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ôc ne fait point dépendre d’eux l’apparition des
prophètes. On pourroit tourner ces apparitions en
allégories ; mais on aima mieux dire que Simeon
Jocnaïdes dl&oit ces myftères avec le lecours du ciel :
c’eft le témoignage que lui rend un chrétien ( Knorrius)
qui a publié ion ouvrage.
La première partie de cet ouvrage a pour titre
Zeniutha , ou myftère, parce qu’en effet on y révèle ;
une inimité de choies. On prétend les tirer de l’E-
criture-feinte , & en effet on ne propbiè prefque rien .
fans citer .quelqu’endroir des- écrivains fdèrés, que
1 auteur explique à fa manière. Il ferait difficile d’en
donner un extrait fuivi; mais on y découvre parti-
cul* èrerrïent le micreprofopon, c’eft-à-dire le petit
vifage ; le macroprcibpon, c eft-à-diré le long yifage ;
fa tomme, les neuf & les- treize çoaformatioHs de la
barbe.
On entre dans un plus grand détail- dans le livre N
fuivaat, qu’on appelle le grand fynodé. Simeon avoit
beaucoup de peine à révéler ces myilères à fes disciples
; ma:s comme ils lui représentèrent que le
fecret de l’étemel efl pour ceux qui le craignent, &
qu’ils l’aiTurèrent tous qu’ils craignoient Dieu , il
entra plus hardiment dans l’explication des grandes
vérités. Il explique la roféé du cerveau du vieillard
ou du grand vifage. 11 examine enfulte fon crâue,
lès dieveux, car il porte fur fa tête mille millions
de milliers , &- lèpt mille cinq cent boudes -de «■ cheveux
blancs comme la laine. A chaque boucle il y .
a quatre cent dix cheveux , félonie nombre du mot
K adofch. Des cheveux on paflè au front, aux yeux,
au nez , & toutes ces parties' du grand vifage
renferment des chofes admirables, mais fùr-tout fa
barbe efb une barbe qui mérite des éloges infinis :
» cette barbe eft au-deflus de toute louange ; jamais ni
» prophète ni feint n’approcha d’elle ; elle eft b’anche
» comme la neige; elle defeend jufqü’au nombril1; c’eft
»l’ornement des ornemens & la vérité des vérités;
» malheur à celui qui la touche : il y a treize parties
» dans cette-barbe , qui renferment toutes de grands
ti myftères ; mais il n’ÿ a que les initiés qui ks-com-
» prennent; »
Enfin le petit fynode eft le dernier adieu que Simeon
fit à fes difeiples. Il fut chagrin de'-voir fa mai-
fon remplie de monde, parce que le miracle d’un
feu fùrnaturel qui en écartoit la foule des difeiples
pendant la tenue du grand fynode, avoit cefie ; mais
quelques-uns s’étant retirés, il ordonna à ÎL Abba
d’écrire fes dernières paroles : il expliqua encore une
fois le vieillard : » fa tête eft cachée dans un lieu fu-
» périeur, ou on ne la voit pas; mais elle répand
» fon front qui eft beau, agréable ; c’eft le bon plaifir
» des pîaifirs ». On parle avec la même obfcurité de
toutes les parties du petit vifage , fans oublier celle qui
adoucit la femme.
Si on demande à quoi. tendent tous les myftères,
il faut avouer qu’il eft très-difficile de le découvrir,
parce que toutes les expreffions allégoriques étant fuf
ceptiblcs de plufieurs fens , & faifànt naître des idées
|r|s-différentes, on ne peut fè fixer qu après beaucoup
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de peine & de travail ; & qui veut prendre cette
peine, s’il n’éfpère en- tirer de grands ufages ?
Remarquons plutôt que cette méthode.de peindre les
opérations de la divinité- fous des figures humaines ,
etoitfort enufage chez les Egyptiens; car ils peignoient
un homme avec un vifage de feu » & des cornes , une
crofleA .la main droite, fept cercles à la gauche , 6c
des ailes attachées à lès épaules. Ils repréfentoient
parla Jupiter ouïe Soleil, & -les effets qu’il produit
dans le monde. Le feu du vifage fignifioit la chaleur
qui vivifie toutes chofes ; les cornes., les rayons
de lumière. Sa barbe etok myftérieufe 9 auffit bien que
celle du long vifage 'des- cabaUftes; car elle indiquent
les elemens. Sa crofTe etoit le fymbole du pouvoir qu’il
avoit fur tous les corps-fublunaires. Ses cuiffes étoient
la tërre chargée d’arbres & de moiffons^ les eaux'for-
toient de - fon nombril ; fes genoux indiquoient les
montagnes, & les parties raboteufes de la terre; les
ailes , les vents St la promptitude avec laquelle ils mar*
chent : enfin les cercles ètoient le fymbole des planètes.
Siméon finit fe vie en débitant toutes ces vifions.
Lorfqn’il parloit à fes difeiples , une lumière éclatante
fe répandoit dans toute la maifon , tellement qu’on
n’ofoit jetter les yeux for lui. Un feu étoit au dehors»
qui empêchait-lès voifins d’entrer; mais le feu 6Ç fe
lumière ayant djfpàru, on s’apperçut que - la lampe
d'ïiraël étoit' éteinte. Les difeiples de Zippori vinrent
en foule pour honorer fes funérailles, & lui rendre les
derniers devoirs ; mais onks, renvoya, parce qu’Eleazar
fon fils & R. Abba qui avoit été ls fecrétaire c!u petit
fynode, vouloient agir feuîs« En l’enterrant,on entendit
une voix qui crioit : Vene^ aux noces de Siméon /
il entrera en paix & repofera dans fa chambre. Une
flamme marchoit devant le cercueil, & fembloit Fem-
brafer; & lorCqiVon-le mit dans le tombeau , on entendit
crier 5 C efl ici celui qui a fait trembler la terre ,
& qui a ébranlé les royaumes. C’eft ainfi que les Juifs
font de l’auteur, du Zohar un homme miraculeux jufe
qu’après fa mort, parce qu’ils le regardent comme
le premier de tous les cabaliftes.
Des grands hommes qui ont fleuri cheç les Juifs dans
le douzième fiecle. Le douzième fiècle fut très-fécond
en doéfeurs habiles. On ne fe fbuciera peut-être pas
d’en voir le catalogue » parce que ceux qui pafîenç
pour des oracles dans les fynagogues., paroiiTent fou-
vent de très-petits génies a ceux qui lifent leurs ou*
vrages fans préjugé. Les Chrétiens demandent trop aux
rabbins, &. les rabbins donnent trop peu aux Chrétiens,
Ceux-ci ne lifent prefque jamais les livres çompofés par
un ju if , fans un préjugé .avantageux pour lui. Ils s’imaginent
qu:ils doivent y trouver une connoiffance exaéle
des anciennes cérémonies, des évènements obfeurs ;
en un mot qu’on doit -y lire la folution de toutes- les
difficultés de l’Ecriture. Pourquoi cela? Parce qu’un
homme eft juif-y s’enfuit-il qu’il connoiffe mieux l’hife
toire de fa nation que les. Chrétiens, pu.ifqu’il ria point
d’autres féçours que la bible & l’hiftoire-de Jpfphe ,
que. le ju if ne lit prefque jamais ? Simagine-t*on. qu’il
y a dans cette rtaifon certains livres que nous ne
çonnoiffons
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connoiffons pas, & qüe ces Meffieurs ont lus) C’eft
vouloir fe tromper ,'c a r ils ne citent aucun monument
qui ioit plus ancien que le chriftianifme. Vouloir
que la tradition Te Toit confervee plus fidèlement
chez eux, c’eft: fe repaître d’une chimere; car comment
-cette tradition auroit-eîle pu palier de lieu en lieu,
6c de bouche en bouche pendant un fi grand nombre '
■ de fiècles & de difperfions fréquentes ? 11 fuffit de lire
un rabbin pour connoître l’attachement violent qu’il a
pour fa nation,, & comment il déguifeles'faits , afin de
le?, accommoder à fes préjugés. D’un autre coté les rabbins
nous donnent beaucoup moins qu’ils ne peuvent. Ils
ont deux grands avantages fur nous ; car pofiedant la langue
foin te dès leur naifîarxe, ris pourroient fournir des
lumières pour l’explication des termes obfeurs de l’Ecriture.;
& comme ils font obligés de pratiquer certaines cérémonies
de la loi, ils pourroient par là nous donner l’intelligence
des anciennes. Ils le font quelquefois ; mais fou-
vent , au lieu de chercher le fens littéral des Ecritures,
ils courent après des fens myftiques qui font perdre de
vûe le but- de l’écrivain, &/Finteption du faint-Efprit.
D ’ailleurs ils defcéndent dans un détail excéffif des cérémonies
fous kfqueües ils ont enfeveli l’efprit de la loi.
Si on veut* faire un choix de ces dodeurs, ceux
du douzième fièçle doivent être préférés'à tous les autres’:
car non-feulement ils étoient habilesmais ils ont
fourni de grands fecours pour l’intelligence de l’ancien
Teftamént. Nous ne parierons ici que d’Aben-Ezra,
6c de Maïmonidcs, comme les plus fameux,
Aben-Ezt a eft appelle 1 éfage par excellence .; il naquit
Lan 1099, 6c il mourut én 1174, âgé de 75 ans. Il
2’infmue lui-même , idrîque, prévoyant fa mort, il di-
foit que comme Abraham fortit de Charan , âgé de.
75 ans 9 il fortiroit auffi dans le même, temps de Charon
ou du feu de la colère du fiècle. Il voyagea, parce qu’il -
•crut que cela étoit néceffaire pour faire de grands
progrès dans les fciences., Il mourut à Rhodes, 6c fit
porter-delà: fes os dans la Terre-Sainte.
. Ce fut . un des plus grands hommes de fa nation
6c de fon fiècle. Comme il étoit bon aftronome, il
fit de fi heuréufes découvertes dans l’aftronomie, que
les plus habiles mathématiciens ne fe font pas fait
un fcrupule de les adopter. Il excella dans la médecine
, mais ce fut principalement par fes explications
dé l’écriture qu’il fe fit connaître. Au lieu
de foivre-la méthode ordinaire de ceux quil’avoient
précédé, il s’attacha à la grammaire & auTens littéral
des écrits facrés, qu’il développe avec tant de pénétration
& de jugement, quê les Chrétiens même le
préfèrent à la plupart de leurs interprètes. Il a
montré.le chemin aux critiques qui/outienhentaujourd’hui
que le peuple d’Ifrael ne pafïa point au travers
de la mer Rouge ; mais qu’il y fit un .cercle pendant
que l’eau étoit baffe, afin que Pharaon les fuivît, &
. fût fobmergé ; mais ce n’eftpaslà une de fes meilleures
conjeélures. Il n’ofa yejetter abfolument la cabale-,
quoiqu’il en connût le foible, parce qu’il eut peur de
fo J aire des affaires avec les auteuîs dé fon temps
-qvfi y étoient fort attachés, 6c même avec le peuple
qui regardoit le livre de. Zohar, rempli de ces fortes
Hiflolre Tome 11L
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d’explications, comme un ouvrage excellent : il déclara
feulement que cette méthode d’interpréter l’Ecri-,
ture n’étoit pas Cure, & que fi on refpeaoit la cabale
des anciens, on ne devoit pas ajouter de nouvelles
explications à celles qu’ils y avoient produites, ni abandonner
l’Ecriture au caprice de l’efprit humain.
■ Maimonides.( il s’appelloit Mcïfë , & étoit fils de
Maïmon, mais il eft plus connu par le nom de fort
père : on Fappelle Maimonides-; quelques-uns le font
naître Fan 113 3. ) Il parut dans le même fiècle,
Scaliger foutenoit que c’étoit-lale premier des doéleurs
qui, eût cefie de badiner chez les Juifs , comme Dio-
dore chez les Grecs. En effet, il avoit trouvé beaucoup
de vuide dans l’étude de la gémare ; il regrettoit le
temps qu’il y avoit perdu , & s’appliquant à des études
plus folides., il avoit beaucoup médité' fur l’Ecriture.
H fàvoit le grec ; il avoit lu les philofophes , 6c
particulièrement Ariftote, qu’il cite fouvent. Il caüfa
de fi violentes émotions dans les fynagogues , que
celles de France & d’Efpagne s’excommunièrent à caufe
de lui. Il étoit né à Cordoue l’an n ^ iylffe vantoit
d’être defeendu de la.maifon de David, comme font
la plupart des Juifs d’Efpagne. Maïmon fen père 6 c
juge de fa nation en Efpagné , comptoit entre fes
ancêtres, une longue fuite de perfonnes qui avoient
pofledé foccefiivement cette charge. On dit qu’il fût
averti en fonge , de rompre la réfolution qu’il ayoit
prife de garder le célibat , & de fe marier à une
fille de boucher qui étoit fa voifine. Maïmon feignit
peut-être un fonge pour cacher une amourette qui
lui faifoit honte , 6c fit intervenir le miracle pour
colorer fa foiblefle. La mère mourut en mettant
Moïïe au monde, 6c Maïmon fe remaria. Je ne fais
fila féconde femme, qui eut plufieurs enfants, haïffoit
le.petit Moïfe , ou s’il avoit dans fa jeunefîe un. ëfpric
morne 6i pelant, comme on le dit. Mais fon''père
lui reprochoit, fs naiflance , le battit plufieurs fois ,
& enfin le chafla de fa maifon. On dit que ne trou-.
vant point d’autre gîte que le couvert d’une fynagogue ,
il y pafiàr la nuit ; & -à fon jréveil, il fe trouva un
homme d’efprit, tout différent de ce qu’il étoit aupa-
vant. Il fie mit fous la difcipline de Jofeph le-Lévite,
fils de Mégas, fous lequel il fit en peu de temps, de
grands .progrès. L’envie de revoir le lieü de fa naife
fknee le prit ; mais en retournant à Cordoue, au lieu
d’entrer dans la maifon de fon père, il enfeigna publiquement
dans la fynagogue -, <' au grand étonnement
des' affiliants ; fon père qui le reconnut , alla I’em-j
brafler , 6c le reçut chez lui. Quelques liiftoriens s’inf-
crivent en feux contre cet évènement , parce que
Jofeph, fils de Mégas , n’étoit âgé que de dix ans
plus que Moïfe. Cette raifon eft puérile ; car un maître
de trente ans peut inftruire un difciple qui n’en a que
vingt. Mais il eft plus vraifemblable que Maïmon
inftruifit lui-même fon fils , & enfuite l’envoya étudier
fous Averroës, qui étoit alors dans une haute réputation
, chez les Arabes. Ce difciple eut un attachement
& une fidélité exemplaires pour fon maître.
Averroës étoit. déchu de fe feveur par une nouvelle;
révolution arrivée chez les Maures èn Èfpagne. Abdj