
depuis tant de fiècles pour cet ouvrage, fi on le
lifoit avec attention St fans préjugé. Le malheur des
Juifs eft d’aborder ce livre avec une. obéi fiance aveugle
pour tput_ ce, qu’il contient. On forme fon goût
iur cet ouvrage, &. on s’accoutume à ne trouver rien
de beau que ce qui eft conforme au thalmud; mais
îi on l’examinoit comme une compilation de difle-
rens auteurs qui ont pu le tromper, qui ont eu quelquefois
un très-mauvais goût dans le choix des matières
qu’ils ont traitées, & qui ont pu être ignorans, on
y remarquerait cent chofes qui aviliffent la religion.,
au lieu d’en relever l’cclat.
On y conte que Dieu, afin de tuer le temps avant
la création de l’univers , où il étoit feul, s’oecupoé
. a bâtir divers mondes qu’il détruifoit auffi-tct , jùfe
qu a ce que , par différents effais, il eut appris à en
taire un suffi parfait que le nôtre. Ils rapportent la
fine fie d’un rabbin, qui trompa Dieu le diable ;
. car il pria le démon de le porter jufqu’à la porte des |
cieux, afin qu’après avoir vu delà le bonheur des
feints, il mourût plus tranquillement. Le diable fit
ce que demandoit le rabbin, lequel voyant la porte
du ciel ouverte, fe /jetta dedans avec violence, en
jurant fon grand Dieu qu’il n’en fortiroit jamais ; &
Dieu , qui ne vouloir pas lai fier commettre un parjure
, fut obligé de le laitier-là, pendant que le démon
.trompé s’en allait fort honteux. Non feulement,
on y fait Adam hermaphrodite ; mais on foutient
qu’ayant voulu afifouvir fa paffion avec tous les animaux
de la terre , il ne trouva qu’Eve quj pût- le
contenter. Ils introduifent deux femmes qui vent
difputer dans les fynagogues fur l’ufage qu’un mari
peut faire d’elles ; 6c les rabbins décident nettement
qn’un mari peut faire fans crime tout ce qu’il" veut ,
parce qu un homme qui achçte un poiffon, peut
manger le devant ou le. derrière , félon fon bon plai-
fir. On y trouve des contradiéfions fenfibles, & au
lieu de fe donner la peine de les lever, ils font intervenir
une voix miraculeufe du ciel, qui crie que
Tune & Tautre, quoique directement oppofées, vient
du ciel. La manière dont ils veillent qu’on traité les
Chrétiens efi: dure : car ils permettent qu’on vole leur
bien , qu’on les regarde comme des bêtes brutes,
qu’on les pouffe dans le précipice fi on - les voit
fur le bord, qu’on les tue impunément, & qu’on
faffe tous les matins de terribles imprécations contre
etnc Quoique la haine & le defir de la vengeance
aient, diélé ,çes leçons, il ne faille pas d’être «tonnant
qu’on féme dans un fommaire de la religion , des loix
6c des préceptes fi évidemment oppclés à la çha-
. rité.
Les dcCteurs qui ont travaillé à ces recueils de
traditions, profitant de l’ignorance de lgirr nation,
ont écrit tout ce qui leur venait dans l’efprit, fans
fe mettre en peine d’accorder leurs conjectures avec
l ’hiftoire étrangère qufils ignoraient parfaitement,
L’hiftoriette de Céfar fe plaignant à Gamaliel de
ce que Dieu eft un voleur , eft badine. Mais devoit-
elle avoir fa place dans ce recueil ? Céfar demande
à Gamaliel pourquoi Dieu a dérobé une cote à
Adam. La fille répond, au lieu de fon père, que
les voleurs éteient venus la nuit paflee chez elle
& qu’ils avoient biffé un vafe d’or dans fa maifon,
au lieu de celui de terre qu’ils avoient empôrté, &
qu’elle ne s’en plaignoit pas. L’application c!u conte
etoit aifée; Dieu avoit donné une fervante à Adam ,
au lieu d’une côte : le changement eft bon : Céfar
1 approuva; .mais il ne laiffa pas de_cenfurer Dieu
de 1 avoir fait en fecret & pendant qu’Àdam dormoit.
La fiae toujours habile, fe fit apporter un morceau
de viande cuite fous la cendre, &. enfuite elle le pré-
j Jente. ta l’Empereur, lequel réfute d’en manger: cela
I me fû t mal au coeur, dit Céfar ; hé bien , répliqua la
j ieune fille . Eve aurait fait mal au xçoeur au premier
homme Dieu la lui avait donnée groffièrcment & fans
art, après T avoir formée fous fes yeux. Que de bagatelles!
Cependant il y a des Chrétiens qui, à l’imitation
des Juifs, regardent le Thalmud comme une mine
abondante, d’où lion, peut tirer des tréfors infinis.
Iis s’imaginent qu’il n’y a que le travail qui dégoûte
les hommes de .chercher ces tréfors, & de s’en'enrichir
: ils. fe plaignent ( Sixtus Senenjis. Galatin. Mo-
nn. ) amèrement du mépris qu’on a pour les rabbins.
Ils le tournent de tous les côtés j non - feulement
pour les juftifier, mais pour faire valoir ce qu’ils ont
dit. On admire leurs fentences : pn trouve dans
leurs rits mille chofes. qui ont ou rapport avec la
religion chrétienne, & qui en développent les myf-
tères. Il femble que J. C. & fes Apôtres n’ayent pu
.avoir de Tefprit qu’en copiant les Rabbins qui font
venus après eux. Du moins c’eftfe Limitation des
Juifs que ce divin rédempteur a fait un fi grand
ufage du ftyle métaphorique c’eft d’eux aulîi qu’il
a emprunté les .paraboles du Lazare', des vierges
folles , & celle des ôuvriers envoyés à la vigne ,
car on les trouve encore aujourd'hui dans te Thalmud.
On peut raifonner ainfi par deux motifs .différens.
L’amour-propre fait fouvent parler tes docteurs. On
aime à fë faire valoir par quelqu’enfiroit ; & Iorfqu’on
s’eft jette dans une étude, fans bien examiner l’ufage
qu’on en peut faire, on en relève futilité par intérêt
; on eftime beaucoup un peu d’or chargé de beaucoup
de crade , parce qu’on a employé beaucoup
■ de temps à le déterrer. On crie à la négligence; 6c-
on accufe dé parefie ceux qui ne veulent pas fe donner
ia même peine , & fuivre la route qu’on a prile.'
D ’ailleurs on peut s’entêter des livres iqu’on lit :
combien de gens ont été fous de la théologie fehetete
tique , qui n’apprenoit que des • mots barbares y au
lieu des vérités^ fondes qu’on doit chercher. On
s’imagine, que ce qu’on étudie avec tant de travail &
de peinasse peut être mauvais; ainfi, foie par intérêt
ou par préjugé , on loue avec excès ce qui n’eft
pas fort digne.de louange.
N’êft-il pas ridicule de . vouloir que J. G. ait emprunté
fes paraboles c e fes leçons des Thalmudiftes ,
qui n’ont vécu que trois ou quatre cents ans après
lui? Pourquoi veut-on que les Thalmudiftes n’ayent
pas çté fe§ çopiftes ? La plupart des paraboles qu’on.
trouve dans le Thalmud, font différentes de celles
de l’évangile, on y a prefque toujours un autre
but. Celle des ouvriers qui vont tard à- la vigne,
n’eft-elle pas revêtue de circonftances ridicules, &
appliquée gu R. Bon qui avoit plus travaillé fur la
loi en vingt-huit ans, qu’un autre n avoit fait, en
cent? Gn à recueilli quantité d’expreffions & de.
penlees des Grecs, qui ont du rapport.avec celles de
l’évangile. Dira-t-on pour cela que J. G ait copié
les écrits des Grecs ? On dit que ces paroles éto.ient
déjà inventées , ôc avoient cours chez les Juifs avant
que J.*C. enfeignât : mais d’où le fait-on? Il faut
deviner, afin d’avoir le plaifir de faire des Phari-
fiens autant de doéteurs originaux, & de J. C. un
copifte qui emprunto’t ce que les autres avoient de
plus fin & de plus délicat. J. C. fuivoit fes idées,
& débitoitfes propres penfées ; mais il faut avouer
qu’il y en a de communes à toutes tes nations , & que
,-plufieurs hommes difent la même chofe, fans s’être
jamais connus, ni avoir lu les ouvrages les uns des
autres. Tout ce qu’on peut dire de plus avantageux
pour les Thalmudiftes, c’èft qu’ils ont fait des com-
paraifons femblables à celtes de J. C. mais l’application
que le fils de Dieu en failoit, 6c tes leçons
qu’il en a tirées, font toujours belles 6c fànéfifiantes ,
au lieu que l’application des autres eft prefque toujours
puérile &. badine. te)
L’étude de la Philofophie cabaliftîque" fut en ufage
chez les Juifs , peu de temps après la ruine de Jéru-4
falêm. Parmi lès do&eurs qui s’appliquèrent à cette
prétendue fcience, R- Atriba, & R. Simeon Ben
Jochaï furent ceux qui fe diftinguèrent 1e plus. Le
premier eft auteur du livre Jezivah, ou de la création
: le fécond , du Sohar ou du livre de la fplen-
deur. Nous allons donner l’abrégé de la vie de ces
deux-hommes fi célèbres dans leur nation.
Atriba fleurit peu après que Tite eut ruiné la
ville de Jérufàlem- Î1 n’étoit ~juif que du c;te de fa
mère, & fon prétend.que fon père defeendoit de
Lifera, général d’armée de Jabin, roi de Tyr. Atriba
vécut à la campagne jufqu’à l’âge de quarante ans ,
& n’y eut pas un emploi fort honorable , puifqu’ii
y gardoit les troupeaux de Galba Schuva, riche
bourgeois de Jérufàlem. Enfin il entreprit d’étudier , à l’inftigàtion de la fille de fon maître, laquelle lui
promit de l’époufer , s’i l . faifoit de grands progrès
dans tes fciences.. Il s’appliqua fi fortement à l’étude '
pendant lés vingt-quatre ans qu’il pafla aux académies
, qu’après cela il fe vit environné d’une foule
de drfciples, comme un des plus grands maîtres qui
eufient été en Ifraël. Il avoit, dit-on, jufqu’à vingt-
quatre mille écoliers. Il fe déclara pour fimpofteur
Barcho-chebas , & foutint que c’étoit de lui qu’il
failoit entendre ees paroles de Balaam, une étoile
for tira de Jacob \ & qu’on avoit en fa perfonne te
véritable meffie. Les troupes que l’empereur Hadrien
envoya contre tes Juifs , qui, fous la conduite de ce
faux meffie , avoient commis des maffacres épouvantables
, exterminèrent cette faction. Atriba fut pris
& puni du dernier fuppUce avec beaucoup de
cruauté. On lui déchira la chair avec des peignes
de. fer , mais de telle forte qu’on faifoit durer la peine,
& qu’on ne le fit mourir qu’à petit feu. 11 vécut fix
vingt ans, & fut enterré avec fa femme dans une
caverne , fur une montagne qui n’eft pas loin de T ibériade.
Ses 24 mille difciples furent enterrés au-
defïous de lui fur la même montagne. Je rapporte
ces chofes , fans prétendre , qu’on les croye toutes.
On faccufe d’avoir altéré le texte delà bible, afin
de pouvoir répondre à une objection des Chrétiens.
En effet jamais ces derniers ne députèrent contre
les Juifs plus fortement que dans ce temps-là, &
jamais auffi ils-ne les combattirent plus efficacement.
Car ils ne faifoient que leur montrer d’un côté les.
évangiles , & de l’autre les ruines de Jérufàlem, qui
étoient devant leurs y eu x , pour les convaincre que
J. C. qui avoit fi clairement prédit fa défolation,
étoit 1e Prophète que Moïfe avoit promis. Ils les prête
foient vivement par leurs propres traditions , qui
portoient que le Chrift fe manifeftero.it après le cou; s
d’environ fix mille ans , en leur montrant que ce
nombre d’années étoit accompli.
Les Juifs donnent de grands éloges à Atriba ; ils
l’appelloient Sethumtaah , c’eft; - à - dire, Y‘authentique..
11 fendrait un volume tout entier , dit l’un d’eux
( Zautus ) fi fon vouloit parler dignement de lui. Son
nom, dit un autre ( Kionig) a parcouru tout l’univers
, & nous avons reçu de fa bouche toute la loi
orale.
Nous avons déjà dit que Simeon Jochaïdes eft
fauteur du fameux livre de Zohar, auquel on a fait
depuis un grand nombre d’additions. Il eft important
de favoir .ee qu’on dit jde eet auteur. & de fon livre,
puifque c’eft-là que font renfermés,tes myftères de
la cabale, & qu’on lui donne la gloire de tes avoir,
tranfmis à la poftérité.
On croît que Siméon vivoit quelques armées avant
la ruine de Jérufàlem. Tite le condamna à la mort,
mais fon fils & lui fe dérobèrent à la perlecution ,
en fe cachant dans une caverne, où ils eurent le
loifir ge compofer le livre dont nous parlons. Cependant
, comme il ignorait encore diverfes chofes, 1e prophète
Elie defeendoit de temps en temps du ciel dans
la caverne pour finftruire, oc Dieu 1 aidoit miracu-
leufement, en ordonnant aux mots de fe ranger les
uns auprès des autres, dans l’ordre qu’ils dévoient avoir
pour former de grands myftères.
Ces apparitions d’Elie & le fecours miraculeux de
Dieu embarraffent quelques auteurs chrétiens ; ils ëfti-
ment trop la cabale, pour avouer que ce lui qui es
a révélé tes myftères, fbit un impofteur qui fe vante
mal-à-propos dune infpiration divine. Soutenir que
le démon qui animoit au commencement de féglife
chrétienne Apollonius de Thyane , afin d’ébranler la
foi des miracles apoftoliques, répandit auffi chez les
Juifr le bruit de ces apparitions fréquentes d’Elie,
afin d’empêcher qu’on ne crût celte qui s’étoit fait«
pour J. C. lorfqu’il fut transfiguré fur 1e Thabor :
c’eft fe faire illufion , car Dieu n’exauce posât la
prière des démons lorfqu ils travaillent à perdre f Eglife,