
A N.
Sup.
fi.6 o.
174 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
— l’iile de Chauffey où il avoit déjà demeuré. Mais peu
i ii i . de rems après il y vint des pirares qui pillèrent fa chapelle,
&c en prophanerent à fes yeux les vafes facrez,
ce qui lui fit tant d’horreur, qu’il renonça pour toujours
à cette habitation. Il revint donc en terre ferme
fur la côte de Normandie avec fon ami Vital ; & fa
réputation lui attira plufieurs difciples. Mais comme
ils ne pouvoient fubfifter que du travail de leurs
mains, ilsnefçavoient où trouver du tems pour cette
multitude de pfeaumes que l’on recitoit alors dans la
plûpart des monafteres. J’entensces pfeaumes de furé-
rogation, outre l’office canonial dont il eft parlé dans
w.wûi. les coutumes deClugni. Bernard après avoir confulté
Dieu , crut que fa volonté étoit que l’on retranchât
ces pfeaumes en faveur du travail.
Vital aïant fondé le monaftere de Savigni, Bernard
& fes difciples allèrent d’un autre côté chercher
un lieu pour s’établir , & s’adrefferent à Rotrou
comte de Perche, qui leur donna d’abord un lieu
commode & agréable près fon château de Nogent :
mais enfuite par le eonfeil de fa mere il révoqua cette
donation , pour ne pas faire de peine aux moines de
Clugni qu’il avoit établis dans la même ville. Il
donna donc à Bernard & à fes difciples un lieu plus
écarté dans les bois nommé T iro n , du ruiffeau qui y
paife ; ils y bâtirent un monaftere de bois 5 & Bernard
aïant reçu la benediétion d’Yves de Chartres
évêque diocefain, y célébra la première meffe le jour
de Pâques n op . Les habitans du païs gens greffiers,
voïant ces nouveaux venus vêtus d’habits pauvres Sc
heriffez de poil très-differens des autres moines, allèrent
s’imaginer que ç’étoient des Sarrafins efpions
u n .
L i v r e s o i x a n t e -s i x i e m e . 175
venus par fous terre -, & ce bruit s’étant répandu on v-----
envoïa les reconnoître. Mais quand on vit des hommes A N.
paifibles & fans armes, qui bâtiifoient de petites cellules
& chantoient des pfeaumes, on publia que c’é-
toit de nouveaux prophètes : ce qui attira le peuple
en foule pour les voir ; & Bernard profitant de l’oc-
cafion , leur prêcha les veritez éternelles, & en convertit
plufieurs qui embrafferent la vie monaftique
fous fa conduite. Il lui vint des moines de différentes
maifons & des nobles ; d’autres lui offraient leurs en-
fans & leurs parens, & plufieurs de fes difciples gouvernèrent
enfuite divers monafteres.
Cependant les moines de Clugni du prieuré de §£.'
faint Denis de Nog ent, prétendirent avoir droit de
dîmes & de mortuaires dans le lieu où étoit bâti le
nouveau monaftere. Bernard ne voulut point le leur
difputer , & aima mieux quitter les bâtimens que fes
difciples avoient élevez avec bien de la peine. Il s’a-
drefta à Yves de Chartres, & lui demanda une portion
de terre appartenante â fon églife , & contiguë
à celle que le comte Rotrou leur avoit donnée. L e -
vêque & le chapitre la leur accordèrent volontiers :
la charte de cette donation eft: dattée du troifiéme de
Février 1113. & porte réferve expreffe âla jurifdiébion
épifcopale. Cette terre étoit fur le ruiffeau de Tiron ; gm. chr. n. 4,
& le nouveau monaftere que l’on y b â tit, s’accrut p' l | l
confiderablement en peu de tems , principalement ,
par les liberalitez du comte Rotrou -, & devint chef
d ’une grande congrégation, dont dépendoient douze
abbaïes, quarante-huit prieurez & vingt-deux pa-
roiffes. xx.
Le monaftere de Cîteaux avoit fait peu de pro- cîKau™15^
il I