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France comme ' envoyé de ce prince. II y étoit encore
da is le temps de la St. Barthelemi en 1572, &
il expofa fa v ie , pour fauver celle de Duplems Mor-
nay & d'André wechel, fes amis. Il mourut à Anvers
en 1581 au fèrvice du prince d’Orange, Guillaume
, le fondateur de la liberté des pays-tas dont
on lui attribue l'apologie contre le roi (F Efpagne. Il
pa/Te aulîi pour l’auteur de l’ouvrage très-républicain,
qui a paru fous le nom de Stephanus Junius Bru tus,
çf. qui a pour titre î Vïndicict contra tyrannos. Un
concilier au parlement de Dijon, (laM a re ) a écrit
la vie.
ÿ Les deux Linguet de Gergy, l'un curé de St Sulpice
, ( Jean - Baptifte - Jofeph, ) l’autre évêque de
SoilTons, puis archevêque de Sens , ( Jean-Jofeph )
étoient les arrières-petits neveux de Hubert Languet.
L’archevêqüe de Sens eft connu par lès écrits en faveur
de la conft'.tution & par Thiftoire de Marié Ala-
Coque, ( voyez Alacoque, ) fes averiiffemens au fujet
de la conftitution , qu’il fit étant évêque de SoilTons,
eurent du fuccès parmi les conftitutionnaires. Il étoit
conlèiller d’état d’églifè. Il étoit aulîi de l’académie
françoilè, & il y fit en différentes occafions d’aflèz
bons difcours. On remarqua celui qu’il fit en qualité
de direéieur, en recevant M. de Marivaux à l’académie
françoilè, mais on le remarqua comme un trait
de péJantifme & comme une contravention aux loix
que lui impofoiten cette occafion le titre de direéieur.
Il ne parla des ouvrages de M. de Marivaux, que
fur parole , il prétendit ne les avoir point lus &
» ’avoir pas dû les lire ; c’ellce qu’il auroit pu dire
tout au plus de quelques romans de Crébillon le fils ;
encore fe dire&eur de l’académie eût-il été obligé de
refpeéler en public le choix de la compagnie, fi à caule
de çes ouvrages ou ma’gré ces ouvrages elle eut reçu
l’auteur. C ’étoit le titre de romans qui foifoit illufion
à la vertuauftère de M. l’archevêque de Sens ; mais
ces romans, c’étoient les caraâères de la Bruyère
mis en aétion ; c’étoit une peinture fine & vraie du
coeur humain ; c’étoit la morale fous la forme la
plus piquante, & Marivaux auroit pu lui répondre :
ü y a plus de vraie morale dans mes oeuvres que dans
beaucoup de ces exercitations polémiques qùi ont fait
yotre fortune & votre gloire.
L’archevêque de Sens mourut en 1753 au moment
©h on exiloit le parlement : on lui appliqua ce vers
de Mithridate :
Et mes derniers regards ont vu fuir les romains.
Le curé de St. Sulpice, fon frère, ne foifoit point de
livres, mais il a bâti St. Sulpice & fondé l’enfant Jéfos;
mais il rendoit utiles aux pauvres, fes paroiffiens riches.
On prétend que dans la diftributicn de fes aumônes
api’on fait monter à un million par an , il avoit égard for-
tout à la nailîance & à l’état, & qu’il y avoit dans la
•paroiflè des familles nobles & diftinguees, mais pauvres
, auxquelles il foumiifoit jufqu’à trente-mille*livres
par an ; on a loué, on a blâmé cette prof .fion: c’eft être
libéral plutôt que charitable ; les aumônes doivent tirer
A la misère , & non pas mettre dans l’aifance, à moins
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que toutes les misères ne foient foulagêes ; elles dôivênf
fobvenir aux befoins 8c non pas aider la vanité. On
a auffi acculé le curé de St. Sulpice d’avoir quelqtie-
fois provoqué l’abondance des aumônes par des artifices
8c des foggeftions , qu’on auroit jugées illégitimes
dans une caule perfonnelle ; c’eft fans doute une imputation
de lès ennemis, qui ne pouvant nier le bien
qu’il, foifoit, vouloient au moins- qu’il le fit mal. La
charité, la première des vertus, ne veut pas être fervie
par des moyens indignes d’elle ; mais l’avocat du pauvre
a de grands droits, for-tout, quand il donne l’exemple,
& c’eft a lui plus qu’à tout autre, qu’il a été dit : <ir-
gue, increpa, opportune, importune. Nous avons eu occafion
de connoître que, quand les legs pieux faits à
■ les pauvres, pouvoient être ou paraître onéreux aux
héritiers, il entroit volontiers en accommodement
avec eux & n’exerçoit point fes droits à la rigueur.
Son établiflèment de l’enfant Jéfus a dsux objets. L*un:
eft le même que celui de St. Cyr, avec moins d’étendue,
quant au nombre des fu jets; mais ce premier objet eft
même un peu perfedionné par l’attention plus particulière
qu’on donne aux foins du ménage dans le plan
de 1 éducation. Une penfionnaire doit, dit-on, fortir
de St. C yr avec plus de talens de femme aimable;
une penfionnaire fort de l’enfant Jéfos, avec plus de
connoiffances d’une mère de famille, connoiffances
qui ne font cependant pas négligées à St. Cyr. Le fe-:
cond objet propre à Tétabliffement de l’enfant Jéfus eft
de fournir la fubfiftance , mais avec le travail & par
le travail, à une multitude de pauvres femmes de la.
ville, de la campagne & des provinces indire&ement,
2u’on emploie for-tout à la filature du lin & du coton.
)sns les temps malheureux, dans les difettes publiques ,
ces fècours augmentoient. En 1720 , dans le temps: de
la pefte de Marfèille, le curé, de St. Sulpice envoya
des fommes considérables en Provence pour le foula-
gement des malheureux. En 1725 , il vendit fes meubles,
fès tableaux, fon argenterie, tout, pour nourrir
les pauvres. En 17 4 1 , plus de quatorze cents ièmmes
pauvres, étoient admifès à l’hofpice de l’enfant Jéfos,
& y trou voient de l’ouvrage & du pain. Quelle vie
admirable 8c remplie de bonnes oeuvres ! & quand la
noble profeffion de curé , la première de toutes peut»
être par le bien quelle offre à foire, 8c par l’avantage
de voir de plus près le mal qu’il fout foulager, quand
cette noble profefiion a-t-elle été plus noblement exercée?
Il en connoiflbit. bien la dignité ; il avoit refufé l’évêché
de Couferans, celui de Poitiers &. plufieurs autre:«!
Il joignoit à la cure ( & c’etoit un nouvel avantage pouf
les pauvres) l’abbaye de Bernay , 011 il eft mort en
175p. Il étoit né à Dijon en 1675. Il av0^ eu P cure
de St. Sulpice en 1714. U la remit quelques années
avant fo mort à M. Dulau d*Allemans,mais il ne ceffa
d’en remplir les fondions, for-tout celles qui intérêt
foient les pauvres.
■ Le curé de St. Sulpice étoit trop éclairé, pour n’être
pas tolérant; Une janiénifte qu’il adminiftroit, s’empreffa
par zèle de lui déclarer fans qu’il le lui demandât, qu’elle
ne recevoit pas la bulle Unigenitus : Madame 9 répon-;
dit-il froidement ? elle s’en pajfera.
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On cité de lui plufieurs mots & plufieurs traits
âffez fins, mais ils ne font pas affez avérés, 8c quel-
ues-uns même ne lui feraient peut-être ‘ pas affez
’honneur.
Il en eft un entr’autres qu’on a beaucoup cité ; nous
fommes bien éloignés de le garantir. Il convoitoit,
dit-on, pour fes pauvres la foccellion d’un de fes
paroiffiens , riche , qui n’avoit point d’héritiers direéls;
les carmes la convoitaient auffi & pour eux, 8c il
y avoit déjà un teftament fait en leur foveur, le curé
de St. Sulpice le fit changer ; les carmes qui l'ignoraient,
foivoient 'toujours fort affiduement leur malade pour
l’entretenir dans fes bonnes difpofitions à leur égard ;
: un jour ils rencontrèrent à fa porte le curé de St. Sulpice
, 8c foifant déjà en quelque forte les honneurs de
k maifon, ils voulurent le foire paffer devant eux :
entn^, leur dit-il, mes pères; vous êtes de ¥ ancien
tejlament, je ne fuis que du nouveau. Ils ne prirent ce
mot que pour une plaifanterie fur leur prétention
d’avoir été fondés par Elie for le Mont-Carmel ( Voye^
. l’article Papcbroch,').
Meilleurs Languet étoient fils du procureur général
du parlement de Dijon. M. Bofluet, leur compatriote,
avoit pris interet à eux dans leur jeunefiè.
LANNOY (Charles, comte de)(Afiy?, mod.j viceroi de
Naples fous l’empereur Charles-Quint & général de
fes armées , dans le commandement defquell.es il remplaça
Profper Colonne, le plus habile général de fon
temps. La première bataille où Lannoy commanda,
fut auffi la première ou il fè trouva 9; $c ce fut la bataille
de Pavie en 1325. Il y çommandoit les Italiens ;
Pefcaire, les efpagnols ; Bourbon les Allemands : il combattit
8ç commanda fort mal, il perdit k tête,, 8c laiffa
faire le connétable de Bourbon & Pefcaire, qui véritablement
en favoieut plus que lui, mais qui n’avoient
pas & ne méritaient pas au même dégré que lui la
confiance de l’empereur ; fon bonheur lui procura
cependant l’oç çafion de recevoir François I. prifbnnier.
Ce prince défefpéré d’une défoite, dont fo précipitation
étoit la principale caufè, alloit fe foire tuer,;
Pompérant, François fugitif, attaché au connétable de
Bourbon, voit fo roi couvert de bleflures., perdant
tout fon fong , renverfé de cheval 8c réfiftant encore
à une armée entière. Plein de refpeét pour ce roi guerrier
, fè fouvenant qu’il étoit né fon fujet, qu’il aurait
dû combattre pour lui & non contre lui, il fe jette
à fes pieds, le conjure de ne point s’obftiner davantage
à fo perte, 8ç de céder au fort qui trahiffoit fa
valeur, il lui propofo de fe rendre au connétable de
Bourbon; à ce nom, François I. frémiffantde colère,
protefte qu’il mourra plutôt que de fe rendre a un
traître, mais il demanda le viceroi, Pompérant l’envoya
chercher , il vint 6f. le roi lui remit fon épée,
Lannoy la reçut à genoux, baifa la main du prinçe ÔC
fin donna une autre épée,
Ifannoy particuliérement chargé de la garde du roi
prifonnier, fo défioit de tout le monde, 8c n’avoit pas
tort. Bourbon & Pefcaire & toutes les puiffançes d’Italie
pouvoient fonder des projets for la délivrance d’un tel
prifonmer-, il réfolut dî le tirer de l’Italie 8c de le
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mettre véritablement en la^puiflance de l’empereur i
les négociations trainoient en longueur & la diftance
des lieux entrainoit néceffairement des délais ; Lannoy
perfoada d’abord à François I. que s’il fe tranfportoit
en Efpagne pour traiter direékment avec l’empereur ,
une heure d’entrevue entre ces deux princes t rmi-
neroit plus fûrement leurs affaires que tous les p éni-
potentiaires & tous les minîftres ne pourraient le foire
en plufieurs années: ayant obtènu le ccnfentement du
roi, il lui fit lentir la néceflité du fècret, il fo chargea
de tromper l’armée, il propofo aux chefs de transporter
le roi dans le royaume de Naples pour le dérober
aux entreprifes des autres puiffançes de Tltalie ;
là, il ferait en sûreté for les terres de l’Empereur *. les
chefs confèntirent volontiers à un projet qui Leur la:ffoit
moinsde concurrens dans les entreprifes qu’ils pourraient
foire ëux-mêmes; on mène le roi à Gènes pour f y embarquer.
Lannoy -s’embarque avec lui, les autres chefs
reftent à Gènes avec l’armée, qui devoit retourner par
terre dans le royaume de Naples; Lannoy prend d’abord
la route du royaume de Naples, puis il tourne vers l’Efpagne;
il avoit voulu ménager à l’empereur la furprife de
voir arriver fon prifonnier, il ne lui avoit point communiqué
fo réfoluticin, & il lui fit fovoir qu’il l’avoit executeei.
La fotisfaéîion de l’empereur égaloit à peine la fureur
dont Bourbon & Pefcaire furent tranlpoi tés lorfqu’ils
furentqu’ilsavoientété les dupes de Lannoy. Ils s’étoient
accoutumés à regarder le roi moins comme le prifonnier.
de Charles-Quint, que comme le leur ; il s’étoit rendu
à Lannoy, mais comme Bourbon & Pefcaire ne foi-
foient point à . Lannoy l’honneur de penfèr qu’il eut
contribué à la viéfoire, ils difoiènt que c’étoient eux
i avoient eu la gloire de foire le rai prifonnier *
que Lannoy n’avoit eu que le bonheur de le recevoir.
Bourbon alla en Efpagne, aceufer Lannoy de
lâcheté à la bataille de Pavie, & de mauvaife conduite
pendant tout le cours de la guerre. Pefcaire écrivit
çontre le même Lannoy une lettre pleine d’emportement
& de menaces. Il y accumuîoit les reproches de
lâcheté, d’incapacité, de fourberie, « S i on eût cru
» ce lâche, difoit»il, on eût perdu tout le Mi'anès
» par une retraite honteufe dans le royaume de Na-
» pies, au lîëu de livrer la bataille de Pavie. »» Dai«
cette bataille il n’avoit eu ni tête ni coeur ; il s ecrioit
fons çeffe, avec un effroi qui le rendoit meprifoble ot
ridicule àu moindre foldat : Ah l nous fommes perdus*
S’il ofoit démentir ces faits, Pefcaire offrait de les lui
prouver l’épée à la main. Lannoy, sûr de la faveur &
de la rëçonnoiffançe de fon maître, les laiffa^ d re &
écrire tous çe qu’ils voulurent ; s’il avoit Ipfofoment
ferviCharles-Quint par fes armes, il l’avoit tiès bien
fervi par fes intrigués: le tranfport du roi en Frpagne
étoit plus utile à l’empereur, que foyiélolre de Pavie ,
fans ce tranfport, & l'empereur favoit tris-bien qu’il pou>
voit plus compter for la fidélité de Lannoy, q\.e for celle
de tous ces chefs fi vaillans 6ç fi habiles, à qui leurs talens
infpiroient un orgueil dangereux 8c une ambition
fofoeéfc, , ’ ■ . . ,
Lannoy avoitreçuFrançois Ier entrant en captivité, cë
1 fut lui qui le remit entre les mains des François 8c fmf
P p 2. ,