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Amoumém, capitaine d’une troupe de bandits , qui
fe difoit defcendu en ligne droite , d’Houffain, fils
“ .7 ’ avait détrcné les Marabouts en Afrique &
enfuite il étoit entré , l’an 1144 , en Efpagne, il fe
rendit en peu de temps, maître de ce royaume : il fit
chercher Averroës, qui avoit beaucoup de crédit à
la cour des Marabouts, & qui lui étoit fufpeéf. Ce
doreur fe réfugia chez les Juifs, & confia le fecret
de fa retraite a Maimonides , qui aima mieux fouffrir
tout, que de découvrir le lieu oh fon maître étoit
caché. Abulpharage dit même que Maïmonides changea
de religion, & qu’il fe fit Mufulman, jufqu’à ce
qu ayant donné ordre à fes affaires , il paffa en Egypte
pour vivre en liberté. Ses amis ont nié la chofe; mais
Averroës, qui vouloit que fon aille‘ frit avec celle des
Philofophes, parce que le Mahométhme étoit la religion
• des pourceaux , le Judaïfme celle des enfoits
& le Chriftianifme impofiïble à obferver , n’avoit pas
infpiré> un grand attachement à fon difciple pour la
loi. D’ailleurs, un Efpagnol qui alla perfécuter ce
docteur en Egypte jufqua la fin de fa vie, lui reprocha
cette foibleflëavec tant de hauteur, que l’affeire
fût portée .devant le fultan , lequel jugea que tout pe
qu’on fait involontairement&parviolence, en matière
de religion , doit être compté pour rien; d’où il
concluoitque Maïmonides n’avoit jamais été mufulman.
Cependant c’étoit le condamner & décider 'contre lui '
en même temps qu’il fembloit lWoudre ; car il déclarai:
que l’abjuration étoit véritable , mais exempte
de crime, puifque la volonté n’y avoit point eu de
part. Enfin 011 a lieu de foupçormer Maimonides
«ravoir abandonné fa religion, par fa morale relâchée
fur cet article ; car non-feulement il permet aux
Noadrdes de retomber dans l’idolâtrie fi la néeeffité
lé demande, parce qu’ils n’ont reçu aucun ordre de
lînéîifier le nom de Dieu, mais il foutient quon ne
peche point en facrifiant avec les idolâtres , & en
renonçant à la religion,. pourvu que ce ne foit point
en préfênce de dix perfonnes ; car alors ii faut mourir
plutôt que de renoncer à la foi ; mais Maïmonides
croyoit que ce péché cèffe , lorfquon le commet en
fecret. ( Maïmon.fundam. /eg. cap. v. ) La maxime eft
fingtdière , car ce n’eft plus la religion qu'il fiait aimer
& défendre au péril de là vie t c’eff la préfence de
dix Ifîaëlites qu'il faut craindre , & qui feule fait le
crime. On a lieu de foupçonner que l'intérêt avoit
diéfé à MaSnonidesune maxime (ibizarre, & qu'ayant
abjuré le Judaïfme en fecret , il croyoit calmer fi.
confidence, & fe défendre à la feveur de cette dif-
tméhon. Quoi qu’il en foit -, Maïmonides demeura
en Egypte fe refte de fes jours, ce qui la. fait appelfer
Moïfc tEgyptien. Il fût long-temps fans emploi ,
tellement qu il fût réduit à l’état de joaillier. Cependant
il ne_ ladïoit pas detudier, & il acheva alors fon
commentaire fur fa Mifnah , qu’il avoit commencé
«t'Efpagne dès l’âge de vingt-trois ans. Alphadel, fils
de Saladin , étant revenu en Egypte , après en avoir
été chaffé par fon frère , connut le merife de Maïmonides
, & fe choifit pour fon médecin: il lui donna
une penfion. Maïmonides allùre que cet emploi l’ocçuj
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1 Po!t p lu m e n t ; car il étoit obligé d’aller tous fes
jours a la cour , & d’y demeurer long-temps s’il y
avoit quelque malade. En revenant chez lui il trouvoif
quantité de perfonnes qui venoient le coufiilter. Cependant
il ne laifla pas de travailler pour fon bien-
raiteur; car il traduifit Avicene,&-on. voit encore à
Bologne, cet ouvrage qui fut fait par ordre d’Atphadel .
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hï? E? y ftiens { fe g l jaloux de voir Maïmonïdes fî
puinaht a la c°ur : pour l’en ‘arracher , les médecins
ui demandèrent un efl'ai de fon art. Pour cet effet, ils
lui prefentèrent un verre de poifon , qu’il ava'a fans
en craindre 1 effet, parce qu'l avoir 1e comre-poifon ;
mais ayant obligé dix médecins à avaler fon poifon ,
ils moururent tous, parce qu’ils n’avoient pasd’ànti-
dots Spécifique. On dit aufii que d’autres médecins-
mirent un verre de poifon auprès du'Ht du fultan
pour lui perfuader aue Maïmonides en vouloit âfa vie
& qu’on ljobligea de fe coup^ les veines.- Mais il- avoit
appris qu il y avoit dans le eprps- humain- une veine
que les médecins ne connoifToient pas & que cette
veine n’étant pas encore coupéè , Peffiifioiî entière du
fang ne pouvoit fe faire; il fe fauva par cette veine
inconnue. Cette circonftance ne s’accorde point avec
rhiitoire de fa vie.
En effet,, non-feulement if protégea fit nation a la',
cour des nouveaux fultans qui s’établiiToient fer la
ruine des- Aliades , mais il fonda une; académie à-
Alexandrie, où un grand nombre des difciples vin--
rent du fond de l’Egypte , de la Syrie, & de la Judée
P°ur etudier. fous 'lui. Il en auroit eu" beaucoup davân--
tage, fi une nouvelle perfêeution. arrivée en Orient
n’âvoit empêché fes étrangers de s’y rendre. Elle fui'
fi violente,, quune partie des Juifs fut obligée de fe-
faire Mahométans pour fe garantir de la insère : 8t
Maïmonides , qui ne pouvoit leur infpirer de la fermeté ,
fe trouva réduit comme un grand nombre d-autres, £
faire le-feux prophète, & à promettre à fes religionnaires-
une délivrance qui n’arriva pas. Il mourut au comment
cernent du 13e fiëcle r & ordonna qu on l’enterrât à.
Tibérias ,. ou fes- ancêtres- avoient leur iêpulture..
Ce doéfeur compofa un grand nombre^ d’ouvrages
; il commenta la Mifnah. On prétend qu’il;
écrivit en médecine| auffi-bien qu’en théologie, &
en grec comme en arabe mais que ces livres font;
tres-rares ou perdue On l’àccufe d’avoir méprifé- la.
cabale jufqu 3 fa vieilîeffe ; mais on dit que trouvant
alors à- Jérufalem un homme très-habile dans cette
feience , il s’étok^ appliqué fortement 3 cette étude.
Rabbi Chaüm allure avoir vu une lettre de Maïmonides,
qui temoignoit fon chagrin de n avoir pas percé;
plutôt dans les myftères de la loi : mais on croit que;
les Cabaliffes ont foppofé cette lettre, afin de n-’âvoir
pas^é méprifes par un homme qu’on appellé la lumière
de 1 Orient & de l’Occident.
Ses ouvrages furent reçus avec beaucoup d’àpplau-
diflement y cependant il faut avouer qu’il avoit fouvenf
des idées- fort abftraites, & qu?ayant étudié là meta-
phyfique f il en faifoit un trop j;rand ufege. Il foute-
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«oit que toutes les facultés étoient des anges ; il
«’imaginoit qu’il expliquoit par-là beaucoup plus nettement
les opérations de la Divinité, & les expreflîons
de rEcr’ture. N’eft-il pas étrange , difoit-il , qu’on -
admette ce que difent quelques do£feurs, qu’un ange entre
dans le fein de la femme pour y former un embryon;
quoique ces mêmes doéfeurs aüûrent qu’un ange eft
tin feu confemant, au lieu de reconnoître plutôt que
la faculté régénérante eft un ange ? C ’eft pour cette
raifon que Dieu,parle fouvent dans l’Ecriture, & qu’il
dit ; faifons l’homme â notre image , parce que quelques
rabbins avoient conclu de ce paffage, que Dieu^avoit ‘
un corps, quoiqu’infiniment plus parfait que les-nôtres;
il foutint que f image fignifie la forme effentielle qui
conftitue unè cfiofe dans fon être. Tout cela eft fort
fubtil, ne lève point la difficulté , & ne découvre
point Je véritable fens des paroles de Dieu. IL croyoit
que les aftres font animés, & que les fphères céleftes
vivent. Il difoit que Dieu ne s’etoit repenti que d’une
chofe, d’avoir confondu les bons avec les méchants
dans la ruine du premier temple. Il étoit perfuadé
que les promeffes de la loi, qui fubfiftera toujours,
ne regardent qu’une félicité temporelle , & quelles
feront accomplies fous le règne du Meffie. Il foütient
que le royaume de Judafut rendu à la poftérité de
Jéchonias, dans la perfonne de Salatiel, ''quoique
St. Luc afîure pofitivement que Salatiel n’étoit pas fils
de Jéchonias , mais de Néri.
De la pKilofôpKie exotérujiie des Juifs. Les Juifs
avoient deux efpècesde philofophie : l’une exotérique,
dont les dogmes étoient enfeignés publiquement, foit
dans les livres , foit dans les écoles ; l’autre éfotérique,
dont les principes n’étoient révélés qu’à un petit-
nombre de perfonnes chojfies , & étoient fôigneufè-
ment cachés à la multitude. Cette dernière fcience
s’appelle cabale.
Avant de parler des principaux dogmes de la philofophie
exotérique, il ne fera pas inutile d’avertir le
Jeéfeur, qu’on ne doit pas s’attendre à trouver chez lès
Juifs de la jufteffe dans les idées , de l’exaéfitude dans
le raifonnement, delà précifion dans le ftyle; en un
mot, tout ce qui doit caraéférifer une faine philofophie.
On n’y trouve au contraire, qu’un mélange confus
des principes de la raifon & de la révélation, une
obfcurité affedée, & fouvent impénétrable, des principes
qui conduifeilt au fanatïlme , un relped aveugle
pour l’autorité des do&eurs, & pour l’antiquité ;
en un mot, tous les défauts 'qui annoncent unè nation
ignorante &. fuperftitieufe : voici les principaux dogmes
de cette efpèce de philofophie.
Idées que les Juifs ont de la Divinité. I. L’unité d’un
Dieu fait un des dogmes fondamentaux de la fyna-
gogùe moderne , auffi bien que des anciens Juifs :
ils s’éloignent également du païen , qui croit la piura-
ralité des dieux, & des Chrétiens qui admettent'trois
perfonnes divines dans une feule effence.
Les rabbins avouent que Dieu feroit fini, s’il avoit
un corps : ainfi , quoiqu’ils parlent fouvent de Dieu,
comme d’un homme , ils ne laiffent pas de le regarder
comme un être purement fpirituel. fis donnent à cette
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effence infi lie toutes les perfections qu’on peut imaginer
, ÔL en écartent tous les défauts qui font attachés
à la nature humaine, ou à la créature ; for-tout ils
lui donnent une puiffance abfolue & fans bornes, pan
laquelle il gouverne l’univers.
II. Le ju i f qui convertit le roi de Cozar , explt-
quoit à ce prince les attributs de la Divinité d’une manière
orthodoxe. Il dit que, quoiqu’on appelle Dieu
miféricordieux, cependant il ne fent jamais le frémif*
fement de la nature, ni l’émotion du coeur, puifque
c’eft une foibleffe dans l’homme : mais on entend par-
là que l’Etre fouverain fait du bien à quelqu’un. Ou
le compare à un juge qui condamne & qui abfoul
ceux qu’on lui préfente, fans que fon efprit ni fou
coeur foient altérés par les différentes fentences qu’il
prononce, quoique delà dépendent la vie ou la mort
des coupables. Il affure qu’on doit appeller Dieu lumière :
( Corri. part. II. ) mais il ne faut pas s’imaginer que .
ce foit unè lumière réelle, ou femblafile à celle qiu
nous éclaire car on feroit Dieu corporel, s’il étoit
véritablement lumière : mais on lui donne ce nom,
parce qu’on craint qu’on ne le conçoive comme ténébreux.
Comme cette idée feroit trop baffe, il faut
l’écarter., & concevoir Dieu fous celle d’une lumière
éclatante & inacceffible. Quoiqu’il n’y ait que les
créatures qui foient fofceptîbles de vie & de mort,
on ne laiffe pas de dire que Dieu v it, & qu’il eft la
vie ; mais on entend par-là qu’il exifte éternellement,
& on ne veut pas le réduire à la condition des êtres
mortels. Toutes ces explications font pures, 8c conformes
aux idées que l’Ecriture nous donne de Dieu.
III. 11 eft vrai qu’on trouve fouvent dans les écrits
des doéteurs , certaines expreffions fortes , & quelques
aéfions attribuées à la Divinité, qui feandalifent ceux
qui n’en pénètrent pas le fens ; & delà vient que
ces gens-là chargent les rabbins de blafphêmes &C
d’impiétés , dont ils ne font pas coupables. En effet v
on peut ramener ces expreffions à un bon fens ,
quoiqu’elles parodient profanes aux uns , & rifibles
aux-autres. Ils veulent dire que Dieu n’a châtié qu’avec
douleur fon peuple*, lorfquils I’introduifent pleurant
pendant les trois veilles de la nuit , 8c criant : malheur
à moi qui ai détruit ma mai fon 9 & difperfé mon peuple
parmi les nations de la terre. Quelque forte que foit
Pexpreffion , on ne laiffe pas d’en trouver de fem-
blables dans tes prophètes. I l . faut pourtant avouer
qu’ils outrent les chofes, en ajoutant qu’ ils ont entendu
fouvent cette voix'lamentable de la Divinité,
lorfquils paffent fur les ruines du temple ; car la
faufrèté du fait eft évidente. Ils badinent dans une
chofe férieufe, quand ils ajoutent que deux des larmes
de la Divinité, qui pleure la ruine de fa maifon,
tombent dans la mer , 8c y caufent de violents mouvements;
ou lorfqu’entêtés de leurs téphilims, ils en
mettent autour de la tête de Dieu , pendant qu’ils
prient que fa juffice cède enfin à fa fnifericorde. S’ils
; veulent vanter par là la néeeffité des téphilims, il ne
fout pas le faire aux dépens dç la Divinité qu’on
habille ridiculement aux yeux du peuple.
IV. Us ont feulement deffein d’étaler les effets de la
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