
guerre à l’Efpagne qu’il prétendoit êtré fief de t’empire.
Toutypuilfant dans Rome, il difpofâ de la
papauté comme d’un fimple bénéfice. Il nomma
fuccefïivement Clément I I , Damase I I , Léon IX ,
Viéfor II ; mais fi ce prince difpofà à fon gré du Saint-
Siège , les pontifes à leur tour prétendirent difpo-
fer de l’empire. Telles font les prétentions que nous
allons voir éclater fous le règne foivant. Henri I I I
eut de fon premier mariage avec l’impératrice Cune-
linde, fille de Canut, roi de Danemarck, Béatrix
qui mourut abbeffe de Gandersheim, 8t de fon
fécond avec 1 impératrice Agnès , fille de Guillaume
, comte de Poitou, Mathilde, qui fut femme
jde Rodolphe de Reinfelden, duc de Suabe, & depuis
élu empereur contre Henri IV ; Judith mariée
'■ à Boleflas, duc de Pologne ; Sophie ^ femme de
Salomon, roi d’Hongrie ; Henri IV fon focceffeur ;
Conrad, duc de Bavière ; Gifelle morte religieufè,
& Adélaïde, abbeffe d* Quedtimbourg. Son corps
fut tranfporté de Benfelt en Saxe, à Spire en Alface,
.où l’on célébra fes funérailles. ( M - Fl )
Henri IV , ( Hifl. £ Allemagne*) fils du précédent
, & d’Agnès de Poitou, IX roi ou empereur
de Germanie depuis Conrad I , XIVe empereur d’Oc-
cident depuis Charlemagne.
La vie de ce prince n’offre qu*un tiffu de malheurs :
il avoit à peine fix ans lorfqu’il fut appelle au trône
par la mort de Henri III. L’impératrice Agnès, fa
mère , s’empara de la régence oh elle fè maintint avec
autant de fageffe que de fermeté, jufqu’à ce que la
calomnie des grands qui l’accufbient de fè proftituer
à l’évêque d’Ausbourg, fon principal miniftre, la
força de fe retirer dans un monaftèreà Rome ( 1063. ).
L ’empereur , après fon départ, eût bien voulu gouverner
par lui-même, mais les archevêques de
«Mayence, de Cologne & de Bremen, fe rendirent
maîtres des affaires , & prolongèrent fa tutèle. On
accufè ces prélats d’avoir abufé de fa jeuneffe , en
fe plongeant dans les voluptés : mais on. doit être
Lien c;rconfpeéI en lifant l’hiftoire de ce prince. Ceux
qui armèrent fes fojets 8c fes propres fils pour le
précipiter du trône , ne fe feront point fait un /crapule.;
de noircir fà mémoire. Ce fut pendant le miniflère de
•l’évêque de Mayence 8c deTes’collègues, quedg formèrent
les. orages, qu’il ne put difîiper. Les Saxonsvoyoient
avec peine fur le trône, des ducs, de Francoràe , &
déliroient avec la plus vive ardeur d’v rétablir leur
Jbuverain. Us fe rappelloient fans celte le fouvenir
du règne glorieux des Othons, 8c prenoient toutes
Jes mefures. qui pouvoient opérer une révolution
favorable à leur defir.. Us avoient même formé une
confpiration. pendant la régence d’Agnès, contre le
jeune monarque.. Les états qui voüloient que/ la
couronne fut eleéfive , fouffroient difficilement qu’elle
fe perpétuât dans, la race de Conrad. Les papes n’igno-
toient pas. lé mécontentement 8c les complots des
Allemands contre leur prince; & ils s’apprêtoient à
«a profiter, non-feulement pour fe fouftraire à la
domination de ces étrangers, mais encore pour fou-
gis& ç l’empire au. (àcerdocç*. Leur premier attentat
contre l’autorité des empereurs, fut de priver
Henri du droit de confirmer l’éleétion des pontifes.
Nicolas II en fit une lo i, & décida dans une affèm-
btée d’évêques Italiens, que déformais les cardinaux
feuls éliroient les papes, qui fèroient enfoite préfen*
tés au peuple pour être confirmés. Ce fin d’après-
ce Coupable décret qu’Alexandre II s’affit for le S.-
Siège, fans confolter la cour impériale. Alexandre
fe prévalut encore de la minorité de Henri, pour
augmenter fa puiffance temporelle. Il fe lia d’intérêt
8c d’amif.e avec les princes Normands, 8c les:
en^gea à fecouer le joug de l’empire dont ils étoient
fepdataires. C’eft ainfi que ces princes , dont les
foccès auroient été moins brillans. fans le fecours des
papes, ternirent la gloire de leurs armes. On les
excuferoit peut-être , fi facrifiant à la gloire de leur
nation, ils euffent brifé leurs liens pour fe rendre
vaffaux des pontifes. Us firent hommage de leurs
conquêtes à Nicolas II qui leur donna une nouvelle
inveftiture, moyennant une légère redevance à. fon
fiège. C’étoit un puiffant appui pour les papes, déjà
maîtres abfolus dans le fpirituel. Te l était l’état des
ehofes, lor&p'Henri IV y devenu: majeurfort de la
captivité oh le retenaient fes prétendus tuteurs: Ses:
premiers foins furent de rétablir la fureté pubÈque,. 8c
d’arrêter les brigandages des officiers fobàltemes, que
les grands favorifoient pour caufer une révolution^
Lorfqu’il eut vifité l’Allemagne , il alla à Goflard en,
Saxe , 8c y fixa fa réfidence. Les anciennes fortereffes
négligées dans cette province, fous.le précédent règne ,
furent rétablies , 8c Ton en confirai fit dé nouvelle si
Henri les garnit d’un nombre fuffifantde troupes. Tout
en lui montroit un prince qui vouloir faire le bien défis
peuples , 8c régner avec autorité: Les Saxons:
s’apperçurent bientôt que ces .fortereffes selevoienfc
au milieu d’éux, autant pour tes contenir dans le
devoir, que pour les défendre contre I’étrangenl
Leurs députés.vers l’empereur lui traçpient les loix.
les plus dures ,. 8c. cenforoienî fes moeurs avec
Une. extrême licence. Henri v naturellement enclin
aux plaifirs, avoit pour les femmes un, penchant
excefîif. U s’en confeffa à Grégoire V I I , qui., aiï
lieu de l’abfoudre , fe fervit de ce pieux aveu pour le-
perféeuter. Les députés de Saxe lui déelaroient la
guerre, s’il refufoit d’abattre les fortereffes , de retirer
fès garnifons, 8c de congédier fës miniftres. L’empereur
reçut cette députation avec froideur : Æ
n’étoit pas d’un caraâère à recevoir la loi de /es
fojets. Son efprit étoit calme , 8c fa. fermeté n’écoit
point ébranlée par le danger. Il-répondit aux députés,
qu’il eonfolteroit les états. Les. Saxons, mécontents da:
cette réponfe, l’affaillirent tout-à-coup dans Goflard;
Ces rebelles étoient fécondés par Alexandre ]} , qui *
conduit par le fameux Hildebrand, mieux-connu, fous,
le nom de Grégoire V I I , leur montroit. de loin. les.
foudres dont il: devoit bientôt frapper l’empereur»
Sans être foutenus par le pontife , les dues de Saxe 8c
de Bavière, l’archevêque de Magdebourg r 8c hu:t
évêques paroiffent à h tête des rebelles. L’empereur
voyant quel |àng. préciçwt alloit jnonder l’Allemagne^
les exhorte en vain à rentrer dans le devoir; fes delais
ne font que groffir l’orage. Les ducs de Suabe, de
Carinthie 8c de Bavière l’abandonnent, 8c pour
donner un prétexte à leur révolte, ils gagnent un
de fes domeftiques qui l’aceufe d’avoir voulu le corrompre,
pour les afiaffinèr. L’empereur offrit de fe
laver de cette odieufe imputation ; mais on avoit trop
d’fotérêt à le trouver conpable pour lui permettre de
fe juftifier. On fe prévaut de la calomnie , on lui
teifufe les taxes , on fait languir fes troupes, on rafe,
en démolit fis forts 8c Tes châteaux. Contraint d’employer
la force, il marche en Saxe contre les rebelles
que fa préfence diffipe, 8c il leur donne la paix^,
content de les avoir fait trembler : mais bientôt
infidèles à leurs ferments , ils le forcent de voler a de
nouvelles vitftoires. Henri, vainqueur par la force de
fes armes, perfifte à vouloir les déformer par fo
démence. Il reçoit en grâce l’archevêque de Magdebourg,
les ducs 8c les évêques Tes complices, 8c
leur conferve leur dignité. 11 n’exige que leur parole
pour gage de leur foumiffioh. Cette guerre ainfi
affoupie, il, fe retire en Alfoce pour être plus à
portée de veiller fur ce qui fe paffoit en Italie. Alexandre
II étoit mort pendant la guerre civile; les !
entreprifes de ce pape qui avoit ofé le citer à fon
tribunal, lui faifoient craindre quelque révolution.
Hildebrand, né de parents obfcurs , focceffivement
<noine de l’abbaye de Cluny , 8c membre du facré
collège, s’étoit fait élire par les Romains fans con-
fulter les cardinaux. Chancelant for le Saint Siège,
il- feint de reconnoître les droits des empereurs, 8c
députe vers Henri I V pour s’exeufer de ce qu’il
avoit été élu fans l’agrément de ce prince. U protefte
qu’il eft prêt d’abdiquer, s’il le juge à propos. L’empereur,
trompé par cette foumifîion apparente, envoie
fon chancelier qui le confirme, 8c le maintient dans
fa dignité. Mais Hildebrand n’eft pas plutôt affermi,
qu’il fait éclater les deffeins qu’il avoit conçus depuis
Iong-tems, 8c qu’il avoit infpirés' à Alexandre fon
prédéceffeur. C ’étoit un. génie vafte 8c opiniâtre dans
fes projets , ardent, impétueux, mais trop artificieuse
pour que la chaleur de fon génie nuisît à fes deffeins'.
Nourri dans les difputes , il poffédoit toutes les fobti-
lités de l’école ; ami 8c confident de plufieurs papes,
il étoit verfé dans toutes les intrigues des cours ; à
ces dangereufes qualités Hildebrand joignoit une grande
auftérité de moeurs qui tenoit moins à fes vertus qu’à
Ta politique ; la dureté de fon caraâère étoit'-conforme à
fes principes, 8c fon ambition ne connoiffoit aucune
borne. Tel étoit l’hydre que Henri avoit, à combattre,
hydre qu’il fut vaincre , mais dont le foùffie
en produifit d’autres, fous lefquels il devoit foccomber,
ainfi que Tes focceffeurs. Hildebrand qui vient de
reconnoître le droit de Henri pour la confirmation de
fon fiège, lui contefte celui de difpofer.des prélaturés.
U attaque ce droit inconteftable comme un abus, 8c
.prétend qu’il n’appartient qu’à lui fe.ul. On fent aifémeiit
quel étoit fon but ; une fois devenu maître. de la
nomination aux bénéfices , dont plufieurs donhoient
jang de prince, il n’y auroit placé que des perfoQues
dévouées -à fes intérêts, 8c fe feroit acquis un pouvoir
abfolu dans l’empire. Henri s’oppofe à ces prétentions 9
8c menace le pape : mais celui-ci fe fait un appui de
Saxons, 8c acculant l’empereur de plufieurs crimes, il
veut l’obliger de fe rendre à Rome, 8c de fe juftifier,
Henri bat les Saxons, relève les fortereffes qu’ils
avoient détruites , 8c ufont des droits de fes prédecefi
feurs , il dépofe le pape dans un concile compofé de
vingt-quatre évêques, 8c de tous les princes de l’empire.
Grégoire VII étoit perdu, fi l’empereur eût
pu conduire fon armée à Rome; mais il étoit toujours
retenu par les mouvements des Saxons. Le pape
qui connoît la raifon qui le retient, toujours affuré
d’ailleurs de la protection des princes Normands,’
excommunie l’empereur, 8c le dépofe à fon tour 5
Je lui défends, dit cet audacieux pontife , de gouverner
le royaume Teutonique 8c l’Italie, 8c je délie
fes fojets du .ferment de fidélité. Telle eft la première
entreprife des papes for le temporel des rois,'
Des légats fe répandent aulfi - tôt dans toutes les
cours d’Allemagne, appuient par des promefîès les
excommunications du pontife, 8c foufflent dans tous
les coeurs l’efprit de révolte qui les anime. Henri fe
voit tout-à-coup abandonné : ceux qu’il croit les plus
fidèles s’arment contre lui de fes propres bienfaits;
8c ces mêmes évêques qui venoient de dépofer le
pape , l’établiffent juge de leur fouverain. Us l’invitent
à venir à Ausbourg jouir des droits qu’il
s’arroge. L’empereur voyant qu’il avoit tout à craindre
dé cétfë affemblée, fonge à en prévenir les foi tes J
Il paffe en Italie non pas en appareil de triomphe
comme fes prédécèffeurs, mais avec un petit nombre
d’amis qui rengagent à cette démarche, la feule que
l’hiftoire lui reproché. Arrivé à Canoffe, fortereffe de
la dépendance de la comteffe Mathilde, fà coufme ,
epi le perfécutoit, perfoadée que la caufe du pontife
étoit celle de Dieu, il demande à parler à Grégoire
qui le fait attendre pieds nuds trois jours entiers dani
une cour , pendant un froid rigoureux, n’ayant qu’un
feül habit de laine , 8c ne prenant que le foir quelques
aliments groffiers. L’orgueilleux pontife paraît enfin,
8c l’empereur lui demande à “genoux pardon de fon
courage qu’il ternit par cette' démarche. U le prie de
l’abfoiidre de l’excommunication, 8c promet de fe
trouver a Ausbourg où il fe foumettroit à fon jugement;
cependant une lueur de fortune lui fait auffi-tôt
révoquer ces ferments, que la néçeffité lui arrache.
Les familiarités du pape 8c de la comteffe Mathilde
feandalifoient les efprits : leur intimité étoit fi grande ,
'que bien des'gens croyoient que l’amour y avoit quelque
’part. LesTéigneurs d’Italie étoient bien moins alarmés
dè laproftitution de la comteffe , que de l’exceffive puiffance
du pape auquel elle venoit de faire une donation
de fous fés biens qui étoient immenfes. Tous fe rendent
auprès de Henri, qui les conduifit aufiï-tôt au fiège de
Canoffe. On vit alors, dit un moderne, ce qu’en n’avoit
point encore vu, un empereur 'Allemand fecouru par
l’Italie , 8c abandonné par l’Allemagne. Mais tandis
que/ les.Italiens 8c le papè font affiégés dans Canoffe,
les légats répandus eh^AHemagne continuent leurs