
reftaurateur de la monarchie Suédoife ; c’étok par fon
confeil que Steenfture avoit donné des armes à feu, aiu
payfans qui, pour la plûpart , fe fervoient encore
d’arcs & de flèches. L’ulage de la poudre étoit connu
depuis long-temps dans le refte de l’Europe ; mais les
pays du nord ont toujours été les derniers à adopter
les arts , ■ &. plût au ciel que celui de détruire les
hommes ne s’y fût jamais introduit 1 Mais dans l’état
d’oppreffion où fe trouvoit la Suede , cet art fatal
devenoÿ|iun fléau nécefîaire. Déjà Guflave avoit taillé
en piècès quelques partis Danois. Chriftiern II l’honora
- de la haine. Ce prince vouloit rétablir Punion de
Calmar, régner fur les trois royaumes, & pour y
parvenir il n’étoit point de traite qu’il ne violât, de
crime qu’il ne commît, de fang qu’il ne fît couler. Réfolu
de s’afsûrer de la perfonne de Guflave , dont il preflen-
toit la haute deftinée , il propofa , l’an 1518 , une
entrevue à l’adminiftrateur dans la capitale même - de
la Suède > & feignant une défiance que lui feul méritait
, il exigea qu’on livrât Guflave en otage à fes fojets,
tandis qu’il négocierait avec Steenfture ; Guflave accepta
cette propofition,avec la confiance d’un jeune héros ,
qui ne peut concevoir une trahifon ; l’amiral Danois
l’invite à venir faluer le roi avant que fa majefté mette
pied à terre; Guflave faute dans la chaloupe , on le
préfènte à Chriftiern qui le fait défarmer , ainfi que
fix autres feigneurs que Chriftiern avoit demandés
pour otages , ou plutôt pour viétimes. Il tenta d’abord
de le .corrompre ; mais n ayant pu y réuffir , il réfolut
de lui ôter la vie; l’ordre fut donné, & ce qui fait
honneur a la nobleffe danoifè , Chriftiem ne fut point
obéi. On l’enferma dans le château de Coppenhague ;
il fut bientôt transféré dans celui de Calo , dont Eric
Banner , fon parent, étoit gouverneur. 11 fe faifoit
garant de fon prifonnier, & devoit payer au roi fix
mille écus d’or , s’il le laifloit échapper.'Cependant
* Padminiftrateur étoit mort, les malheurs de la Suède
augmentaient chaque jour ; Guflave fe déguife enpayfan,
fe met au lèrvice d’un marchand de boeufs , & joue
fi bien fcn rôle qu’il arrive à Lubec , confondu parmi
les autres ruftres , fans être reconnu. Il fe découvrit
alors , & Banner vint le réclamer. Mais Guflave lui
promît de lui rendre la femme que Chriftiern devoit
exiger ; & fatisfaât de cette' promette , le danois s’en
alla. Guflave demanda des fecours à la régence de
Lubec ; cette république étoit naturellement ennemie
de-la domination Danoife ; mais intimidée par la pré-
fence d’une flotte nombreufe , elle n’ofoit embraffer la
defenfe dun malheureux. On lui promit cependant
d armer en fe faveur , s’il pouvoit raffembler affez
d’amis pour donner au moins quelque vraifemblance à
la révolution qu’il méditait. Cette promefte, quoique
foibîement énoncée, ranima fes efpérances ; il part,
débarque à Calmar, fe préfènte aux officiers, aux foldàts
qui, prefque tous, avoient fèrvi fous fes. drapeaux. Le
foeélaele de fe misère glaça leur courage ; ils furent affez :
lâches pour n’ofer le fervir ; mais ils ne furent point
affez perfides pour le livrer à Chriftiern ; Guflave,
forcé de fe retirer, fe dégüifè encore fous la livrée de
l’indigence , fe gliffe dans un chariot chargé de pailles,
& dans cet équipage traverfè les quartiers de l’armée
Danoife , ou îa tête était mile à prix. Ce prince n’ayoit
plus d’autre reflource que lui-même ; parents , amis ,
domeftiques, toutl’abanclonnoit; on craignoit de s’aftev-
eier a fes malheurs, & de périr avec 'lui : peu s’en
fallut qu’il ne tombât entre les mains des Danois ; des
Chartreux, que fes ancêtres avoient fondés, lui refusèrent
un afyle dans fon patrimoine ; il alla en chercher
un autre en Sudermame ; & tandis que des hommes
qui lui étaient attachés par les liens du fang, de l’ami-
tie, de la reconnoiftance, le rejettoient avec durjeté,
un payfan le reçut avec tendfefîe. Ce fut dans fa cabane
que Guflave médita fa révolution ; ce prince
logeoit fous le chaume , fon hôte portait fes lettres ;
& cet ambafladeur, couvert de haillons, allait exciter
les feigneurs Suédois à détrôner Chriftiern. Forcé bientôt
de quitter cette retraite , Guflave patte en Dalécarlie
• fous la conduite d’un guide infidèle, qui le vole & l’abandonne
au milieu des montagnes & des forêts.'Prefle
par la faim, il fe loue pour travailler aux mines de-
cuivre. Un fèigneur lereconnoît, lui offre de.foule'ver
la province en la faveur ,. & n’ofè exécuter cette offre
indilcrette. Un autre gentilhomme le reçoit, l’accable
. de careffes, & fe trahit ; il était perdu fi fe bonne
mine n’eût infpiré de la compaffion à l’époufe du
traître, qui le fit conduire chez un curé voifin. Celui-ci
fut fidele, aida Guflave de fa bourfe & de fes cônfeils ;
les payfans s affemblent à Mora. Qufiave paroît au
milieu d eux. Son air noble, fes g râ ce sfes malheurs,
. 1 horreur quinfpiroit le nom de Chriftiern , & le
■ maffacre récent des fénateurs de Stockholm, tout prête
à l’éloquence du prince une force nouvelle. On s’écrie,
on court aux armes; le château du gouverneur eft efcaîadé;
. au bruit de cet exploit, les payfans fe raffemblerît en Foule
fous les drapeaux du vainqueur; il fe Voit bientôt foivi
par une armée de quinze mille combattants ; il fe met
en marche, pafte la rivière de Brunebec, défait un
corps de Danois , prend Vefteras, marche à de nouvelles
conquêtes, emporte d’aflaut la ville d’Upfal ;
Guflave détendit contre fes propres foldats- les biens
M Trolle, archevêque de cette ville , qui l’avoit per-
fecute avec tant 2e fureur 1 devenu puiftant, heureux
& vainqueur , il trouva plus d’amis dans fe profpérité,
qu’il n’avoit trouvé d’ennemis dans fe difgrâce ; toutes
les provinces l’appelloient, & il étoit plus embarraffé
fer le choix de fes conquêtesque fur lès moyens 2e
les eonferver. La nobleffe qui avoit fi long-temps
attendu pour fe déclarer , aecouroit dani fon camp ;
fon armée groftiffoit chaque jour ; & fi Guflave avoit
eu autant d’ambition que de génie , il lui eût été poffi-
ble de conquérir le Danêmarek & la Norvvege après
avoir fournis fe patrie ; ainfi il auroit rétabli pour lui-
même cette union de Calmar qu’il vouloit-détruire.
* Cependant , au milieu de tant de triomphes , le fougueux
prélat- paroît à la tête d’une armée ; une terreur
panique fe répand dans les rangs des Siîédois ; l’intrépide
Guflave eft renverfé dans l’eàu, remonte a cheval,
foutierit à la tête de fes gardes, tout le choc-desDa-
nefe , protège la retraite de fon armée,, & peu dé
jours après fe venge dun inftant dé"furprifq que Tralfe
lui avoit caufée.-La régence de Lubec lui envoya quelques
fécours , la plûpart des villes fe fournirent
avant même qu’il parût. Mais la nouvelle de la mort
de fe mère & de fa feeur , que Chriftiern avoit
fait précipiter dans la'mer, égara^fa raifon : dans le
délire de fa. fureur , il ordonna à fes foldats. de
màffacrer fans pitié tous tes Danois qui tomberaient
entre leurs mains , comme fi ce peuple honnête
& fenfible avoit été coupable des crimes de fon
maître. Déjà Guflave difpofoit des Gouvernements ; ôt
diftribuoit les garnifons dans les provinces qu’il avoit
conquifes ; il inveftit le château où était renferme
l’évêque de Linkopink, & ce prélat va-au-devant de
lui., & lui rend hommage ; Guflave convoqua a Va-
deftene une affemblée des états généraux, il s’y montra
, on voulut le couronner ; il refufa le titre de roi ;
mais on lui déféra ceux de goüverneur-gèneral & d’ad-
miniftrateur de la, Suède, l’an 152.1.
Ce fut alors que Guflave voyant qu’on ne pouvoit
plus donner à un autres la couronne qu’il avoit refufee ,
engagea toutes les terres de fa famille pour faire de
nouvelles levées., La régence de Lubec lui envoya
dix-huit vaiffeaux , & quatre mille hommes : mais elle
lui vendit cher ce foible fecours , & profita de ces
eirconftances pour s’affranchir de quelques droits onéreux
pour fon commerce, que les rois de Suede lui
avoient anciennement impofés. Guflave enfin forma
le fiege , ou du moins le blocus de Stockholm , tandis
que fon efeadre craifoit devant le port, & en défen-
doit l’approche aux vaiffeaux Danois. Céux-ci fe
trouvèrent reflerrés entre des glaces dont ils ne pouvoient
fe dégager. Guflave partit à la tête des troupes
Lubecoifès, s’avança fur la glace au milieu de la nuit,
nuit le feu à la flotte, & n’en eût pas laiffe échapper
un feul vaiffeau , fi Jean Flammel , général-des troupes
auxiliaires n’eût donné malgré lui le fignal de la retraite
; Stockholm étoit toujours bloqué, la garmfon
demandoit à capituler , Guflave était difpofe à lui
accorder des conditions honorables ; mais il ne voüloit
entrer dans Stockholm que la couronne for la tête ,
afin de donner à la révolution qu’il avoit faite, une
forme plus impofante & plus fiable. Il convoqua
les‘ états généraux à Stregner l’an 152.3 ; il y fut
proclamé roi 1 le cri fut unanime. Lui feul affeéla de
fe refufer fon fuffrage, &. joua le rôle d’un fage
ennemi des grandeurs. On le p re tia il fe' laiffa vaincre
, & reçut le ferment de fidélité de fes nouveaux
fujets ; mais il différa la cérémonie de fon couronnement,
parce qu’il auroit été forcé de jurer qu’il maintiendrait
la religion catholique qu’il avoit fecrétement réfolu
de détruire ; Stockholm fe rendit, les magiftrats vinrent
dépofer les clefs aux pieds de Guflave ; il fit dans fa
capitale une entrée pompeufe , & toute la ville retentit
d’acclamations. Guflave avoit fait des ingrats , mais
il ne le fut point ; il fit chercher- ce curé qui lui avoit
donné un afyle, réfolu de lui témoigner une recon-
noiffance vraimént royale: ce bon prêtre n’ëtoit plus ;■
ma:s Guflave voulut que fes bienfaits le foiviflent fur
fe tombe,' & il fit placer une couronne de cùivre
doré au haut de Téglife, que ce pafteur avoit deflervie,
Sc dans l’enceinte de laquelle il étoit inhumé. Quelques
places tenoient encore pour les Danois dans la Finlande
;. elles furent conquifes, les prifonniers furent
traités avec douceur ; le tems de la vengeance était
pafte ; Guflave abolit la plûpart des impôts j dont
Chriftiern avoit chargé le peuple. Ce prince malheureux,
mais plus coupable encorè, venoit d’être détrôné ;
Frédéric avoit été couronné à fa place ; mais tant
que fon concurrent vivoit dans fa prifon, il pouvoit
craindre une révolution nouvelle. Guflave, en habile
politique ,. fe fervit de ce fantôme pour effrayer Fré^
déric, & obtenir de lui les conditions qu’il voulut. Le
Gothland fut conquis par les Suédois : c’était encore
un fojet de difeorde :les deux rois eurent une èntrevue,
& fè témoignèrent une amitié qui n’étoit pas dans leuts
coeurs ; ils conclurent une ligue offenfive &. défenfive
contre Chriftiern, ou plutôt contre fes partifans ; car
dans l’état où ce prince étoit réduit, il n’étoit plus
redoutable par lui-même. Enfin l’inftant étoit venu ,
où après avoir changé la face de la Suede, Guflave
devoir malheureufement en changer auffi la religion*
déjà il avoit difpofé de l’archevêché d’Upfel, & l’avoir,
donné à Jean Magnus, homme fans ambition, mais
non pas fans talens. Le clergé comptait prefque autant
de vaflaux que le roi ; les évêques .habitaient des-
fortereffes, où. ils donnoient un afyle aux rebelles dans
les tems de ’troubles ; fouvent même . ils faifoient des
excurfions à leur tête. Le clergé formoit, au foin de
la monarchie, une efpèce de république indépendante ,
redoutable, & ennemie du roi, de la nobleffe & du
peuple ; Guflave réfolut de renverfer ce colofîe qui,
même dans-, un fieclé aflez éclairé, menaçoit encore
l’autorité fuprême. Le chancelier Anderfon fut fe
confident & le minîftre de ce projet. Guflave commença
par favorifer fecrétement les doéleurs luthériens; il
abolit la coutume fingnliere qui rendoit les évêques
héritiers des eecléfiafnques qui mouroient dans leur
diocèfe. Les quartiers d’hivër des trôupes furent
diftribués for les terres du . clergé. Les deux tiers des
dixmes furent deft’nés à l’entretien de l’armée , qui
devoit veiller , même en tems de paix, à la fûreté
des frontières; on cria au blafphême, à l ’héréfie * les
prêtres & les moines armèrent les payfens ; un homme
du peuple , nommé Hans , fè mit à la tête des mécon-
tens; mais 'Guflave fut bientôt diffiper toutes ces-
. faélions, s’empara des fortereffes des évêques, &U
convoqua à Vefteras une aflemblée- des étars généraux.
Ce fiit-là que fut faite cette,ordonnance célébré, qui
fape tous les fondemens . de la puiflanee" & de la
richefle du clergé;- le luthéranifme fi.it prêché dans les
églifes catholiques, en préfence même des évêques &
des prêtres.
Guflave ne tarda pas à déclarer d’une maniéré
authentique fon attachement à la dcélrine de Lutheii
La révolte des Dalécarliens l’avoit occupé quelque
tems, Sl avoit fofpendu les foins qu’il apportoit aux
progrès du luthéranifme en Suede ; mais' le fopplice
du chef ayant fait rentrer les autres rebelles dans le
devoir, il reprit cette entreprifedonna l’archevêché:
d’Upfal à Laurent Pétri, à qui il donna en mariage