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Sueurs de ïa cour à Paris , avec pouvoir de régler tout
& de lever les difficultés , ou plutôt les motifs de
guerre qui réfultoient de ce même traité : mais le
rufé Louis XI avoit tout prévu , & ces plénipotentiaires
furent par diverfes caufes fi long-temps retardés
fur la route , que , lorfqu’ils arrivèrent à Paris, le'
roi- n’y étoit déjà plus : ils fe difpofoient à le fuivre ;
mais ils furent retenus, fous divers prétextes, par les
minières de France ; pendant qu’ils fe plaignoient
à Paris de la mauvailè foi de ces procédés, l’armée
françoife dévaftoit la campagne aux environs de Perpignan
, & ruinoit la moifion , dans la vue d’affamer
plus aifément la v ille, lorlqu’ils reviendraient l’affiéger.
Jean I I ne pouvoit s’oppolèr à ces violences , trop
occupé dans Sarragoffè, où tout étoit en confulion , à
réprimer les faâions qui délbloient cette ville •&. le
royaume. Il reçut cependant quelques fecours de Naples,
& ravitailla Perpignan autant qu’il lui fut poffi-
ble. Le roi de Sicile, don Ferdinand , Ibn fils , vint
a la tête de quelques troupes à Sarragoffè , appaifà par
l’aéfivité de les foins & la févérité de là juffice. ( Voyeç
Ferdinand V , de Caftille, dit le Catholique. ) , le
défordre qui régnoit dans Sarragoffè , & s’en retourna
en Caftille, où déplus importantes affaires l’appelloient.
Tandis que la mort de Henri I V , fùrnommé ïimpuijj'ant,
rempli {foi t la Caftille 6c l’Efpagne entière de troubles ,
par l’ambition des prétendants à la couronne , les
François , maîtres du Rouffillon qu’ils ravageoient
avec des forces lùpérieares , affiégeoient Perpignan
pouf la troifième fois. Jean IL fit ce qu’il put pour
fècourir cette place , qui , malgré fes efforts , fut
obligée de fè rendre à Louis XI par capitulation , &
après être convenu que les habitants feraient libres
de fe retirer où ils voudraient ; ils fe rendirent prefque •
tous en Catalogne.. Louis XI ayant réuffi dans une
rnfraéHon auffi manifefte au dernier traité , offrit une
trêve de fix mois, que le malheur des circonfiances
obligea d’accepter. Elle étoit à peine expirée, que les
François recommencèrent les hoftilités , eurent les plus
grands avantages, ravagèrent le pays , s’emparèrent
des places, s’avancèrent prefque for les frontières de
là Catalogne, infultèrent la Caftille , & tentèrent,
mais inutilement, d’envahir la Bifcaye ; ils furent re-
pouffés par don Ferdinand , qui , paffant dans cette
province , eut quelques conférences avec Jean I I y Ibn
père, dont la fituation étoit vraiment déplorable.
La licence, le délbrdre , l’impunité, les crimes déploient
l’Aragon | dévafté. par une foule de brigands,
qui voloient & aflàflinoient publiquement dans les villes
éc fur les grands chemins: il n’y avoit plus de fureté ,
& les états alarmés invitèrent les citoyens à prendre
les armes & à former entr’eux des affociations pour
défendre le royaume contre ces troupes, meurtrières..
Le royaume de Valence étoit dépeuplé par la pefte ,
qui faifoit les plus cruels ravages ; les François , par
Jâ fureur & le fuccès de leurs armes , mettoient le
comble à ces calamités :: on ne pouvoit leur oppofer
aucune rc-fiftance ; & les Catalans étoient dans 11m-
puiffance de mettre lùr pied , comme ils l’avoient fait
tant de fois , de troupes aguerries. Dans un état en
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proie aux horreurs de l’ânarchie , le plus cruel <?g$-
maux eft la perte totale' des moeurs , l’oubli de l’honneur
& l’extin&ion du patriotifine : l’amour' de la
patrie , les moeurs, l’honneur n’exiftoient plus en
Aragon ; & les feigneurs les plus diftingués, étoient
ceux qui donnoient l’exemple & le fignal de la per»
verfité. Dans le nombre de ces mauvais citoyens
d’illuftre naiffance, fe diftinguoit fur-tout par lès fureurs
& lès atrocités, don Jayme d’Aragon, qui,,
ftiivi d’une foule de brigands , s’étoit emparé par
force, du duché de V il'a - Hermofa. Jean / / , plus
ii ri;:é des excès de don Jayme,, que de la licence- &
des vices du refte de fes fujets, donna ordre au vice-
roi de Valence de raffembler autant de troupes qu’il
le pourroit , & de pour fuivre à toute outrance ce
hardi faâieux. Don Jayme fut affiégé dans un fort
où il s’étoit retiré : fes brigands le défendirent ; mais
les troupes du vice-roi, fupérieures aux bennes, prirent
la fortèreffe & le firent prifonnier. Il fut conduit
a Barcelone , où le roi d’Aragon lui fir trancher la
tete; fùpplice trop doux pour l’énormité de lès attentats.
Cet exemple de rigueur eut les plus grands éffets ;
les feigneurs renoncèrent à fomenter des troubles ; ils
rentrèrent peu-à-peu dans le devoir, & le brigandage
ceffa. Jean I I efpéroit de voir l ’ordre 6c le calmé fe
rétablir ; il fe flattoit de ramener la paix & la tranquillité
dans fes états, & il devoit délibérer avec don
Ferdinand , lùr le choix des moyens qu’il y avoit à
prendre ; le lieu de la conférence étoit nxéà Dareca,
& le jour étoit défignë , lorfqu’accablé du poids des
années , Jean I I s’éteignit à Barcelone , le 19 janvier
1479 ? âgé de 82 ans,- après avoir régne 21 ans lùr
l’Aragon, 11 fit de grandes fautes ; il eüùÿa de grands-
malheurs. Ses revers provinrent dé lès fautes , fes
injuftices en provinrent- auffi ; mais il fut plus foibîè
qulnjuftecrédule & non méchant. Il aima trop aveuglément
fes femmes, & fur-tout dona Jeanne Henrir
quez, fà féconde époufe , marâtre cruelle & violente,
qui le porta à perfecuter le prince don Carlos-, fon
fils , contre lequel- il n’eût jamais agi, fi- la perfide
Jeanne né lui eût perlùadé que don Carlos étoit coupable
des plus noires trahifons. Outre lès deux femmes ,
Jean eut auffi pînfieurs maîtreffes- & beaucoup de
bâtards : ce n’eût encore rien'éié;. mais par malheur,
il eut pour ces maîtreffes'autant de confiance qu’il en
avoit eu pour dona jeanne Henriquez. 11 mourut fort
âge, & à la mort encore il aimoit paffionnément une
maîtreffe catalane; Aimer éperdument les femmes, n’eft
dans un roi qu’une foihlefteMnais n’agir que d’après leurs
conftils croire à leurs délations ,les laiffèr gouverner,
les laiffèr difpofer des charges & des dignités, c’e ft,,
dans un fouverain, le plus pernicieux des vices. ( L. C ) ,
Jean I , roi de Léon & de Caftille , ( Hijleire.
1lEfpagne. ) La vi&oire ne lùivit pas toujours les éten-'
dards de Jean I , & cependant il fe couvrit de gloire,.
lors même qu’il fut obligé d'e céder l’honneur du
triomphe à la force ou à la fùpériorité de lès ennemis ;
il ne fut point heureux 'dans toutes lès entreprifes , &
cependant il eut l’approbation publique, dans celles
même qui ne lui réuffirent point, parce qu’il n’en, tenta.
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micune qqî ne » t ayoûée par la pïuS «MSè jiift-.ee,
parce cai-il né fit rien qu’aprè> avoir comulte 1 équité, ;
& qüè la plus fage prudence guidant toutes fes dé-
mat-ches , il n’ëtoit refponfable , ni des caprices de là
fortune , ni du hazard des événements. Engagé,
malgré lui , pouf la défenfè de fes peuples dans des
eue'rres cruelles , il ne fatigua point fes fujets par des
contributions accablantes , & ne fe feryit point du
prétexte , fi fouvent employé, des befoins de l’état,
pour furcharger la nation d’impôts ; auffi le chérit- j
elle autant qu’il l’aima lui-même ; & peu de fonverains
ont eu pour leurs fujets l’affeétion génereufe & lolide
que Jean 1 eut pour les liens. Dévoué prefque des
fon enfance aux fureurs de Pierre-le-Cruel fon oncle,
il fuivit dans leur fuite, dans leurs malheurs, comme
dans leur fortune , le roi Henri II fon père, & l’infante
Eléonore d’Aragon fa mère , fille de Pierre IV ;
roi d’Aragon furnomtné le Cérémonieux. Quand là
férocité de Pierre , fes crimes & fes affàffinats, là
fortune 6c les voeux de la nation , eurent enfin placé
Henri II fur le trône , ce bon ro i, fécondé par Jean
fon ‘fils , répara, fit même oublier les malheurs du
régné fanguinaire Orageux & farouche^ de Pierre-
Je Cruel. Jean alors étoit parvenu à la feizième année
de fon âge ; & les Caftillans remplis d’effme &
d’admiration pour fes vertus, fes talens , la valeur &
là rare modération, applaudirent aux noeuds qui le
lièrent à donâ Léônore infante d’Aragon. Quatre ans
après cette alliance , une mort imprévue enleva le
coi Hénri II à la nation qui eût été inconfolable de
cetteperte, fi elle eût été moins perfuadéé de rètroüver
dans celui qui' alloit prendre les rênes du gouvernement',
lés tclens fupérieurs & les éminentes vertus du
grand1 roi dont la mort venoit déterminer les jours.
Auffi fùt-cê aux àcclariiationsldu peuple, que Jean I ,
âgé de vingt 'ans', monta furie trône, & fut folem-
nellement couronné à Bufgos, le 25 juillet 1379.
Quelques preuves 'que Jean eût, données de fa valeur
& de Ton habileté dans la fcience-des combats, il préférait
la paix à la célébrité que donne l’éclat des cpn-
quêtès; & rempli du généreux défir de rendre fes fujets
heureux & fon royaume fioriffant, il employa les premiers
temps de fon règne à étouffer, par des traités
heureux, les femences de guerre qu’il y avoit encore
entre la Caftille & les nations voifthes. Dans cette vue,-
il accepta les propofttions pacifiques que le roi de Grenade
, Mohamet-Guadix-Abulhagen lui fit faire par
fes'ambaffadeürs. La treve fut rénouvellée entre les
■ deux états, Scelle dura pendant tout le cours des règnes
des deux monarques. ‘ Celui de Caftille envoya, dans
le même temps , des ambaffadeurs au roi de Portugal,
Ferdinand , le plus inconftant des hommes, le plus
inconféquent des rois. Jean lui fit offrir la paix, & elle
fut acceptée à des conditions ridicules & que l’amour
de la concorde fit approuver par les états des deux
royaumes ( Voÿe^ F erdinand, roi-de Portugal.)
Mais quelques précautions que le roi de Caftille eût
prifes ," l’inconftànce de Ferdinand rompit'toutes fes
tnefures, &. Jean apprit avec chagrin, mais fans éton-
PS03ei;t ? que peu de jôurs après 1^ Gonclu^on d? te
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paix, le roi de Portugal avoit négocié un traité avec
Richard I I , roi d’Angleterre , & avec le duc de Lan-
caftre , qui formoit depuis long-temps des prétentions
fur la couronne de Caftille , & qui venoit d’être invité
à fe rendre à Lisbonne avec une flotte allez formidable
pour faire valoir-fes prétentions. Jean I ne perdit point
le temps à demander raifon à Ferdinand de fa mau-
vaife foi : il mit fes troupes en état de marcher, fit
les plus grands préparatifs, & fit fortifier toutes les
places frontières menacées de l’invafion des Portugais,
rendant qu’il fe difpofoit ainfi à repouffer des agreft-
feurs injuftes, il fut informé que l’infant don Alphonfe
fon frère, entretenoit une correfpondanee fecrete & criminelle
avec le roi de Portugal; il voulut s'affairer de
fa perfonne ; mais prévenu à temps, Alphonfe s’évada,
s’enfuit dans les Afturies, & s’enferma dans Gijon. Le
roi l’y fuivit, & alloit l’affiéger , quand Alphonfe prit
le fagè parti de venir implorer fa clémence , & défa-
vouer les faits qu’on lui imputeit. Jean voulut bien fe
contenter de ce défaveu, lui rendit fon amitié, 6c,
tournant toutes fes forces-contre Ferdinand, réfolut de
l’attaquer par mer &. par terre. Le roi de Portugal,
enivré de l’tfpérance de conquérir la Caftille-, envoya
une puiffante flotte infulter le port de Séville. L’attaque
ne fut point heureufe : cette flotte fut battue, difperfëe,
& fon amiral, don Juan Alphonfe, fi ère de la reine
de Portugal, fut fait prifonnier. Encouragé par ce fuccès,
Jean I alla former le ftège d’Almeida, dont il fe rendit
maître. Mais pendant què par ces triomphes il fe difpofoit
à de plus éclatantes viéloires, la flotte Angloife
arrivoit devant Lisbonne, en forte que cès deux puiffaris
alliés réunis paroiffoient devoir inévitablement l’emporter
fur les Caftillans ; mais bientôt la méftntelligence
divifa les Anglois & les Portugais. Jean inftruit de ce
défaut de concordé, forma lé projet d’une Expédition
liardie, & dont le fuccès terminerait cette guerre à
fon avantage. Il réfolut d’aller bloquer le port de
Lisbonne, & d’intercepter tous les nouveaux renforts
que les Anglois pouvoient envoyer aux Portugais. Il
fe préparoit à cette expédition, lorfqu’il apprit que
l’infant don Alphonfe abufant de fes bontés , venoit de
paffer à Bjagance avec quelques feigneurs, fujets auffi
infidèles que lui. Cette trahiïbn ne dérangea rien à fes
opérations, il bloqua Lisbonne, & cette ville fut fi
s fort menacée, que 'Ferdinand alarmé en' fortit avec
toute fa cour. Après avoir -réuffi au gré de fon attente
dans cette expédition, Jean s’en retournant en Caftille
, fit ordonner à don Alphonfe & a fes partifàns,
de rentrer iriceffamment dans le devoir, fous peine
d’être déclarés traîtres à l’état & de perdre leur honneur
& leurs biens. Ils obéirent tous, & Jean eut
encore l’indulgence de pardonner à fon frère. Cependant
les deux rois fe préparaient avec ardeur à pour-
fùiVre la guerre , & bientôt ils marchèrent l’un contre
l’autre , fuivis d’une armée' formidable. Celle
de Caftille étoit néanmoins infiniment fupériewre ,
foit par le nombre , foit. par la valeur des troupes
aguerries & accoutumées à vaincre. Bientôt eTes fe
rencontrèrent, & une bataille fàr.glante alloit deci—
: ejer la ^srél|e 3 lorfqu,e les généraux de Ferdinand