
qui le delivroit des plus ardents ligueurs. La mort du
prince de Condé aftoiblit le parti protefrant dont il
é'oit le confeil, comme Henri en étoit le héros. La
défaite des Reitres à Auneau, & celle des Lansquenets
au pont de Gien , rendirent les ligueurs plus inlolents.
Henri I I I revenu de Son afloupiflèment reconnut
qu’il n’étoit qu’un fantôme de roi, & que Guife avoit
toute la. réalité du pouvoir fouverain ; il réfolut enfin
de dfiiper la ligue par la punition exemplaire des chefs.
Guife prévint les vengeances en entrant dans Paris , cia
il donna la loi ; les Parifiens enhard s par fa préfence,
cb1:gèrent lé roi de Sortir de fa capitale : il ne vit
d’autre remède à tant de maux , que d’indiquer les
états généraux ôc de donner un édit, par lequel il
jura d’extirper les fchifmes & les héréfies , de ne
fane aucune paix avec les huguenots , & de ne recon-
ncître pour focceflèur aucun prince hérétique. Le roi
d ? Navarre étoit à la Rochelle lorfqu’il apprit que cet
édit avoit été enregiflré par le parlement, & reçu
avec acclamation dans les principales villes du royaume ;
il en fut confblé par l’aflurance que le roi, qui l’avoit
juré, étoit dans la difpofition de l’enfreindre.
L ’ouverture des états fe fit à Blois en 1588. Henri,
trop effenfé par les plaintes des ligueurs qui décrioient
fon gouvernement, réfolut de s’en venger fur les Guifes
qui nourr)fibient l’orgueil de leurs députés infolents ; les
âmes fières & généreufes lui confeilloient de les fou-
mettre à la févérité de la loi ; l’avis le plus honteux
pa ut le plus sûr ; il fut réfolu de les aflafïiner. Le duc,
en le rendant au confeil, fut frappé de quinze coups
d peigna; d , & tomba en s’écriant: Ah le traître I
le cardinal, ion frère , aufli ambitieux que lui, eut
la même dv.itinée, Çet attentat fouleva tous les efprit$.
Le roi de Navarre délivré de fes deux plus implacables
ennemis, étoit trop généreux pour ne pas défapprouver
de tels moyens, & trop fage pour en témoigner de
la joie : il plaignit Henri lu d’avoir été dans la cruelle
ueeefîite dé fe déshonorer pour conforver fbn pouvoir ;
&. voyant qu’il étoit devenu plus odieux par l’efpoir
de devenir plus pu.fiant, il lui tendit une main fecou-
rable, & l’écouta dès qu’il s’en vit recherché : il bannit
. même toute défiance qu^on ne l’immolât aux ligueurs
pour fatisfaire au refîentiment qu’ils témoignoient de
la perte de leur chef ; il fit un traité fecret, par lequel
il s’engagea de l’aider de toutes fes forces pour frire
rentrer les ligueurs dans Tobéifiance. Les deux rois,
dans une conférence qu’ils eurent dans le parc du
I leflis - les - Tours, réfolurent d’aflièger Paris , dont
l’exemple entraînoit les autres villes dans la rébellion.
La noblefle fe rangea en foule fous leurs enfeignes ;
leur armée fortifiée de dix mille Suiflès , de deux mille
I.ajîfquenets & de quelque cavalerie légère , fe présenta
devant Paris ; le roq de Navarre avec fon armée,
s étendoit depuis Vanvre julqu’au port de Çharenton;
Henç: I I I , campé à Saint - Cloud , s’étendoit jufiju’à
Neuilli. La capitale étoit vivement preflçe, quand la
main du fanatfme détourna le coup prêt à la frapper.
Fi-ère Jaçques Clément , moine jaçobin, fe fit un devoir
religieux de porter fa main parricide fur fon roi :
fi fe fit introduire dans fou appartement, fous prétexte
d’affaires importantes qu’il avoit à lui révéler ; c’étoît
pour l’aflafliner : ce moine furieux lui donne deux coups
de couteau , le lendemain ce prince mourut de fa bief-
fure ; la branche de Valois s’éteignit avec l u i , & la
couronne paflà'dans la bi anche des Bpurbons.
Les avenues du trône fembloient être fermées à
Henri I V , par l’édit d’union juré par fon prédécefleur
& par les états généraux. Dès que Henri III eut les
yeux fermés, les feigneurs catholiques & proteflants
qui fè trouvoient dans les deux armées, lui prêtèrent I
forment d’obéiflance : Vitri & d’Epernon furent les I
feuls qui fe retirèrent avec les troupes qu’ils comman- I
doient. Cette défeéfion, en l’affoiblifiant, n’abattit point I
fon courage : Bordeaux fut contenu dans le devoir par I
la fageflè de Matignon ; mais Henri IV ne fe fentant I
point aflèz fort pour forcer Paris, défendu par une K
multitude de fanatiques, leva l e lièg e, & fè retira en
Normandie pour y recevoir le fecours qu’il attendoit I
d’Angleterre ; il y fut fuivi par le duc de Mayenne , I
qui s’étoit frit déclarer lieutenant-général du royaume, I
qui avoit frit proclamer roi îe vieux cardinal de I
Bourbon x que Henri IV retenoit prifonnier. Comme I
il étoit fopérieur en forces, & que le roi s’étoit retiré I
fous les murs de Dieppe , il fe flatta de voir bientôt I
la guerre terminée ; il écrivit même en Efpagne que I
le Béarnois ne pouvoit lui échapper, à moins de fauter I
dans la mer. Henri, long-temps incertain s’il paflèroit I
en Angleterre , fe détermina à tenter le fort.d’une I
bataille ; il ehoifit fa pofition à Arques, bourg diftant I
| de Dieppe d’une lieue &. demie : il y fiat attaqué par I
une armée trois fois plus, forte que la fienne , & I
remporta une viftoire , q u i, fans être décifive, donna I
beaucoup de réputation à fes armes ; le fecours d’A n- E
gleterre arriva trop tard pour participer à l’honneur de I
cette journée, mais il fournit les moyens d’en retirer I
de grands avantages. Les Parifiens, qui s’étoient flattés I
de voir bientôt le Béarnois prifonnier, furent furpris I
de le voir quelques jours après iiifulter en vainqueur I
leurs remparts | il attaqua ,avec tant de yivacité les I
retranchements des fauxbourgs faint Jacques & feint
Germain, qu’il fût entré dans la ville , s’il eût eu du I
canon pour en rompre les' portes, Bourgouin, prieur I
des jacobins, fut pris dans les retranchements , com- I
Battant comme un forcené : îe parlement féant à Tours, I
le condamna à être écartelé pour avoir incité Jacques I
Clément à un parricide. Le danger 011 fe trouyoit la
capitale , y rappella les ducs de Mayenne ôç de Ne- E
mours avec leurs troupes. Le roi , trop foible’ pour I
attaquer avec une poignée de monde, une ville im- E
menfe , défendue par une armée nombrètufe , s’en I
çloignà pour faire des conquêtes : Etampes , Joinville, I
Vendôme rentrèrent dans l’obéiflaiicé ; le Mans, après I
avoir fait de grands préparatifs pour une vigouréufè fl
défenfe , fe rendit à la première’ fommation ; l’Anjou, I
le Maine' <$<. la Touraine n’opposèrent qu’une foible I
réfifiançe. La rçdu&ion de la Normandie étoit plus I
importante; le roi n’étoit maître que de Dieppe, du I
Pont de l’Arche & fie Çaën î il a’ ia mettre le fiège I
• devant Dreux ; &. far la nouvelle que Mayenne s’av ah- I
çoit pour la fecôurir, il fat l’attendre fur les borejs I
de la rivière d’Eure dans la plaine d’Y vry ; l’ennemi,
qui-s’étoit flatté de vaincre fans combattre, parut for-
pris de la'fierté de fa contenance. A peine l’aéHon fut
engagée, que l’armée de la ligue frit difperfëe ; les
Espagnols ayant vu tomber d’Egmont leur chef, percé
de coups, prirent l’épouvante & la fuite ; les Suiflès
parurent vouloir faire quelque réfifiançe, mais voyant
pointer le canon pour rompre leurs bataillons, ils
j- baifsèrent leurs piques & rendirent leurs enfeignes : le
S roi, qui vouloit ménager les cantons , leur accorda
r une capitulation honorable. Le duc de Mayenne, après
avoir fait le devoir d’un grand capitaine , fe retira
en fugitif à Mantes , & les débris de- fon armée fe
réfugièrent dans les murs de Chartres. Le roi, après
[ fe viéfaire , n’avoit qu’à fè préfénter devant Paris pour
en être le maître ; (ajournée d’Y vry avoit fait pafîèr
les Parifiens de l’infclence dans l’abattement : c’étoit
le fentiment du brave la Noue ; mais il en fut difliiadé
> par le maréchal de Biron, qui craignoit la fin de la
; paix , & par d’O , intendant des finances, qui aimoit
fnieux qu’on prît la capitale d’aflaut que par capitula-
! tion , dans Pefpoir que le pillage de cette ville
: immtnfè rernpîiroitle vuide du tréfor public. Le roi,
trop docile à ces perfides confeis , s’occupa de la
conquête de quelques villes, qui lui firent perdre le
fruit de fà viéfaire ; il reconnut fa faute & réfolut d.-
la réparer. Paris, fut bloqué par quinze mille homm .s
de pied & quatre mile chevaux , le 15 avril 1590.
Les habitants, fans chef & fans difephne , défiant les
périls , parce qu’ils ne les connoifîoient- pas, fans prévoyance
de l’avenir , parce, qu’ils n’avoient aucuns
bd'oins préfeots , fe fioient dans leur nombre' & ne
preflentoient pas que leur multitude feroit la fource
de leurs maux : leur fanatfme leur infpira un courage
féroce, & ils fçurent mieux mourir que- fe défendre;
le fecrifice de leur fortune n’eut rien de pénible, ils
livrèrent à l’envi leur batterie de cuifine pour .fondre
du canon ; ils s’oflroient à l’envi pour travailler aux
fortifications, ils payoient largement les mercenairés
qui vouloient contribuer à l’ouvrage ; ils s’exerçoient
trois fois la femaine dans toutes les évolutions mili-
, taires tous les étrangers & ceux qui avoientun afyle
au-dehors, s’étoient retirés de la ville ; mais malgré cette
émigration , l’on ccmptoit encore cent vingt mille habitants
qui n’avoient de provifions que pour un mois.
Le duc de Nemours , prince courageux jufqu’à la
témérité, avoit le commandement des troupes , qui
confiftoient en douze cents Lanfquenets , autant de
Suiflès & de François : on lui avoit aflocié le chevalier
d Aumale , dont la valeur farouche & brutale étoit
plus propre à briller dans un ccmbat particulier, qu’à
diriger les mouvements d’une milice bourgeoifo.
Dès que, le roi fe fut rendu maître des ponts de
Charenton & de Saint-Cloud , & que tous les paflages
forent bouchés, la ville ccmmença à refientir les horreurs
de la famine. Mayenne s’étoit éloigné pour fclli-,
citer le fecours des Eipagncîs , dont il lui f ilLut eiïuyer
pf hauteurs. Le cardinal de Bourbon, fantôme de roi,
fous le | | m de Charles X , mourut de la gravelle dans
Prifon de hontenav en PMto.ii : 1-shern-îi!-«: r.ntWp«
dans le choix de fon focceflèur, vouloient déférer la
couronne, les uns à l’infante d Efpagne, & les autres
au fils du duc de Lorraine. Le duc de Mayenne déchu
de l’efpérance de régner , ne fongea qu’à perpétuer les
troubles pour perpétuer fon autorité, il fit parler la
Sorbonne, qui décida que Henri de Bourbon étant
relaps ,. étoit déchu de tout droit à la couronne, quand
bien même il feroit abfous, & que ceux qui mourroient
en combattant pour la fainte union , étoient afiurés de
la palme du martyre & - d’être couronnés dans le ciel
comme défenfeurs de la foi.
L’armée affiégeante recevoit tous les jours de nouveaux
renforts ; les uns s’y rendoient dans l’elpoir
d’avoir part au pillage ; les autres, pour donner un
témoignage de leur fidélité. Le roi, qui defiroit s’en
rendre maître par capitulation , ne prefioit pas le
fiège de peur de prendre d alfaut une ville dont il vouloit
ménager les habitants. Tous étoient mécontents;
les catholiques fe plaignoient de ce qu’il difléroit fa
converfion ; les huguenots le prefloient de révoquer
. Ledit lancé contr’eux par Henri II. La famine com-,
mença fos ravages ; ce peuple fi fier, fit foccéder les
gemiflements aux vaudevilles : on. fit du pain de fon ,
le vin manqua tout-à-coup. La néc.fiî.é d.venue
plus urgente , on fit la vifite dans les couvents, qui tous
fe trouvèrent bien pourvus;.les capucins avoiea d.-s
provifiohs pour plus d’une année : le foptier de bled
fut vendu fix cents écus, un mouton cent francs, ceux
qui avoient de l’argent avoient peine à en avoir, &
ceux qui en manquoient étoient réduits à manger les
chiens, les chats & les fouris ; on faifoit bouillir les
herbes & les feuilles qu’on aflaifonnoit avec du vieux-
oing & du foif : les prêtres & moines plus fortunés
montroient le ciel ouvert à ces cadavres ambulants,
qui fe faifoient porter dans les églifes pour y rendre le
dernier foupir. Les politiques & les royaliftes qui étoient
enfermés dans la ville, excitoient lourdement des §f§
ditions ; mais ils étoient veillés de fi près, qu’ils ne
tentoient rien avec foccès. Dans une de ces émeutes,
eu l’on entendit crier , la paix ou du pain,. on faifit
le père & le fils , qui furent étranglés à la même
potence.
Les murmures du peuple difposèrent les chefs des
ligueurs à la paix. Tandis qu’ils délibéroient, ie roi
dans une feule attaque, fe rendit maître des fauxbourgs :
il eût peut-être pris la ville d’afîaut, fi la crainte que
les foldats n’euflènt vengé le maflacre de îa St. Barthélémy,
n’eût enchaîné fon coûrage. Le duc de Parme
fbrtit de Valenciennes avec une armée qui fe joignit ,
à Meaux, aux troupes de Mayenne. Henri ne crut
pas devoir l’attendre dans fes retranchements ; il leva
le fiège pour aller défier les Efpagno's au combat. Le
due de Parme, content d’avoir délivré Paris, reprit
la route de Flandre. La guerre fe faifoit avec la même
vivacité dans les provinces; Les deux partis étoient
également agités de frétions. Mayenne , jaloux de fi n
frère utérin , le duc de'Nemours , lui avoit ôté toute
fe confiance. Les royaîifhs formoient aufli des cabale':.
Les catholiques & les huguenots avoient des intérêts
différents de religion qui Ls di-vifoient: : le jeune cardinal