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¿36 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
grand doêteur, & Tes moeurs avoient beaucoup de
gravité : mais il donnoit trop dans les fubtilitez de la
diale£tique. Dèsla première année du pontificat d’Eu-
gene, c’eft à-dire, l’an 1145. Gilbert fut accufé devant
lui par Arnaud, furnornmé Qui ne rit & Calon,
tous deux archidiacres de Poitiers , pour quelques
propofitioas touchant la fainte Tr ini té, qu’il avoit
avancées en plein fynode. Les deux archidiacres s’étant
mis en chemin pour aller à Rome, rencontrèrent
à Sienne le pape qui venoit en France , &qu i ayant
appris le fujet de leur voyage , leur ordonna de. fe
trouver à Pâques à Paris, où il auroit plus de commodité
d’examiner cette affaire, à caufe de la quantité
des gens de lettres qui y demeuroient. Les archidiacres
revinrent en France confulter S. Bernard, &i
l ’excitercnt à s’oppofer aux erreurs de Gilbert.
Le concile fe tint à Paris au tems marqué , le pape
y preiida affilié de plufieurs cardinaux ; il y avoit
grand nombre de très-favans hommes, entre lefquels
étoit S. Bernard. Gilbert de la Poirée étoit prefent.
On produifit contre lui pour témoins deux docteurs,
Adam de petit-pont, chanoine de l’églife de Paris,
& Hugues de Chamfleuri chancelier du roi : qui
affurerent par ferment avoir oui de fa bouche, quelques
unes des propofitions qu’on lui reprochoit -, &
on produifit auffi contre lui un extrait de fon commentaire
fur Boëce. Les principales erreurs dont on
l’accufoit étoient, de dire que l’effence divine n’eft
pas Dieu, que les proprietez des perfonnes divines ne
font pas les perfonnes mêmes: que les perfonnes divines
ne font attribut en aucune propofition : enfin
que la nature divine ne s’eft point incarnée , mais
L i v r e So i x a n t e - N e u v i e ’me , ¿37
feulement la perfonnedufils. L’évêque Gilbert nioit
d’avoir j amais dit ou é c r i t , que la divinité ne foit pas
Dieu j Sc produifoit pour témoins deux de fes difei-
ples, Raoul évêque d’Evreux &c depuis archevêque
de Rouen , & un doébeur nommé Ives de Chartres ,
que l’on croit être le chanoine de S. Vié tor , qu’innocent
II. avoit fait cardinal. Saint Bernard étoit le
i principal adverfaire de l’évêque Gilbert en cette dif-
pute , qui dura quelques jours : mais le pape en remit
la décifion au concile qu’il devoit tenir l’année fui-
vante à la mi-carême.
La même année 1147. le pape Eugene envoya à
Touloufe en qualité de légat l’évêque d’Oftie Albe-
ric, qui avoit déjà été légat en Angleterre & en Syrie.
C ’étoit pour combattre l’heretique Henri difciple de
Pierre de Bruis. Ils avoient prêché l’un & l’autre premièrement
en Dauphiné , puis en Provence, d’où ils
avoient paffé dans la Province de Narbonne. On le
voit par une lettre de Pierre abbé de Clugni , adref-
fée à Guillaume archevêque d’Embrun , Ulric évêque
de Die , & Guillaume de Gap : où il les félicité
du fuccêsde leurs travaux contre ces heretiques ; &
I ajoute : paffant depuis peu par vos dioceles, j ’ai
I trouvé que cette erreur avoit été chaffée de fes pro-
I viaces pour la plus grande partie avec fes auteurs ,
I mais j’y en ai trouvé auffi quelques reftes. Et enfuite :
I On a vû par un crime inoüi chez les Chrétiens , re-
baptifer les peuples, profaner les églifes , renverfer
I les autels, brûler les croix, fouetter les prêtres, em-
l prifonner les moines, les contraindre à prendre des
femmes parles menaces & les tourmens. Vous avez
banni les chefs de cette fe£te parle fecours des prin-
L 111 iiÿ
A n, 1147
X X I V .
Henriciens heretiques*
Vita. Bern, libo
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Bibi» Clun.pt
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p. iIii.R