.e' 1638, ôceutje fur nom de Dieu-donné,
étant venu au monde après vingt-trois ans de ftérilitç
cie la reine fà meré. Il iucçéda à Lonjs X I I I , le 14
mai 1643 9 f°u$ b régence. d’Anne d’Autriche, 6c
dans le temps que la guerre fe continuoit contre les
E(pagnol$. Il fut façré le 7 juin 16 54 , ôc mourut le
X feptembre 1715.
Les bornes de cet ouvrage ne nous permettent
pas de nous étendre fur les aidions glorieufes qui j
remplirent le cours de la vie ; de ce prince. Quand
on fe contenteroit fimplement .de dater les évènements
eonfidérables de fon règne, on ne laifferoit
pas de remplir un jufte volume. Il nous fufiira de-dire
que Louis X IV ■ vint au monde avec ces difpofitions
JiOureyfes que la nature Raccorde qu’à fes plus chers
favoris. Ç ’çtoit un des plus beaux hommes & des
mieux faits de fon royaume; le fon de- fa voix.étoit
fioble ÔC touchant. Tous les hommes Tadmiroiçnt, Ôc
toutes les femmes étoient fenfibles à fon mérite. Il fe
complaifoit à en impofèr par fon ai r; & l’embarras de
ceux qui lui parloient, étoit un hommage qui ftattoit
fa fupérjorité, ïi étoit né avec une ame grande 8ç
élevée, un gène jufte délicat ; mais il né témoigna
jamais bëauçoup d’inclination pour l’étude, La nature
& l’ufage forent fes feuls maîtres, Ôc l’amour çje la
gloire perfeéjionna leur ouvrage. Louis X IV obli-
geoit ayee une grâce qui , ajoutant aux bienfaits ,
taiioit voir le plaifir qu’il gofooit à les répandre. Une
preuve que la majefté fe concilie ailçnient av.ep les .
vertus aimables , eft le refpeât qu’on eut toujours
pour ce prince, ôc les bontés qu’il eut toujours pour
lès courtifans , doift queiques-y. s étoient même fes
$ms.
Son fiècle eft comparé avec railon à celui d’Au-
( * ) Çes lettres n’indiquent point le rédaâeur de
C - rte partie ; fa feule marque eft de n’en avoir aucune,
& d être le feul qui n’en ait point,
gufte. Louis X I V avoit un goût nature! peur tout ce
qui fait les grands hommes ; il fut diftinguer & env.
ployer les perfbnnes de mérite , dont jl animoit les
études par fès réçompenfès ; jamais prince n’a plus
donné, ni de meilleure grâce. On ne connoît point
d homme illuftre du fiècle paffé fur qui fà générofité
ne fè foit répandue. Dès fbn enfance, il honora le
grand Corneille de la lettre la plus flatteufè, ôc dans
la fuite ayant appris que ce célèbre auteur qui en
avoit enrichi tant d’autres par fès productions, étoit
a l extrémité fans avoir les commodités que la moindre
aifance peut procurer , Louis X IV prit foin lui-
meme de fournir a fà fubfiftance, Vraifèmblablement
ce prince avoit puifé cet amour des belles-lettres
dans les inftruétions d’Anne d’Autriche fà mère , qui
les aipioit ôc qui en foutenoit la dignité. Un libraire
de Paris ayant eu deffein de joindre à là vie du
cardinal de Richelieu, un grand nombre de lettres
p£ de mémoires qu’il avoit raffemblés aveç beaucoup
de foin, n’ofoit le faire, parce qu’il craignoit d’of-
fenfer bien des gens qui j étoient fort maltraites ,
mais qui venoieht de rentrer en grâce à la cour. Il
fit paît de fes inquiétudes à la reine, ôc cette fage
princeffe lui dit ; travaillez fans crainte, & faites
tant de honte ait vice, quil ne refie que la vertu en,
| France. « Ce n çft, ajoute l’auteur duquel nous avons
emprunté cette anecdote , qu’aveç de pareils fen-
« iiments dans les fpuverains, qu’une nation peut
» avoir des hiftoriens fidèles».
Ce ne fiirent pas feulement les lavants de la France
qui eurent part aux bontés de ce prince, ceux des
pays étrangers forent «paiement honorés de'fes gratifications.
Louis X IV fit aufïi fleurir fes arts & le
commerce dans fes états ; mais en fait de beaux-aris ,
il n’aimoit que l’excellent, & ce qui portoit un caractère
de grandeur. On peut en juger par les magnifiques
bâtiments qui ont été éleves fous fon règne,
Les peintres dans le goût flamand ne trouyoient
point de gra.ee devant fès yeux : ôte^-moi ces magots-
là , dit-il un jour qu'on avoit mis un tableau de
Téniers'dans un de fes appartements. L’ambition 6c
la gloire lui firent entreprendre 8c exécuter les plus
grands projets , & il fe diftingua çle tous les
princes de Ion fiècle , par un air de grandeur , de
magnificence & de libéralité qui accompagnait toute»
fès aéfions. Les traits principaux qui distinguent le
règne de çe monarque, font Tentreprife de la jonction
des deux mers par le fameux canal de Languedoc
, achevé dès l’an 1664; la réforme des loix , en
1667 6c 1670; la cpnquête de la Flandre Françoifè
en fix femaines; celle de là Franche-Comté en moins
d’un mois, au coeur de l’hiver ; celles de Dunkerque
6c de Strasbourg. Qu’on joigne à çes objets une
marine de prçs de deux cents yaiffeaux, les ports de
Toulon, de Breft , de Roçhefort bâtis ; 150 cit«*
déliés conftruites ; Tétabliffement des invalides, de
Saint-Cyr, Tobfervatoire , les différentes académies ,
Tabolftion des duels , l’établiffement de la police,
Qu’on y ajoute encore le commerce forti du néant,
les aft» tk agréable# créés, les fcjences en honneur
ü’eur les de la raifon plus avancés dans un
demi-fiècle, que depuis plus de deux cents ans. ^
Paffons maintenant aux traits principaux qui ca-
raâérifent davantage la grande ame de Lotus XIV.
:Les princes , quelque pu iffants- qu’ils ^ paroifïent, fe
reffentent toujours des foibleffes de Tnumanite. On
■ en a vu 6c Ton en voit encore fbuvent qui, fiers de
-leu? naiffance 6c de leur mérite , ne la*.flènt tomber
Æu’un regard jaloux fur les hommes d’un genie rare
oc diftingué. Une des grandes qualités du roi, etoit
•d’être touché de «elles des autres, de les connoitre
de de les mettre en ufàge. Je ferois charriié, dit ce
prince au vicomte de Turenne, qui le comphmen-
toit fur la naiffance du grand dauphin, je ferois charme
qu il vous pût reffembler un jour. Votre religion eft
caufe que je ne puis vous remettre le foin de fon éduca*
tion , ce que je fouhaiterois pouvoir faire pour hu mf-
pirer des Jentiments proportionnés à fa naiffance^. M. de
Turenne étoit encore proteftant. Des ^ qu une fois
Louis X IV avoit accordé fa confiance à une personne
qui la méritoit, 6c qui en avoit donné des
preuves, les intrigues ni les cabales de la cour n ©-
toient .pas capables de la lui faire retirer. Il donna
-tin pouvoir fi abfolu au même maréchal de Turenne
pour la conduite de fes armées, qu’il fe contentoit
de lui faire dire dans les temps d’ina&ion, qu’ il feroit
charmé dé apprendre un peu plus fouvent de fes nouvelles,
& qu’il le prioit de lui donner avis de ce qu’ il
auroit fait. En effet, ce n’étoit quelquefois qu’après
le gain d’une viâoire, que le roi favoit que la bataille
s’étoit livrée. Ce reproche obligeant fait autant
-d’honneur au fouverain qu’au fujet en qui il avoit
mis une entière confiance : aufïi , rien n’égala la
douleur que ce prince reffentit, en apprenant la mort
du maréchal de Turenne, arrivée au camp de Sals-
bach, au-delà du Rhin, le 27 juillet 1675. F ai perdu,
dit ce prince, le coeur navre de douleur , l’homme
le plus fage de mon royaume & le plus grand de mes
capitaines. Y a-t-il rien qui caraâérife plus avanta-
geufement Tatne fenfifile 6c reconnoiffante d’un fouverain?
^
On a cependant fait un crime à Louis X I V d’avoir
laiffé gémir , pour ainfi dire, dans la misère,,le fage
6c fameux Catinat, dont on prétend qu’il ne fut ni
connoître, ni récompenfer le mérite. Il ne faut que
citer un exemple pour faire tomber la fauffeté de
cette accufation. Vuâime des intrigues 6c des brigues
de la cour, le maréchal de Catinat s’étoit retiré à fà
terre de Saint-Gatien ; le feu ayant réduit en cendres
fon château, ce vieil officier fe vit contraint à prendre
un logement chez fon fermier. Louis X IV n’eut
pas plutôt appris ce malheur, qu’il fit venir M. de
Catinat à Verfailles , s’informa des raifons qui lui
avoient fait réduire fon équipage ÔC fà maifon à Tétat
•où ils étoient, 6c lui demanda enfin f i ., n’ayant point
d’argent, il n’avoit pas d’amis qui lui en prê.affent ?
Les amis, fur-tout à la cour, font rares , lorfqu’on
eft dans le befoin.. Louis X IV fe montra aufïi bien-
faffant à l’égard du maréchal de Catinat, que s’il
n’eût eu aucun motif de lui en vouloir* On fait que
Hifioire, Tome I IL
la religion -de ce prince avoit été furprife , en lui fai-
fant accroire qu’en matière de religion M. de Cannât
11e craignoit ni ne croyoit rien.
Parmi les traits qu’on rapporte de la bonté de fon
cara&ère, en voici quelques-uns qui paroiffent des
plus frappans. Un jour- quil s’habilloit, après avoir
mis fes bas lui-même, il ne fe trouva point de fou-
liers ; le valet-de-chambre courut en chercher , oC
fut quelque temps à revenir ; le duc de Montauüer en
colère, voulant le gronder : eh ! laiffet^le en paix a
d;t auffi-tôt le roi fil eft affe^ fâché. Une autre fois ut*
de fes valets-de-cliambre lui laiffa tomber fur^ la
jambe nue la cire brûlante d’une bougie allumée ;
le roi lui d it fa n s s’émouvoir : au moins donnez-moi
de Veau de la reine-dé Hongrie. Bontems, fon valet»,
de-chambre 6c fon favori,' lui demandait une grâce
pour un de fes amis : quand ceferez-vous de demander K
lui répondit brufquement Louis V IV ; màiss’apper-
cevant de l’émotion de fon valet-de-chambre, oui i
quand ceferez-vous de demander pour les autres ; ajouta ce
prince , '& jamais pour vous ? La grâce que vous me de*
mandezpour un de vos amis fje vous lé accorde pour votre
fils. . . . . .
Il n’eft pas vrai que Louis X IV fe foit jamais fervi
de termes offenfans à l’égard cte fes officiers, 6c il
eft également faux qu’il ait dit jamais au duc de la
Rochefoucauld : eh ! que m importe par lequel de mes
valets je fois fervi ? On voit au contraire que dans
mille circonftances, il a toujours témoigné.les plus
grands égards pour la nobleffe. Les paroles meme
de ce prince à ce fujet, ne fauroient être recueillies
avec trop de foin. Le duc de Laüzun lui ayant ^ un
jour manqué de refpeêl, le ro i, qui^fentoit venir £2
colère, jetta brufquement par la fenêtre une canne
qu’il tenoit à la main , ÔC dit, en fe tournant vers
ceux qui fe trouvèrent auprès de lui : je ferois au dé-
fefpoir, fi j ’avois frappé un gentilhomme. Ayant appris
quelque temps après qu’un prince du fang avoit
maltraité de paroles une perfonne de diftinâion , il
lui en fit la plus févère remontrance. Songez , lui
dit-il, que Les plus légères offenfes que les grands font
à leurs inférieurs , font toujours des injures fenfibles, &
fouvent des plaies mortelles g celles d un particulier ne
font qu’effleurer fa peau, celles d un grand pénètrent
jufqu’au cczur. Je vous avertis de ne plus maltraiter de^
paroles qui que ce foit ; faites comme moi. U ni eft arrive
plus dé une fois que les perfonnes qui mont les obligations
les plus ejfentielles, Je font oubliées jufqu a m of-
fenfer : je diffimule & leur pardonne. 11 n’épargna pas
plus madame la dauphine qui s avifà. un foir de plai-
fanter beaucoup 8c très-haut fur la laideur d un officier
qui afîiftoit au fouper du roi. Pour moi, madame ,
dit le monarque, en parlant w o r e plus haut que
la princeffe, je le trouve un dés plus beaux hommes
de mon royaume ; car c’ eft un des plus braves. Une
autre fois ce prince faifoit un conte a fès courtifans,
ÔC il leur avoit promis que ce conte, feroit plaifant ;
mais dans le cours de la narration s étant apperçu que.
l’endroit le plus rifible avoit quelque rapport au prince
d’Armagnac, il aima mieux le foppnmîr que de
. C c c