
6^0 M O R
le roi {ans perfécuter la reine : ils s’emprefsèrent de
faire {avoir au monarque l’infidélité de fa femme.
Edouatd renonça dès-lors à la voir, & c’étoit apparemment
ce qu'ils défiroient ; mais craignant ercore
^ plus Mortmur qu’Ifabelle, ils le firent mettre à la Tour
de Lon Ji es ; on le condamna deux fois à mort, on
lui donna deux fois fa grâce on voulut le retenir
toute {à vie en prif n ; il fe fauva, & vint chercher
un afy le en France. Ifabelle y vint auffi , &. y porta
fes plaintes contre un! mari injufte & ^ps miniftres
infolens ; mas quand on eut vu en France, de quoi
il s’agifioit, & qu’une femme vouloit réduire 1rs intérêts
de deux nations aux intérêts d’un mignon & d’un
amant, Charles-Îe-Bel, ennemi de ces turpitudes, dit
Méz'èiay , ,n’y voulut prendie aucune part. Cependant
Ifabelle & Mo temer rentrent en Angleterre , arment
contre Édouard & les Spenfers, font périr les Spenfers,
enferment Edouard, le font dépefer, s’emparent de
l’autorité, malgré la précaution que le parlement avoit
prife en dépofant Edouard II, de nommer douze tuteurs
pour gouverner feus Edouard l i t , fils d’Edouard II &
d’ILbelle; ces ururpateurs d’un pouvoir qu’on n’avoit
pas prétendu leur confier , commencent à infpirer la
naine qu’ils mérîtoient. Les larmes hypocrites que
l'impudente Ifabelle affeétait de verfer for le fort de
fon mari, comme fi ce fort n’eût pas dépendu d’elle,
mais feulement de la nation , ces larmes ne pouvant
en impofer , révoltèrent & firent verfer des larmes
véritables en faveur d’Edouard. Ifabelle Sl Mortemer
craignant les effets de cette pitié, comblèrent la mefure
en fa.fant périr Edouard II , & même d’une fnort
cruelle. Mortemer'avoit rendu à i’Angleterre l’infolence.
Sc les vices des Gavefton & des Spenfer; fa tyrannie
étoit devenue infupportable & au peuple & au roi ;
ïe peuple frémiffoit de voir une femme meurtrière de
fon mari , régner fcandaleufement avec fon complice ;
le roi Edouard III s’indignoit des horreurs dont on
fouilloit les prémices de fon règne. Ifabelle & Mortemer
voyoient l’exécration publique & la bravoient ; ils
s’imagiraient pouvoir tout, parce qu’ils ofoient tout;
ils croyoient couvrir des crimes atroces par des crimes
adroits. Quand ils voulurent perdre le comte de Kent,
qui les avoit trop bien fervis, mais qui s’en repentoit,
ils lui firent donner le faux avis que le roi Edouard I I ,
fon frère, dont il pleuroit la mort, étoit vivant; on
lui dit qu*;J nç pouvoit pas le voir, mais en l’affura
qu’il pouvoit lui écrire, & l'on offrit de remettre fes
lettres ; le comte de Kent écrivit, il promit à fon frère
de ne rien négliger, pour lui rendre la liberté & la
couronne. Cétoittout ce qu’on vouloit ; la lettre portée
à Mortemer, fut le crime pourlequel un parlement vendu
condamna au dernier foppüce le frère d’Edouard II &
Fonde d’Edouard III. Sa confifcation fut donnée à un
des fils de Mortemer , tant l’autorité avoit dépouillé
toute pudeur ! Mortemer fit. arrêter pour la même caufe,
un autre prince du fang , dont il avoit reçu, auffi bien
xju’Ifabelle , les plus grands fervices, c’étoit le comte
de Lancaftre. Les Parlemens n’ofoient plus réfifter à
Mortemer : au mépris de toutes les loix, il entroit à
jnain armée dans les §flqnblées, menaçant de la mort
M O R
quiconque prétendroit réfifrer. Préferit à tout par les
elpions dont il entourolt le roi & ies grands, il rendit
le roi inacceffible & les grands fofpeâs les uns aux
autres. Quand le roi eMnp. it de le punir, il fallut
qu’il cachât fon projet cemme on cache une confpi-
ration ; à peine put-il trouver des ccmpbces ; il convoqua
un parlement à Nottingham ; il voulut fe rendre
le maître du château , mais lfobelle & Mortemer
l'avaient prévenu ; on lui permit à peine de s'y loger
avec trois ou quatre domefriqi es : la reine avoit pris la
précaution de faire changer les lèrrrurts, & tous les
foirs on lui apportait les c’efs du château : le roi eut
conno fiance d’un paffage fouter; ein, pratiqué autrefois
pour donner au château une fecrette üTuè , abandonné
alors & bouché par des décombres. Ce paffage qu’on
appelle encore La foffede Mortemer , communicuojt
à l'appartement de ce favori ; ce fut par là que les
confidens du roi, introduits pendant la uit,Surprirent
Mortemer tenant un: cou f i l fecret avec fis amis particuliers.
Deux de ces derniers ayant tiré l’épée pour
le. défendre , furent maffacrés à l’mftaut : la reine ré-
veillée-par le bru’t & par fon inquiétude, s’élance de
fon li t , vole au feccurs de fon amant : mon f ils , mon
fils , crioit-elle , épargne? le gentil Mortemer I Elle lé
vit entraîner ; Mortemer iut pendu, Ifabelle enfermée ,
alors Edouard frit roi.
I Obforvons feulement, en favetir.de l’autorité toujours
néce{faire des loix , que le parlement ayant
condamné Mor emer fur la feule notoriété des faits c
fans avoir entendu dé témoins , fans avoir donné
à i’accufé les -moyens de fe défendre, cet arrêt fût
caffé environ vingt ans apiès, fur les repiéièntations
du fi-s de Mortemer , qui allégua l'irrégularité de l'a
procédure.
Quant à, Ifabelle, quelques auteurs ont d't qu’on
avoit avancé fes jours ; l’opinion confiante eft-qu’elle
vécut vingt-huit ans dans fa prifon. Froiffard, auteur
prefque contemporain , dit quV/e y ufa fa vie doucement
; quon lui donna dés chambrières pour la fervir ,
dames pour lui tenir compagnie , chevaliers d’honneur
pour la garder , belle revenue pour la fufiifarr.ment gouverner
félon fon noble état , & que le " roi fon f i s
la venoit voir deux ou trois fois Van ; c’étoit tout ce qu’il
lui devoit. ; ...
La maifcn de Mortemer joua dans la fuite un rôle
confidérable, & eut des dro;ts inçontdtables au trene
après la mort de Richard I I , fris du. prince Noir, &
petit-fils d’Edouard 111. Le fécond des fils d’EdouardIII ,
qui fuivoit immédiatement le prirce Noir, & qui pré-
cédoit les ducs de Lancaftre & cl Yorck , auteurs des
deux Rôles, étoit le duc de Garençe. Celui -.ci étoit
mort avant fon père, ne biffant d’Ëlifabsïh de Burgh
fa femme , qu’une fille, mariée à Ecimcnd Mortemer ,
comte de la marçhe, d’une autre branche que Roger ;
ces Mortemer, trahis par le fort, ne régnèrent point ,
mais leurs droits pafsçrent par mariage, a la branche
d’Yorck, qui les fit valoir.
MORTON , ( Hift, d'Anglet. & d’Ecoffç ) le
comte de Murray frère naturel de Marie Stuart &
ion
M O R M O
fon plus mortel ennemi,chef du parti protefrant enEcoffe;
le comte de Morton de la maifon -de Douglas, ami
& confident de Murray, & le fecrétaire d’état Maitland
de Léthington formoient ce qu’on pourroit appel1er le
Triumvirât d’Ecoffe, dont l’objet étoit de perdre Marie
Stuart & de mettre fur le trône le comte de Murray,'
fous lequel les deux autres efpéroient de régner. Ils
avoient d abord engagé la reine Elifabeth'à faire enlever
la-reine d’Eccffe à fon paffage de France enEcoffe ;
c etoient eux qui avoient fait affaffiner David Riccio ;
( voyeK._ Riccio ) c’étoient. eux qui entretenoient par
toute forte d’artifices, la méfintelligence & la diviiion
entre Ma>->e Stuart & Stuart Darnley fon mari. La
politique alfez conftante du Triumvirat , étoit de ne
jamais s’expofer tout entier & de paroître même ta
divifer ; quand l’un des trois. prenoit les armes, les
deux autres, ou l’un d’eux feignoit de s’attacher aux
intérêts de la reine, & refroit auprès d’elle pour:-l’épier,
la trotte r & rendre compte .,de tout aux autres. La
nuit du 9. au 10 février 1567, la • maifon.ou étoit
loge Darnley faute en l’air par le .jeu d’une mine ,
on retrouve le corps de ce prince à quelque diftance
de là , fous un arbre. Quels étoient les affaffins ? La
voix publique àccufa d’abord le comte de Bothwel.
Lë crédit de Murray & de Morton fit. choifir les
jiugës & les officiers qui dévoient connoître de ce
crime. Quand Bothwel parut devant fes juges, Morton
prit fa détanfe’, & voulut l’accompagner. Pendant qu’on
inftruifoit ou qu’on feignoit d’inftruire le procès de
Bothwel, Murray content de lui avoir fait donner
des jugés à fon choix , voyageoit en Angleterre &
en France , paroiffant ne prendre part à rien , &
fuppofant que la recherche qu’on alloit faire des
affaffins du roi ne pouvoit le regarder, ou en tout
cas voulant détourner de lui les foupcons. Bothwel
fut abfous par la connivence de fes juges , par le.
crédit de fes complices, à la tête defquels étoit
Morton ; mais ceux-ci virent bien que le peuple n’avoit
pas confirmé la fentence des juges , & que Bothwel
etoit condamné par l’opinion publique. Ils engagèrent
la nobleffe à figner un aâe de confédération, par
lequel elle garantiffoit l’innocence de Bothwel, prenoit
fa defenfe contre fes accufateurs le propofoit à
Marie avec inftance comme un homme digne de
recevoir la main de fa fouveraine, comme un vieux
ferviteur de la reine d’Ecoffe Marie* de Lorraine fa
mere, comme un appui néceffaire & dont elle ne
pouvoit fe paffer dans un temps de faélions & de
crimes, où fon précédent mari venoit de lui être enlevé,
par un attentat fi hardi & fi effrayant. Murray, avant
fon départ „ affeélant un faux zèle pour les intérêts de
fa foeur , lui avoit auffi tenu le même langage ;
cependant on fentoit que la reine feroit retenue par
la confidération des foupçons dont Bothwel avoit
été l’objet. C ’eft for-tout à détruire ces foupçons que
l’on s’attache. Les termes dans lefquels étoit conçu
l’aéta foufent par la nobleffe , avoient fur ce point
une énergie qui ne permettoit aucun doute fur l’inno-
cenoe de Bothwel. « pour la foutenir , difoit-on ,
» Ô£ pour affurer. le mariage de Bothwel avec la
Hifloire, Tome 111.
n reine , nous facr.fierons nos fortunes & nos vies.....'
v fi nous venions jama:s à penfer ou agir autre-
>» ment, nous confentons à perdre pour toujours
» notre réputation & à être regardes comme de»
» gens fans foi, comme des traîtres. » Cet aâe étoit
figné de Morton & de fes anrs & de tous les
gentilshommes qu’ils avoient pu féduire. Marie , en
epoufent malgré elle , ce vieux Bothwel, crut céder
aux voeux de fa nobleffe & f e facrifier au bien de'
l’etat l d’ailleurs effrayée pour elle-même de la violence
qui lui avoit enlevé fon mari, elle crut en effet avoir
befoin d’un appui, & n’en pouvoir choifir un plus
sûr que celui qui lui avoit été propofé. par fon frère
&. par la nobleffe de fon royaume ; elle ne pouvoir
croire Bothwel coupable ; accufée elle-même par des
libelles , la confcience»qu’elle avoit de fon innocence
la difpofoit à juger innocent, for la foi de la nobleffe
du royaume , un ancien & zélé ferviteur de fa maifon^
Elle fe perfoada même qu’on n’avoit accufé Bothwel
qu’en haine de l’attachement qu’il lui avoit toujours,
montré , & de la confiance dont elle l’honoroit.
Morton avoit fait abfoudre le comte de Bothwel
il avoit déterminé la reine à époufer ce Bothwel ;
à peine le mariage eft-il célébré, tout change. Morton
fe déclare ennemi de Bcthwel & de la reine ; peu
s’en faut quM ne les forprenne & ne les enlève dan*
leur palais même ; il foulève cette même nobleffe
qu’il avoit féduite, & lui fait prendre les armes. Quel
motif allègue-t-il de cette révolte contre fa fouveraine?
c efl que par fon mariage , auffi honteux que précipité
avec le comte de Bothwel, Marie fournit une preuve,
non èquivoqve qu elle a participé à la mort du roi fort-
époux.
La vérité eft que Morton avoit été complice dé
Bothwel dans l’affaffinat du roi ; ainfi, bien affuré
que Bothwel étoit coupable, il le défend devant les
juges , il le fait abfoudre par ces juges vendus , il fait
attefter fon innocence par la nobleffe, il la fait attefter.
devant la reine, illuipropofe cet homme pour mari ;
& quand-elle a bien voulu l’agréer for la foi d’une innocence
ainfi confirmée ; c’eft le moment que Morton
attendoit pour accufer Bothwel du meurtre du roi
&. la reine elle-même de complicité ! cette complicité,
il la Tonde for le mariage même qu’il a eu l’infolence
& la perfidie de propofèr !
Morton pourfoit la reine & Bothwel ; l’injuftîcë
triomphe , la reine tombe entre les mains des rebelles ,
elle s’en échappe, elle fe fauve en Angleterre, où, contre
tout droit, elle eft retenue prifonnière. Quant à Bothwel,'
il eût été auffi aifé à prendre que la reine , ma:-s Murray
& Morton étoient trop habiles pour fe charger de ce
dangereux prifonnier qui, n’ayant plus rien à ménager ,
eût tout dit & tout prouvé : on le laiffa échapper ;
on attendit qu’il eût gagné les Orcades, puis le Danc-
marck, alors on mit fa tête à prix pour lui fermer
le retour. Murray eft nommé régent d’Ecoffe. Cependant
Elifabeth, reine d’Angleterre , veut que fa prifon-'
nière fe juftifie ; on nomme des. commiffaires de part
& d’autre ; Murray, Morton & Léthington ont grar d
foin de fe faire nommer à la tête des commiffaires
M m m m