
i<To J E A
fon fils don Ferdinand fur le trône, recommença fes
intrig J e s fe s calomnies , les délations, & parvint à
brouiller plus que jamais ce jeune prince avec fon
père. Indignés d’une perfécution'aulü foutenue , les
Navarrois proclamèrent tumultueufement don Carlos
roi. Jean prit les armes, déshérita fon fils, & la guerre
civile fe ralluma avec la plus atroce violence. Le roi
d’Aragon fe rendit encore médiateur entre fon frère
& fon neveu , & l’envoyé de ce monarque arriva
au moment oh les Navarrois divifés étoient for le
point de remettre à une bataille la décifion de la
querelle. La médiation d’Alphonfe épargna encore à la
Navarre le dernier des malheurs : mais il mcürut lui-
même à Naples , après avoir inftitué fon frère Jean,
roi de Navarre , héritier des royaumes d’Aragon , de
Valence , de Majorque , de Sardaigne & de Sicile,
ainfi que de la principauté de Catalogne. La nouvelle de
cette mort ne fut pas plutôt parvenue en Aragon , que
Jean I I fut proclamé à Saragoffe, le 25 juillet 1458.
Le fceptre des Navarrois appartenoit évidemment à
don Carlos ; mais trop docile aux fuggeftions de Jeanne,
le roi d’Aragon fe hâta de nommer la comteffe de
Foix , fa fille , vice-reine de ce royaume ; il donna
un vice-roi à la Sicile , ou il craignoit que don Carlos
-qui y étoit , ne fufcitât quelque foulèvement. Mais
bien loin de fonger à remuer , le prince de Viane
offrit à fon père de fe retirer ou il voudroit, & le
roi lui défigna Majorque. Don Carlos s’y rendit : là
prompte obéifiànce défarma fon père , qui lui permit
d’aller réfider par - tout oh il voudroit, excepté en
Navarre ou dans la Sicile , lui promettant de lui
rendre la principauté de Viane , & de reftituer à
l’infante dona Blanche , féparée de Henri V I , roi de
Caftille , tout fon apanage. Ce traité paroiffoit fixer
la bonne intelligence , & elle fe feroit foutenue, fi
la turbulente Jeanne eût pu confentir à laiffer vivre
tranquillement le prince* de Viane. Elle commença
par engager fon trop facile époux à refufer aux états
d’Aragon & aux états de Catalogne , de déclarer don
Carlos fon fucceffeur ; & ce refus en effet très-injurieux,
aigrit Fefprit de don Carlos, qui, peu de tems après,
fut promis en mariage par fon père, à dona Catherine
, infante de Portugal : mais tandis qu’on négo-
çioit ce mariage à la cour d’Aragon * les ambaflàdeurs
de Henri IV -, roi de Caftille, offrirent feerètement
au prince don Carlos, l’infante dona Ifabelle, fceur
du roi de Caftille , & héritière du trône de Caftille.
Le prince de Viane eonnoiffoit les engagements que
fon père avoit pris avec le roi de Portugal s &. il y
avoit lui-même confenri ; mais l’alliance qu’on lui pro-
pofoit étoit pour lui d’une plus grande importance,
& d’ailleurs les Caftillans sfengageoient à le mettre ,
quoiqu’il en arrivât, for le trône de Navarre. Quel-
qu’éblouiffantes pourtant que fuffent ces promefles, le
prince de Viane ne s'en|agea point, & ne répondit
qu’en termes généraux- Jeanne , informée de cette
négociation , la fit fervir de prétexte à la plus atroce
des délations; elle dit à fon époux que don Carlos
avoit conjuré fa pe*'te , & que d’accord avec les
z0 £iklkns y il youlcitde détrôner, Jean //refont d’ajouter
J E A'
foi à cette accufàtîon. La reine eut recours aax lartïiel:'
ScJean I I fe laiffant perfoader , promit de faire arrêter
fon fils, qu’en effet il fit faifir , & qu’il transféra de
prifon en prifon , comme s’il eût été coupable des
crimes les plus noirs , tandis que fa perfide époufe
faifoit courir le bruit que le prince avoit cpnipiré
contre la vie de fon père. Ces délations ne s’accréditèrent
point, elles foulevèrent au contraire tous les
citoyens, qui connoiffant & déteftant le caractère
de la reine , fe foulevèrent en faveur de l’innocent
opprimé. Les états d’Aragon & ceux de Catalogne,
indignés de tant d’injuftice , demandèrent hautement
a Jean 11 que le prince fût mis en liberté , & qu’il
eût à le déclarer fon fucceffeur : Jean refufa ; les
états affemblèrent des troupes & équipèrent une flotte
pour obtenir ce qu’ils demandoient. Irrité par là- ré-
fiftance, le roi arma de fon côté, & la guerre çivile
alloit bouleverfer l’état, lorfquê la reine, après avoir
pris les plés criminelles précautions , changeant de
ton, parut s’intéreffer au prinçe de Viane, conjura
fon époux de le mettre en liberté, & même de le
déclarer fon foccefîeur, Jean I I n’eût point haï fon
fils, s’il n’eût point eu la foibleffe d’époufer les parlions
de la reine. Il rendit la liberté à fon fils , qui
mourut, comme Jeanne l’avoit prévu , peu de jours
après fon élargiffement à Barcelone, après avoir inftituç
par fon teftament, dona Blanche, fa fceur , héritière
du royaume de Navarre , teftament qui fut aufii fatal
à Blanche, que les prétentiçns de don Carlos, lui avoient
été funeffes à lui-même, & qui expofa dona Blanche
à la haine & aux noirceurs de la reine d’Aragon-'
En effet, le prince de Viane eut à peine ferme les
yeux, que fon impatiente marâtre engagea les états
de Catalogne à reconnoître fon fils don Ferdinand ,
pour légitime fucceffeur de Jean I I , & à lui prêter
ferment. Les peuples n’eurent point la facilité des
états ; ils fe foulevèrent, Sc la révolte devint générale
par les tracafferies de Jeanne , qui irrita contr’elle la
noblefle, en protégeant les vaffaux contre les feigneurs,
La révolte devint fi violente , &. la haine que Fon
avoit pour Jeanne devint fi forte , que cette reine craignant
pour fa vie, prit la fuite, & elle s’enferma avec
don Ferdinand fon fils , à Gironne , oh bientôt les
mécontents allèrent Fafiièger. Jean 11, 1ecouru-par la
France, fit lever ce liège, & délivra fon époufe, qui,
peu fatisfaite de la mort de don Carlos, avoit agi avec
tant d’art & de fhccès contre la fceur .& héritière de
ce prince , dona Blanche ., que le roi d’Aragon,'
effrayé des complots dont fa fille étoit„accufée., l’ayoit
fait arrêter, & la faifant conduire au-delà des Pyrénées
, l’avoit livrée au comte & à la comteffe de
Foix , fes deux plus cruels ennemis. Accablée des
maux que fes perfécuteurs lui faifoient fouffrir, Blanche,
écrivit au roi de Caftille, implora fa proteélion, & lui
offrit, s’il vouloit la délivrer de fon affreufe prifon ,
de. lui céder fes droits fur le royaume de Navarre.
Jeanne , informée de cette offre , s’excita à de nouvelles
atroçités. Elle fit transférer dona Blanche au château de
Béarn, oh , après deux années de tourments , cette
infortunée prinçeffe mpuxut de poifon. Jean 111 qui
J E Â.
ne fe doutoif point de- ces horreurs, & qui regardoit
ià criminelle époufe comme la plus douce & la plus I vertueufe des femmes, ne concevoit pas les motifs de
la haine des Catalans, de leur foulèvement, du refus
I qu’ils faifoient de fe foumettre, de la guerre qu’ils
[ foutenoient pour fe rendre indépendants : ce n’étoit
I; cependant paint à l’indépendance qu’ils afpiroient;
mais déterminés à ne jamais rentrer fous lè joug de
la cruelle Jeanne, ils offrirent leur principauté au roi j dé Caftille , qu’ils proclamèrent à Barcelone; & qui, I de concert avec le roi d’Aragon * s’en étant rapporte
à la décifion du roi de France , fé défifta de fes
droits à cette principauté , d’après l’arrêt du roi de
I France, qui prononça que celui de Caftille renonce- roit à .cette fouveraineté. Alors les Catalans appelfe- I rent don Pedre , infant de Portugal, & la guerre fe I ranima plus vivement que jamais. Don Pedre mourut, Inftitua don Juan héritier de la principauté de Cata- II lvoioglneen,c e&. J leeasn t rIoIu bfliet sl ecso npltuinsu gèrraenndt sa veeffco lrat sp lpuos ugrr afnodue-
mettre les habitants de cette fouveraineté , &. il y
fut merveilleufement fécondé par fon epoufe , qui,
s’étant embarquée avec fes troupes, alla affiéger Roces,
& commanda l’armée avec toute l’intelligence &.
toute l’autorité d’un général accoutumé au tumulte des
armes, & exercé dès l’enfance dans Fart des combats.
Epuifée cependant de fatigue , elle ' alla fe repofer a
Tarragon, oh, après une longue maladie, elle mourut,
à la grande fatisfa&ion des peuples; On aflure que,
dévorée de remords pendant fa maladie, elle répétoit
fans cefle: A h ! mon fils Ferdinand, que tu coûtes
çher à ta mère ! En effet, Fambition de placer fon fils
- iùr le trône, lui avoit-coûté bien des crimes. Quelques
hiftoriens affurent, que dans les premiers jours de -
ia maladie * ayant avoué qu’elle avoit eu part à la
f jnort du prince de Viane , Jean I I , faifi d’horreur ,
I & connoiffant alors toutes les injuftices qu’il avoit
faites par fes confeils & fes délations, l’abhorra & ne
voulut plus la voir. Il reconnut bientôt que cétoit
die que les peuples déteftoient ; car là mort mit fin à
tous les troubles , à tous les mécontentements qui
jufqu’alors avoient agité fon règne. Mais elle ne mit
pas fin à toutes les fautes du roi qui fe livra dans la fuite
I suffi aveuglément à l’amour de fes maîtreffes, qu’il
s’étoit laifle dominer par la reine. Les Catalans per-
fiftèrent dans leur révolte ; & ce ne fut qu’après avoir
perdu Gironne &. prefque toutes leurs troupes , qui
frirent maffa.crées dans une bataille, oh l’armée ara-
gonoife remporta une éclatante viâoire , que la Catalogne
entière fe fournit ,jl l’exception de Barcelone ,
ur, afliégée par mer par terre , & réduite aux
entières extrémités , refufoit encore de fe rendre.
Jean I I , pénétré lui-même de la frtuation des habitants
de cette ville , leur écrivit une lettre remplie de
.douceur , de tendrefle , & par laquelle il leur offroit
non feulement d’oublier le paffé, mais de confirmer
tous leurs droits, leurs privilèges , &. de conferverà
chacun des citoyens fes biens & fes dignités. Défarmés
par tant de preuves de bonté, les Barcelonois fe-rendirent
pàr capitulation ; & le -roi d’Aragon, pour éfpjff&T
JJiJhirç. Torn- Hl»
J E A i<?i
ju{qu’auje moindres reftes de mécontentement , voulu*
bien confentir à reconnoître qu’ils avoient eu de juftes
raifons de prendre les armes , & à pardonner à tous
les habitants. Il fit fon entrée dans la ville , &
dès le lendemain il confirma leurs privilèges, ainfi
qu’il l’avoit promis. Pendant que les Barcelonois cher-
choient à fe fouftraire à la couronne cTAragon , les
habitants de Perpignan & d’Elne tentaient de s’affranchir
de la domination françoife, pour fe remettre fous 1 obéit
fance du roi d’Aragon ; & dans cette vue, ils maffacrè-
rent la garniforf françoife. Louis XI affembla une puifo
fknte armée pour châtier févèrement les auteurs de ce
maflacre. Jean I I fe rendit à Perpignan , fit rétablir
les anciennes fortifications , & en fit faire de nouvelles.
Les préparatifs de la France & la crainte de
la vengeance de Louis X I , confierr.èrent les habitants
de Perpignan, que la préfence de leu? nouveau fou-
verain ne pouvoit rafîurer. Jean I I les affembla dans
Téglife cathédrale, & leur dit que connoiffant comme
eux, le prince qu’ils avoient offenfé , ils n avoient
d’autre moyen d’éviter fà colère , que celui d’oppofer
à fes forces la plus vigoureufe défènfe ; que quant à
lu i, il leur promettoit & juroit de ne point les abandonner
pendant la durée du fiège : ce liège ne tarda
point à être formé. Perpignan fut invefti par l’armée
françoife, fous les ordres de Philippe, comte de Brc-fiV,
Les Catalans, fournis depuis fi peu de temps au roi
d’Aragon, parurent les plus empreffésà fecourir leur
fouverain ; ils prirent les armes, prièrent don Ferdinand
de venir fe mettre à leur tête , & fe mirent en
campagne au nombre de vingt-cinq mille. L’armée
des alfiégeants étoit de quarante mille hommes ; mais
Jean I I défendit Perpignan avec tant de valeur ,
& il fut fi bien fécondé, qu’obligés de lever le fiège,
les François étoient très-affoiblis, lorfque don Ferdinand,
fuivi de l’armée catalane , paffa les Pyrénées,
& marcha au fecours de fon père. Le fiège étoit levé
alors , & les François fe retiroient : don Ferdinand
les harcela dans leur retraite , & affoiblit encore plus
leur armée. Louis XI , irrité contre fes généraux,
renforça cette armée de dix mille hommes, & l’envoya
une féconde fois afiïéger Perpignan, Jean I I
étoit encore dans cette place, &. les-attaques furent
fi vives , que le roi d’Aragon , craignant de fuccom-
ber , eut recours à un ftratagême far lequel il ne
comptoit que foiblement, & qui pourtant lui reuflit,
, Il fit répandre parmi les alfiégeants , la nouvelle du
foulèvement & delà réunion de toutes les places qu’ils
- avoient laiffées fur leur route & dans le voifinage. Ce
faux bruit s’accrédita & alarma fi fort les François ,
que, dans la crainte d’être invclhs eux-mêmes fous
les murs de Perpignan, ils levèrent le fiège, le retirèrent
en défordre, & eurent leur arriere-garde fort
. ma'traitée. L’inutilité de cette fécondé er.tivpnfe ri buta
Louis XI : d propofa la paix au roi d’ 4ragon ; celui-ci
1 accepta , & le traité fut conclu à d :s conditions en
apparence très-fatisfaifantes. Mais J tan I I qui traitoit
de bonne foi , ne s’apperçut que trop lard , que le ica t©
que Louis XI avoit fait rédiger étoit rempli de claufes
inftdiepfçs ; il envoya aulfi-tôt deqx des principaux fei-j