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daine ; mais le voyage de Magellan dérangea cette
ligne. Les îles Marianes, les Philippines , les Mo-
luques , fe trouvoient k l’orient des découvertes por-
tugaifes. 11 fallut donc tracer une autre ligne., qu’on
nomme la ligne de démarcation ; il n’en .coûtoit rien
à la cour de Rome de marquer & de démarquer.
Toutes ces lignes furent encore dérangées, lorsque
les Portugais abordèrent au Bréfil. Elles ne furent
pas plus refpe.ôées par les Hollandois qui débar- -
quèrent aux Indes orientales , par les François & p a r
les Anglois qui s’ établirent enfoite dans l’Amérique
feptentrionale. Il eft vrai qu’ ils n’ ont fait que glaner
après les riches moiffons des Efpag-nols ; mais enfin
ils y ont eu des établilTemens confidérables, & il
en ont encore aujourdhui.
Le funefte effet de toutes ces découvertes & de
ces tranfplantations , a été que nos nations commerçantes
fe font fait la guerre en Amérique & en A f ie ,
toutes les fois qu’ elles fe la font faite en Europe, &
elles ont réciproquement détruit leurs colonies naife
fantes. Les premiers voyages ont eu pour objet d’unir
toutes les nations. Les damiers ont été entrepris
pour nous détruire au bout du monde ; ,fi l’ ef-
prit qui règne dans les confeils des puiffances maritimes
continue, il n’eft pas douteux qu’on doit parvenir
au fuçcès de ce projet,, .dont les peuples de l’Europe
payeront la trifte dépenfe. (D . J. )
O G N E R O L L E S , ( Jean le V o y e r , feigneur d e )
( jHifi. de France ) élevé par la faveur dy duc d’Anjo
u , qui fut depuis le roi Henri I I I , il devint gentilhomme
de la chambfe du ro i, chevalier de l’or.dre ,
capitaine d’homme d’armes §c gouverneur du Bour-
bonnois. Sa mort eft une des cirçonftances qui prouvent
la diffimulation affreufe dont ufa Charles I X ,
dans l’affaire de la faint Barthélemy, & qui montrent
combien un grand crime traîne à fa fuite de
crimes accefloires, L e duc d’An jou , qui étoit dans le
fecret des réfolutions prifes contre les prot.ftans, avoit
eu rindîfcréticn d’en révéler une partie à Lignerqlles ,
fon favori : cdui-ci eut la vanité de vouloir forcer
la confiance du r o i , en lui fanant connoître qu’il
fàvo'it fon fecret ; le roi feignit de ne le pas entendre,
. &. fe hâta de faire tuer Lignerolles par Georges de
Villequier , vicomte de la (îuerche , & Charles ,
comte , de Mansfeld, lès' ennemis perfonnels, qui l’ at-
. taquerent au milieu de la rue à Bourgueil en Anjou ,
. fous les yeux de la .cour qui étoit pour lors ( en 15 7 1 . )
dans ce lieu. Les aflaffins forent mis ën prifon , le
roi parut d’ abord irrité de leur attentat ; mais il leur
fit grâce, ,8c il n’en fut plus parlé.
LIGUE , la , ( Hiß. de France. ) on nomme ainfi
par excellence toutes les confédérations qui fe formèrent
dans les troubles du royaume contre Henri III.
& contre Henri IV. depuis 1576 jufqu’en 1-593*
O n appella ces faéHons la fdinte union ou la fainte
ligue ; les zélés catholiques .eh forent les inftrumens,
les nouveaux religieux les trompettes , _& les Lçr-
rains les conducteurs. La molleffe d’Henri III. lui
foifife prendre i’accroiffement, & la reine mère y
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donna la main ; le pape 8c le roi d’Efpa^fie la fou-
tinrent de toute leur autorité.; ce dernier a caufe de
la liaifon des caîviniftes de France avec les confédérés
des pays-bas ; l’autre par la crainte qu’il eut de
ces memes huguenots, qui, s’ils devenoient les plus
forts , auroient bientôt fappé fa puiffançe. A b: égeons
tous ces faits que j’ai recueillis par la leéfore de plus
de trente hiftoriens.
Depuis le maftacre de la faint Barthélemy , le
royaume étoit tombé dans une affreufe confofion, à
laquelle Henri III. mit le .comble à fon retour de
Pologne,. La nation fot accablée d’édits burfaux, les
.campagnes défblées par la foldatefque, les villes par
la rapacité des financiers, l’églife par la fimonie ÔC
le fcandale.
Cet excès d’opprobre enhardit lé duc Henri de
Guife à former la ligue projetée par fon oncle le cardinal
de Lorraine , 8c à s’éleyer fur les ruines d’un
état fi mal gouverné. Il étoit devenu le chef de la
maifon de Lorraine en France , ayant le crédit en
main, vivant dans un temps où tout refpiroit les
fa&ions ; Henri de Guife étoit fait pour elle. Il avoit,
dit-on, toutes les qualités de fon pere avec une ambition
plus, adroite, plus artifiçieufe & plus effrénée,
telle enfin, qu’après avoir caufémille piaux au royaume,
il tomba dans le précipice. ,
On lui donne la plus belle figure du monde, une
éloquence, infinuante , qui dans le particulier triom-
phoit de tous les coeurs ; une libéralité qui alloit juf*
qu’à la profofion, un train magnifique, une pohtefle
infinie., & un air de dignité dans toutes fes allions ;
fin 8c prudent dans les cpnfeils, prompt dans l’exécution
, fecret ou plutôt diflimule fous l’apparence
de la franchife ; du refte accoutumé à fouffrir également
le froid 8c le chaud , la faim 8c la foif, dormant
peu , travaillant fans ceffe , & fi habile à manier
les affaires, que les plus importantes ne fem-
bloient être pour lui qu’un badinage. La France , dit
Ba lzac , étoit folle de cet ho.mme-là; car ç’eft trop
peu de dire amoureufe ; une telle paffion alloit bien
près de l’idolâtrie. Un courtifan de ce règne préten-
doii: que les huguenots étoient de la ligue quand ils
regardoient le duc de Guife. C ’eft de fon pere'8c de
lui que la maréchale de Retz difoit, qu’auprès d’eux
tous les autres princes paroifloient peuple.
Ou vantoit auffi la générofité ue fon coeur ; mais
il n’en donna pas un exemple, quand il inveftit lui—
même la ma fon de l’amiral de Coligny., 8c qu’attendant
dans la cour l’exécution de Y’afïaflïnat de ce
grand homme , qu’il fit commettre par fon valet
( Befme ) , il cria qu’on jettât le cadavre par les
fenêtres, pour s’en affiirer 8c le voir à fes pieds : tel
étoit le duc de Guife, à qui la foif de régner appla-
nit tous les chemins du crime.
U commença par propofer la ligue dans Paris, fit
courir chez les bourgeois, qu’il avoit déjà gagnés par
I fes largefles, des papiers qui contenoient un projet
| d’aflociation, pour défendre la religion, le roi 8c la
liberté de l’état, ceft-à’-dire pour opprimer à la fois
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le roi & l'état, par les armes de la religion ; îa ligue
fut enfuite Lignée folemnellemedt à Péronne, Ôc dans
prefque toute la Picardie , par les menées 8c le crédit
de d’Humiëres, gouverneur de la province. Il ne fot
pas difficile d’engager la Champagne & la Bourgogne
dans cette aflbciatiôn, les Guifes y étoient abfolus.
La Tremoille y porta le Poitou , & bientôt après
toutes les autres provinces y entrèrent, -
L é .ro i craignant que les états ne nommaffent le
duc de Guife a la tête du parti qui voyloit lui ravir
la liberté, crut faire un coup d’etat, en fignant lui-
même la ligtie, de peur qu’ elle rte l’écralat. Il devint,
de ro i, chef de cabale, & de pere commun, ennemi
de fes propres fujets. Il igiiorpit que les princes
doivent veiller fur les ligues, & n’y jamais entrer.
Les rois font la planète centrale qui entraîne tous les
globes dans fon tourbillon ; ceux-ci ont un mouvement
particulier , mais toujours lent 8c fobordonné à la
marche uniforme 8c rapide du premier mobile. En
vain , dans la fuite., Henri 111. voulut arrêter les
progrès de cette ligue : il ne lut pas y travailler ni
l’éteindre ; elle éclata contre foi, 8c fut caufe de faperte,
Comme le premier deffein de la ligue étoit la
ruine des caîviniftes, on ne manqua pas d’en communiquer
avec dom Juan d’Autriche , q u i, allant
prendre poffeffion des Pays-bas, Le rendit déguifé à
Paris, pour en concerter avec le duc de Guife ; on
je conduifit de même avec le légat du pape. En
conféque nce la guerre fe renouyella’ contre lés pro-
teftans ; mais le roi s’étant embarqué trop légèrement
.dans ces nouvelles hoftilités, fit bientôt la paix, &
créa l’ordre du St, Efprit, comptant, par le. ferment
duquel s’engageoient les nouveaux chevaliers, d’avoir
un moyen sûr pour s’oppofer aux defleins de la ligue,
Cependant dans le même temps, il fe rendit odieux
&L méprilable, par fon genre de vie efféminé, par
fes confrairies, par fes pénitences', & par fes profor
fions .pour fes favoris, qui l’engagèrent à établir fans
néceffité des édits burfaux, & à les faire vérifier par
fon parlement.
Les peuples voyant que du trône & du lànéfoaire
de la juftice, il ne fortpit plus que des édits d’opr
preflion, perdirent peu à peu le refpeâ & l’ affeiftion
qu’ils portoient au prince 8c au parlement. Les chefs
de la ligue ne manquèrent pas de s’ en prévaloir, 8c
en recueillant ces édits onéreux , d’attifer le mépris
& l’averfion du peuple,
Henri lll. ne regnoit plus : fes mignons difpofoient
înfolemment & fouverainement des finances, pen-?
dant que la ligue catholique 8c les confédérés pro-
teftans fe faifoient la guerre malgré lui dans les pro-r
vinçes ; les maladies eontàgieufes & la famine fe
joignoient à tant de fléaux. C ’eft dans ces moments
de calamité, eiue, pour oppofer des favoris au duc
de Guife, il dépenfe quatre millions aux noces du duc
de Joyeufe. De nouveaux;- impôts qu’il mit à ce fujet,
changèrent 1>§ marques d’affeétion en haine' 8c -en
Indignation publique.
Dans çes conjonéfures , le duc d’Anjo.u fon frère,
$ n t dans les Pays-Bas, chercher au milieu d’une d(éfor
Hijfoire. J'orne J J J,
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lation non moins funefte, une principauté qu’il perdit
par une tyrannique imprudence, que fà mort foivit
de près.
Cette mort rendait le roi de Navarre le plus proche
héritier-de la couronne parce qu’on regardoit comme
une choie certaine, qu’Henri III. n’auroit point dVn-
fants, fer vit de prétexte au duc de G uife, pour le:
déclarer chef de la ligue , en faifànt craindre aux
François d’avoir pour roi un prince fépâré de l’Eglilè,
En même temps, le pape fulmina contre le roi de.
Navarre, 8ç le, prince de Condé, çétte. fameufe bulle-
dans laquelle il les appelle génération .bâtarde • & ,détef~,
table' de la maifon de Bourbon ; il les déclare eh con-;
féquence déchus de tout droit 8c de toute foccefîionj
La ligue profitant de cette , bulle , força le roi àr
poumiivre fon beau-frére qui vouloit le feeourir,
8c à féconder le duc de Guife qui voufoit le détrôner*'
. C e d u c , de fon co té , perfüada au vieux cardinal
de Bourbon, oncle du roi de Navarre , que la
jcouronne le regardoit , afin de fe donner le temps , à
l’abri de .ce. nom, d’agir, pour foi-même. Le vieux
cardinal, charmé de le çroire l’héritier préfotpptif
de la couronne , vint à aimer le duc de Guife comme
fon foutien, à haïr le roi de Navarre fon neveu 9
comme fon rival a 8c à lever l’étendard de la ligue
contre l’autorité royale , fans ménagementfans crainte
8c fans mefore.
Il fit plus; il prit en 1585 , dans un manifefte pub
lic , le titre de premier prince du fang ; & recotn-
mandoit aux François clé maintenir la couronne dans,
la branche catholique. Le manifefte étoit appuyé des
noms de plufieurs princes, 8c entr’autres, de ceux-
du roi d’Efpagne 8c du, .pape à la tête :, Henri III.
au. lieu d’oppofér 1 a force à cette infuite , fit fon.
apologie ; 8c les ligueurs s’emparèrentde; quelques
yilles du royaume, entr’autres, de Tours-8ç de [Verdun.
Ç ’eft .cette même année 1585 , qiie fe fit-I e:;ablif-
fétnent des Jeiqe , efpèce de ligue pariiculière pour..
Paris feulement, çompofée d e gens vendus au due
de G uife, 8c ennemis jurés de la royauté. Leur
audace alla, fi loin , que le lieutenant du’ prévôt de
I’île de France révéla au roi l’entreprife qu’ -is avoient
formée de lui Ôter la couronne 8c la liberté. Henri III,
fe. contenta de menaces, qui ppr-tèrent fes-:fem à
preffer le duç de Guife de revenir , à Paris. L e roi
écrivit deux lettres au du c, pour lui défendre d y venir.;
M. de Voltaire rapporte à ce fujet une: anecdote,
fort curieufe ; il nous apprend qu’Henri IIL [ordonna
qu’on dépêcliât fes deux lettres par deux cou r ie rs , 8c
que, comme on ne trouva point d’argent dans l’épargne
pour cette dépenfe néceffaire , on mit .les lettres à la
-pofte; de forte que lé duc, de Guife fe rendit à
Paris , ayant pour exçufe , qiril. n?avoit point reçu
d’ordre contraire.
De là foivit la journée des barricades , trop con-
nue^pour en faire le récit ; ç’eft affez de dire que le
duc de G u ife , fe piquant,de générofité , rendit tes
armes aux gardes du roi qui, fuivant le çonfeil de fe
mère, ou plutôt de fa frayeur , fe fauva en grand
défendre 8ç à toute bride | Chartres, Le duc, maîtig