
ï 8 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
la vie eremitique 6c vivre du travail de fes mains. Il
communiqua' fon deifein à un faint ermite nommé
Pierre des Eltoiles, fondateur du monailere de Font-
Gombaud, qui le mena dans un defert aux confins
du Maine & de la Bretagne , où vivoient plufîeurs
ermites fous la conduite de Robert d’Arbrilfelles, de
Vital de Mortain , & de Raoul de la Fuftaye. Pierre
des Eftoiles recommanda fon ami a, V ita l, mais fans
lui dire qui il étoit ; & le nommant Guillaume au lieu
de Bernard. On lui donna à choifir entre les cellules
des ermites, & il choifit celle d’un nommé Pierre ,
parce qu’elle étoit la plus pauvre , n’étant bâtie que
d’écorces d’arbres dans les ruines d’une églife. Pierre
y enfeigna à fon nouveau difciple l’art de tourner :
ils ne mangeoient que le foir, &leur nourriture étoit
un potage d’herbes fauvages , où ils ne mettoient du
fel que les fêtes.
Bernard avoit ainfi vécu trois ans fous le nom de
Guillaume, quand les moines de S. Savin à force de
le chercher le découvrirent, car Us le vouloient toujours
pour abbé ; & il fut averti qu’ils viendroient
l’enlever avec des ordres de fon abbé & de fon évêque.
Pour éviter ce péril Bernard refolut de fe cacher
dans un iile , & fe retira dans celle de Chauifey
entre Jerfé & S. Malo , où il vécut dans une parfaite
folitude & dans une extrême pauvreté jufquàie nourrir
de racines crues. Cependant les moines de S. Savin
defefperant de le trouver, élurent un autre abbé. Alors
Pierre des Eftoiles vint trouver S. Vital , lui demanda
où étoit celui qu’il lui avoit recommandé , dont
il lui décoüvrit le vrai nom & le mérité en prefen-
<e des hermites quiétoient fous fa conduite, & leur
L i v r e s o i x a n t e - c i n q u i e ’me . i §
confeilla de le retirer de fon ifle , pour profiter de fa A
dodrine 6c de fon exemple. Il fe chargea lui-même
de l’ambaifade, il alla trouver Bernard , & lui aïant
appris que les moines de faint Savin avoient un abbé,
il lui perfuada de revenir au defert du Maine près de
Vital. Là il aflembla quelques difciples autour de fa
cellule, 6c commença à prêcher avec tant de fuccès,
que fa réputation s’étendit au lo in , & vint jufques à
Rainaud abbé de faint Cyprien de Poitiers fon premier
maître.
Cet abbé fe fentant chargé d’années, & prévoïant
fa fin prochaine, fouhaitoit depuis long-tems d’avoir
Bernard pour fucceifeur., & craignoit qu’on ne l’enlevât
pour gouverner quelqu’autre églife. Aïant
donc appris fa demeure il l’alla trouver, &c fous un
autre prétexte, il l’engagea à revenir avec lui &c a
rentrer fous fon obéïiTancedansle monaftere. Il y fut
reçû avec une extrême joie, mais les moines furent
furpris de lui voir une grande barbe, un habit herif-
fé de poil & rapiécé, fuivant l’ufage des hermites : ils
en avoient horreur & fe preiferent de lui faire reprendre
leur habit. Ils le firent d’abord prévôt , puis abbé
après la mort de Rainaud,qui arriva l’an i iqo. quatre
mois depuis fon retour. Mais Bernard ne demeur
ra pas long-tems paifible dans fon abbaïe. Car les
moines de Clugny prétendant qu’elle étoit de leur dépendance
, obtinrent une bulle du pape Pafcal , par
laquelle il ordonnoit à Bernard de fe foumettre à eux
fous peine d’interdiftion des fondions »d’abbé. Bernard
aima mieux fubir la peine , & fuivant- fon inclination
il retourna avec fes amis, Robert d’Arbrif-
felles 6c V iw ld e Mortain. Ilsalloient tous troisnuds
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