
-----------» 47^ H i s t o i r e E c c l e s i a s t io tu e :
A n .i i j j . ment de cette aêtion : dans l’efperance de voir quelque
coup du ciel. Le duc voyant l’abbé s’avancer
tranfporté de z e le , ôc portant a fes mains le corps de
notre Seigneur fut épouvanté ; 8c tremblant de tout
fon corps, il tomba à terre comme hors de lui. Ses
gentilshommes l’ayant relevé, il retomba fur le vifa-
ge. Il ne parloir à perfonne, ne regardoit perfonne :
fa falive couloit fur fa barbe, il jettoit de profonds
foupirs 8c fembloit frappé d’épilepfie.
Alors le ferviteur de Dieu s’approcha plus près
de lu i, 8c le pouffant du pied, lui commanda de fe
lever, de fe tenir de bout 8c d’écoüter le jugement de
Dieu. V o ilà , d i t - i l , l’évêque de Poitiers que vous
avez chaffé de fon églife. Allez-vous reconcilier avec
lu i, donnez-lui le baifer de paix8c le remenez vous-
même à fon fiege : rétabliffez l’union dans tout votre
é t a t , 8c vous foumettez au pape Innocent comme
fait toute l’églife. Le duc n’ofa rien répondre , mais
il alla auffi-rôc au-devant de l’évêque , le reçut au
baifer de paix, 8c de la même main dont il I’avoit
chaffé de fon fiege, l’y ramena avec la joye de toute
la ville. L’abbé parlant enfuite au duc plus familièrement
8c plus doucement, l’avertit en pere de ne
plus fe porter à de telles entreprifes, ne plus irriter la
patience de Dieu par tels crimes, 8c ne violer en
rien la paix qui venoit d être faite.
*■ s?1- Ainfi la paix étant rendue à toute l’églife d’ Aquitaine,
Gérard feul perfeveroit dans le mal : mais la
colere de Dieu éclata bien-tbt fur lui. On le trouva
mort dans fon lit le corps exceffivement enflé , 8c il
périt ainfi fans confeifion 8c fans viatique. Ses neveux
l’enterrerent dans une é g life , d’où enfuite l’évêque
de Chartres le fît tirer 8c jetter ailleurs. On A n.
chaffa auffi de l’églife de Poitiers fes neveux, qu’il y
avoit élevez aux dign ite z ,on chaffa toute fa famille;
8c ils allèrent porter leurs plaintes inutiles dans les
païs étrangers,
L’évêque de Chartres Geofroi donna des preuves JBern. i t . eotijtd•
fingulieres de fon defintereffement, en ce voyage 8c
pendant tout le tems de fa légation , qui dura plu-
fieurs annéjes, il vécut toujours à fes dépens; 8c un
prêtre lui ayant un jourpréfenté un efturgeon, il ne
voulut l’accepter qu’à la charge d’en rendre le prix
que le prêtre reçût malgré lui 8c en rougiffant. Geof-
froi étant dans une ville la dame du lieu lui offrit par
dévotion un effuye-main avec deux ou trois alliettes
fort belles, mais qui n’étoient que de bois. L’évêque
les regarda quelque tems, 8c les loiia, mais on ne put
lui perfuader de les prendre.
S. Bernard retourna à Clairvaux rempli de joye ;; x x x i .
ôc fe trouvant alors un peu de repos 8c de loifir, il
prit d’autres occupations; 8c fe retirant feul dans une furIc cantique,
petite loge couverte de feuillages de pois, il refolut
de s’employer à la méditation des chofes divines. Le
premier fujet qui fe préfenta à lu i, fut le cantique
des Cantiques, qui ne refpire que l’amour celefteôc
les délices des noces fpirituelles ; 8c fes méditations
fur ce livre divin , produifirent les fermons qu’il en mmu. p™/.
fit à fes confrères, Sc qu’il commença pendant l’A- mt°,‘i-s,:Bern”
vent de cette année 113 5. Il continua l’année fui-
vante, 8c parloit fouvent plufieurs jours de fuite,
mais il etoit fouvent interrompu par les affaires 8c
par les vifites, qui l’obligeoient même à finir plutôt
qu’il ne vouloir. Il prononçoit quelquefois ces fer