
caufèrent un défordre affreux. Quatre anges. perfé-
vérans fe préfentèrent devant le trône de D i e u &
lui remontrèrent Je défordre que les gé.ans caufoient ;
Les efprîts des âmes dis hommes morts - crient 9 & leurs
jQupirs montent jufqu à la porte du ciel, fanspouvoirpar~
venir jufqu à toi 9 à caufe des injuflices qpi fe font fur •
la terre. Tu vois'cela, 6* tu ne nous apprejis point çe
qu’ il faut faire.
La remontrance eut pourtant fon effet, Dieu ordonna
à Uriel « d’aller avertir le fils de Lameçh qui
» étoit Noé, qu'il feroit garanti de la mort ètemcllemint.
» Il commanda à Raphaël de fàifir Ezaël l’un des anges
n rebelles, de le jetter lié pieds & mains dans les
n ténèbres ; d’ouvrir le défert qui efl dans un autre
v défert, & de le jetter là ; de mettre fur lui des pierres
» aiguës, & d'empêcher qu’il ne vît la lumière, juP
9» qu’à çe qu’on le jettat dans l’embrafement de feu au
w jour du jugement. L’ange Gabriel fut chargé de
y* mettre aux mains les géans afin qu’ils s’entretuaifent ;
y» & Michaël devoit prendre Sémiréas & tpys les
® anges mariés, afin que quand ils auraient vu périr les
» géans & tous leurs enfans, on les liât pendant fonçante
» & dix générations dans les cachots delà terre, juP '
» qu’au jour de l’açcompliffement de toutes çhofes, &
9i du jugement où ils. dévoient être jettes dans un abîme
y* de feu & de tourmens éternels, n
8. Un rabbin moderne ( Menaffe j , qui avoit fort'
étudié les anciens, ajTure que la préexistence des aînés
efl un fentiment généralement reçu chez les doreurs
juifs. Us foutiennènt qu’elles furent toutes, formées dès
le premier jour de la création, & qu’elles fe trouvèrent
toutes dans le jardin çTEden. Dieu leur parloir quand
il dit ; faifons l’homme ; il les unit aux corps à proportion
qu’il s’en forme quelqu’un. Ils appuient cëtte penlee
for ce que Dieu dit dans Raie : j ’aï fait les âmes. Il ne
fe ferviroit pas’ d’un temps pafle s’il en creoit encore
tous les jours un grand nombre : l’ouvrage doit être
achevé depuis long-temps » puifque Dieu dit, j ’ai fait.
9. Ces âmes jôuiffent d’un grand bonheur dans le
c iel, en attendant qu’elles puiflent être unies aux corps.
Cependant elles peuvent mériter quelque çhofe par
leur conduite ; & c’efl-lg une des raifons qui fait la
frande différence des mariages , dont. les uns font
eureux, & les autres mauvais, parce que Dieu
envoyé lés âmes .félon leurs mérites. Elles ont été
créées doubles, afin qu’il y eût une ame pour le
mari, & une autre pour la femme, Lorfque ces ames^
qui ont été faites l’une pour l’autre, fè trouvent
unies fur la terre, leur condition efl infailliblement
heureufe,&-le mariage tranquille, Mais Dieu, pour
punir les âmes qui n’ont pas répondu fi l’excellente ;
de leur origine, fépare celles qui avoient été faites
l’une pour l’autre, & alors il eft impoffible qu’il
«l’arrive de la divifion & du défordre. Origène" n?avoit
pas adopté çe dernier article de la théologie judaïque
, mais il foivoit les deux premiers, car il
çroyoit que les âmes avoient préexiflé, & que Dieu
les uniffoit aux corps eéleftes ou tçrreflres, greffiers
ou fobtils, à proportion de ce qu’elles avoient fait
dans fe ciel, perfonne n’ignore qu’Origène a eu
• beaucoup' de difciples & d’approbateurs chez les Chrétiens
»
ïo. Ces âmes fort iront pures delà main| de Diéu.’
On récite encore aujourd’hui une- prière qu’on attribue
aux doéleurs de la grande fynagogue , dans laquelle
on lit; O Dieu ! V ame que tu nia donnée efl pure j
tu F as créée, tu F as- formée y tu F as infpirée ; tu la con-
firves au dedans de moi, tu la reprendras lorsqu'elle s’en•
volera , & tu me la rendras au ' temps que tu as marqué*
On trouve dans cette prière tout ce qui ^regarde
lame; car voici comment rabbin Menafiè l’a corn?
mentée : Famé que tu m’as donnée efl pure 9 pour apprendre
que c’eft une fubflance fpiritueîle , fubtile,
qui a été formée d’une matière pure -nette. Tu F as
créée, c’efl-à-dire au commencement du monde avec
les autres âmes. Tu las formée, parce que notre ame-.
efl un corps fpirituel, compofé d’une matièrexcé!efle
mfenfiblç ; & les cabalifles ajoutent quelle s’unit
au corps pour recevoir la peine ou la récompenfe de
ce qu’elle a fait. Tu F as infpirée , c’efl-à-dire tu las
unie à mon corps fans l’intervention des corps cékfles,
qui influent ordinairement dans les âmes végétatives,
oc fënfitn ^es. Tu la cohferves9 parce que pieu efl là
garde des hommes. Tu la reprendras, ce qui prouve
qu’elle efl immortelle. Tu mêla rendras, ce qui nous
affure de la vérité de la réforreélion.
11. Les Thajmudifles débitent une infinité de fables
.for le chapitre d’Adam & de là création. Ils comptent
les douze heures du jour auquel il fut çréé, ÔC
ils n’en laiffent aucune qui foit vuide. A la première
heure, Dieu.affembfe la poudre dont il devoit le
compofer, & il devint un embrion.. A la fécondé ,
il Je tint fur‘ fes pieds. A la quatrième , il donna les
noms aux animaux.. La feptième fut employée au
mariage d’Eve , que Dieu lui amena, comme une -
paranymphe, après l ’avoir frifée. A dix heures Adam
pécha; on le jugea auffi-tet, & à douze heures il fen-
toit déjà la peine & les lueurs du travail.
12. Dieu l’a voif fait fi grand qu’il rempliffoît le monde,'
, ou du moins il louchoit le ciel Les anges étonnés en murmurèrent
, £c dirent à Dieu qu’il y avoit deux
êtres fouverains, l’un au ciel & l’autre-fur la terre.
Dieu averti de la faute qu’il avoit fajte, appuya la
main for fe tête d’Adam, & le réduifit à une nature
de mille coudées ; mais en donnant au premier homme
cette grandeur immenfe, ils ont voulu feulement dire-
qu’il çonnoiffoit tous les feçrets de la nature , &. qqe
cette fcience diminua considérablement par le péché ;
ce qui efl orthodoxe. Ils ajoutent que Dieu l’avoit fait
d’abord-double, comme les payenç nous repréfentenç
Janus à deiix fronts, c’efl pourquoi en n’çut befoin que
dé donner un coup de hache pour partager ces deux
corps; &çela efl clairement expliqué-par le prophète,’
qui affure que Dieu l’a formé par devant & par der^
rière : & comme Mo’ife dit auffi que Dieu le forma
mâle ôc femelle, pn çoiiçlut que le premier honyns
étoit hermaphrodite, ,
• 13. Sans nous arrêter à toutes ces yifions qu’on
multiplierait à l’infini, les doéteurs foutiennçjit, i°?
qu’A d ^ i fut çré é dans un çtat de pérfçélipn ; car s’il
■étoit
Soit venu au monde comme un enfant, îl^aurdtt eu
befoin de nourrice & de précepteur. 20. Cetoit une
créature fubtile : .la matière de fon corps étoit fi
délicate & fi fine, qu’il approchoit de la nature des
anges, & fon entendement étoit auffi parfait que celui
d’un homme le peut être. Il avoit une connoiffance
de Dieu & de tous les objets fpirituels, fans avoir jamais
rien appris, à cet égard il lui fuffifoit d’y penfer ; c’efl
pourquoi on l’appelloit filsdeDieu.il n’ignoroit pas meme
fe nom de Dieu; car Adam ayant donné le nom à
tous-les animaux, Dieu lui demanda quel efimon nom?
& Adam répondit, Jéhovah. Cefi toi qui es ; ôc c efl
à cela que Dieu fait allufion dans le prophète ïfaie,
lorfqu’il dit : je fuis celui qui fuis 3 c efl la mon nom 3
ç’efl à dire, le nom qu Adam via donne & que j ai
14. Ils ne conviennent pas que la femme fût auffi
parfaite que l’homme, parce que Dieu ne l’avdit formée
que pour lui être une aide. Ils ne font pas meme,
perfuades. que. Dieu l’eut faite à fon ^ image. Un
théologien chrétien (Lambert Dar.*:us , in Antiquita-
tibus 9pag. 42) a adopté ce fentiment en l’adoucif-
fant; car il ènfeigne que l’image de Dieu étoit beaucoup
plus vive dans l’homme que dans la femme^;
c’eff pourquoi elle eut befoin que fon mari lui fèrvît .
de précepteur, & lui apprit 1 ordre de Dieu, au lieu
, qu Adam l’avoit reçu immédiatement de, fa bouche.
15. Les doéleurs croyent auffi que l’homme fait à
l’image de Dieu étoit circoncis ; mais ils ne prennent
pas garde que, pour relever l’excellence dune ceremonie,
ils font un Dieu corporel. Adam Te plongea
d’abord dans une débauche affreufe, en s’accouplant
avec les bêtes,.fans pouvoir affouvir fa convoitife ,
jufqu’à cc qu’il s’unît à Eve. D’autres difent au contraire
qu’Eve étoit le fruit défendu auquel il ne pouvoit
toucher fans crime ; mais emporte par la tentation que
caufoit la beauté extraordinaire de cette femme, il
pécha. Ils ne veulent point que Caïn foit forti a Adam,
parce qu’il étoit né du ferpent qui avoit tenté Eve.
Il fut fi affligé de la mort d’Abel, qu’il demeura cent
trente ans fans connoître fa femme, & ce fut alors
qu’il commença à faire des enfans à fon image &
reffemblance. On lui reproche fon apoflafie, qui alla
jufqu a faire revenir la peau du prépuce, afin d’effacer
l’image de Dieu. Adam, après avoir rompit cette
alliance, fe repentit;il maltraita fon corps l’efpace de
fept femaines dans le fleuve Gélion, & le pauvre corps
fut tellement facrifié , qu’il devint percé çomme un
crible. On dit qu’il y a des myflères renfermes dans
toutes çes hiffoires.; en* effet il faut néeeffairement
qu’il y en ait quelques-uns; mais ïl faudrait avoir
beaucoup de temps & d’efprit pour les; développer
tous. Remarquons feulement que ceux qui donnent
des règles fur. l’ufage des métaphores, & qui prétend eut
qu’on ne s’en feiçt jama's.que lorfqu’on y 'a préparé fes
ïeéleurs , de qu’on efl affure qu’ils lifent dans l’efprits
.çe qu’on penfe, connoiflènt peu le génie d.es Orientaux,
que leurs, règles fe trouveraient ici beaucoup tro-p
courtes.
16. On accufe les Juifs d’appùyer les fyftêniü$ de$
Mifioire. Joip^ J l f
Préadamîtes qu’on a développés dans ces derniers
fiëcles avec beaucoup de fubtilité ; mais il efl certain
qu’ils croient qu’Adam efl le premier cfe tous les
hommes. Sangarius- donne Jambufcar pour’précepte ur
à Adam ; mais il ne rapporte ni fon fentiment, ni
celui" de fa nation. Il a fuivi plûtôt les imaginations des
Indiens & de quelques barbares, qui contoient que
trois hommes nommés Jambufeha, Zactith & Boan
ont vécu avant Adam, & que le premier avoit é.é
fon précepteur. G’efl en vain qu’on fe fèrt de l’autorité
de Maïmonidës, un des plus fages doéleurs des Juifs ;
car il rapporte qu’Adam efl le premier de tous les
hommes qui foit né par une génération ordinaire ; il
attribue cette penfée aux Zabiens, & bien loin de
l’approuver , il la regarde comme une fauffe idée qu’on
doit rejetter ; & croit qu’on n’a imaginé cela que pour défendre
l’éternité du monde que ces peuples qui habitoient
la Perfe foutenoient.
17. Les Juifs difent ordinairement qu’Adam étoit né
jeune dans une flature d’homme fait, parce que toutes
chofes doivent avoir été créées dans un état de per-
feélion ; & comme il fortoit immédiatement des
mains de Dieu, il étoit fouverainement fage & prophète
créé à l’image de Dieu. On ne finirait ras, fi
on rapportoit tout ce que cette image de la divinité
dans l’homme leur a fait dire. Il fuffit de remarquer
ou’au milieu, des doéleurs qui s’égarent, il y en a plu-
fieurs j comme Maïmonidës & Kimki, qui, iâns
avoir aucun égard au corps du premier homme,la
placent dans fon ame & dans fes facultés intelleéfoel-
îes. Le premier avoue qu’il y avoit des doéleurs qui
croyoient que c étoit nier l’exiflenee de Dieu, que
de foutenir qu’il n’avoit point de corps , puifque
l’homme efl matériel, & que Dieu l’avoit fait à ion
image. Mais il remarque que l’image 'efl la vertu fpé-
cifiqùe qui nous fait exifler, & que par conféquent
l’ame efl cette image. Il outre même la chofe ; car il
veut que les Idolâtres , qui fe proflernent devant les.
images, ne' leur ayent pas donné ce nom , à caufe de
quelque trait de reffemblance avec les originaux ; mais
parce qu’ils attribuent à c-es figures fenfîbbs quelque
' vertu. . -
Cependant il y en a d’autres qui prétendent que
cette image. confifloit dans la liberté dont l’homme
jouiffoit. Les anges aiment le bien par néceffité 5
l’homme feul pouvoit aimer la vertu ou le vice.
Comme D i :ü , il peut agir & n’agir pas. Ils ne prennent
pas garde que Dieu aime le bien encore plus^nécef-
fairement que les anges , qui pouvoient pécher
comme il paraît par l’exemple des démons ; & que fi
cette liberté d’indifférence pour le bien efl un degré
d’excellence, on élève le premier homme au-d.ffus
i de- Dieu.
18; Les Antitrinitaires ont tort de s’appuyer fur
le témo'gnage des Juifs, pour prouver qu’Adi m étoit
i né mortel, & que le péché n*a fait à cet éga“d aucun
changement à fa condition; car ils difent nettement
que ü no$ premiers pères euffent perfevere d°u s 1 innocence,
toutes .leurs générations f nures n a-raient
! pas fenri fes é®Otions de fe concupifeencq, &. qu,^
1; ■ ' ■ f i n