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• ¿80 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
• ment, il y avoit dans le voifinage un ermite nommé
Bertran, qui avoit quelques diiciples ; ils demeurèrent
avec lui dix mois , mais fans engagement, & le
quittèrent par le defir d’une plus grande perfection.
Après avoir vifité toutes les maifons religieufes d’a-
. lentour fans y trouver ce qu’ils cherchoient, ils s’arrêtèrent
à Obafine, lieu defert environné de bois &
de rochers, Sc arrofé d’une petite riviere. ils y arrivèrent
le vendredi faint , 8c paiTerent ce jour Sc le fui-
vant fans manger. Le jour de Pâques ils allèrent à
une églife voifine , où4 ayant emprunté des iouliers,
l’un d’eux dit la meiTe 8c l’autre y communia; 8c per-
fonne ne les ayant invitez â dîner, ils revinrent affez
triftes dans leurdéfert: mais une femme du Voifinage
leur apporta la moitié d’un pain & un pot de la i t ,
dont ils firent le plus agréable repas de leur vie. Ils
paiferent plufieurs jours fans, autre nourriture que les
racines, Sc les autres chofès qu’ils pouvoient trouver
dans ce défert; mais ils furent fecourus par des per-
fonnes charitables, particulièrement des paitres qu’ils
récompenfoient en les inilruifant.'
Quelque tems après Pierre de l’avis d’Etienne, alla
a Limoges avec un clerc nommé Bernard, qui s’étoit
joint à eux: ils parlerentâl evêque Euftùrge, 8c lui
expliquèrent leur deffein , qu’il approuva; & ayant
beni une croix qu’ils lui avoient apportée, rl leur permit
de dire la meiTe Sc de bâtir un monaitere, à la
charge de fuivre en tout la tradition des peres. Ils
commencèrent donc à bâtir des lieux réguliers, car ils
avoient déjà quelques difciples , mais en petit nombre,
âcaufe de l’extrême aufterité de leur vie. Ils fui-
voient la réglé des chanoines en ce qui regarde l’office
divin
L i v r e S o i x a n t e - N e u v i e ’m e . ¿81
divin Sc celle des ermites en leur maniere de vie.Car,
ajoute l’auteur de cette hiûoire, qui eftdu tems même,
encore que les chanoines chantent regulierement,
leur nourriture efl: abondante Se delicate; ils ont beaucoup
de repos, Sc peu ou point de travail des mains. De
quoi le laint homme ayant une grande averfion, il
avoit ordonné que tout le tems de la journée fut employé
au travail, excepte ce qu emportoitlaleêtùre
ou 1 office divin. Ils y employoient même pendant
l’hy ver une partie de la nuit ; Sc durant ce travail on
recitoit des pfeaumes.
Etienne voulut perfuader a Pierre fon premier compagnon
d aller chez les Sarrafins , dans l’efperance
d en convertir quelques-uns, ou de iouffirir le martyre.
Mais Pierre l’en détourna, en lui difant, qu’il
valoir mieux s’appliquer â la converfion des moeurs
de ceux qui avoient déjà de la fo i , que de travailler
inutilement chez les infidèles, qui peut-être n’é-
toient pas predeftinez. Après qu’ils eurent bâti le
monaftere d Obafine, il y eut une difpute entr’eux
deux à qui le gouverneroit, chacun voulant déférer
a l’autre cet honneur. Pour terminer ce différend, on
les mena devant le légat Geofroi évêque de Chartres,
qui fe trouvoit alors dans le pays ; Sc qui après les
avoir bien examinez, donna la fuperiorité â Etienne.
Sur la réputation des Chartreux, qui paffoient pour
les plus parfaits religieux , il alla les vifiter ; & y
arriva vers le tems cju une font£ extraordinaire de
neiges avoit emporté plufieurs de leurs cellules avec
les moines qui étoient dedans. Etienne d’Obafine
con fui ta le prieur de la Chartreufe, qui étoit alors le
venerable Guigues, furl’infticut qu’il devoir choifir;
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An. i 148,
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