
644 H i s t o i r e ' E c c l e s i a s t i q u e.
Il fut reçu à Touloufe avec allez de dévotion, &
en peu de jours elle augmenta juiques à un empref-
fement exceilif. Il y avoit peu de gens en cette ville
qui favorifaifent la perfonne de Henri : c ’étoit feulement
quelques tillerans, fit on les nommoit Ariens :
mais il y en avoit un grand nombre fit des principaux
de la ville , qui favorifoient l’herefie. On ap-
pella Henr i , on appella aulli les Ariens, fie le peuple
promit que déformais perfonne ne les recevroit,
s’ils ne venoient fit ne s’expliquoient publiquement.
Mais Henri s’enfuit, les Ariens fe cachèrent, & la
ville de Touloufe parut entièrement délivrée de l’he-
réfie. Quelques-uns des gentilshommes promirent
qu’ils les chaiTeroient Si ne les protegeroient point;
fie le légat prononça une fentence contre les hérétiques
Se leurs fauteurs, portant qu’ils ne feroient reçus
ni en témoignage, ni en jugement, Se que per-
fonne ne communiqueroic avec eux. En cette fentence
on découvrit à tout le peuple la vie corrompue
de Henri, comment il avoit abjuré au concile de
Pife toutes les héréfies qu’il prêchoit encore, fie comment
pour le délivrer S. Bernard avoit promis de le
recevoir moine à Clairvaux..
Saint Bernard fuivit Henri dans fa fuite, fie prêcha
dans les lieux qu’il avoit féduits. Il trouva quelques
gentilshommes obftinez, moins par erreur, que par
mauvaife volonté. Car ils haïifoient le clergé, Stpre-
noient plaifir aux railleries de Henri. Il fut tellement
cherché Sc pourfuivi, qu’à peine pouvoit-il
trouver un lieu de fûreté; fi1 enfin il fut pris, enchaîné
fit livré à l’étfêque; mais S. Bernard n’éroit
plus dans le pays. Il eût été befoin qu’il y fit un plus
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long féjour, pour déraciner tant d’erreurs : mais il A n. i 147,
avoit trop peu de fantépour fuffire à un fi grand travail
, & ne pouvoir quitter fi long-tems fes chers
freres de Clairvaux, qui par de fréquentes lettres le
preiToient de retourner.
A Touloufe il logeoit à faint Sernin, qui étoit un
monaftere de chanoines réguliers. Un d’eux, habile
rnedecin , étoit devenu paralitique ; Sc depuis fept
mois réduit aune telle extrémité, qu’il n’attendoit que
la mort de jour en jour. Il pria le faint abbé de permettre
qu’on le mît dans une chambre proche de fon logement,
fie il fallut fix hommes pour l’y porter. L’abbé
le yint voir t le malade lui fit fa confeiïion . fie le
pria inftamment de le guérir. L’abbé lui donna la bénédiction
; Sifortant de la chambre il dit enlui-mê-
me: Vous voyez, Seigneur,que ces gens-ci demandent
des miracles,, fie nous n’avancerons rien autrement.
Auifi-tôt le paralytique fe leva , courut après le
iaint, fit vint lui baifer les pieds, avec une dévotion
incroyable. Un de fes confrères l’ayant rencontré s’écria,
croyant voir un fantôme. Le bruit s’en étant répandu,
on accourut à cefpeébacle, l’évêque fit le légat
y vinrent des premiers. On alla à l’églife, le paralytique
marchant devant les autres, on chanta le TV
Deum. Le chanoine guéri fuivit S. Bernard à Clair- zpft. 24i;.
vaux ou il fe fit moine ; &c le faint homme le renvoya
depuis en fon pays où il fut abbé. S. Bernard à
fon retour écrivit aux Touloufains, pour les exhorter
à la perfeverance; Sc à pourfuivre fans relâche les
hérétiques, jufques à ce qu’ils les euffent entièrement
chaiTez du pays. Il leur recommande, comme il avoit.
fait de vive voix| de ne point recevoir de prédica*--
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