
A n . u n .
Sup. l iv . L X IV .
*' 94-
E x o rd • C if i. c. 10 •
CI. iz.
1 76 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ^
grès depuis quatorze ans qu’il étoit fondé ; & pouf
en affermir l’état, l ’abbé A lb e r ic , par le eonfeil de la
communauté, envoïa à Rome deux de fes moines,
avec des lettres de recommandation de Jean & Benoît
cardinaux alors légats en France, de Hugues archevêque
de Lion & de Gaultier évêque de Châlon
diocefain de Cîteaux. Cette députation tendoit à
demander au pape fa proteétion pour le nouveau monaftere
, contre toutes fortes de perfonnes ccclefiaf-
tiques & féculieres, principalement contre les moines
de Mo'kfme , afin que ceux de Cîteaux puffent pratiquer
en repos leur faint inftitut. C ’eft ce que le pape
Pafcal leur accorda par fa bulle donnée à Troïes en
Fouille le dix-neuviéme de Mars indiétion huitième
l ’an n 00. Cîteaux n’y eft point autrement nommé,
que le nouveau monaftere du diocefe de Châlon 5 &
le pape en lui donnantfa proteétion, réferve la révérence
canonique , c’eft-à-dire la jurifdiétion épifeo-
pale de l evêque diocefain, & confirme tout ce qu’a-
voit fait l’archevêque de Lion , pour mettre la paix
entre Cîteaux & Molefme.
Alors Alberic & fes confrères réfolurent de pratiquer
exaétement la réglé de S. Benoît, & de rejetter
tout ce qui y étoit contraire : fçavoir les frocs, les
pellices, les fergettes, les chaperons & les fémoraux ;
les couvertures & les draps d’étamine pour les lits : la
diverfité des mets dans le réfeétoire & la graiffe. Ils
ne trouvoient ni dans la réglé, ni dans la vie de faint
Benoît qu’il eût poffedé des églifes, des autels , ni
des oblations ou des dîmes: ni des fours ou des moulins
banneaux , des Villages & desferfs ; qu’il eut enterré
des morts dans fon monaftere, ou qu’il y eût
laiffé
L i v r e s o i x a n t e -s i x ï e ’m e .' 177
laiffé entrer des femmes. C ’eft pourquoi les moines ......
de Cifteaux retranchèrent toutes ces pratiques : di- A n . m z .
fant que dans l’ancienne diftribution des dîmes en
quatre parties, ils ne trouvoient point que l’on eût
compris les moines qui poffedent des terres & des
beftiaux dont ils peuvent vivre en travaillant. Seulement
ils réfolurent d’ajouter à la réglé, en prenant,
avec la permiffion de leur évêque, des freres convers
laïques, qu’ils traiteraient comme eux-mêmes, & des
ferviteurs à gages, parce qu’ils ne voïoient pas comment
ils pourraient fans ce fecours obferver entièrement
ce que la réglé prefçrit pour le jour & pour la
nuit. Ils réfolurent encore de recevoir des terres éloignées
de l’habitation des hommes,de recevoir des v ignes
, des prez, des bois & des eaux, pour faire des
moulins à leur ufage feulement & pour la pêche : des
chevaux & d’autres beftiaux pour les neceifitez de la
vie. Et quand ils auraient établi quelque part des métairies
pour le labourage, ils réfolurent qu’elles feraient
gouvernées par des freres convers & non par
des moines, parce que les moines, félon la réglé , ne
doivent habiter que dans leur cloître. Ils vouloient
imiter faint B enoît, qui n'avoit bâti fes monafteres ni
dans les villes , ni dans les villages , mais dans des
lieux écartez ,& n’avoir comme lui en chaque monaftere
que douze moines avec l’abbé.
Alberic & fes confrères étoient affligez de ce qu’il
îie leur venoit prefque perfonne pour embraffer leur
inftitut. Car ceux qui voïoient leur maniéré de vie,
ou qui en entendoient parler, en trouvoient l’aufte-
r"-é fi extraordinaire , qu’ils ne cherchoient point â
fe joindre a -,:.\jx , & doutoient même de leur perfe-
T ome X I V . Z
1.