I.; tronçon dans l’oeil de Ton ennemi, qui mourut un
quart d heure après, en .vrai royalifte, ou plutôt, en
ami tendre de Henri III : Si je riai pas le plaifir de
vaincre , dit-il , du moins je n aurai pas la douleur
de fur vivre au roi mon maître. Obfervons que Henri III
eut des amis., & que tous fes favoris l’aimèrent tendrement
, au lieu que ' tous ceux de Loüis XIII le
kaïffoient. La ligue triompha de la victoire de Marottes
• elle ramena le vainqueur dans Paris, au fon
des trompettes , au bruit des acclamations. Les prédicateurs
le • comparèrent en chaire , à David , vainqueur
de Goliath,- foit parce qu’il étoit plus petit ou
plus jeune que Marivault, foit feulement parce qu’il
l’avoit vaincu. L’auféur de La Henriade ne trouvant
pas les noms de Mariyault & de M a r o tte s allez célèbres
pour figurer dans fon poème, y a fubftitué
ceux dé Turenne & de d’Aumale , & a donné la
victoire aux royaliftes , reprélentés par Turenne.
Marottes fit la guerre, en différents pays fignala
par-tout fa valeur. On raconte de lui un trait, qui
montre à quel point les hommes pouffent quelquefois
la {ùperftition des mots, & avec quelle facilité ils les
• prennent pour la chofe même. Il ne fe faifoit, dit-on, ja-
mais faigner que.debout &. appuyé fur fa pertuifene ,
parce qu’il tenoit pour maxime qu'un guerrier ne doit
verfer de fang que les armes1 à la main. De bonne
fo i, étoit-ce-là le fens de cette maxime ? Son objet
n’eft-il pas évidemment ou de rappeller les guerriers
à l’humanité en leur interdifent toute effufion de fang
hors des combats , ou de les avertir, de réferver le
leur pouf les befoins de la patrie ; Claude de Marottes
-mourut en 1633.
L’abbé de Marottesy ( Michel ) cet infatigable traducteur
d’Athénée, de Pline , de Térençe , de Lucrèce,
de Catulle, de Virgile, d’Horace , de Lücain , de
Juvénal, de Perfe, de Martial, deStaçe , d’Aurélius-
Vittor, d’Ammien-Marcellin , de Grégoire de Tours,
é oit fils de Claude de Marottes ; ce paifible eçclé-
fiaftique étplt anfîi laborieux que fon père étoit intrépide.
Il remplit une carrière çle foixante & un ans
& plus., de travail, depuis fa traçhiélion de Lucain ,
' qui parut en 1619, jufqu’à fon Hiftoire des com:es
d’Anjou,’ qu’il publia en 1681'; car il ne fe bornoiî
pas à traduire , & il çompofe auffi quelques ouvrages
de fon chef, entr’autres des Mémoires , dont l’abbé
Goujet a donné une édition .en 175 3, Il continua
l’Hiftoire Romaine de Coëffeteau • mais entremêlant
toujours fes ouvrages de traduction, Il entreprit &
commença celle de la Bible \ on n’en a que les
trois premiers livres de Moyfe ; cette traduétion
éprouva des contradictions , & ne fut pas'continuée.
L’abbé de Marottes y avoit inféré les notes & les
rêveries du Préadamite la Peyrère. L’archevêque de
• Paris, de Harlay, crut l’ouvrage dangereux, & en
fit faifir & difparoître les exemplaires. L’abbé de
Marottes faifoit auffi des vers ; on fait le. nombre de
■ ceux qu’il a faits , il eft de cent trente-trois mille cent
vingt-quatre ; on n’en a pas retenu un feul. Il difoit un
jour à Linière : mes vers me coûtent peu. Ils vous
• Çppftent ce qu 'ils yalent ? répondit Linière. L’abbé de
Marottes aimoit les eftampes ; il en fit un recueil de
près-de 100,000, qui eft aujourd’hui un des ornemens
du cabinet du roi. Il mourut en. 1681. Il étoit né
avec le fiècle. Ses traductions , fur-tout celles des
poètes, ne font pas eftimées, mais il ne manquoit pas
. d’inftruction.
MAROSIE ( Voye^ l’article A lberïc. )
MARON , f. m. ( ter trie de relation. ) On appelle
marons dans les îles Françoifes, les negres fugitifs qui fe
fauvent de la maifon de leurs maîtres, foit pour éviter
le châtiment de quelque faute’, foit pour fe délivrer
des injuftes traitemens qu’on leur fait. La loi de
Moïfe ordonnoit que l’efolave à qui fon maître auroit
caffé une dent feroit mis en liberté; comme les Chrétiens
n’acquièrent pas les efclaves dans ce deffeijn ,
ceux-ci accablés de travaux ou de punitions ,
s’échappent par-tout où ils peuvent, dans les bois,
dans lés montagnes, dans les falaifes, ou autres lieux
peu fréquentés , & en fortent feulement la nuh pour
chercher du manioc , des patates eu autres fruits
dont ils fubfiftent, Mais félon le code noir, ( c’eft le
code de marine en France ) , ceux qui prennent ces
efclaves fugitifs , qui les remettent à leurs maîtres,
ou dans les priions,- ou entre les mains des .officiers
de quartier , ont cinq cents livres de fùcre de récom-
penfe. Il y a plus : lorfquë-les màrcns refafent de
fe rendre , la loi permet de tirer deffus ; fi on les tue,
on en eft quitte en faifant fa déclaration par ferment.
Pourquoi ne les tueroit-on pas dans leur fuite , on
les a bien achetés ? Mais peut-on acheter la liberté
des hommes, ell.e eft fans prix.
Au refte, j’oubliois de dire une chofe moins importante
, l’origine du terme marpn : ce terme vient du
mot efpagnol fimaran\ qui fignifie un finge. Les Efpa-
gnols , qui les premiers habitèrent les îles de l’Amérique
, crurent ne devoir pas faire plus d’honneur à
leurs malheureux efclaves fugitifs , que de les appel-
ler finges, paice qu’ils fe retiroient, comme ces animaux
, au fond des bois , & n’en fortoient que pour
cueillir des fruits qui fe trouvoient dans les lieux les
plus voifins de leur retraite. ( D. J. j
- MAROT j ( Hiß. Litt. mod. ) Jean Mirot,-poète
de la reine Anne de Bretagne & valet de chambre
de François Ier. mort en 1.52.3 , feroit peut-être
aujourd’hui plus célèbre , fi fon fils ne l’eût effacé.
Ce fils'nous apprend lui-même que Jean Marot lui
* recommanda en mourant la poëfie qu’il avoit cultivée,
avis rarement donné par un père mourant à fon fils.
ClémentMarot, né à Cahors, frit valet-de-chambre,
d’abord dép^gur de François I, enfuite de François I.
lui-même, mllguente étoit alors femme du duc
d’Alençon. Marot fiiivit ce Duc aux guerres d’Italie ;
i il fè comporta bien mieux que lui à la bataille de Pavje.
Pendant que le maître fuyoit, ( Voyeç l’artiçle
A lençon) le valet-de-chambre fie faifoit bleffer &
prendre avec le roi. Il revint bientôt en France , mais
ce fut pour effuyer une autre captivité. Les' théologiens
le pourfuivirent comme hérétique; il fut décrété
He prife-de-'corps par' l’officialité de Chartres, arrêté
à Paris , & mis au Châtelet ; alors le duc d’Alençon
mort, la ducheffe d’Alençon partie pour l’Efpagne ,
François Ier. prifonnier, laiffoient Marot & les gens '
de lettres fans appui & fans fecours; Marot fe plaint
beaucoup d’un doétour de Sorbonne , nommé Bouchard
, inquifrteur de la foi , auquel il attribue fa
détention. Le ro i, du fond de fa prifon , contint le
zèle de ce fanatique ; Marot le reconnpît formellement
dans fes vers. Quelque temps après, Marat èut
avec la Cour des Aides , une affaire qui le fit encore
arrêter ; on l’accufoit d’avoir fait échapper un prifonnier.
Le roi écrivit le Ier. novembre 152 7, à la
Cour des Aides , en faveur de Marot, qui fut relâché ;
mais il retomba bientôt entre les mains des théologiens
, qu’il bravoit trop & dans fe#- difeours & dans
les écrits.
- Dans un temps où il étoit à Blois, la police fit une
defeente dans fa maifon à Paris , pour voir s’il n’avoit
point de livres défendus ; ce droit barbare d’inquifition
étoit établi alors, & Marot ne prétendoit en être
exempt que par fon privilège de poète ; mais craignant
que.ee privilège ne fut pas reconnu en juftiee , il
prit la fuite , & fé retira en Béarn ., chez la ducheffe
d’Alençon , alors reine de Navarre ; & ne s’y
croyant pas encore en fureté, il alla en Italie, chez
la ducheffe de Ferrare. Delà ii plaida fa caufe auprès du
roi par une épître, où il ne ménage pas plus lès juges
que les théologiens.Il obtint en 1536 , la permiflïon
de revenir en* France ; il prétendoit que le féjoiir de
1 Italie l’avoit accoutumé à une grande circonfpeéfion ;
vraifemblablement il reprit en France toute fe hardi effe ;
car il fut obligé de fe retirer au bout de quèlques années,
a Genève ; mais Genève n’étoit pas un pays de liberté.
L’aùftérité des moeurs & la févérité des lpix que Calvin y
avoit établies , auroiènt dû en éloigner Marot, qui, félon
Théodore de Bèze, ne put jamais corriger les moeurs
peu chrétiennes dont il avoit contrarié l’habitude à
la cour de France. En effet on a dit qu’ayant été
furpris en adultère, il auroit été pendu félon la loi du
pays, fi Calvin, fon ami, n’eût fait commuer la peine
en celle du fouet , fait pour le moins trop fufpeéî.
Bayle obferve avec raifon que, quand il s’agit d’un
homme auffi connu que Marot , l’incertitude' d’un
pareil fait en démontre la fauffeté. Marot quitta Gé-
ueve, & alla mourir à Turin en 1544 , âgé d’environ
foixante ans.
On a cru qu’un auffi grand poète avoit dû être
cher aux plus grandes & aux plus belles dames de
fon temps ; en conféquence, on lui a donné pour
maitreffes, non feulement Diane de Poiriers , mais
meme la reine de Navarre , qui, avec llgfprit le plus
libre , eut les moeurs les plus feges , & qui paroît
n’avoir point eu d’amans.
On a remarqué que dans fes poëfies , où il fait
1 hiftoire de fe vie, & où il parle dejout ce qui l’intéreffe,
Marot ne dit rien de fe femme,: ce qui feroit croire
«N “ n’etoit point marié ; concluons feulement de
ce filence, que fe femme l’intéreffôit peu ; mais il
parle de,fes enfans à François I . , &. il en parle d’une
manière également naïve & touchante ; il dit qu’en
quittant la France , qu’il appelle ingrate , ingrat! f-
lime à fon poète, il la regretta peu ; puis il fe reprend ;
Tu mènts, Marot, grands regrets tu fentis,
Quand tu pensas à tes enfans petits î -
Un de ces enfans,. nommé Michel Marot, fit des
vêrs qui ont été imprimés avec ceux de Jean &
de Clément ; mais , loin d’égaler fon père, il n’égala
pas même fon ayeul.
La Sorbonne qui n’aimöit pas Clément Marot,
condamna fes pfeaumes. Marot, dit-on , avoit traduit
d’après l’hébreu dont Vatable fon ami lui expliqueit
le vrai fens. On jugea qu’il-s’en étoit écarté, ce que
la contrainte feule de la mefure & de la rime rend
plus que vraifemblable.' Ces pfeaumes étoient dédiés
à François I. La Sorbonne fit des remontrances à ce
prince fur cette dédicace acceptée , & fur le privilège
accordé. Le roi prit d’abord la défenfe de Marot, qui
l’en remercie expreffément dans une épigramme contre
la Sorbonne ; mais il céda aux clameurs, ce qui lui
arrivoit fouvent, & arrêta ( le plus tard qu’il put )
la publication de ces pfeaumes qu’il ne ceffa de lire
' & de chanter avec toute fe cour. Ils avoient été
mis en mufique par Gudimel & Bourgeois, les plus
habiles muficiens du temps. La traduaion de Marct
fut continuée par' Théodore de Bèze , mais non ,
dit un auteur du' temps, avec la même joliveté. Les
révolutions de la langue ont rendu cette joliveté bien
ridiculé ; & c’eft un avertiffement de ne confier
qu’avec circonfpeélion à la mobilité d’une langue
vivante, les objets de notre refpeâ & de notre foi.
La traduélion de Marot & de Théodore de Bèze
fut admife dans la Liturgie Proteftante, & par là
devint plus odieufeaux Catholiques. Dans la fuite elle
fut rajeûnie par Corirart & la Baftide. Les églifes
proteftantes , fuivant leijr degré de pédanterie, fe
partagèrent entre l’ancienne traduéliôn & la nouvelle,
toutes deux affez vieilles aujourd’hui.
MARQUARD FREHER , ( Hifi. Litt. mod. )
fevant allemand des 16e & 17e fièçtes , né à Ausbôurg
en 1565 , profeffeur en droit à Heidelberg , confeiller
de, lele&eur- palatin , employé par l’eleâeur Frédéric
IV , en différentes affaires en Pologne, à Mayence
& dans plüfieurs autres cours , mourut à Heid -lberg
en 1614. On a de lui une foule d’ouvrages tous fa vans,
dont, voici les principaux : Origines Palatina. ; de
Inquifitionis proceffii ; de re monetariâ veterum Rotna-
norum , & hodierni apud Germanos imperii > rcrutn
Bohemicarum ferip tores ; rerum Gernianicarum ferip tores;
Corpus hiflorta Francia.
MARQUE, ( Hiß mod. ) lettres de marque , ou lettres
de repréfailles ; ce font des lettres accordées par
un fouverain , en vertu defquelks il eft permis aux fu-
jets d’un pays de faire des reprefailles fur ceux d’un
autre après qu’il a été porté par trois fois , mais
inutilement, des plaintes contre l’aggreffeur à la cour
dont il dépend.