
i S t H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
|—|— campagne , 8c vivre du travail de fes mains. Elle
A n . lia i? tomba grièvement malade ; & aïant fait venir Bernard,
elle le pria de lui pardonner , Se fut la première
à demander la féparation, puis elle fe fit religieufe à
Lairé près de Dijon.
Le fécond des freres étoit Gérard homme de mérité
, aimé de tout le monde pour fa valeur, fa conduite
8c fa bonté. Il réfiftoit fortement, traitant de
legeretéla facilité de fes freres à prendre un tel engagement.
Mais Bernard tranfporté du zele qui l’ani-
moit : Je fç a i, lui d it - il, qu’il n’y aura, que l’affliction
qui vous rendra fage -, Si portant le doigt à fon
côté , il ajouta : Le jour viendra, Sc bien-tôt, qu’une
lance perçant ce côté, fera paiTer à votre coeur le con-
feil falutaire que vous méprifez : Vous craindrez ,
mais vous n’en mourrez pas. Peu de jours après Gérard
enveloppé par fes ennemis , fut pris, & bleffé
d’une lance au même endroit. Se croïant prêt à
mourir il crioit : Je fuis moine , je fuis moine de
■Cifteaux. Il fut mis dansune étroite prifon où il guér
it contre fon efperance , & en fut délivré comme
par miracle.
Entre ceux que Bernard gagna à Dieu , étoit H u gues
de Mafcon, depuis évêque d’Auxerre, jeune fei-
gneur confiderable par fa noblelTe, fes grands biens
8c la pureté de fes moeurs. Aïant appris la conver-
fion de Bernard fon cher am i, il le pleuroit comme
perdu pour le monde ; & à la première occafion
qu’il eut de lui parler, d’abord ils pleurerent par des
motifs bien differens ; mais lorfqu’ils commencèrent
à s'expliquer , l’efprit de vérité s'infinua avec les paroles
de Bernard, 8c la coq. verfation, changea de face.
L i v r e s o i x a n t e - s i x i e ’ m e . 183
Ils fe donnèrent parole d’embraifer enfemble ce nou- —
veau genre de vie , 8c d’être plus unis qu’ils n’avoient A
été dans le monde. Peu de jours après Bernard apprit
que de mauvais amis avoient détourné Hugues de fa
bonne réfolution ; mais il alla le chercher , 8c le
ramena au bon chemin , en forte qu’il ne s’en écarta
plus.
Bernard parloit en public & en particulier pour
gagner les ames ; 8c fes difeours avoient une telle
énergie , qu’on ne pouvoit lui réfifter : en forte que
les meres cachoient leurs enfans, les femmes rete-
noient leurs maris,, les amis détournoient leurs amis^
Ceux qu’il avoit raifemblez n’étoient qu’un coeur 8c
qu’une ame : ils demeuroient enfemble dans une
maifon qu’ils avoient à Chatillon ; 8c à peine quelqu’un
ofoit-il y entrer, s’il n’étoit de leur compagnie..
Si quelqu’autre venoit, il gLorifioit Dieu de ce qu’il
voïoit 8c fe joignôit à eux, oufe retiroit en déplorant
famifere& les eftimant heureux. Ils demeurèrent environ
fix mois en habit féculier depuis leur première
réfolution , attendant qu’ils fuifent en- plus grand
nombre, 8c que quelques-uns d’entr’eux euifent terminé
leurs affaires. Le jour étant venu d’accomplir
leur voeu, les cinq freres fortirent enfemble de là
maifon de leur pere dont ils étoient venus recevoir
lia bénédiction , 8c l ’aîné voïant dans la rue leur jeune
frere avec d’autres enfans-, lui dit : Mon frere N i-
vard, c e il vous feul que regarde toute notre terre.
Mivard répondit :Oui le ciel pour vous 8c la terre
pour moi ; le partage n’eit pas égal. Il demeura pour '
fors avec le pere ;mais il fui vit fes freres peu de ten>s*
apreSjfans que fon pere ni fes amis puifent le retenu-..