
i 6 6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ;
An. i iù . leurs feigneurs, pour fe défendre contre les violences
des nobles, & le rendre juftice entr’eux. Ceux qui
juroient cesfocietez fenommoientproprement bourgeois
, & ils élifoient de leurs corps des officiers pour
les gouverner fous les noms de Maires, Jurez, Efche-
vins, ou autres femblables; & c ’eft l’origine des corps
de villes. Or comme les habitans des villes & des villages
étoient encore ferfs pour la plupart, ils rache-
toient leur liberté par de groiTes iommes qu’ils don-
noient au roi ou au principal feigneur,pour obtenir
ce droit de commune , & réduire à une feule taxe toutes
les redevances qu’ils païoient auparavant. Mais
e etoit foüvent au préjudice des feigneurs particuliers,
fur-tout des ecclefiaftiques, à qui les bourgeois devenus
plus forts, refufoient de paieries anciennes redevances
qu’ils prétendoient mal fondées ; & c’eft ce
qui rendit ces communes odieufes.
m - Celle de Laon eft une des premières dont il foit
fait mention : elle fut accordée par le roi feigneur
particulier de la v ille , & l’évêque jura de la maintenir
, l’un & l'autre moïennant des fommes confide-
rables que donnèrent les bourgeois. Toutefois l’évè-
que entreprit peu de tems après de la faire calfer : de
quoi les bourgeois avertis offrirent au roi & à fon
confeil quatre cens livres d’argent,, pour maintenir
leur commune : mais l’évêque en promit fept cens
pour l’abolir & l’emporta ; car ce prince entre plu-
fieurs bonnes qualitezavoit ce foible de fe trop confier
à des perfonnes intereffées. Cette convention fut
faite le jeudi faint dix-huitiéme d’Avril l’an n u . Le
roi partit de Laon le vendredi matin, & l’évêque com-
iiaçn^a çe jour-la. à faire lever fur les bourgeois une
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fàxe, d’autant que chacun avoit donné pour obtenir
la commune : ce qui continua le lendemain.
Ce procédé les mit en telle fureur,qu’ils réfolurent
la mort de l’évêque,&il y en eut quarante qui lajure-
Tent. Le fameux doâreur Anfeime doïen de leglife de
L aon , en avertit le prélat le famediau foir comme il
ctoit prêt à fe coucher : il témoigna d’abord méprifer
cette populace, & toutefois il profita de l’avis, & n’ai la
point a matines la nuit de Pâques. Le lendemain à la
proceifion il fit prendre à les domeftiques & aux gentilshommes
des épées fous leurs habits, & fit venir
des païfans des terres de l’évêché pour garder les tours
de leglife & fon palais, mais le mardi s’étant raffuré
il les renvoïa. Le jeudi vingt-cinquième d’Ayril jour
de faint Marc après m idi,comme le vêqueétoit occupé
avec l’archidiacre Gautier des moïens d’exiger de
l ’argent, il s’éleva parla ville un grand tumulte de
gens qui crioient : La commune. Alors les bourgeois
armez d’épées, d’arcs, de cognées, de haches ,
de maffuës & de lances , traverferent leglife cathédrale
, & entrèrent à l’évêché en grande troupe. A ce
bruit les feigneurs accoururent de toutes parts ; car
ils avoient promis à l’évêque avec ferment de le fe-
courir , & il y en eut quelques-uns de tuez par les
bourgeois.
L’evêquc fe défendit quelque tems à coups de
pierres & de flèches ; car il avoit porté les armes, &
etoit plus guerrier qu’ecclefiaftique. Enfin ne pouvant
plus foutenir les affauts du peuple , il prit l’habit
d’un de fes valets, fe refugia dans le cellier del’é-
g life, & fe cacha dans un tonneau qu’on referma. Les
bourgeois le cherchant par tout,un des fiens le dé