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que les Germains jouifloient du droit d'élire leurs
iouverains , depuis qu’Arnoul avoit confenti de recevoir
le fceptre qu’ils lui offrirent, tandis que Char-
les-le-Gros, fon oncle, le poffédoit encore. La couronne
avoit été promife à Louis , même avant fa naife
fance ; lorfque l’empereur, fon pere, invita les états
dans une diete qu’il tint en 889, à confentir au partage
de fes états entre Zumtibold & Rathold , fes fils
naturels , ils le lui promirent , mais feulement dans
le cas où il ne laifl eroit aucun fils légitime. Us fui-
virent l’ancienne coutume, que l’on avoit violée à
la vérité envers Charles , fils de Louis-îe-Begue ,
mais que l’on refpeéloit encore. » Nous avons bcau-
j> coup mieux- aimé , dit Hatton , archevêque, de
j> Mayence, fu.vre l’ancien ufage des Francs, dont
j) les rois ont tous été d’une même maifon , que d’in-
}? traduire une nouvelle coutume ». Arnoul, en déclarant
par un décret, qu’on devoit fe fcumettre au
joug de l’églife de Rome,'-n’a voit entendu parler
que du joug fpirituel ; mais il femble que dès-lors les
papes prétendoient l’ étendre fur le temporel, comme
il paraît par la lettre de Hatton à Jean IX : ce
prélat fe juft’fioit fur ce qu’on avcit procédé à
î’éieêlion de Louis I V , fans fon agrément • cependant
cette lettre peut avoir été fuppofée. Le fiiencè de
plufieurs «tuteurs, qui ont écrit fur la vie des papes ,
autorife ce foupçon. Le règne de Louis ne tut pas-
moins orageux que ce’ui de fes prédéceffeurs. Tous
les ordres de l’état fe jouèrent de fa jeuneffe , &
s’arrogèrent les droits les plus précieux du trèfle.
L’évêque de Toul en obtint le privilège d’avoir de
la monnoie frappée à fon empreinte ; il fe fit encore
donner tous les péages du Comté, qui fut déclaré libre
de tribut envers la couronne. La qualité de Hatton,
& fon crédit dans le royaume, porté au plus haut
degré, puifqu’ii étoit à la tête dé la régence, nous
font foupçonner qu’il eut la plus grande part à cette
dangereufe concefïion ; & l’on a lieu de s’étonner de
ce qu Othon-lc-Grand , beau-frère du jeune prince,
& collègue de Hatton dans la régence , n’apporta
aucun obilacle aux defirs trop ambitieux du- 'prélat.
Cependant Louis fut à peine placé à la tête de l’état,
que les Lorrains qui abhorraient la domination de
Zumtibold , prince colère , & qui s’oubîioit quelquefois
.jufqu a maltraiter les évêques ( dans un accès
de fureur il manqua d’en faire expirer un fous le
bâton ) l’invitèrent à venir recevoir leur hommage.
Zumtibold voulut en vain éviter le fort dont il étoit
menacé : attaqué d’un côté par fes fojets, & de l’autre
par les Germains qui"le furprirent aux environs
de la Meufe , il fut vaincu & tué dans un combat ; les
deux tiers de fon armée refièrent fur le champ de
bataille , & tousfès bagages furent la proie du vainqueur.
Louis trouvant tous les paffages libres , fe
rendit à Thionville ; où tous les fèigneurs de la Lorraine
le reconnurent pour leur fouveram; mais cette
lueur de profpérité s’éclipfa bientôt. Ses foccès éten-
doient les bornes de fa domination fans affermir
fon autorité. Les Lorrains & fes autres fujets ne lui
rendirent qu’un flérile hommage. Devenus proprié-
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taires des fiefs qui appartenoient a la couronne, ifs
confira'firent des châteaux , &. fe fortifièrent les
uns contre les autres, plus jaloux de venger leurs
querelles particulières , que de foutenir les intérêts
de l’état, ou de combattre pour fa gloire. Les Huns ,
ou Hongrois, armés par la politique de Bérenger,
qui donnoit des lotx à l’Italie , &. qui craignoit de
voir les Germains lui redemander un royaume où il
régnoit au milieu des plus terribles faélions , avoient
déjà ravagé la haute-Pannonie , & s’apprêtoient à
palier le Lech , qui 1er voit de limite à cette province
du cote de ta Bavière. Louis abandonné par ta plus
grande partie de fes fujets, fut réduit à marcher presque
feul contr e ces redoutables ennemis. Le courage
féroce des Hongrois l’erriportà fur l’adreffe & fur
ta fcience militaire. Les Germains furent vaincus, &
fe virent dans l’impuiftance de couvrir ta Bavière,
ta Suabe & ta Francdnie, qui furent expoféesà toutes
les calamités de 1a guerre. Ces provinces défolées.
fouffrirent tout ce qu’elles pouvoient éprouver de
1a part de ces peuples fanguinaires. Louis hors d’état
de les chaffer par ta force des armes, leur donna des
fommes çonfidérables qu’ils convertirent prefque aufli-
tôt en un tribut réglé. Forcé d’époufer les querelles
d’une partie de lès fujets contre l’autre , il ne put
effacer cette tache qui déshonorait fon règne. La douleur
qu’il en conçut termina fa carrière qui fut aufii
courte que ' laborieufe. Il mourut le 2 1 janvier 912 ,
dans ta vingtième année de fon âge, 1a treizième de
fon régné. Ce prince étoit digne d’une meilleure fortune
, il eut beaucoup de fermeté dans un temps où il
étoit dangereux d’en faire paraître. Il fit trancher 1a
tête à Albert, comte de Bamberg , pour avoir excité
une guerre civile, à laquelle prefque toutes les provinces
de Germanie avoient pris pan. Les biens de
ce faélieux furent confilqués & fervirent dans ta fuite
à doter l’églife de Bamberg , dont l’empereur Henri II
fut le fondateur. Plufieurs écrivains le regardent
comme 1a tige des anciens margraves & ducs d’Autriche.
Il avoit tué dans un combat Conrad de Frid*
zlard , fon ennemi particulier. Ce Conrad fut 1a fouche
des empereurs de 1a maifon de Franeonie. (M.—y. )
Louis V , dit de Bavière & le Grand, fucceffeur
de Henri V I I , ( Hifl £ Allemagne. ) né l’an 1284 , de
Louis-le-Sévère, duc de Bavière , comte palatin du
Rhin, & de Mathilde , fille de l’empereur Rodolphe
de Habsbourg, élu à Francfort l’an 13 14 , mort l’an
1346k 11 octobre.
La vie guerrière & politique de Henri V II fembloit
promettre a l’Allemagne quelques jours heureux ; mais
la mort de ce »rince , moiffonné au milieu de fa
carrière, biffa cet infortuné pays expofé aux maux
qui le deibloient. Les Allemands renonçant à 1a domination
de 1a race des Pépin , avoient rendu le trône
éleélif, fans établir de loix fixes pour prévenir le dé-
fordre que devoit occafionner la concurrence. La
pluralité des fuffrages n’étoit pas un droit ; d’ailleurs
tous les feigiieurs iffus d’une maifon électorale, prétendoient
concourir aux éleélions. Un prince devoit
donc réunir tou$ les fuffrages, ou l’Allemagne étoit
expofée au feu des guerres civiles. Frédéric d’Atr-
triche , furncrhmé le Beau, profitant du Vice de la
conflitution germanique , fe fit couronner a Bonn,
tandis que Louis V , appelle par le plus grand nombre
des éle&eurs fe faifoit couronner a Aix-^-Cha-
pelle. Ces deux célèbres rivaux fombloient egalement
dignes du haut rang qu’ils ambitionnoient : meme
'dextérité, dans les affaires, mêmes avantages dans 1 extérieur
, même valeur dans ks combats. Frédéric,
moins heureux, perdit l’empire &. ta liberté a ta fan-
*glante journée de Muhldorff , le 28 feptembre 1322,
& fut relégué dans le château de Tranfnitz , d’ou, lui-
‘ vant les meilleurs témoignages, il ne fortit dans la
fuite qu’après avoir abdiqué. " .
Louis y vainqueur de Frédéric d’Autriche & du parti-
dè ce prince, fe difpofoit àrétablir le calme & a fermer'
les- plaies- de l’état. U n’eut pas commence cette
‘ louable entreprife r que des . nouvelles d Italie lui
firent craindre la perte d’un empire , qu il venoit en
quelque forte de conquérir. Jean XXII, pontife ambitieux
& qui ne fe oontentoit pas detre le chipen-
fateur dès tréfors célefles , feignit de s’intérefïer au-
■ fort de l’èmpereur dégradé ; ôL fomentant le rëflen-
timent. des Guelfes , fes partifans,, contre les Gibelins
' toujours fidèles aux. empereurs , il c ta Louis V a fon
tribunal, il lè fofflma même de fe défifter dans trois
mois dé l’empire , pour avoir ofédifoit-il , prendre
la qualité de roi des Romains avant d avoir fournis
fon éleffion à .l'examen de la cour de Rome. Plufieurs
' papes avoient affeRé ce ftyle, qui ferait aujourd’hui
fi déplacé, fi ridicule. Ce fut dans cette occafion que
' Louis V déploya, toute la profondeur de fon carac-
• tère. Le parti de Ftédéric étoit affoiblt fans être de-
1 truit, dedans un temps ou les peuples ne connoif-
tant point les jufles limites de 1a puifiance îpiritueîle
trembloient au bruit des • cenfores de Romeinjufles
ou légitimes ; l’empereur fentoit qu’un pape pouyoit
prêter à fes ennemis des . armes redoutables : - d ailleurs
, l’exemple de fes prédéeeffeurs pouvoit lui cau-
fèr de jufles alarmes ; jamais l’Allemagne nàvoit eié-
fi bien unie que les-papes n’euffent trouvé le moyen de
la divifer. Il d.fîimufa le dépit que pouvoient lui occafionner
ces prétentions oftenfantes, & fans paraître,
rejetter ni approuver ta bulle qui contenoit les volontés
du pontife , il ta défera aux. états affembies^
& ce ne fut qu’après avoir réuni l’univerfalité^ des.
fuffrages qu’il ht éclater fon jufle reffentiment. L’em-
■ pereur & le pape s’ànathématisèrent tour - à-tour
Louis V fe vit à ta veille d’être dépofé ; Jean XXII k
fut réellement. L’emperenr étant entré en Italie, prit la
couronne des- Lombards a Milan , affiegea Pile, fe fit
proclamer à Rome ; & après y avoir renouvelle les
cérémonies de fon facre , il inflallâ for ta chaire de
foint Pierre un Francifcàin, qui prit lé nom de Nicolas
V , mais qui bientôt devoit foceomber. fous les-
foudres de Jean. » Nous voulons , ( c efl ainfi que
S’exprimoit Louis dans une affemblée du clergé & de
ta nobleffe de Rome Y , foivre l’exemple d’Oton I ,
» qui, avec le cierge &. le peuplé de Rome^,. dépota
st Jean XII ; armés de la même autorité ^r.ous dépo-
» fons l’évêque de Rome, Jacques de CaKors, dou-
„ blement coupable d’héréfie & de lèze-majeflé ».
Louis V ne montrait pas moins de fermeté que le
grand prince qu’il s’étoit propofé pour modèle. Il fit
une ordonnance qui défendoit à tous les évêques
13 avril 1326 ) ,’ & notamment au pape, qui réfr-
oit à Avignon, de s’abfenter plus de trois mois de
leuréglife , ni de s’en éloigner de plus de deux journées
fans le confentement de leur , chapitre. Le pape
étoit perdu fans l’oppofition que le jeune Colonna ,
l’un des principaux de la nobleffe , fit afficher a la
•porte de l’églife oit fe tenoit l’affembiée. Tout fe confond
a Rome fous plufieurs faSions ennemies ; le roi
de Naples j toujours attaché au pape, fe préfente aux
portes de Rome avec une forte armée, & Louis V
eft contraint de lè retirer a Pife , d ou il repaflà-
peu de temps après en Bavière, prefque fans armée.
Le pape réprit bientôt fon premier afeendant ; Nico--
las fut forcé de lui demander grâce ; & l’empereur
lui-même fit des démarches pour fe réconcilier ; elles
lurent infruSueufes. Le pape, au lieu de répondre à fes ■
députés fit une ligue fecrette avec Jean,- dit l’aveugle,.
roi de Bohême , & vicaire de l’empire en Italie, qui,.
flatté, de l’efpérance de voir bientôt fon fils, Charles-
de Luxembourg , fur le trône impérial , leva l’étert-
dard de fa guerre. Fortifié de l’alliance des rois^ de
France., d’Hongrie & de Pologne,-le roi de Bohême
infulta la Bavière. Le pape mourut fur ces entrefaites,
& tranfmrt fa haine contre la maifon de Bavière
, à Benoît X I I , qui le remplaça. Une viôioire
i fignalée, rempor.ée fur le roi de Boheme , le força
de rentrer dans fes états, Iï en fortit bientôt après
fur de nouvelles efpérances que lui donna Philippe-
de-Valois. L’empereur , pour conjurer cet orage,.
s!attacha Edouard H I , roi de la grande Bretagne,,
prince fier, & dont les vues ambitreufès s etendoient-
jufques fur la France, malheureufe alors & déchirée
par le gouvernement féodal ', qui ne fut-jamais fart
pour fes habitans ; il lui donna la qualité.de vicaire-
de.l’empire. On voit combien la couronne impériale ,-
dépourvue de fes anciens privilèges ,- jettoit encore'
d’éclat., puifqu’Edouard, l’un des plus grands princes
qui aient régné en Angleterre , s’honorait- du trtre
de vicaire de Louis. Les frayeurs de Philippe , que les
Anglois-attaquoient dans le centre de fes états, ren
. dirent l’ambition du roi de Bohême moins aétive,
L'empereur ayant ainfi détourné-l’orage fur fes voi--
fins,. négocia avec la cour d’Avignon. ^Benoît avoit
des fentimsnts pacifiques ; mais enchante par^ Phi
lippedont il étoit ne fujet, il n’ofa confentir a une
réconciliation , & ce fut aux craintes que le pape
; avoit de défobliger la cour de France , que l'Allemagne
dut fa liberté. Louis, dont la main habile di-
1 rigeoit les coups du fier Edouard, enchama..avec là-
-meme facilitéTéfprit des princes allemands, qui tant
; de fois s’étoient armés contre fès predeceffeurs. Aflei
; maître de lui-même pour étouffer fon reffentiment-
lorfqu’il étoit contraire à fes intérêts, i l .digérait- tous-.
■ les défàgréments'que lui faifoit effuyer fa cour.'d’A vr-
.gnon. Dès qu’tl s’apperçut que tous Iss-effrits-étorenst
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