
*e qui lui «voit paru de la pédanterie, ne lu! parut
plus qu’une raifon aimable ; & ce qu’il avoit pris pour
du bel-e(prit, ne fut plus que du bon ef'prit. Elle étoit
gouvernante des enfants que Madame de -Montefpan
avoit eus du roi , & le roi fut fur-tout frappé d’un
mot que lui dit lç petit duc du Maine. Cétoit un
enfant férieux & fenié. Vous êtes bien raifonnable,
lui dit un jour > le roi. Comment ne le ferais- je pas,
reprit l’enfant, fa i une gouvernante qui efl la raifon
même. Ce mot, qui lui fail'oit connoître combien cette
femme favoit fe faire aimer & reipeéter defes élèves,
preduifit tout fon effet ; le roi, dès ce moment, lui
deftma des gtaces , & voulut que le duc du Maine
eût le mérite & le plaifir de les lui annoncer. Ce fut
de ces libéralités du roi , ménagées avec une fage
prévoyance , qu’elle acheta en 1674 | la terre de
Maintenon, dont elle prit le nom, &. qui, lorlque ion
crédit bit devenu prédominant, la fit appeller par les
courtifans : Madame de Maintenant. Ce crédit parvint
à éclipfer peu - à - peu, puis à décréditer tout-à-feit
celui de Madame de Montefpan ; & comme cette
femme avoit été la bienfaitrice & fon intrôduétrice
auprès de Louis X IV , on ne manqua pas d’accufer
Madame de Maintenon d’ingratitude , & de iùppofer
qu’elle avoit mis beaucoup d’art à fupplanter une rivale
à qui,elle deyoit tout. Cette idée eri même très-
naturelle , en n’envifageant le fait que dans fa généralité.
Mais ce font les incidents & les détails qui
expliquent tout : on conçoit combien une femme
altière, violente , capricieufe devoir rendre malheureux
, d’un côté le grand roi qu’elle tenoit dans fes
fers, & qui depuis long - temps ne faifoit plus qu’y
languir ; de l’autre, la femme que la fortune mettoit
dans là dépendance ; combien, par conféquent, eile
les pouffoit, pour ainfi dire, l’un vers l’autre ? Dans
leurs peines communes, dont la caufe étoit la même ,
& dont ils ne poûvoient le plaindre à perfcnne,
rn’étoient-ils pas le confident naturel & le confolateur-
né l’un de l’autre ? Quand on a louffert enfemble , on
fe devient fi néceflaire ! on eftfi prés de s’aimer ! Dans
les chagrins que l’aigreur , les caprices , l’humeur
donnent à ceux qui en font les viéiimes, la douceur,
la raifon, la complaifance font fi précieufesf &. fi
aimables ! Dans le cas particulier dent il s’agit, le
contrafle rendoit le mal fi infupportable , & indiquoit
fi fortement le remède , que l’on conçoit aiiément que
cette inclination a pu naître & fè former de la manière
la plus innocente, & fans le fecours d’aucun artifice.
lis peuvent avoir rérifté long-temps ; elle, par le
fouvenir des anciens bienfaits de cette femme ; lui,
par fit tendreffe pour tant de gages précieux, qui,
nés de l’amour, fembloient devoir en être de nouveaux
noeuds :
Peut-être on t'a conté la fameufè difgrace
De l’altière Vafthi dont j’occupe la place ,
Lorlque le roi contr’elle enflammé de dépit,
La chaffa de fon trône ainfi que de fon lit;
Mais il ne put ficôt en bannir la penfée ,
Yarihi régna long-temps dans fon ame ©flfenfée»
Ces vers fuppofent des combats ; & fi amifttf j
d’un âge mur , & qui n’étoient pas entraînés par une
paffion aveugle , ont foffifammem combattu , que
peut-on leur reproche/ ?
Quant au mariage , l’intrigue a pu le fuggérer;
mais la décence , le refpeft de la religion & des moeurs
ont pu le prefcrire ; &. quand un motif honnête fuffit
pour rendre compte raifonnablement d’un fait, pourquoi
courir le rilque de calomnier , en fuppofant uj»
motif mal-honnête ?
Dans les difgraces de la guerre de 1701 , le roi
paroît enfin fenfible aux malheurs de fa nation ; peut-
être faut-il faire honneur en partie de ces nouveaux
fentiments de Loui? XIV , à cette femme qu’on a
tant aceufée de lui avoir fait facrifier les devoirs de
la royauté aux devoirs de la religion. Peut - être
en l’arrachant au tumulte des camps, à la diffipation
des fêtes, en l’éloignant des plaifirs , en l’accoutumant
à la retraite & au recuçillemeiit, nourrit-elle dans
l’ame de ce prince cette fenfibilité inconnue, cette
cempaffion pour les malheureux., fur-tout cet amour
pour le peuple , la première des vertus royales.
Louis, dans le cours de fes profpérités , &. fous
l’empire de la marquife de Montefpan , avoit paru
plus rempli du fentiment de fa grandeur & de fa
puiffance, que touché des maux de' fes peuples.
On voit avec douleur , ‘au milieu des exploits &
des triomphés de cette brillante & injurie guerre de
1672, , le roi faire la guerre à fes propres fujets en
Bretagne, pour leur arracher des fubfides mille fois
abforbés , non par 1# beloins de l’état, mais par les
dépenlès faflueufes qu’on faifoit alors à Verfaiiles , à
Clagni, àTrianon.Le coeur fe foulèyé, quand on lit
dans les lettres de Madame de Sévigné , i’hiftoire de
ce malheureux artifan , qui, faifi d’un accès de rage,
parce qu’on vient de lui enlever fon échelle & Ion
lit pour un impôt qu’il n’a pu payer , égorge trois
de lès enfants , fe défefpère de ce que fa femme
& un autre de lès enfants ont pu lui échapper, &
ne porte au fopplice que le regret de laiffer au monde
apres lui ces deux infortunés. Le foulèvement redouble,
lorlqu’à côté de cette aventure, on trouve les détails
du luxe de la cour , & cette profuficn fcandaleufe
d’or circulant fur toutes les tables de jeu à Verfaiiles.
Ces contraries irritants , ces difparités révoltantes
n’affligent plus les yeux fous le gouvernement de la
décente &. modefte Maintenon.
Si elle jetta le roi dans ces querelles théologiques
qui fouillent fur-tout la fin de fon règne, elle eut grand
tort.
Si elle fit râppeller Catinat &. employer Villeroy ,
elle eut grand tort.
Si elle fit employer & conferver dix ans Chamillart,
elle eut grand tort.
Au refte, ri elle avoit ufé d’artifices pour parvenir
à la foprême puiffance , elle en fut bien punie par
rimpofflbilité d’en jouir ; elle avoue qu’elle fut dans
l’ivrerie pendant trois femaines ; mais promptement
défabufée, & ne pouvant plus voir les chofes que
comme elles étoient, elle fe fentù très-malheureufe.
QvCl
Quei fiipplice , difoit-elle a Madame de Bolmgbrolce ,
fo nièce , que l'emploi d'amufer un homme qui ne fl
plus âmufable ! Je n’y puis plus tenir , difoit-elle un
fourau comte d’Aubigné, fon frère, jevoudrois être
7no fte-----Vous avé£ donc parole, répondit d’Aubigne,
d’époufer Dieu le père. On voit,q:iie d’Aubigné parloit
de grandeur quand on lui parloit de bonheur. Elle
fe confoloit en fondant Saint - C yr en faveur des.
jeunes" filles nobles qui fe trouva oiert comme elle
dans la pauvreté. Ç ’eridans une pièce faite pour Saint-
Cyr , que Racine difoit :
Comme eux vous fûtes pauvre & ço'mme eux orphelin.
Çe pouvoir .de foire du bien fut pour elle un dédommagement
auquel elle parut fenfible.^ Ma place,
difoit-elle , a bien des côtés.fâcheux , mais du moins
elle me procure le plaifir de. donner. _
XJn de fes chagrins fut que le comte d’Aubigne
fon frère , ne répondoit point par fes talents, aux
vues qu’elle avoit fur lui ; elle le combla de biens.
fans oler l’élever aux honneurs delà guerre. Madame
de Montefpan , plus heureufe, avoit trouvé dans ries
fervices du duc de Vivonne fon frère , plus qu’un
prétexte pour l’élevêr a la dignité de maréchal de
Franche ; d’Aubigné étoit envieux de l ’ é lé v a t io n 'de
Vivonne, 8tVivonne l’étoit des ri'cheffesde d’Aubigné.
■ Un jour qu’ils joûoient enfemble , d’Aubigné mit beaucoup
d’argent fur une' tarte ; & Vivonne s’ écria ; il
il ny a que d’Aubigné qui puiffe mettre fur une carte
Une pareille fomme. I l efl Vrai, répondit brufquement
d’Aubigné , c’efl que fl aï reçu mon bâton de maréchal
de France en argent. Ce fut la-fille du comte d’Aubigné |
nommée Françoifè comme fa tante, qui epoufa 6n 1698,
le duc , depuis maréchal de Noailles, .père des deux
maréchaux de Noailles d’aujourd’hui. ' - e
- Une tante de Madame de Maintenon , ^ ( Artemife
d’Aubigné ) avoit épouféBenjamin de Valois, marquis
de Villette. Sa petite-fille ', Marthe - Marguerite de
Valcis de Villette , élevée par Madame de Maintenon,
fit mariée par elle à Jean-Anne de Tubiere , marquis
de Cayîus ; élle fut mère de feu M. le comte de
Caylus ; elle eri l’auteur des Souvenirs , imprimés en
1770. Ces Souvenirs ne font pas toujours egalement
favorables à Madame de Maintenon ; elle convient
qu’on accufoit fa tante d’avoir eu dans fa jeunefle,
plufieurs amants ; - elle raconte avec complaifance, que
M. de Làiïay, en bon çourtifan , «’échauffant beaucoup
dans un cercle nombreux contre ces imputations, &
répétant jufqua fatiété , que pour lui il étoit'fûr
qu’elles étoient toutes calomnieufes, Madame de Laffay,
fa femme, que çe propos ennuyoit, ainfi que les autres,
lui dit d’un air nonchalant Mais, Monfleur , comment
•"faites-vous donc pour être f l fur de ces chofes-là ? On
voitdans ces Souvenirs ,.la confirmation que l’hiltoire
de la lettre qui fit la fortune de Madame de Maintenon,
n’eft qu’une fable populaire. Sans doute les lettres que
Madame de Maintenon écrivoit à Louis X IV , au fujet
de fes enfants , contribuèrent à donner à ce prince du
pour fon caraélère ; mais d^ns Je conte en
Hifloire» Joute 11 h
queftlon, il s’agiffoit d’une lettre d’amour écrite au
roi pour Madame de Montefpan , & que le roi reconnut
pour être d’une autre , parce qu elle étoit trop
ingénieufe & trop bien tournée pour Madame de
Montefpan. Ceri donner une idée bien fauffe de l’efprit
de cette femme célèbre, qui avoit dans un degré distingué
, ce qu’on appelloit alors ïefprit des Mortemart.
Ces deux femmes , entre lefquelles une grande rivalité
fit naître une haine fi forte, avoient naturellement
beaucoup d’attrait l’une pour l'autre, & cet- attr ait
tenoit. for-tout au rapport de leurs elprits & au charme
mutuel de leur entretien. Dans le temps de leur plu«
grande haine, à un voyage de .Fontainebleau , il y
eut un arrangement de voitures fait à deffein ou p ar
hazard , d’où il réfulta qu elles 'partirent enfemble &
tête-à-tête, pour Fontainebleau dans une même v o iture
; après un moment d’embarras, Madame de M on-
tefoan dit à Madame de Maintenon : « Madame , 11e
» foyons point les dupes de cette aventure-ci ; &
» puifque nous femmes condamnées à voyager en -
» femble , tirons parti l’üne de l’autre; j’aime votre
» entretien ; le mien ne vous déplaît pas : caufons
jj A notre arrivée , nous reprendrons notre haine 6c
jj nos hoftilités
On connoît lés Mémoires de M. de la Beaumelle
p.our fervir à l’hiftoire de Madame de Maintenon, 8c
les lettres de Madame de Maintenon que ces Mémoires
accompagnent. Tout cela , non plus que tes Souvenirs
de Madame de Caylus , ne réfout pas 1e problème que
nous avons propofé au commencement de cet article
fur le çaràélère de Madame de Maintenon. Ce qui
favorife l’idée qu’elle étoit très-artificieufe ., c’eri ce
mot qu’on a retenu d’elle, & qui contient tout le
machiavelifoie de la coquetterie « Je le renvoie tou--
jj jours affâgé, jamais défefpéré. C ’étoit de Louis XIV;
qu’ elle parloit, &. c étoit avant“ le mariage.
Après la mort de ce prince , elle choifit la retraite
que liai indiquoient fes propres bienfaits ; elle fe retira
dans la maifon de Saint <-C yr , où elle jouit d’uu
empire, plus borné , mais plus abfolu, plus entier,
quin’ étoit fujet à aucuns orages, à aucuns revers, à
aucuns dégoûts, & qui jamais ne lui fit dire ; Je
voudrois être morte. Elle y- mourut en 1719 ;a quatro
viijgt-quatre ans. Objet de vénération, d’amour & de
reconnoiffance, elle“y mourut au milieu des plus tendres
foins de fes filles adoptives, &. des bénédidion*
des pauvres.
MAÏNUS , ( Jafon ) ( Hifl. Litt. mod, ) jurifeon-
folte italien, dont on à des Commentaires fur les Pan*
deêles & fur le code de Juflinien. Il enfeignoit le. droit
en Italie, avec’ tant de réputation , que Louis XII
étant dans ce pays, vint le voir & l’entendre dans
fon école. Il lui témoigna de l’eftime & de l’intérêt,
& lui demanda entr’autres chofes , pourquoi il nç
s’étoit pas marié ? Ceft9 lui répOncit-il, pour obtenir
la pourpre, à votre reeo/nmandation. Il avoit pris pour
devife .:
Virtuti fortuna copies nqn déficit. fe