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L X IV .
Premiers miracles
de S. Bernard.
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2.34 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i qj j e .
é dans le monde > 8c dès-lors la grâce fe rendit en lui plus
1117. fenfible parle don dé prophetie& par les miracles.
Le premier fut en la perfonne d’un gentilhomme
de fes parens nommé Joubert de la Ferté , qui perdit-
tout d’un coup la parole 8c la connoiflance. Son fils 8c fes amis étoient fenfiblement affligez de le voir
mourir fans confeffion & fans viatique. On envoïa
avertir l’abbé, qui le trouva au même état depuis trois
jours. Il dit au fils & aux affiftans: Vous fçavez que
cet homme a offenfé Dieu, principalementenffaifant
tort aux églifes & en opprimant les pauvres : fi vous
me croïez, on rendra aux églifes ce qu’il leur a ôté, 8c
on remettra les redevances injuftes dont il a chargé
les pauvres, alors il recevra la parole, il fe confeifera 8c recevra les iacremens. Toute la famille le promit
avec joie &c l’accomplit : mais Gérard frere de l’abbé
&c Gaudri fon oncle étonnez 8c allarmez de la pro-
melfe qu’il avoit faite , le tirèrent à part &c l’en reprirent
durement. Il leur répondit avec fimplicité : Il eft
facile à Dieu défaire ce qui vous eft difficile à croire.
Il pria en fecret, puis il alla offrir le faint facrifice -, 8c
comme il étoit encore à l’aute l, il vint un homme
dire que Joubert parloir librement 8c deinandoit
avec empreffement le faint abbé. Après la meffe il y
alla , le malade fe confeffa à lui avec larmes , reçut
les facreméns 8c vécut encore deux ou trois jours,
pendant lefquels il ordonna que ce que l’abbé avoit
preferit fût inviolablement exécuté , fit encore des
aumônes 8c mourut chrétiennement.
Un jour comme Bernard revenoit des prez,il rencontra
une femme qui venait de loin lui apporter fon;
enfant, dont une main étoit feche 8c le bras tourné
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depuis fa naiffance. L’abbé touché des larmes &
des prières de cette femme lui dit de mettre ion enfant
à terre. Aïant fait fa priere, il fit le ligne de la
croix fur la main 8c fur le bras de l’en fan t, puis il
dit à la mere de l’appeller. L’enfant accourut, em-
braffa fa mere des deux bras, & fut dès-lors guéri.
Les freres & les difciples de Bernard regardoient
avec étonnement ces merveilles ; mais ils n’en tiroient
pas une gloire humaine, comme auroient fait des
hommes ordinaires : l’affeétion fpirituelle qu’ils lui
portoient les faifoit craindre pour fa jeuneffe 8c la
nouveauté de fa converfion. Les deux que ce zele
animoit le p lus, étoient Gaudri fon oncle 8c Gui
fon frere aîné. Ils n’épargnoient point les paroles
dures pour fatiguer fa modeftie : ils le chicanoient
même fur ce quil faifoit de bien , ils réduifoient à
rien fes miracles ; 8c comme il ne fe défendoit point,
ils le pouffoient fouvent par leurs reproches jufques
aux larmes.
Il arriva enfin que fon oncle Gaudri tomba malade
d’une groffe fievre -, 8c preffé de la douleur il
pria l’abbé d’avoir pitié de lui 8c ne lui pas refufer le
fecours qu’il donnoit aux autres. L’abbé ufant de fa
douceur ordinaire , le fit premièrement fouvenir des
fréquens reproches qu’il lui avoit faits fur ce fu je t,
lui demandant s’il ne parloit point ainfi pour le tenter:
mais comme Gaudri perfeveroit, il lui irnpoia les
mains , commanda à la fievre de fe retirer 8c elle fe
retira. S. Bernard continua de faire quantité d’autres
miracles.
Vers le même tems un faint perfonnage nomme
Geraud de la Sale prêchoit la penitence en Aqui-
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X L V .
Monaftcres d'Aquitaine.