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— dant pardon du paifé, & me promettant avec larmes
6. de m obéir en tout à l’avenir, pourvû que je vouluiTe
bien me reconcilier avec lefaint fiege. J’y confentis,
me remettant au confeil des feigneurs pour une a ffaire
de cette importance. Et il me promk-de me
conduire pour cet effet à Maïence à N o ë l , Si m’en
ramener en surete. Sur la foi d’une telle promeffe ,
qu un païen même obferveroit, je marchois avec confiance
quand nous approchâmes de Bingue le vendredi
avant Noël : les troupes de mon fils augmen-
toient Si la fraude commençoit àfe découvrir quand
il me dit : Mon pere il faut nous retirer dans ce château
voifin jCar l’archevêque de Maïence ne vous recevra
point dans fa ville tant que vous ferez excommunie.
Faites-y la fête en paix avec telle fuite qu’il
vous plaira , je travaillerai cependant pour vous. Et
il me jura pour latroifiémefois, que il je me trouvois.
en péril fa vie répondroit de la mienne.
Mais quand je fus entre je me trouvai enfermé
moi quatrième de tous mes gens., on me donna des
gardes qui etoient mes ennemis mortels , outre les
injures, les menaces , les épées levées fur ma tête , la
faim ,, la fo if ;ce que je n’oublierai jamais, c’eit que
je paflai ces faints jours dans cette prifonfans aucune
communion chrétienne, c’eil-à dire, fans affifter àla
meife ni a l’office divin. Alors un feigneur nommé
Guibert, vint de la part de mon fils me dire que
pour fauver ma vie il n’y avoit point d’autre moïen
que derendre lesornemens impériaux. Moi qui n’au-
roit pas donné ma vie pour mon roïaume , quand il
fe feroit étendu par toute la terre , voïant que c’étoit
une neceffité , j’envoïai à Maïence la couronne , le
L I V R E ' SO I X A N T E - C I -N Q U I E * M E. S j
fceptre, la croix, la lance Si lepée. Alors mon fils de
concert avec mes ennemis, laiifant à Maïence mes A
ferviteurs Si mes amis, en fortit avec grand nombre
defes gens en armes,fous prétexte de^m’y amener;
mais il me fit conduire à Ingelheim, où je le trouvai
avec une grande multitude de mes ennemis. Et parce
qu’ils croïoient plus sûr que je renoncjaife au roïaume
en perfonne,ils me menaçoient tous de perdre la vie
fi je ne faifois tout ce qu’on m’ordonneroit.
Je dis que je le ferois pour avoir le tems de faire
penitence , & comme je demandois fi j’étois au moins
ainfi affiné de ma vie , le légat qui étoit préfent répondit
que je ne pouvois me délivrer qu’en con-
feffant que j’avois agi injuftement en perfecutant
Hildebrand & mettant Guibert à fa place, Si en tout
ce que j’àvois fait jufques-là contre le faint fiege Si
contre l’églife. Alors je me profternai Si demandai
au nom de Dieu , que l’on m’accordât un lieu Si un
tems propre pour me juftifier en préfence deïous les
feigneurs, ou s’ils me trouvoient coupable , faire
telle fatisfaélion qu’ils jugeroient neceifaire. Mais le
légat me déclara qu’il falloit terminer tout au même
lieu , autrement que je ne devois avoir aucune efpe-
rance d’en fortir. En cette extrémité je demandai fi
j’obtiendrois l’abfolution en confeifant tout ce
que l’on m’ordonneroit. Le légat répondit qu’il n’en
avoit pas le pouvoir , Si que fi je voulois être abfous
j’allafle à Rome fatisfaire au faint fiege. Ils me laif-
ferent ainfi à ingelheim. J’y demeurai quelque tems,
Si mon fils m’avoit mandé de l’y attendre ; mais je
fus averti que fi j’y demeurois, je ferois emmené en
prifon perpétuelle , ou décollé au lieu même. Je