
de ce prince, auquel les Germains ne renvoient qu’un
pur hommage. Louis montra une ame fupérieure à
tous ces revers ; là confiance ne l’abandonna jamais.
Vainçu fous les murs de Laon, il prit la route d’Aquitaine
, que la contagion de la révolte n’avoit point
corrompue. La France divii.ee n’offroit que des icènes
de carnage. Le pape montra beaucoup d’empreffe-
ment à rétablir la concorde ; ce fut par une fuite
de fes négociations qu*Othon renonçant à les droits
fur la France , rendit la couronne que çes rebelles
îni avoient donnée. Guillaume-la-longue-épée , duc
de Normandie , eut la plus grande part dans cette
révolution, Ce prince étojt intérefié à entretenir, les
d:v irions des François $ mais il préféra le titre fle
pacificateur à celui fle conquérant. Le çopite de
Flandre aiTafuna ce duc bienfaifànt , 3c priva le
monarque (le fon principal appui. Louis fe' montra
peu digne des fervices que lui avpit rendus Guilr
îaume : ce prinçe perfide , feignant une reconnoif-
fançe dont fon çoeur nétoif pas capable , lè nomma
futeur du fils de Guillaume, le jeune Richard ; mais
fe jouant de ce titre façré, il attira ton pupille à
Faon, pii il le retint dans une elpèce de captivité,
Arnpul , gouverneur du jeune prince , voyant que
i?on attentait a fe vie ? l’enleva dans voiture de
foin , & le eonduifit à Senlis, chez fon oncle Ber-
pardf Çet attentat contre la foi publique déshonora
Louis dans l’efprit de fes alliés , prêta des armes
|ux féditieux. Hugues, toujours attentif à profiter
des troubles , offrit fon fècours à Bernard , &
i/exhpna à venger l’attentat commis contre fon ne-
ycq ; mais trop ambitieux pour fe lai fier enchaîner
par fe/proméfles , il fe tourna préfqu’auffi - tpt du
fpté de Louis , qui lui offrit de partager avec lui
les dépouilles du jeune Richard. Ils fe réunirent
pufljrtôt pour faire la conquête de la Normandie ;
leurs intérêts trop pppofés causèrent bientôt une
rupture entr’éux : tous deux n’éçoutpient que leur
ambition , & cemptoient pour rien la foi des traités,
fouis fit une ligue fecrette aveç les Normands, qui
promirent de le reçonnoître pour fpuyçrain dès
qu’jl aurait ehaQe Hugues de 'leur pays. Le monarque
ébloui par cette promeffe fédui fente , employa
fhn armée contre pn allié aufiî inndçtç, Huguês fut
pbligé de s’élp:gn£r j mais Louis fut reçu dans Rouen
moins comme un libérateur que comme un ennemi
que |?on craignoit d’avoir pour maître. Ils appelèrent
Herald, roi des Danois, qui açcpurut avec la
plus grande çélérité au feçoürs d’un peuple qui fe
glprifioit d’avoir une origine commune avec lui,
Louis s’avança pour le combattre, il fut vainçu &
faif prjfopnief. Hugues, aq premier bruit de fa de-
fentiqfi, fbngea p profiter de fes malheurs : ce po-
IkiqPI j infifuit dans' l-art de feindre , convoqua un
parlement, dan$ lequel il déploip tout le faite d’un
|èfe patriotique , & parla pour obteniç la rançon du
F gi i ' mai s il çpnçluoïï à çe qufon le remît entre fes
mains pour prévenir l’abus d’autorité. Tout ce qu’il
préppfa fut agréé ; le roi fut rendu , 1e jeune Richard
fççquyrg fpn duché, 6ç Hugues eut la yilïe de Laon.
Louis fevoit apprécier les fervices de jHuguès ; il
ne pouvoit aimer un fujet qui n’avoit brifé fes fers
que pour le mettre dans fa dépendance ; il fecoua ce
nouveau joug, & marcha p là tête d’une armée contre
Hugues , en qui il ne voyoit qu’un rebelle. Le pré-*
lude de cette guerre fut brillant ; Reims fut fà pre*
mière çonquçte, & Hugu. s fut exilé, après avoir
yu ravager Ion duché de France, Louis profitant de
fes premiers fùccès , prit la route de la Normandie
& alla afliéger Rouen : cette ville fut l’écueil de fes
prospérités. Otlion lui avoit amené un .renfort de
Saxons , qni périrent prefque tous à ce fiège mémo-*
rable. Cet ç.chee releva les efpérançes de Hugues j
fès parafons confpirèrent pour l’élever for le trône,
Louis, dgfelpçré d’avoir fans çeffe à combattre &
à punir des fujets rebelles, crut qu'il lui feroît plus
facile de les dompter par les foudres de l’églife que par
celles de fe guerre : le pape convoqua un concile,
ou il eut le loin de fe trouver. Huguçs , qui n’euf
point allez de confiance pour s’y préfenter , fut frappé
de l’excommunication ; jampis Rome ne fit ùn plus
légitime ufege de fa puiûpnçe, Ôç fes foudres au-r
raient gté bien plus refpeâées, fi elle ne les eût em*
ployéës que dans de lemblâbles eaüfes, Hqgue$ avoit
trop d’audace pour s’en effrayer ; mais le peupfe
qui avoit horreur d’un excommunié , ne vouloit plus
communiquer avec lui, & regardât comme un fa-
crilége de s’armer en là faveur ; on ne lui laiffa que
l’alternative d’une punition rigoureufe ou de l’obéife
fànce. Ce vaffal rebelle que rien n'avoit fu dompter,
çonfentit enfin à fléchir devant un maître , & recon*
nut Louis I V pour fon. fouverain : cette foumifïion
promettoit quelques i'nfiants de cal'me. Louis n’eut
pas le temps d’én jouir • fa mort prématurée donna
une face nouvelle aux affaires, Çe prince tomba de
cheval comme il poqrfoivoit un loup , &. mourut de
fa chûte , à l’age de trente-trois ans , dont il en avoit
çégné dix-huit, (M — T,)
Louis V , 3£XXIVe rpi de France, dernier roi de
la fécondé race , naquit vers l’an 966, de Lotaire ,
roi de France, & de la reine Emme , fille de Lo-?
taire I ï , roi d’Italie, Lp monarchie touchoit à fa fin ,
elle n’étoit pas même l’oipbre de ce qu’elle avoit été î
des vaftes états qu’elle poffédoit fous Charlemagne,
i| ne lui refioit que quelques provinces envahies par
les foigneurs qui s’y étoient érigés en fouverains. On
avoit çonfpiré contre la famille royale, d’autant plus
facile à renverfer qu’elle n’çtoit regardée que comme
Une famille d’uforpateurs, puifque, pour parvenir au
trône , elle avoit dégradé un roi légitime. Lotaire
avoit fait de continuels efforts pour reprendre l’autorité
dont avoient joui les premiers rpis de fà race ;
& les grands, qui çraignoient de perdre les préror
gatives qu’ils avoient uforpées, çonfpirpient enfemble
Eour ' faire pafler le fçeptre çn de nouvelles mains,
es çraintes de Lotaire s’étoient fouvent manifeftées ;
çe fut par un effet de çes craintes qu’il aflocia Louis V
au gouvernement du royaume 3 dans un temps oh ce
prince étoit trop jeune encore pour lui être d’aucun
feçours. Louis n’avoit que huit ans Iprfcm’il fut pr^
fenté aux états affemblés à Compïègne ; ce fut le 6 cara
juin 979 que fe firent les cérémonies du couronnement,
qui furent réitérées à la-mort de Lotaire;, fon
nom fut depuis confacré dans les a&es publics. Louis
éprouva de bonne heure des chagrins domeftiques.
La reine Blanche, que Lotaire lui avoit fait époufer
en l’affociant au gouvernement, s’enfuit de la cour
& fe retira en Provence dans le fein de fà fam.lle,
dont elle préféroit l’élévation aux intérêts du roi fon
époux. Quelques écrivains ont rejetté l’évaixon de
Cette princefie far l’humeur sèche & hrufque du monarque
; mais le prétexte qu’elle prit pour s’éloigner y
montre bien que fes parents l’avoient portée à cette
démarche : elle dit qu’elle n’entreprenoit le voyage
de Provence, eu fa famille étoit puiflànte, que pour
engager cette Province à fe foumettre. Lotaire alla
la trouver, & l’engagea à-revenir auprès de fon fils.
Le retour de cette princeffe fut le dernier événement
du règne de Lotaire : il mourut prefque dans le même
temps ; fa mort étoit une perté pour Louis. La cour
étoit dans la plus grande agitation , les prétentions
des feigneurs étoient fans bornes. Il eut de fréquents
démêlés avec Hugues Capet , & l’iffue lui en fut
prefque toujours très-défavantageufe. La reine .Emme
fa mère , princeffe jaloufe de [autorité , au point que
les plus graves auteurs l’accufènt d’avoir fait empoi-
fonner Lotaire fon mari, qui n’avoit point eu pour
fes confeils toute la déférençe qu’elle avoit exigée,
fit d’abord éclater beaucoup de zèle pour fon fils ,
dont elle devint bientôt l’ennemie la plus implacable.
Elle fe fortifia par des alliances au-dehoi s ; elle
exigea des feigneurs, de nouveaux ferments de fidélité
ce qui décèle fon ambition , c’eft qu’elle ne
fè contenta pas de ces ferments pour fon fils , elle
voulut encore qu’on les lui fît à elle-même ; & quoi-
què'Louis eut alors vingt ans accomplis , elle fe fit
déférer la régence. Lorfque les François fe furent
acquittés de leurs premiers devoirs, ils tournèrent leurs
regards vers la Lorraine, qui avoit paffé fous la domination
des Allemands, & qu’ils défi roient faire rentrer
fous la leur. Ils furent arrêtés par la révolte
d’Adalberon, archevêque de Rheims, mécontent de
la détention de Godefroi fon frère, fait prifonnier
fous le règne du feu roi. Ce prélat, animé par un
efprit de vengeance , entretenoit un commerce fecret
avec L’empereur Othon & l’impératrice Théophanie.
Louis fe vit obligé de faire une guerre régulière
contre ce fujet rebelle : il l’afîiégea dans la ville de
Rh eims , dont il fe rendit maître, non fans verfer
beaucoup de fang. Le prélat échappa au vainqueur ,
& toujours inflexible, il rejetta un pardon généreux
que lui offroit le monarque. La retraite du prélat en
Allemagne, perpétua la guerre : il avoit de nombreux
partifans ; fa famille étoit très-puiffante. L’évêque
de Laon, nommé Adalberon comme lui, & probablement
fon parent , lui fournit de très-grands fe/
cours. Ce prélat vivoit avec la reine Emme , mère
de^ Louis, dans une familiarité qui devint fuipeéle au
roi. Charles^fon oncle, lui perfuada même que cette
familiarité n’etoit rien moins qu’innocente, & que la
reine profljtuoit fon rang, & le prélat fo:i _____
cette aceufation étoit grave , 6i la Critique ne fauroiî
la croire entièrement fans motif. Le monarque, qui
jufqu’aiors ‘avoit eu les plus grands égards pour ui
mère , commença à la négliger, & bientôt il la per-
fécuta. L’évêque de Laon fut privé de fon fiège. Ce
coup d’autorité doit nous furprendre de la part d’un
prince auquel les hifforiens n’ont pas craint de donner
le furnom de fainéant. La dégradation de l’évêque
remplit la cour de brigues , & entretint la plus-
grande fermentation parmi les évêques. Louis fut
cependant fe faire obéir de tous fes fujets î les évêques
n’osèrent même fe déclarer ouvertement pour
Adalberon, qui fe fôurna au fia du doté de Hugues
Capet. La reine Emme , qui préféroit les intérêts de
l’évêque à ceux de fon fils, fe déclara fans pudeur ;
& voyant que les François refufoient de la féconder,
elle eut recours aux Impériaux qui étoient intereffés
à entretenir des troubles dans la France ; elle s adrefià
d’abord à Adélaïde , fa mère : « J’ai tout perdu ,
lui écrivit-elle , en perdant le roi mon mari, je n’a vois
j> d’efpoir qu’en mon fils ; mais il eft devenu mon
ennemi le plus implacable : on a inventé d’horri-
j> blés menfonges contre moi & contre l’évê que de
» Laon ; on ne veut lui • ter fa dignité que pour me
» couvrir d’une éternelle confufion ; tous ceux à qui
» je témoignois le plus d’amitié , fe font éloignés de
»moi ( cet abandon dont.fe plaint cette princeffe,
regardoit des perfonnes fur qui elle avoit verfé fes
bienfaits); fecourez donc, ajoutoit-elle, une fille
» accablée de douleur : m ttez-vous en état de venir
» nous joindre, ou faites une puiffante ligue contre
» les François, pour les obliger à nous îaiffer notre
» tranquillité ». Ces clameurs firent une impreilion
très - vive fur l’efprit d’Adélaïde , déjà ébranlée par
fa qualité de mère , & les intrigues des deux Aclal-
beron. L’empereur & l’impératrice , follicités par
cette princeffe , fe déclarèrent contre Louis ; SC
quoique les troubles de l’Italie , où Crefcence , préfet
de Rome, avoit prefque ruiné l’autorité impériale ,
duffent déterminer à faire marcher une armée au-
delà des Alpes , il refta en Allemagne à deffein d’y
lever des troupes, ôt de marcher contre le roi de
France. Louis vit d’un oeil tranquille les préparatifs
' de ce prince , & n’en pourfuivit pas moins les prétentions
fur la Lorraine : l’empereur d’Allemagne
n’entreprit cependant rien de confidérable , il gagnoît
autant à entretenir des troubles à la cour de Louis
qua l’attaquer ouvertement ; il y avoit toujours
queflqu’orage qui grondoit fur la tête du monarque
François. La ducheffe Béatrice négocia une efpèce
de paix ; Godefroi fut mis en liberté , & la ville de
Verdun lui fut rendue fans argent & fans otages ;
ïnais ce comte & l’évêque de Verdun, fon fils, abandonnèrent
à Louis des terres de ce diocèfe , avec le^
droit d’y conffruire autant de fortereffes qu’il le jugerait
à propos. La reine-mère &. l’évêque de Laon
ne furent point compris dans ce traité ; tous deux
trembloient dans la crainte d’éprouver le reffenliment
du roi, qui mourut fur çes entrefaites, le 21