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ritablement philofophe, fàcrifia fa gloire au bonheur
de fes fujets. Il craignoit que les frais d’une nouvelle
guerre ne le forçaffent à lever des fobfidcs. Les impôts
étoient légers fous Charles VIII , il les a voit
encore diminués ; jamais il ne les augmenta pendant
les guerres d’Italie , la nation ne perdit que Ion fatig
au-delà des Alpes. Le roi avoit vendu les charges
de jud.'cature pour fuffire aux dépenfes de la guerre ,
fans opprimer fbn peupK II avoit créé deux parlements
, celui de Rouen & celui d’Aix. Seiffel 'parle '
avec éloge de fbn refpeél pour ces corps intermédiaires
entre fon peuple & lui; il foumettoit à leur
jugement les différends qui pouvoient s'élever entre
lui & les particuliers voifins de fes domaines; mais
jamais il n’exigea qu’on fufpendît les affaires de fès
fujets pour s’occuper des fiennes. L’hiftoire célèbre
avec raifon, l’édit par lequel il permet à fes parlements
de lui rappelier les loix fondamentales du royaume, fi
limais il ofbit s’en écarter. Le revenu de fon domaine
fufhfoit à fon luxe , & les impôts levés fur le peuple
étoient confàcrés au bonheur du peuple. L’agriculture
fleurit fous fon règne , le commerce circula fans cbfta-
cles, & la navigation fit de grands progrès. Un bon
pajleur , difoit-il ne peut trop engraijfer fon troupeau.
Je ne trouve les rois heureux, qu’ en ce qiiils ont le pouvoir
de faire du bien. Inexorable pour les ennemis de l’état,
il étbit fans colère pour fes propres ennemis. D.s
comédiens le tournèrent en ridicule, on l’excita en
vain à châtier ces audacieux. Lai [ferles faire, dit-il,
ils mont cru digne d’entendre la vérité ; ils ne fe font
pas trompés. Ils m’ont plaifantè fur mon économie > mais
j ’aime mieux encore foüjfrir ce ridicule que de mériter le
reproche d’être prodigue aux dépens de mon peuple. Non
content d’avoir diminué les impôts , il avoit rendu
moins onéreufe la perception de ceux qu’il avoit
confervés. Une armée de commis , qui défoloit là
France, fut prefque entièrement fupprimée. Dans
les guerres où il s’agiffoit plus de fes intérêts que ; de
ceux de; fon peuple , il ne força peribnrie à s’enrôler
fous fès drapeaux ; mais l’amour des François
pour - leurs rois , lui donna plus de foldats qu’une
ordonnance militaire ne lui en âuroît amenés, li
ïefpciteit la religion fans être ni' l’efclave, ni la dupe
des papes.'
Ce grand roi digne d’être placé entre Charles V &
Henri I V , mourut le premier janvier 1515 ; éperdument
amoureux de la reine fon époufe, il avoit voulu
recommencer à être jeune dans l’âge où l’on celle
de l’être ; & fa paffion éteignit le principe de fa vie.
( M. DE Sa c y . ) ^
Louis XIII, furnomméle Jufie, étbit fils de Henri-
le-Grand & de Marie de Médicis fà féconde femme.
Il naquit à Fontainebleau le 2.7 feptembre 1601 , &
fuccéda à fon père , fous la tutelle de fà mère, le 14
mai 1610. Le royaume de france étoit encore troublé
par lés anciennes faélions de la ligue & des proteftants
lorfqu’il monta fur le trône; mais le traité de Sainte-
Menéhould en 16 14, ôtlefoccèsdes conférences de
Loudun y rétablirent la tranquillité : elle ne fut pas de
longue durée. Le gouvergiçmenï, la pmifonçe &
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l’orgueil de Conchino Conchini, maréchal d’Ancre,
étant devenus odieux à tout le monde, les troubles
recommencèrent ; ils ne finirent que par la mort de ce
maréchal, que le roi fit tuer fur le pont du Louvre
par Vit r i,- le 14 oélobre 16 17, &' par l’éloignement
de Marie de Médicis qui fut reléguee à Blois. Deux
'ans après, Louis X I I I ayant voulu réunir le Bearn
a là couronne, & obliger les proteftants à rendre les
bierîs ecclefiaftiques qu’ils avoient uforpés, ceux- ci fè
révoltèrent.^ Ce prince marcha contre eux , & fut
arr eté au fiege de Montauban, où le connétable de
Luines étant$mort, le cardinal de Richelieu obtint la
faveur du roi, & devint fon premier miniftre.
Après la reddition de la Rochelle, le roi de France
entreprit de défendre le duc de Nevers , nouveau
duç de Mantoue , contre les injuftes prétentions du
duc de îïavoye. Louis X I I I força en perfonne le
Pas de Suze , défit le duc de Savoye , fit lever le
fiege de Cafal, & mit fon allié en poffeffion de fon
état, par le traité de Quierafque , du 19 juin 16 3 1 ,
lequel acquit- a ce monarque le. titre de libérateur de
fItalie. En vain les Efpagnols & les Allemands ,
jaloux de ces heureux fuccès, s’unirent pour-les contrebalancer
; nos armes & l’alliance avec le Grand Guf-
taye, roi de Suède , diflïpèrent cette ligue. Les ennemis
défaits en plufiturs endroits, la maffon d’Autriche
réduite a deux doigts de là perte, la Conquête de la
Lorraine entière & d’une grande partie de la Catalogne
, la reduéfion de tout le Roulfillon, enfin des
viéloires prefque continuelles lùr mer & fur terre ,
voilà les avantages que procurèrent-à la France cette
réunion des Allemands & des Efpagnols. Louis X I I I
n eut pas la fatisfaéüon neanmoins de voir la guerre
terminée : il mourut au moment où il efpéroit faire
une paix avantageufe, le 14 mai 1643 , peu de temps
apres le cardinal de Richelieu qu'il eftimoit beaucoup $
mais qu’il craignoit encore plus.
Ce prince étoit jufte & pieux. Il avoit des intentions
droites, on ne le gouvernôit qu’en le per*
fuadant II jugeoit bien des chofes, & l’on remarqua
toujours en lui beaucoup de difeernement ; mais s’étant,
dégoûté de la lëâure dès fon enfance, il négligea dé
perfectionner par l’étude ce /çue la nature avoit commence
en lui. Louis X I I I ne connoiffojit guere d’autres
aaiulements que la chaffe , la peinture &. la mufique ,
où il réuffiffoit. Sa piété tendre & vive n’étoit pas
exempte do ces fcrupules qui décelent toujours quelque
défaut de lumières. Les dbftacles le rebutoieat ,
il abandonnoit aifément les entreprifes où il avoit
montré le plus de chaleur , & ceft alors qu’il avoit
befoin de toute la fermeté du cardinal.
Bien des hiftoriens ont accufé ce prince d’une économie
indigne d’un roi, parce qu’elle tient à l’avarice.-
Après la mort du cardinal de Richelieu, on crut que
le roi alloit tirer des prifons tous ceux que ce miniftre
y avoit renfermés; mais Louis X I I I tint la même
conduite que s’il eût été lui-même l’auteur de leur
emprifonnement. On le vit inacceffible à toutes les
follicitations ; de maniéré que pour obtenir la liberté
dé ces malheureux, fut obligé de*le prendre par
le foibîe qu’on lui connoifFôit pour l’épargne , &
cette économie extrême qu’on appelle d’un autre
nom dans un fouverain. Ses courtifans lui repréfen-
tèrent que c’étoit employer bieh mal-à-propos de
grandes femmes, qu’il pouveit épargner en donnant
la liberté à ceux qui1 étoient détenus à la Baftille. Le
ro i, frappé de ce motif plus que de tout autre,. permit
qu’on élargît les prifonniers, parmi lefquel? fe. trou-
voient MM. de Vitry, de Baffompierre & de Cra-
mail Ce fut en cette circonftance que M. de Baflom-
pierre, qui étoit un difeur de, bons mots, dit en for- /
tant de la Baftille ( ce qui arriva le jour même des
obfeques du cardinal de Richelieu ) : je fuis entré à
la Baßille pour le fer vice de M. le cardinal, f en fors
pour Jon fervice.
Peu femblable à Gafton d’Orléans fon- frère, prince
extrêmement jaloux de fes droits, Louis X I I I favoit
modérer l’éclat de la majefté, & éviter à fès courtifans
l’embarras de l’étiquette , lorfqu’il leur devenoit
trop incommode ,. ou qu’il fembloit pré. udicier à leur
fanté. Ce prince alloit un jour de Paris à Saint-Germain ,
accompagné du duc fon frère;,, la;chaleur étoit excefe
fivé, &c les feigneurs qui fè tenoient nue tête aux
portières du carroffe , avoient bien de la peine à
ibutenir l’ardeur du foleil ; Louis X I I I qui s’èn ap-
perçut , eut la bonté de leur dire :: couvrez-vous ,
mejjieurs , mon jrère vous le permet.
Quoi qu’en aient dit quelques auteursLouis X I I I
àimoit & entehdcit parfaitement ia guerre. Dans
toutes les occëfions où il s’eft trouvé en perfonne,
il a donné des marques de la valeur qui. lui étoit naturelle.
Il eft Vrai que la foibleffe de fon tempérament
ne lui permettoit pas de fè trouver continuellement
à la tête de fes armées. On rapporte que n’étant
encore que dauphin & âgé de trois ans feulement,
quelqu’un vint lui annoncer que le connétable de Cafe
tille, ambafiàdeur d’Efpagno,, venoit avec une grande
fuite de feigneurs, pour lui préfènter fes hommages.
Des Efpagnols,.. dit avec chaleur ce jeune entant ,
çà, çà, quon me donne mon épée. On eût dit.que la-
nature lui infpiroit en ce moment une haine forte
èontre une nation qui avoit caufé tant de difgraces
à fès aïeux & qui avoit mis le royaume de France
à deux doigts de fa perte. Mais , autant le roi témoignoit
dès fà plu?, tendre enfance d’indignation contre les
Efpagnols, autant il témoignoit de tendrefîe pour fes
fujets rebelles, même en prenant les armés contr’èux.
Je fouhaiierois, difoit-il, qu’il ri y eut de places fortifiées
que fur les frontières de mon royaume , afin que
le coeur & la fidélité de mes fujets ferviffent de. citadelle
& de garde à ma perfonne
Tout le monde fait à quel point le cardinal’ dè:
Richelieu étendit fon pouvoir, &. combien il fit craindre
& refpeâer fon autorité. Ce miniftre,. devenu«
trop utile pour que le roi sVn défît,. & trop impérieux
pour qu’il l’aimât, affiftoit à. un bal qui fe
donnoit à la cour : le roi s’y ennuya, il voulut fortir ;r
fè cardinal fe difpofoit à en faire autant, ôc tout le
monde fe rangeoit pour lui laifièr le paftàge libre
feus prefque foire d’attention au roi t le. miniftre qui
ne. s’apperçut que fa majefté vouloit fortir , qu’à la
vue d’un de fes pages, fe rangea pour la laiifer paffer.
Eh bien ! lui dit Louis X I I I , pourquoi ne paJfc[-vous
pas, M. le cardinal ? EJ’êtes-vous pas le maître ? Richelieu
, le plus pénétrant de tous les hommes, & celui
qui connoifïoit le mieux le foible de fon fouverain,
fèntit parfaitement toute la force de cette exprefîion.
Au lieu de répondre & de s’excufèr, il prend lui-
même un flambeau de la main du page , & pafîe
devant le roi pour l’éclairer. Conduite admirable
de la part de cet adroit politique ! Un miniftre
habile tâchera toujours de fe dérober la gloire des
aébons qu’il fait, pour la laffer toute entière à fbn
prince. Il creufera lui-même fa ruine , s’il vife à
afficher l’indépendance & le befoin que l’on a de fes
fervices. "
Tous les auteurs contemporains de Louis X I I I ,
ont donné de grands éloges à fa modération & à fa
chafteté. Le jéluite Barri qui déclama avec beaucoup
de chaleur contre les nudités de gorge, eft rempli
d’anecdotes qui tendent toutes à démontrer combien
le roi déiàpprouvoit hautement l’immodeftie. Ce .
prince dînoit un jour en p u b licu n e demoifelle fe
trouva placée vis-à-vis fà majefté ; le roi s’apperce-
vant quelle avoit ia gorge découverte, tint fon chapeau
abbattu & renfoncé pendant tout fon dîner ,
à la dernière fois qu’il but,, il retint une gorgée de?
vin, & la rejetta for la gorge de la demoifelle. Le
jéfoite Barri approuve fans réferve cette a&ion du
roi; mais il fèmble qu’il eût pu donner à fa leçon un
ton plus doux. « Etre vertueux, dit un auteur mo--
» derne, eftun grand’avantage ; faire aimer là vertu-
» en eft. un autre, & lés princes ont tant de voies-
” pour la. rendre aimable, que c’eft prefque leur fauter
» s’ils n’y parviennent pas ».
On a parlé bien diverfement de la longue ftérî-'
lité' de la reine & de là naifTançe dé Louis XIV. On-
a vu éclôrre à ce fojet dans les.pays proteftans , tout;
ce que la calomnie peut enfanter de plus noir & de
plus affreux. Voici comme l’auteur ,- duquel^ nous;
avons emprunté ces anecdotes, raconte que la ehofe
s’eft paffée. « Le roi, dit-il,- avoit marqué beaucoup >
» d’inclination pour mademoifelle delà Fayette , f i ’le~
» d’honneur de la reine Marie de Médicis. Le car-
» dinal de Richelieu qui craignoit Tèfprit vif &■ pé--
>r nétrant de cette demoifelle , employa tous les-
;> moyens imaginables, pour brouiller le roi avec
» elle ; enfin il en vint à bout. Mademoifelle de la-
» Fayette demanda à fé retirer au couvent dè la Vifi--
tation à Paris .,. & l’obtint. Le roi fè défiant de -
»-quelque intrigue de la part- de fon miniftre,-vou—
» lut s’éclaircir & convint, d’un rendez-vous avec
» .mademoifelle de la Fayette. Il alla a la chaffe dm
» • côté dè Gros-bois , & s’étant dérobé de fa fuite ,.
» fe rendit à. la vifitation. Quatre heures fe pafîè--
» • rent dans leur entretien : on étoit au. mois, de dé*-
» o em b reil n’y avoit pas moyen de retourner à-t
» Gros-bois. Le roi fut obligé- de coucher à Paris ^
» où il ne fè trouva ni table , .ni. lit pour lai. La reine
»--contre laquelle il étoit mdftpofé depuis long-temps y,