
312. H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e :
— — —— fanes, contre les embarras du mariage. Elle ne le pef-
A n , ii i i . f u a d a p a s toutefois, il la ramena fecrctement a Paris,
& ils furent mariez de grand matin dans une eglife
en préfence de l’oncle &c de peu de témoins : aprçs
quoi ils fe féparerent, & fe yoïoient rarement & en
cachette.
Mais Fulbert voulant réparer fon honneur, corn-’
mença bien-tôt à publier ce mariage, contre la parole
qu’il avoir donnée ; & comme fa niece le n io it ,
même avec ferment, il la maltraitoit fouvent. Pour
l’en délivrer, Abailard l’envoïa à Argenteiiil où étoit
alors une abbaïe de filles, dans laquelle elle avoit
été élevée pendant fon enfance ; Si il lùi fit prendre
l’habit de religieufe , excepté le voile. Alors Fulbert
& fes parens crurent qu’Abailard s’étoit mocque
d’eux , Si que pour fe débaraiTer d’He loïfe , il l’avoit
fait religieufe. Pour s’en venger, aïant corrompu par
argent un de fes gens, ils entrèrent de nuit dans fon
loCTis ; Si comme il dormoit ils le mutilèrent cruellement
, d’une maniéré qui le forçoit a la continence.
Ea nouvelle s’en étant répandue par la v ille , il fut
accablé le lendemain de vifites & de confolations
plus infupportables que le mal même : enfin la honte
plutôt que la pieté , lui fit embraifer la vie monaf-
tique ; & il perfuada a Heloïfe d’en faire de même^
Il entra à S. Deuis , &C elle demeura à Argenteiiil où
elle prit le v o ile , mais plutôt en heroïne païenne ,
qu’en chrétienne pénitente. Car dans cette aéfion n
rh»rf. {'¿riçufc elle récita les vers de Lucain, ou.il fait parler
Cornelie déplorant la mort de Pompée fon époux,
s’^ccufant de l’avoir rendu malheureux , Si déclarant
qu elle Va s’en punir. A ces mots Heloïfe toute en
pleurs
t l V R E SO IX A NT E - S E P T I E ’M Ê. 313
pleurs s’approcha de l’autel, & y prit le voile beni par —•—
fevêque. A n . 1121.
A peine Abailard fut-il guéri de fa bleflure, que
•plufieurs clercs vinrent le trouver , le priant de recommencer
fes leçons, & de profiter des commoditez
qu’il avoit pour le faire plus en repos & fans intérêt.
L ’abbe & les moines de faint Denis y confentirent,
pour fe défaire d’un homme qui reprenoit trop librement
leur vie licentieufe. Ils l ’envQïerent donc au
prieuré de Deuil dépendant de leurmonaftere. Quand
Il eut ouvert fon é colç , il y vint tant d’écoliers, qu’à
peine pouvoient-ils trouver des logemens & des
vivres ; il en venoit de tous les païs de l ’églife latine
& de Rome même. Il s’appliquoit principalement à
îathéologie, qui convenoic mieux àià nouvelle pro-
feifion ; mais il n’jbandonnoit pas les arts libéraux
que fes écoliers lui demandoient davantage. Il avoit
environ quarante ans quand il entra à faint Denis,
& quarante-deux quand il fut condamné au concile
de Soiflons.
Cependant le pape Callifte aïant célébré à Rome xxiii.
îcs fêtes de.Pâques, envoïa à Sutri une grande arméeSjSMF # *
avec Jean de Creme cardinal de faint Chryfogone , r*Mf. & 4-
&c le fuivit de près. Les habitans de Sutri voïant f;_f p *
battre.leurs murailles, prirent l’antipape Bourdin
& le livrèrent aux foldats de Callifte , qui après
,1 avoir^chargé d’injures, le firent monter fur un chameau
à rebours, lui faifant tenir la queue au lieu de
bride , & lui mirent fur ie dos une peau de mouton
toute fanglante : voulant par cette dérifion repré-
fenter le pape vêtu d’une chape d’écarlate , & monté
fur un grand cheval. Ils firent entrer Bourdin
T w ? R 1