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481 H i s t o i r e E c c l è s i a s t i q j ü i .
publier qu’il mettoit en vente tous fes biens, il y vint
des acheteurs de toutes fortes, gentilshommes, paï-
fans, clercs & laïques-, 8t quand ils eurent employé
tout leur argent} comme il reftoit encore bien des
choies à vendre, Pons déclara qu’il prendroit en
payement toutes fortes de beftiaux & de fruits, dont
les hommes fe nourriflent : ainfi il en amaifa une
grande quantité. Son deflein étoit de les donner aux
pauvres, mais il comprit qu’il falloit commencer par
faire reftitution. Il envoya donc publier par tous les
marchez & toutes les églifes de la province, que
tous ceux à qui Pons de Laraze devoit quelque cho-
fe , ou avoit fait quelque to r t,fe trouvaient au v i l lage
de Pegueroles le lundi de lafemaine fainte, ou
lè$ deux jours fuivans, 8c que chacun y feroi-t fatis-
fait.
Le dimanche des Rameaux à Lodeve après la pro-
ceffion 8c la leéture de l’é van g ile , l'évêque 8c fon
clergé étant fur un échaffaut dreffé exprès dans la
place au milieu du peuple : Pons fe prefenta avec fes
flx compagnons : il étoit en chemife 8c nuds pieds,
ayant unehart au cou par laquelle un homme le me-
noit comme un criminel,le fuiligeant avec des v e r ges
continuellement : car il l’avoit ainfi ordonné.
Etant arrivé devant l’évêque il demanda pardon z
genoux, ôc lui donna un papier qu’il tenoit à la
main, 8c où il avoit fait écrire tous fes pechez, priant
inftamment qu’on le lût devant tout le peuple. L’c-
vêque voulant lui en épargner la h onte , le défendit
d’abord : mais Pons l’en preffa ta n t , qu’il l’obtint.
Pendant qu’on lifoit fa confeifion il fe faifoit fraper
avec des v e rg e s , demandant toujours qu’on frapât
L i v r e S o i x a n t e -H ü i t i e ’me . 483
plus fort, fe confelïantcoupable de tous ces crimes, 8c arrofant la terre de fes larmes, qui attiroient celles
du peuple. Tous l’admiroieht , le refpeéfcoient, 8i
prioient Dieu de lui donner la perfeverance. Sa con-
feifion fut même utile à plufieuts, qui par mauvaife
honte avaient celé leurs pechez , ¿ q u i animez par
fon exemple, eurent recours à la penitence.
Le lendemain & le s deux jours fuivans, plufieurs
perfonnesfe trouvèrent à Pegueroles, pour demander
ce qu’ils avaient perdu. Pons fe jugeant lui-même,
commençoitparie jetter aux pieds de chacun d’eux
& leur demander pardon : puis il leur rendoit ce qui
leur étoit dû, foit en bétail, en argent, ou en autres
efpeces, des chofes neceflaires à la v i e , dont il avoit
fait provifion : en forte qu’ils fembloient retrouver
les chofes mêmes qu'ils avoient perdues. Ils s’en retournoient
donc chacun chez eux, le comblant de
benediéf.ions au lieudesmalediétionsdontilsle char-
geoient autrefois. Enfin voyant un païfande fes vo ifins
il lui dit: Qu?attens-tu ? que ne dis-tu auffi de
quoi tu te plains’? Seigneur, dit le païfan, je n’ai aucune
plainte à faire contre vous, au contraire je vous
loue 8c vous bénis, parce que vous m’avez fouvenc
protégé contre mes ennemis , & ne m’avez jamais
fait aucun tort; Non , reprit Pons, je t’ai fait to r t ,
mais peut-être ne l’as-tu pas fijû. N ’as-tu pas perdu
ton troupeau de nuit en un tel tems > Ce fut moi qui
le fis enlever par mes gens. Je te prie de me le pardonner
8c de prendre ces belles qui relient. Le païfan
les prit comme venues du c ie l, & s’en retourna avec
jo y e , bonifiant Pons y qu’il appelloit fon bienfaic-
teur.
P p p ij
An.i i3<>.