
ligris contre le pontife, il afïembla les feigneurs tant
çccléfiafllques que fécuüers , & leur ayant fait confi-
xierer que les outrages portés à fa perfonne étoient
pne taçhe qui s’étendait fur eux , il les détermina
a déclarer ; « que cTui qui a été élu empereur par le
plus gra.id nombre eft véritable empereur , que la
xonfirmition du pape eft inutile , que le pape n’a
^ucun droit de dépoter l’empereur, que.l’opinion contraire
efi un crime de leze-majeflé ». Cette loi utile,
meme néceflaire, fut confirmée à Francfort ( 2 août
*338 ) » dans une affemblée générale. Elle affigna de
juiles limites au ponj.ficat j & le facerdoce & l’eiripire ,
que J es empereurs & les papes s’efforçoient de confondre
en ambitionnant la fupériorité l’un fur l’autre
devinrent deux puiffanpes diflinéles & féparées. Les
Allemands s’attaquèrent moins fréquemment au trône
de leur fouverain , & Rome ne vit plus lès autels
teints du feng de fes prêtrgs.
Louis voyant fon trône affermi par cette nouvelle
fonflitution, montra une fermeté qui eût été dange-
l-eufe auparavant. Il leva de fa propre autorité fex-
eommunication fulminée contre lui par Jean XXII
ratifiée par Benoit XII , & purgea les églîlès d’une
multitude de prêtres indociles. Alarmé des progrès
d’Edouard, il lui retira le vicariat , & rechercha
l’amitié du pape, afin fans doute qu’il lui permît de
travailler au rétabliflèment de l’autorité impériale en
Jtalie, où elle étoit prefque entièrement méconnue.
Clément Vl-yenoit de fuçcéder à Benoît XII ; pe -
nouveau pontife, enchaîné par fes .égards pour Phi-
Üppe , qui d’abord f avoir fait archevêque de Rouen,
fe refùià à une réconciliation , &. fùîvit les procès
dures de Jean XXÎÏ „contre lui. Il foliicita même
l’archeyêque de Trêves de faire en Allemagne un
nouvel empereur : il excite Jean de Luxembourg ,
devenu moins redoutable depuis qu’il .avoit perdu la
vue y mais noja pas moins ambitjeux : il flatte le duc
de Saxe, &. réveille la haine de la maifon d’Autriche
contre îa maifon de Bayiere. Apres plufieurs trames
feerettes & publiques ? il publie contre l’empereur
un manifefle rempli d’imprécations non .moins in-
fuftes qu'indécentes : « Que la coler^âe Dieu, ( ç’eft
a:nfj que s’expnmoît cet' implacable - pontjfe ) , celle
» de feint pierre & de faint Paul tombe ïiir lui dans
?? p monde & dans l’autre ; qiie'la terre s’ouvre &
» l epgloutifle tout viyant ; que fa mémoire périflë ;
» que tous les éléments s’arment pour le porpbattre ;
I? fes enfants tombent dans les ma’ns des ennemis
?> aqx yèqx de leur père ». La maifon de Luxem-
bçurg avoit trop d’intérêt dans 1| révolution qu’on
projettoit, pour pbfervçr fe neutralité. Les factieux
appelloient le marquis de Moravie , Çharles, fils du
roi Jean de Bohême , au trône impérial. Çé prinpe
eut une conférence avec Clément V I , & obtint fon
jijffrage, à condition qu’il çafferoit les fages ordonnances
de l’empereur , reçonnojtroit que le pointé j
d’Avknon appartenoit p droit |u S. "Siège, ainfi
que Ferrure & les autres biens' qui anciennement
»voient appartenu a la comteffe Mathilde . nom fameux
IpÜ le.f gjinaJes de l'empire ? par les défprdre? que
cette princefïe y avoit occafionnés : il le eonfirmoit'
encore dans tous les droits que le pape s’arrogeoit
fur le royaume de Sardaigne, de Sicile .<& de Corfe.
Il fut encore fiipulé que fi l’empereur alioit à Rome
pour s’y fa re Couronner, il ne pourroit y féjüurnéf
plus d’un jour, <ÿç que jama's il.n’y rentreroit fans
1 agrément ou plutôt fans la permiflion expreffe du
pape.
. Ee marquis de Moravie s’éfant a/Turé de l’inclination
du pape par ce traité suffi lâche que- perfide ,
écrivit à l’archevêque de Treves , fon oncle, qui ne
put réfifter, ;à la tentation de vpir.fon neveu fur le
premier trône du monde. Yalderan.de Juliers, archevêque
de Cologne , .eonfèntit à trahir fon fouverain
pour un motif moins excufeble, I f reçut mille marçs
d’a r g e n t& fe jetta dans le parti d/s faétieux qui,
dans une affemblée tumultueufe , tenue à Rentz ,
près de Coblentz , proclamèrent roi des Romains
- Charles de Luxembourg, marquis de Moravie. Les
cérémonies du fa.cre furent .célébrées à Bonn, la ville
de Cologne ayant refufé de recevoir les rebelles
dans fes murs, quoique fon archevêque fût parmi
eux.
Ce parti que l’on pcqvoit bien appeîler celui dn
pape, étoit fort inférieur à Celui de Louis. Tous lès
princes, tant eccléfiafliques que fécuîiers , excepté
ceux que nous venons de nommer montrèrent une ‘
fidélité incorruptible, Ils voyoient de mauvais oeil
qu’on pprtoit atteinte à la confi'tution qui étoit én
quelque forte leur ouvrage } ils fécondèrent l’empereur
de - toutes leurs fore.s. T e marquis de Brandèr
bourg fon fils, remporta une vifloire complette fur
. les rebelles, quoiqu’ils fufTent commandés par leur
chef. Louis, vainqueur par les armés de fon fils ,
n’eut pas le bonheur de voir la fin d’une guerre commencée
fous ces heureux aufpices. Un accident termina
fa vie glprieufe : il mourut a -la çhafle d’une
: chute de cheval , ôt Ait enterré à Munich : il étoit
dans la fçixantçrtroifiéme année de fon acre , & la
tre-nte-troifiéme de fon régné. L’impératrice Beatrix
fa femme , fille de JfenriTlI, duc de Glogaü, lui
donna deux princes & deux princeffes , favojr, Louis,
l’aînç , .éiefleur .& marquis de Brandebburg , qui
vainquit Charles de Luxembourg ; Etienne , : duc dè
Bavière, fpuçîie de la maifon éleûorale & ducale de
.cette province j Anne , qui fut mariée à Martin de
l’Efcale , fils de Canis de l’Efcale , comte de Vérone j
& Mathilde,, qu’époufa Frédéric-Je-févère . marquis
de Mifnie. L’impératrice Marguerite , fa fécondé
femme ( én 13 24 ), fille & héritière unique de Guil»
laiime JII, pointe dè Holfancle, lui donna quatre fils
<§£ une fille, favoir, puiîlaume & Albert , comtes
de Hollande, Louis-le-Romain & Othôn, éleéleurs
de Brandebourg ; Elifabeth qui fut fuccefifvement
femme de Jean, dernier duc delà baffe-Bavière &
d’Olri XI , comte de Virtemberg.
Quoique .les Suïffes èuffent feçoué le joug fous fon
prédécèffeur , c’efl cependant fous fon règne qu’on
doit placer l’époque de la liberté de cette nation auffi
fage ^qe belliqueufe, i-çuis leu? en çonnrtria l’inefi
HPflblg
tîmable privilège dans la diète de Nuremberg, pour
fe les rendre favorables contre Frédéric d’Autriche
fon concurrent.
Une loi défendoit à fes fucceffeurs de refier dans
leurs états héréditaires , & les obligeoit de voyager
de ville en ville, & de province en province. Les
leigneurs qui dévoient défrayer la cour pendant fes
voyages , virent avec plaifir qu’il ne s’y conformoit
;pas : en effet, il réfida conftamment dans fes états
de Bavière, à moins que quelque nécefiîie preffante
ne le forçât d’en fortir. On croit que c’eft le premier
qui fe foit fervi dans fes fceaux de “deux aigles en
forme de fupport. Venceflas les changea & les redu’fit
en une aigle à deux têtes. ^ .
Ce fut fous fort régné que/parut le célébré R^i?-1 ,
cet homme prodigieux qui né dans la Baffefle s qleva
à la dignité dé-tribun qu’il fit revivre , prétendit rap-
peller dans Rome dégradée les vertus & la »valeur
de fes premiers habitais -, & rendre a cette ancienne
capitale du monde fon premier empire. Il eut allez
de confiance pour citer à fon tribunal & 1 empereur
& le pape, & allez de crédit pour fe rendre redoutable
.à .ces deux puiflances. (Af-F )
Louis le pieux ou le Débonnaire, ( Hifloire de
France & £ Allemagne. ) IIe empereur d Occident
depuis. Charlemagne & XXIVe roi de France , ne
l’an 778, de Charlemagne ; & d’Hildegarde , nommé
empereur pàr fon père en 813 confirmé par la nation
en 814 , mort le 20 juin 840, âgé de 63 ans après
un régné de 27 ans.
Ce prince étoit dans l’Aquitaine, qu’il gouvernoit
depuis fon enfance avec le titre • augulle de roi ,
lorlqu’il apprit la mort de Charlemagne fon. père : il
fe rendit auffi-tôt à Aix-la-chapelle , & rompit les
mefures de plufieurs courtifans qui pouvoient l’eloigner
du trône de l’empire : il prit des précautions qui font
foupçonner qu’on avoit cpnfpiré pour lui ravir le ;
diadème. Louis voulut commencer fon régné par réformer
fa famille : fes foeurs, pour fe dédommager
du célibat où la négligence de leur père les avoit
laiffées, fe livroient à leurs penchants. Leur vie licen-
cieufe humilioit ce monarque qui les confina dans un
cloître’ : leurs amans languirent dans les priions, &
plufieurs même perdirent la vie. Cette rigueur exercée
fur les principaux feigneurs , fit beaucoup de mécon-
tens, & en rétabliflant les moeurs, Louis jetta les
femences de la révolte.
Le régné de Charlemagne n’avoit été qu’un enchaînement
du guerres, & les loix avoient beaucoup
perdu de leur vigueur : des citoyens avoient été livrés à l’oppreflîon ôt à la fervitude : les vols, les rapts
étoient refiés impunis. Louis fit choix de magiflrats
intègres qui parcoururent les province!. Alors lés loet
reprirent leur activité. Les biens üfurpés furent rendus,
& les citoyens opprimés trouvèrent un vengeur contre
l ’injuflice des grands.
Le premier foin de Louis t après qu’il eut rétabli le
bon -brdre.,; fut d’affurer l’ïndivifib'ilitê de la monarchie
dans la main des aînés. Il avoit vu les défordres
que le partage de l’autorité avoit occafionnés dans
tiifiwre, Tome III.
l’empire fous la première race : ce fut pour les empêcher
de -renaître , qu’il fe donna pour collègue
Lotaire fon aîné, & qu’il le déclara empereur : il
ne donna à Louis &. à Pépin , fes pûmes, que le titre
dé rois qui ne devoit pa^es d fpenfer de l’obéiffance.
Louis, pour faire voir qu’il ne vouloir qu’un fou!
maître dans la monarchie, & que la qualité de roi
devoit être fubordonnée à celle d’empereur, exigea
l’hommage de la part de fon neveu Bernard, que
Charlemagne avoit fait roi d’Italie : il le punit du
dernier fupplice, pour avoir .refufé/ de le rendre, ou
pour l’avoir rendu de mauvaifé, grâce. Telles étoient
les vues politiques de Louis le Débonnaire , & telle
fut la rigueur des premières années de fon régné.
Un fils qu’il eut de Judith fa ficonde femme, rendit
inutiles les foins qu’il prenoit pour conferver fes
états dans le calme de la paix. Cet enfant fut la caufe
ou plutôt l’occafion de bien des troubles : on ne
pouvoit lui refùfer , fans injuftice , le titre de ro: 3
On ne pouvoit non plus lui faire un apanage , fans
réformer le partage de la fucceflion déjà fait entre
les fils du premier lit : Lotaire & fes frères fe refusèrent
à un aéle auffi légitime. Les prélats accoutumés
à la licence fous les régnés précédens, fe plai-
gnoient de la févérité du monarque , qui leur prescrivit
l’obfervance ûri&e des canons : d’un autre
côté, les feigneurs attachés aux rois d’Aquitaine &
de Bavière , ne voyoient qu’avec peine la réunion
de la monarchie dans la main de l’empereur, parce
qu’alors ils avoient deux maîtres, leur roi d’abord ,
enfùitë l’empereur : pour les feigneurs de la fuite de
Lotaire, ils auroient voulu qu’il eût joui dès-lors de
toutes les prérogatives attachées à la dignité impériale :
mais fon père ne lui avoit donné le titre d’empereur ,
que pour lui aflùrer le fouverain pouvoir lorfqu’il ne
feroit plus, & non pas pour le partager avec lui :
on voit donc que les feigneurs & les prélats avoient
de puiffans motifs de fe déclarer contre le monarque :
la plupart fe rangèrent du côté de fes fils. Le pape
ennemi, tantôt fecret, tantôt déclaré de, la cour de
France, prit le parti de Lotaire : ce n’étoit pas par
amour pour ce prince, il efpéroit profiter des défordres
des. guerres civiles pour achever l’ouvrage de
l’indépendance de fa cour, çommencé par fes prédé-
cefîèurs. Telles furent les véritables caufes des tragédies
, dont Louis fut la principale viétime. Deux fois
ce prince, fans contredit le meilleur de ceux qui font
montés fur le tr :ne impérial, fe vit prifonnier de fes
propres fils : ce n’efl pas qu’il manquât de courage
& d’expérience dans l’art militaire ; il avoit fait les
preuves : fon règne en Aquitaine avoit été celui
d’un héros & d’un fage. Mais le coeur trop fenfible
de Louis ne lui permettoit pas de foutenir le fpec-
tacle d’une guerre civile où il avoit contre lui fes propres
enfans qui l’attaquoient avec des armes de toute
efpèce. Le pape, c’étoit Grégoire IV , pafla les Alpes,
& fe rendit au camp des fils. Cette première de-
marche confacroit la révolte , c’étoit au père qu’il
eût dû parler d’abord. Après qu’il fe fut abouché avec
Lotaire, il fe rendit auprès de , Louis, dont on coa