
i 88 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
■ roient les annoncer: on fonnoit les cloches,1e peuple 9- venoic en foule à l’églife , 5c entendoit avec grande
dévotion la melfe 5c le iermon : après lequel fuivoit
une conférence où ils répondoient à diverfes quef-
tions : de la fréquente confeffion 5c de la neceflîté de
la penitence , des devoirs des perfonn.es mariées , 5c
comment on peut fe fauver en gardant fon bien. Sur
le foir on les menoit à leur logis -, & celui-là s’eftimoit
heureux qui les recevoit chez lui : l’un traînoit l’âne
qui étoit tout leur équipage., l’autre emmenoic le
garçon qui fervoit à le garder ; & cet âne ne portoit
que la chapelle pour la melfe, le pfeautier 5c quelque
autre livre. Pour les repas, Norbert s’aifeoit à terre
& mangeoit fur fes genoux : il n’ufoit d’autre affai-
fonnement que de fe l, & ne buvoit que de l’eau: mais
quand des évêques 5c des abbez le faifoient manger
avec eux , il fe conformoit aux autres.
Ces prélats lui rendoient toute forte d’honneur ,
jufqu a le recevoir dans leurs chapitres, pour l’entendre
prêcher ; 5c ils lui faifoient pluiîeurs queftions
fur la difeipline ecclefiaftiquè 5c régulière , 5c fur la
morale. Quelques-uns le faifoient pour lç tenter 5c
lui tendre des pieges : d’autres de bonne foi pour s’inf-
truire : mais: le fainr homme alloit fon chemin, &
fans examiner les intentions des auditeurs, prêchoit
fortement contre les vices, 5c foutenoit fa doétrine
par fes exemples 5c fes miracles. Le peuple avoit pour
lui une affeétion merveilleufe, 5c ne pouvoir fe raffa-
fier de le voir & de l’entendre : lui de fon côté étoit
d’une patience incroïablc pour le travail. Il s’appli-
quoit particulièrement à appaifer les inimitiez qui
cauibient dans le pais quantité-de meurtres ; 5c il fit
des
L i v r e s o i x a n t e -s e p t i e ’ m e .’ z 8?
des réconciliations admirables. Il gardoit encore l’u -
fage de dire quelquefois deux meffes par jour : une A n . i i i j .
de la Vierge, par exemple, 5c une des morts. ». j*.
Aïant donc appris que le pape Callifte avoit été 3Î.
élevé fur le faint fîe g e , & qu’il tenoit un concile à
Reims : il y vint nuds pieds comme il é to it, quoique
l’hyver commençât à fe faire fentir , 5c il fut reçu
avec grande joie par les évêques & les abbez qui y
étoient ailemblez. Ils admiroient la force de fes difcours
, la fageife de fes réponfes , 5c la rigueur de fa
penitence : 5c plufieurs l’exhortoient à la modérer,
mais inutilement. Toutefois de peur que fa vie extraordinaire
ne donnât prétexte de calomnier fa
doctrine : il fit* renouveller par le pape Callifte les
lettres qu’il avoit obtenues de Gelafe. Il fut prefenté
au pape par Barthélémy évêque de Laon, à qui il
avoit été recommandé par des parens qu’il avoit dans
le diocefe’ ; 5c le pape ordonna à cet évêque d’en
prendre foin , & de le traiter pendant quelque tems
plus doucement qu’il ne voudroit : promettant d’aller
lui-même à Laon après le concile. Le pape y vint en
effet peu de tems après ; 5c l’évêque aïant délibéré
avec lui comment il pourroit retenir ce faint homme
dans fon diocefe, lui offrit une églife de faint Martin
fituée dans le fauxbourg, & fervie par quelques chanoines.
Norbert eut bien de la peine à l’accepter, 5c ne le
fit que par obéiffance pour le pape : mais à condition
que les chanoines fuivroient fa maniéré de vivre.
Quand il la leur eût propofée, en leur difant qu’il
falloit méprifer le monde , embraffer la pauvreté,
fouffrir les opprobres, les moqueries, la faim, la fo if ,
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