
qui par un fentiment de génércfité dont les temps
héroïques même nous offrent peu d’exemples , avoit
refufé de monter fur le trône ,■ dans la crainte de n’en
pouvoir , remplir les devoirs. Henri I , aufli ambitieux
que fon père étoit modéré , n’avoit pu voir fans , une
jaloufie fecrète, l’élévation de Conrad I , &■ l’on ne
tarda'pas à reffentir les funeffes .effets de la paffion
qui le confomoit. Naturellement faéfieux,- les prétextes
de révolte ne lui manquèrent pas. Peu fatisfait du
duché de Saxe que fon père lui avoit tranfmis, il
Voulut y joindre la Thuringe & l'a Weffphalie. Indigné
d’un refus qui cependant etoit juftifié par la plus mge
politique , il affoc-ia a fon reffentiment les ducs-de
Bavière & de Saxe , & donna naifîànce à une guerre
civile dont Conrad' ne put Voir la fin. Ce prineè pour
convaincre Henri que ce n’étoit pas par un- motif de
haine qu’il lui avoit refufé l’inveftiture des provinces
qu’il follieiteit, le nomma fon fncceffeur-, & lui envoya
les ornements impériaux ; faerifiant ainfi fon-
feffenti frient au bien du royaume , &. rendant au fils,
dit un moderne,- une générofué pareille à celle que
le père avoit fait paroître en fa faveur. Henri reçut
les marques' de fa nouvelle dignité, des mains du
propre frère de Conrad; mais Comme ees gages ne
ioffifoient pas,-il fé fit reconnoître dans une affemblée
qui fe tint à Fridzlard. Les états étoient alors en
poflèffion de fe ehoifir des rois. La volonté du prince
défont étoit regardée comme un eonfeïl > &L non pas
éomme une loi. Les feigneürs Germains , ( le nom
d'Allemands net oit encore en ufage que pour fignifier
les Suabes ) ratifièrent lé teffament de Conrad , &
tous les foffrages fe réunirent pour Henri. Gn ne fait
pourquoi c ; prince refnia de fe faire faoier. Comment
put-il renoncer a une cérémonie qui à la vérité ne dé-
e doit' pas la royauté $ mais qui rendait- la perfonne
des rois plus vénérable è Ce fet en vain qu’Heriger
Ou Hérïrcé. archevêque de Mayence, l’en folhcita ,-
rien ne fut capable de vaincre fon obft-inaticn fur ce
poinu . . ' ■
Le premier foin- de Henri fût d’affertmr le trône
que lui-même avoit ébranlé. Arnoul, due de Bavière-,
& Burchard, duc deSuafee,- qu’il avoit engagés dans
fa -^volte, étoient d evenus fes ennemis, dès qu’il avoit
céffê d’être leur égsî. Il les fit Pommer de venir lui
rendre hommage ; fur leur refus il marcha contre
eux, & l.s fournit après l'es avoir battus. Mais comme
le duc de -Bavière- lui offroit encore une puiffance- re-
clowable', -il fe crait ol^-igé a^ielques: faerifiees. Jaloux
de fe l’attacher, il lui donna-la nomination des bénéfices
qtiî viendrêie-it à vaquer dans fa province. Ce
droit précieux étoit au nombre des droits régaliens ;
•& les princes:Franébis, empereurs ou rois, en avoient
-toujcifrs JMf ; ' ;
Le calme'qui fucoéda à la-guerre Civile , fot -employé
à réparer les defordres de l’anarchie qui avoit
fuivi le règne glorieux de Louis le Germanique. Henri
porta un oeil pbferva ear clans toutes les provinces1 qé
fon royaume ; St fefque dfone main habile il qfr.dé-,
racinoit les vices intérieurs, il fé' fervent de I’autr,e-m©ur
étendre les- frontièr.est Les grandes toutes étpient infeftées
d,e brigànds; il en compcfaune milice; & f e
retenant fous une févère difeipline,- il les employa
contre les-ennemis du dehors. On peut regarder cette-
milice comme le premier corps de troupes réglées qui
ait été en Allemagne.- C ’étoit encore Un moyen d’affermir
fon autorité contre cette multitude . de vaffaux,.
devenus rivaux des rois.- Henri cherchant fes modèles
dans les plus grands princes,- fe montra fidèle aux a n ciennes
inft’tutions de Charlemagne.. Des marquis fuirent
établis fur toutes les frontières ; il en mit dans le
Brandebourg, la Luface & la Mifnie :'il en plaça même
dans la- haute AutricheIbrfqu’il eut reconquis cette
province fur les Hongrois. Ses différentes viâoires fur
ees peuples affranchirent la Germanie du tribut honteux
qui l'a deshonoroit depuis Louis l’Ènfant. Les Hongrois
avoient dès- armées fort nombreufès ; on prétend
même que dans une feule bataillé qui fe donna dans*
les- plaines de Mersbourg,. Henri leur tua plus de
quatre-vingt mille hommes^ Ses troupespour récom--
penfer des fiiccès auffi prodigieux, lui offrirent le titre
d’empereur y mais il le refafa , fans doute parce qu’à-
l’exemple de Charlemagne, il.vouloit fele faire déférer
dans Rome. On prétend qu’il fe: difpofoit à en
prendre la route, lorfqu’il fut attaqué de la maladie-
dont il mourut.- Il ne fongea plus qu’à affurer la couronne.
à Othon fon fils. La gloire de fon règne captivant
les fuffrages de fes grands vaffaux , il eut la confo—
lation de voir ce fils s’affeoir for le trône à l’inffarit qu’il
en defeendoit, B mourut l’an 956 , dans la foixantième
année de fon âge, la dix-feptième de fon règne. Ses-
cendres repofont dans l’abbaye de Quedlembourg, dpnt
là fille Mathilde é-:oit alors abbeffe. L’hiffoire ne lui
reproché que là révolte contre Conrad :: au reffe il fut
bon fils, feon père &. bon-' mari. Il jouit d’un honheur que
goûtent rarement les rois, Henri eut des amis, il aimai
la vérité y & détefta la flatterie. Une douleur uriiver-
felle préfida à fos funérailles toutes les voix fe réunirent
à dire que le plus habile homme du monde & lé'plu»
grand roi de PEurope étoit mort. On auroit pu ajouter
le plus grand capitaine ; toutes, f e guèrrës qu’il entreprit
eurent- un fuceès heureux.-Les Bohèmes furent
forcés de payer les anciens tributs, dont ils s’étoienf
affranchis fous les règnes précédents. Les différente»
nations Slaves furent réprimées ; & ,fe Danois vaincus
fe virent contraints de lui abandonner' tout le pays que’
renferment la Slie &. l*Eder. On prétend qu’il força?
Charles^le-fimple a lui céder la Lorraine par un traité y
mais cette circonfiance de fon règne fô-trouve- démentis
par plufieurs chartres dont on ne peut méconnoître'
l’authenticité. I! eff certain qu’il régna.-dans cette pro^
yince, mais feulement après la Cataftrophe dël-infortuné*
Charles-le-fimple. Avant lui t les villes n’étoient encore-
que des bourgades défendues .par quelques foiïés. Il les-
fit environner, de murs garnis de tours. & de baftions ;
& comme les grands en abhorr'oient le féjour, il attacha
aux-Gha ges municipales des privilèges capables,
d’e -.citer leur ambition. OVi y (kablit des magafins ou f e
habitants de la campagne deyoient porter le tiers de leurs-
récoltes; Une partie d î ces .biens étoit- deftmée à faire
flibfoler les années en temps de guerre. Outre un nombre?'
.èonfidéràbîe de villes qu’il fit fortifier , 'îl en fonda une '
-infinité d’autres parmi lefquelfe:on compte Mifne ou
M-iffen fur l’Elbe , Quedlembourg, Gotta, Herfort.,
•Goflard , Brandebourg & Sleswick, Toutes .ces villes,
purent des garnifons,, ,& pour les entretenir, il força
chaque' canton ,- chaque province à lui fournir "la neuvième
partie des hommes etr.état .de-fervir. On admire .
fur-tout dans !,ce prince la manière dont-il s’y prit pour
réformer la haute noblçffe affez puiffante '.alors pour •
braver le glaive des loix. ,11 inffitua .des j.eux.miiitaires
xd’où forent .exclus tous iceux qui étoient lbupçonfiés.de
quelque crime .foit envers la religion, foit enver-s -le
prince ou les particuliers. jLes nobles „devenus leurs
propres juges,, banniffoient eux-rmêmes f e .préyarica-
•fteurs; .& le prince pouvoit frapper impunçment.-ceux
qu’ils avoient une fbisecondamnes à,-cette efpece. d opprobre.
Ce ;fet -for . ces jeux que fe formèrent fe^our-
,n:-is environ un fiècle après. Le fornem d’Qifeleur
Tut donné Ji Henri, ,pon.qu’il n’en mérite de-plus .honorables,
mais parce qii’il chqfîbit ,à l’oifèau., lorff
qu’Evrard lui préfenteit ,1e .diadème ,de la part de
Conrad. On lui attribue l’érection.des gouvernements
fiefs; mais-,,ce fentirpent mous paroît peu vraifem-
blable. /fcyzri . fit tout pour confer.ver l’autorité., rien
■ pour la diminuer. Cette révolution convient -mieux au
irègne de Conrad,-le premier-qui foit venu au trône
,par droit ,d’.élejffion. Les Germains ne,manquèrent pas
probablement-idedui faire .des;conditions, èn mettant
entre ffs 'mains un foeptre auquel .il li’avoit „dlautre
■ droit etne 1- ur 'fofffafte. ( M. Y. )_
■ Henri II, dit lie.Boiteux,, "( Hijîoire /<£ Allemagne. )
<duc..dê Bavière., V.le roi ou empereur -.de Germanie.
depuis Conrad I , ;XIe empereur d-’Occident • de-
'pujs Chaflemagne,, naquit l’an ..de J. C. 9.7B;, de
iHenrile jeune, arrière-fils -de .Henri le Quereleur ,
arrièrè-petit-rfils ,.de .Henri,, premier empereur.de
sla maifon de 'Saxe.
L’éleélion de Henri Tl fut .-menacée de plpfieurs
:orages;; une "infinité de feigneürs dont les principaux
■ .étoient Ezon ou Erinfroi, comte palatin du Rhin , .§L
.mari de Mathilde,, foeur d-’Othon III ; Ekkartmarquis
5de Thuringe,.Hercimane .ou Herman, comte d’Alle-
iînagne, cVff-à-dire de Suabe.., fécond fils d’Henri I ,
«-duc /de .Bavière., & oncle du duc Henri III. -'Ces
tdeux .derniers., en -admettant le droit héréditaire.,
; avoient un titre égal .'.à celui de .HemT-k-Boiteux,
fiComme'défendant en ligne : mafcubneide Henri l’O i-
•feleur. .Henri,p o u r terminer une çqnteftation dont
l ’événement pouvoit lui -être ^contraire , .s’empara de
:force des. ornemens impériaux., & l’on prétend même
• -qu’il fit affafïiiier .Ekkart , de plus opiniâtre des pré-
îtendans. .11 eff certain qû’après la -mort de >ce mai-
-mais , ..Henri .//.ne --rencontra que .de légers obftacles.
,11 fe rendit, à.Mayence‘à :la tête d’une , armée,,&
îïeçut l’hommage d j ;la plupart des feigneürs de Ger-
: manie. -Herman fut auffitôt mis au. ban .;de d’empire,
& déclaré déchu de fon duché. La première.annee de
fon règne fe paffa i à pacifier les troubles excités par fes
.-rivaux. Il-fongea enfuite à maintenir fa puiflance en
Ltalie. .Uo. nommé . Ardouin , .comte d’iviée , arrièrefils
de Berenger le je u n e p â té des titres pompeux
d’Augufte & de Céflir , s’en faifoit appell r le
monarque, bien fur d’être foiuenu par les Romains
dont la politique «confiante étoit de fe donner plu-
fieurs maîtres pour n’obéir à aucun. Arnolf archiver
que de Milàn*; excité par un motif d’ambition , fe
déclara contre .ce noüyeau .fouvérain, prétendant
eue lui feul àvok .droit .de donner des rois,à la Lombardie,
ou au moins de les rfàcier. Ardouin avoit
négligé de mettre çè prélat dans fes intérêts , Sc
c’étoit -une faute irréparable. Henri déterminé par les
prières d’Arnolfe, fe rendit en Lombardie., .après
avoir forcé le roi de Pologne qui venqit d’envahir la
Bohême., ,à lui rendre hommage, avoir fait un
du.c-de Bavière. Une remarque importante , ,ç’eff que
le duc fut nommé ;d’abord par les Bavarois , le roi
ne s’étant réfèrvé que le . droit de le .confirmer. Henri
avoit déjà envoyé des troupes en Italie; ma;s
Ardouin les .avoit .taillées en pièces aux environs
du Tirol. Sa préfence .fit changer la fortune; vainqueur
d’Ardouin au paffàge de la Brente, il marche
auffitôt vers la Lombardie -dont :là plupart des vilfe
confèntirent à - le reconnoître, Son entrée'.dans Pavie
fut-une éfpèce cle triomphç. Il mar.choit accompagné
d’une .multitude d’évêques & .de feigneürs qui le fà-
luèrent pour leur foi.avec fous -les tranfports de la
plus-vive alîégreffe [. 1.5 mai 1004'] ; l’archevêque de
Mayence fit la cérémonie' qy, fàcre qui fut foivie de
réjou’fTances publiques. Les Allemands -fe livroisnt
à toute l’ivrefTe de' la joie. , lorfque des Lombards
excités par' f e pratiques d’Ardoüin,, -coururent
aux aimes., & changèrent'les fades'd\\ ■ feftin en-autant
de théâtres de carnage. Henri, fur ie pôintfe périr , fo
jëtta du haut d’un-mur., & fe/cafTa une.jantbe dans fa
chute. Ge fat pour fe venger . de cette noire t-rahifon ,
qti’il ordonna le -fàc de p a v ie c e tte ville fut réduite
en céndres. Les troubles de Germanie dont des Sfe
ves, les Polonois,, 'les Bohèmes & -un -feigneur de
Lorraine .étoient les „auteurs., me lui permirent pas
d’aller à Rome recevoir la couronne impériale. Il ne
put s’y rendre qu’en 1014., .c’eff-à-dire lorfqu’il eut
. rétabli le '.calme dans fes états par la défaite des Polc-
i?ois, & par l’entière Toumifïion «des -Slaves des
Bohèmes. Ges derniers furent privés de Bolçffas leur
.duc, que l’empereur.dépofà pour lui fubftituer.Jara-
fnh'.j fils «fece faéiieux ; Baudbûin., auteur,des troubles,
de ]a .Lorraine , lui fit hommage -de Valenciennes
qu’il avoit üfurpée fur le \comte Arnoul. .Baudouin
n’en eut p?s été quitte;à'ce prix;, S’il n’eut eu i’adreffe
* de mettre Robert, roi de Fraijce., ..dans f e intérêts.
Cependant „Ardouin-avoit reparu en Lombardie; il
s’àppf.êtoit même „à. foutenir ‘l.afguçrre;; mais au premier
bruk.de l’approche ;.;du roi de Germanie,, il prit
la fuite., & S’enferma quelque tems après , dans un
monaftère .Ou il mourut , mon fans avoir fait dqs
efforts pour remonter for le trôtie. Henri , maître dejs
paffàges^, & ne voyant autour-de lui ni ennemis., ni
rivaux, fe fit une-,féconde fois proclamer roi.de Lombardie
dans Milan, l’an-1 b 1-3. Ardouin:lui fit propo-
f e de renoncer „au royaume .d'Italie.j .4 .condition