
A N. 1 101.
XIT.
Etienne de Garlande
élû évêque
de Beauvais.
tfift. 87*
1 4 H i s t o ï r e E c c l e s i a s t i c ^u e .'
Cependant les cardinaux Jean & Benoît, qui étoient
revenus de Rome, & avoient rendu compte de leur
légation , fe plaignirent hautement que l’évêque dè
Tufculum eût infirmé leur fentence contre l’évêque
d’Autun ; & leur mécontentement pafla' jufques à
quitter la cour. Jean fe retira à Pavie dans une comr
munauté dont il avoit été tiré : Benoît demeura à Rome
dans l’églife dé fon titre.
Pendant qu’ils étoient en France,Yves de Chartres
leur écrivit au fujet d’Ëtiennede Garlande élu eveque
de Beau vais. .Cette égliiè , dit-il, eft defaccoutumée
depuis fi long-tems d’avoir de bons pafteurs , qu’elle
femble être en droit d’en élire de mauvais. Elle vient
de prendre, fuivant la volonté du roi & de fa concubine,
un clerc qui n’eft point dans les ordres ia-
crez ; ignorant, occupé du jeu &c de femblables amu-
femens, & autrefois chafle de l’églife pour un adultéré
public par l’archevêque de Lyon légat du faint
fiege. Si jamais il parvient à l’épifcopat par l’autorite
du pape, on impofe de notre tems aux carions un fi-
lençe pernicieux. Je vous en avertis, afin que vous
foïez fur vos gardes; car cet intrus fe preifera d’aller
à Rome ou d’y envoier, de gagner la cour par pre-
fens & par promeffes, & furprendre le pape par tous les
artifices poffibles. Nous vous déclarons donc la ve*
rite de la çhofe , afin que vous puiffiez pourvoir a
l’autorité du faint fiege & à votre réputation ; car fi
notre attente eft fruftrée en cette occafion , nous ne
fçaurons plus que répondre à ceux qui parlent contre
l’églife Romaine.
Yves écrivit au pape Pafcal furie même fujet en ces
termes ; Comme véritable fils de l ’églife Romaine
ne & forti de fon fe in , je ne puis m’empêcher d’être A n . i i
fenfiblement touché lorfqu’elle eft déchirée par la
médifance. C ’eft pourquoi je vous prie que fi l’on
porte devant vous de nos quartiers des accufations
contre des évêques ou d’autres perfonnes, ou des ex-
eufés en leur fav eur, vous ne vous prelfiez pas d’y
ajouter f o i , mais que vous accordiez un délai convenable
& long , pour vous faire informer de la vérité
par des perfonnes vertueufes du voifinage. Autrement
s’il paroît quelque décret indigne de vous ,
nous garderons le refpedb, mais nous ceiferons de
vous donner des avis inutiles. Et que votre faintete
ne trouve pas mauvais fi je prens cette liberté : c’eft
que j’ai déjà vû plufieurs perfonnes zelées pour la
juftice, qui voïant que l’on avoit pardonné ou diifi-
mulé plufieurs crimes , fe font impofé filence , n’ef-
perant prefque plus la corredtion des abus. Il avertit
enfuite le pape de l’éledtion d’Etienne de Garlande ,
répétant les mêmes reproches qu’il avoit marquez
dans fa lettre aux légats. Q u ’il n’eft pas foudiacre ,
qu’il eft fans lettres , joüeur-, adonné aux femmes ,
& qu’il a été excommunié pour adultéré. Le plus
grand mérite d’Etienne étoit fanoblelfe. Il étoit fils
de Guillaume de Garlande Sénéchal de France , qui
étoit alors la première charge de la couronne, & lui-
même fut depuis chancelier. Il devoit être jeune,
puifqu’il vécut encore quarante ans.
Etienne alla trouver le pape pour faire confirmer
fon élection , & Yves de Chartres ne put lui refufer
une lettre de recommandation , où fans rien dire di- r a i « ,
reniement contre la vérité, il fe joint à l’églife de
Beauvais fa mere pour prier le pape de lui accorder
Tome X I V . D